samedi, mai 31, 2008

Amnesty ou "Amnésie" International

Si vous vous attendiez à ce que le nouveau rapport -2008- de cette organisation évoque la problématique amazighe, vous serez certainement déçu. En effet, que ce soit dans le cas du Maroc, l’Algérie ou la Libye, il n’a jamais été question des Amazighs. Ne sont-ils pas des êtres humains pour mériter que l'on parle d'eux ?

En tous les cas, Amnesty est restée fidèle à elle-même. Elle nous a nullement surpris. Et c'est le moins qu'on puisse dire. Malgré les exactions massives dont les Amazighs sont victimes, même pas le plus simple des mots ne leur est consacré. Ce qui est quand même étrange pour une organisation qui prétend avoir le "monopole" de la défense des droits de l’homme.

En revanche, les militants du Polisario sont plus que célébrés et honorés. Et c’est vraiment le cas de le dire. Ce qui m’a fait tilt. En fait, pour avoir l’honneur de figurer dans les rapports d’Amnesty, il faut impérativement être un communiste stalinien. Sans cela, il ne faut pas y rêver.

Si les Amazighs veulent donc qu’on leur fasse le même traitement de faveur que celui des terroristes du Polisario, ils doivent embrasser massivement l’idéologie marxiste, et, le cas échéant, la mâtiner, l’exotisme oblige, avec une forte dose d’arabisme. Il faut croire que c’est le secret pour être bien vu par les gens d’Amnesty.

Le sectarisme du Makhzen n’a plus de limites

L’on se demande vraiment quand le ministère de l’Intérieur marocain va mettre le holà à son délire anti-amazigh. Il faut savoir qu’il a décrété, comme si de rien n’était, que le prénom « Ayyur » (lune en tamazight) porte atteinte aux bonnes mœurs. Je vois déjà certains lecteurs pouffer de rire en croyant que j’exagère. Qu’ils se renseignent, ils trouveront que j’ai tout à fait raison.

Or, il y a un point qui me turlupine au plus haut point, par quel moyen ces fascistes arabistes sont-ils arrivés à ce résultat pour le moins étonnant ? Dieu seul le sait. Quant à moi, je veux bien les croire, mais pourquoi « Kamar » (qui veut dire lune en arabe exactement comme « Ayyur » en tamazight) n’aurait-il pas le même sort ? Il faut savoir que les Marocains peuvent, librement, le donner à leurs enfants. Et ce, sans que cela dérange le moins du monde les gardiens hystériques du temple makhzenien. Deux poids deux mesures. C’est plus que cela malheureusement. Il s’agit d’une véritable guerre identitaire contre les autochtones amazighs.

Pendant qu’on est dans les bonnes mœurs, et si on suit rigoureusement la logique du régime, pourquoi n’interdit-il pas le prénom arabe Khnata – d’ailleurs à chaque fois je l’entends je suis plié de rire- dont le sens est à rapprocher d’ « akhna » (le derrière) ? Pourquoi ne pas interdire Abderzzak composé de « zzak » qui est une onomatopée pour désigner les flatulences ? A moins que seuls les seigneurs arabes, aux mœurs délicates et légères, soient seuls choqués d’entendre les prénoms amazighs qui ne leur plaisent pas.

Une question plus importante : pourquoi bon sang le Makhzen, qui n’est pas même capable d’offrir le minimum pour la majorité de la population, s’immisce-t-il dans leurs affaires familiales ? Si cette malédiction de régime fait autant de zèle pour interdire l’analphabétisme, l’ignorance, le terrorisme, la prostitution infantile et féminine, la corruption endémique, la médiocrité, le népotisme, la concussion et tant d’autres maladies sociales, la situation du Maroc serait améliorée. On serait même un dragon craint et respecté.

Plus grave encore, comment Ben Mansour, l’historiographe attitré du royaume, peut-il juger de la légalité de tel ou tel prénom alors qu’il ignore tout de la langue amazighe ? Si comme si les Chinois me proposaient de travailler dans leur État civil pour décider du sort de leurs prénoms. J’exagère peut-être, mais c’est exactement la même chose. Il est de notoriété publique que peu de gens au service du régime marocain parlent le tamazight. Il a toujours été allergique aux Amazighs attachés à leurs racines. Vous n’avez qu’à voir comment il se démène pour interdire leurs prénoms.

En fait, tout ce branle-bas de combat du Makhzen raciste à justifier l’injustifiable et à légaliser le sectarisme et le racisme montre sa grande peur à ce que les Amazighs renouent massivement avec leur identité. À force, tout le monde aura des prénoms amazigh. Pour ironiser un peu, il n’y aura plus, in fine, que des Makhzeniens racistes qui auront des prénoms arabes, c’est-à-dire étrangers. Parce que importés d’Arabie comme leur nom l’indique

vendredi, mai 30, 2008

Le Makhzen: " Je vous emmerde bande de sales Chleuhs"

Au lieu d’une télévision amazighe, qui ne verra peut-être jamais le jour, et même si elle le voit ce sera certainement pour diffuser en tamazight la fumeuse et ridicule propagande du Makhzen, voilà que l’on lance pompeusement une chaîne spécialisée dans les films. Probablement pour diffuser les médiocres films d’Égypte ou de Syrie. Une autre bénédiction pour les Arabes du Moyen Orient pour nous fourguer encore une fois leur camelote sans aucune valeur.

Car je suis plus que sûr que la production filmique arabo-marocaine ne dépasse pas quelques films produits, à la hussarde, grâce aux subventions extrêmement généreuses du régime. À moins que l’amazighophobe El Araichi, et fier de l’être, veuille bien programmer les films amazighs qui, il faut le dire et le reconnaître, sont les seuls qui sortent par dizaine chaque mois et qui se vendent comme des petits pains. Ne rêvez pas trop !

Après les nombreuses chaînes sectaires et inutiles déjà en service, parce que personne ne les regarde, sauf peut-être ceux qui y travaillent et encore, voilà le régime qui montre une fois de plus qu’il fait peu de cas des Amazighes et de leurs revendications. En fait, avec cette nouvelle chaîne (une autre chaîne parlementaire est en cours de réalisation), le Makhzen nous dit tout simplement et franchement le fond de sa pensée que l’on peut résumer ainsi : « Je vous emmerde bande de sales Chleuhs

La guerre des légitimités a-t-elle commencé ?

Nul ne peut contester que les Amazighs sont le seul peuple autochtone d’Afrique du Nord, tellement que c’est une évidence. Leur présence sur cette région du monde est plus que normale, naturelle. Mais les dictatures impérialistes en place ne veulent aucunement accepter cette réalité. Il faut savoir qu’elles les perçoivent comme de terribles menaces qu’il faut systématiquement réprimer et, même parfois, liquider. En fait, ces régimes arabistes extrémistes, qui ont fait de l’arbitraire une manière d’être, peuvent se crêper le chignon indéfiniment, mais ils s’entendront toujours sur une seule et unique chose : la haine de l’Amazigh et de sa culture.

Bienvenue au Polisario

Le cas de l’Algérie est là pour étayer nos dires. Celui-là même qui n’a de cesse de crier sur tous les toits qu’elle défend les peuples « opprimés » -surtout s’ils sont arabes, c’est même la condition sine qua non. Il s’est même autoproclamé, sans pudeur aucune, le champion du monde toute catégorie de cette noble cause. D’ailleurs, il ne lésine jamais sur les moyens pour cultiver une telle image. Pire, il va jusqu’à brader ses propres richesses nationales et même s’engager dans de conflits sans fin. J’en veux pour preuve son soutien, absolument unique dans les annales de l’histoire politique, qu’il apporte encore et toujours au Polisario. Un mouvement de terroristes staliniens d’un autre âge qui, sans l’apport de leur mentor algérien, n’auraient pas tenu un seul jour.

En fait, la junte militaire d’Alger est capable de tout lorsqu’il est question de leurs poulains du Polisario. Pour les besoins de leur propagande, il est certain qu’elle peut leur proposer, carrément, de se réunir dans la chambre à coucher du président. D’ailleurs, pas plus qu’il y a quelques semaines, elle a payé le prix fort, les immenses dividendes du pétrole aidant, pour faire venir de toute l’Europe plus de deux mille personnes- de préférence blondes. Et ce, pour organiser une petite manifestation de quelques heures pour soutenir le Polisario à Tindouf, au fin fond du désert algérien. C’est vous dire.

Out les Amazighs

Mais lorsqu’il s’agit des Amazighs qui ne demandent rien que de se réunir sur leur propre terre, là, le même régime se cabre. Il s’enferme même dans un silence olympien. Et refuse catégoriquement de communiquer. Le Congrès mondial amazigh (CMA) en a fait les frais. Cela fait plusieurs mois que cette organisation panamazighe on ne peut plus dynamique fait vainement le pied de grue pour avoir une petite et simple autorisation administrative. Et ce, pour tenir ses assises en Kabylie, une région dont les immenses sacrifices n’ont, hélas, permis qu’aux amazighophobes de tout poil de se faire introniser à vie. Pour ensuite se permettre le luxe du haut de leur débile et futile mégalomanie, de la narguer, la mépriser, l’étouffer, la martyriser…

D’aucuns s’attendaient à des bâtons dans les roues de la part du régime raciste d’Alger, mais pas à un tel niveau de puérilité. En tous les cas, il n’a rien à envier à son jumeau makhzenien de Rabat dont le tout puissant ministère de l’Intérieur a organisé, dernièrement, les chiffres (???) à l’appui, une grande conférence de presse avec une mise en scène absolument pathétique, pour justifier l’interdiction -qu’il sait plus qu’intenable- des prénoms amazighs. Explication donnée : ils ne sont pas marocains- autrement dit, ils ne sont pas arabes- et ils portent même atteinte à la pudeur et à la bonne moralité. Qu’en dire ? Heureusement que la bêtise ne tue pas, sinon, elle aurait emporté tous ces fascistes hystériques. Vraiment dommage !

Le sanguinaire de Tripoli, le tristement célèbre Kaddafi n’est pas en reste. Peut-il en être autrement ? Il y a juste une semaine, excentrique comme toujours, il est venu en personne à Nefoussa, une région libyenne habitée par les populations amazighes pour faire un discours fleuve, c’est-à-dire sans queue ni tête. Le maître mot de son délire habituel, qui ne convainc que lui et encore, était d’affirmer, pêle-mêle, que les origines des Amazighs sont inconnues et que les Occidentaux sont les leurs ennemis en promettant, au passage, l’enfer à ceux qui se revendiquent amazighs. Mais puisque le colonel Kaddafi, aux théories plus que fumeuses, est si sûr de ses origines arabes pourquoi ne retourne-t-il pas chez lui, en Arabie heureuse, et laisse les Amazighs vivre tranquillement comme ils l’entendent, chez eux ? Il ne peut pas imaginer le service qu’il va leur rendre.

La loi de la brute

Il faut se rendre à l’évidence et ne surtout pas sous-estimer ce fait : sourde auparavant, une guerre ouverte est désormais enclenchée entre deux légitimités complètement antinomiques. Si les Amazighs (malgré leur grande faiblesse parce que colonisés et terrorisés) n’ont rien à prouver et encore moins rien à imposer, les régimes exogènes d’Afrique du Nord et leurs relais, et c’est facilement constatable, usent et abusent toutes sortes de violences symboliques et directes. Et ce, pour faire taire, en vain d’ailleurs, la voix contestataire amazighe.

Mais ce qu’ils ne savent pas, c’est qu’en procédant ainsi, ils montrent au monde entier qu’il y a anguille sous roche : leur légitimité ne tient qu’un fil. En d’autres termes, elle est extrêmement fragile, un vrai château de carte. Au moindre petit coup de vent, c’en est fini d’elle. D’où l’horripilation extrême dont ils font montre à chaque fois qu’il s’agit des Amazighs. Rappelons-leur, pour finir, cette mémorable phrase de Jean-Peaul Sartre : « La violence, sous quelque forme qu'elle se manifeste, est un échec ». Que la lutte continue !

mercredi, mai 28, 2008

Maroc: la répression des étudiants amazighs continue

Des étudiants amazighs (Hilali Oualid, Echarqaoui Mohamed, Maskour Hamid et El Amimi Jamal) ont encore été arrêtés le mercredi 21 mai 2006 à Imtgheren, dans le Sud-Est du Maroc.

Dans un communiqué diffusé via Internet, ils ont expliqué qu’ils marchaient, tranquillement, en dehors de la cité universitaire lorsque la police marocaine leur est tombée dessus sans aucune raison.

Emmenés de force à la brigade la plus proche, ils ont subi toutes sortes d’humiliations pour enfin être obligés de signer un procès verbal dont ils n’ont eu jamais connaissance.

Emprisonnés par la suite, ces étudiants clament leur innocence et en appellent à l’aide de toutes les associations de droits de l’homme et à tous les démocrates pour qu’ils soient relâchés.

D’autres étudiants amazighs croupissent déjà en prison d’Imgheren depuis plusieurs mois déjà. Ils ont été arrêtés après les violences provoquées par les tenants du nationalisme arabe, dont l’influence au sein de l’université se réduit comme peau de chagrin. En raison, principalement, du mouvement contestataire amazigh qui séduit de plus en plus d’adeptes.

mardi, mai 27, 2008

Le PDAM s'entretient avec la presse

Le jeudi le 29 mai 2008 aura lieu une conférence de presse au siège du journal Le Monde amazigh, à Rabat, rue Dakar.

Elle sera l’occasion pour la délégation du PDAM qui a été en Espagne de faire la lumière sur ce voyage.

Seront présents MM. le secrétaire général du PDAM Ahmed Adgherni, le vice-président du Congrès mondial amazigh Rachid Raha, le représentant des Touarègues au Maroc El Yazid Amazigh et un délégué du groupe parlementaire espagnol.

lundi, mai 26, 2008

Rekia Talbensirt: "j'ai chanté plus de 400 chansons"

Peu de gens peuvent prétendre qu’ils ne connaissent pas Rekia Talbensirt (Demsiriya). Et pour cause. Cette grande diva a marqué de son style, de sa voix et de sa présence l’évolution de la chanson « tarrayst » ses 40 dernières années. Khadija Bouâchrine, encore elle, l’a inteviewée pour notre grand plaisir. Ça a donné cet échange -que j’ai traduit en français- pas toujours réjouissant. Il faut dire que la vie de Talbensirt n’a pas été toujours rose. Et c’est vraiment le cas de le dire.

Cela fait plus de 40 ans que vous avez commencé votre carrière de chanteuse professionnelle, quel bilan faites-vous de ce très long parcours ? (Elle sourit).

Pour parler franchement, je n’ai jamais pensé à toutes les années que j’ai passées sur la scène musicale amazighe et a fortiori en faire le bilan. Parce que je me considère toujours comme une débutante. C’est peut-être cela le secret de mon succès, ma constance et ma longévité. Par ailleurs, je me rappellerais toujours mes débuts avec leurs bons et leurs mauvais souvenirs. Je suis l’une des artistes qui a le plus souffert en raison de ma grande passion pour la chanson. Mais mes sacrifices n’ont pas été vains. Jusqu’à maintenant, j’ai à mon actif pas moins de 400 chansons.

Quels sont les poètes qui vous ont le plus influencé ?

Tout d’abord, je préfère les appeler non pas des poètes mais tout simplement des rways. Pour ce qui me concerne, il faut savoir que j’ai grandi dans un milieu rural. Il va sans dire que son influence sur ma formation et mes goûts a été pour le moins déterminante. Il en va de même des rways auprès de qui j’ai énormément appris. D’ailleurs, je vais en citer feu Mohamed Albensir et Zahra Talbensirt entre autres. Mais je tiens quand même à préciser que j’ai été toujours fascinée par la poésie des grands maîtres : Lhaj Belâid, Boubakr Anchad et tant d’autres. L’une de mes premières chansons a été justement un petit hommage et une marque de reconnaissance vis-à-vis de tous ces immenses rways.

Vos rapports avec feu Mohamed Albensir n’étaient pas toujours au beau fixe, qu’elles en sont les raisons ?

Rassurez-vous, je ne ressens aucune animosité envers cet homme. Bien plus, je n’ai pour lui que respect et déférence. Je n’oublierais jamais l’aide qu’il m’a apportée à mes débuts. Tout ce qu’il y a, c’est qu’un jour il a commis un impair envers moi. Il a composé une chanson, interprétée par Fatim Tihihit meqqourn lors de l’une de leurs tournées en France, où il a été extrêmement critique envers moi. Même s’il n’a jamais revendiqué la paternité de cette chanson, je sais que c’était de lui. Connaissant très bien son style, il ne peut s’agir que de lui. Se rendant compte après coup de tout le mal qu’il m’a fait, il a essayé de se faire excuser. Il a donc décidé de m’écrire une autre chanson où, cette fois-ci, il s’en prenait à Tihihit. Ce que bien sûr j’ai refusé. Car juste après, j’en ai écrit une moi-même : je les ai attaqués, violemment, lui et Tihihit. Mais notre antagonisme n’a pas duré longtemps, puisque nous nous sommes réconciliés juste quelque temps après, grâce aux bons offices d’amis rways.

Et qu’en est-il de vos relations avec Fatim Tihihit meqqourn ?

Tout ce qui se dit à notre propos n’est que rumeur et racontar. À vrai dire, j’ai toujours un immense respect pour cette grande dame. D’ailleurs, j’ai énormément pleuré lorsqu’elle a décidé de se marier et de se retirer. En fait, l’émulation qui avait entre nous deux a été, à certains égards, extrêmement positive. Elle nous a poussées à se surpasser. Pour le plus grand bien de la chanson amazighe.

Est-t-il obligatoire de faire ses classes dans l’ahwach avant de prétendre faire carrière dans la chanson des rways ?

Absolument. Pour exceller dans la musique amazighe, il faut impérativement passer par la case ahwach. C’est une école très formatrice qui permet aux femmes de maîtriser non seulement l’art de la composition poétique, mais aussi la rythmique chorégraphique, plus qu’essentiels dans le métier de chanteuse.

Un événement qui s’est passé dans une danse d’ahwach a été décisif dans votre vie, pouvez-vous en parler ?

En effet, même si cela remonte à très loin, je me le rappelle comme si c’était hier. Dans une joute poétique fort célèbre, j’ai pu tenir tête aux danseurs qui critiquaient les danseuses. En fait, j’ai eu pour la première fois l’occasion de donner libre court à tout mon savoir-faire et mon talent poétiques. Ce jour-là, c’était mon petit jour de gloire. Carrément séduits, beaucoup de spectateurs sont venus me féliciter juste après. Depuis, tout le monde m’appelait « tarrayst».

Est-t-il vrai que votre père s’est beaucoup opposé à votre passion ?

Mon père était très attaché aux valeurs religieuses et traditionnelles. Ayant perdu ma mère alors que je n’avais que quatre ans, il s’est donc remarié. Mais sa nouvelle femme a été une vraie sadique. Elle a massacré littéralement mon enfance. Dans le sens elle a toujours fait preuve d’un grand esprit imaginatif pour me torturer et me faire souffrir. Elle me faisait les travaux les plus difficiles. Pire, elle m’empêchait d’aller dans les soirées d’ahwach et les fêtes qui sont organisées dans notre région. Mon père, qui était tout ouïe pour son épouse, en rajoutait en m’enfermant carrément à la maison. Mais, en prenant du recul vis-à-vis de cette période de ma vie, d’une manière indirecte, mon père m’a en fait encouragé à passer outre toutes les barrières culturelles et sociales. Car je faisais tout ce qui était en mon pouvoir pour m’échapper et aller exprimer ma passion dans les fêtes d’ahwach. Voyant qu’il ne servait strictement à rien de m’entraver, il m’a laissé faire.

Saviez-vous que votre passion allait vous séparer d’avec votre père, vos enfants et toute votre famille ?

Je ne savais pas du tout qu’elle en serait ainsi. Je me suis mariée deux fois. Avec le premier mari, je n’avais pas eu d’enfant, car j’étais extrêmement jeune. Je n’avais même pas 12 ans. Avec le second, j’ai eu deux filles et un garçon, mais la nature de mon travail m’empêche de les voir souvent. Eux, ils habitent à Casablanca et moi, je suis à Dcheira, dans le Souss. Ils me manquent terriblement. Je souffre énormément de ne pas les voir le plus souvent. Heureusement que la poésie existe, car elle m’est d’un grand secours. Elle apaise mes peines et mes chagrins.

Pouvez-nous parler de votre fameuse chanson, tudert (la vie) ?

Cette chanson est un concentré de tous les malheurs et les détresses que j’ai tant endurés. J’aurais pu facilement basculer dans une vie dissolue ou la débauche, mais j’ai décidé de devenir une tarraysat respectée et respectable à force de volonté et de travail. Pour vous parler sincèrement, à chaque fois que je veux interpréter cette chanson, les larmes et l’émotion m’en empêchent. Tellement que c’est dur. C’est vous dire.

Votre mère a une grande place dans votre poésie, pouvez-vous nous parler ?
Ma défunte mère a une grande présence dans ma poésie. Elle m’a inspiré beaucoup de belles choses. Même si elle n’était pas avec moi, elle m’a appris énormément. J’ai aussi parlé de ma belle-mère qui a été la raison d’une grande partie de mes souffrances.

Vous n’avez pas non plus ménagé votre premier mari…

En fait, ma poésie révèle des pans entiers de ma vie. J’ai beaucoup évoqué mon premier mariage. D’ailleurs, j’en ai parlé ainsi :

Pourquoi me marie-t-on à quelqu’un je ne connais même pas ?
Je n’ai jamais supporté notre vie commune
Mon cœur ne l’a jamais aimé
J’ai prié Dieu pour qu’il fasse que l’on se sépare
J’ai préféré quitter le domicile conjugal sans connaître le chemin
Je me suis rappelé les propos du fquih
La femme n’avait pas le droit de voyager toute seule
Mais Dieu est miséricordieux et je ne discute pas ses décisions
Depuis longtemps, je ne sais à quel saint me vouer
J’étais comme un agneau, d’aucuns me lorgnaient
Ils aiguisaient leurs poignards pour m’égorger
Mais grâce à ma volonté et à Dieu, je suis sauvée
Aucun mal ne m’a jamais atteint

Que pouvez-nous dire sur les rways qui vous ont appris le métier ?

Avant de rejoindre la troupe de Abdellah Ben Driss, originaire d’Ounzoud, non loin de Marrakech, mais installé à Casablanca, j’ai fait mes débuts dans le groupe de Khadouj Tawrikt. J’ai acquis beaucoup de connaissances en côtoyant ces artistes. Une fois que j’ai senti que je pouvais voler de mes propres ailes, j’ai enregistré ma première cassette en 1967. Elle a été vendue comme des petits pains tellement le public l’appréciait. Ainsi, beaucoup de rways m’ont demandé de les rejoindre même s’ils étaient très réticents, le poids des traditions expliquant cela, à ce qu’une femme fasse partie de leurs orchestres respectifs.

Que vous a appris Hmad Bizmaouen ?

Beaucoup de choses. Notamment, la manière de faire de la poésie et comment traiter les sujets via le duo que nous avons formé plus d’une fois.

Quelle direction avez-vous suivie après la constitution de votre propre groupe ?

J’ai fait beaucoup d’efforts dans la création poétique et dans la recherche musicale. Pour preuve, mon groupe est actuellement parmi les meilleurs dans tout le Maroc.

Avez-vous un procédé particulier pour composer vos chansons ?

J’enregistre les paroles sur une petite radio-cassette. Je les réécoute plusieurs fois de suite pour bien les mémoriser. Mais, parfois lorsque je suis sur scène, ma longue expérience aidant, j’improvise le plus simplement du monde.

Vous avez beaucoup traité les problèmes sociaux, mais vous avez toujours évité de parler de la politique, pour quelle raison ?

Les problèmes sociaux me sont plus familiers alors que la politique, pour être tout à fait sincère, je n’y comprends pas grand-chose. C’est aussi simple que cela.

Est-il vrai que la chanson « lbaz », composée par feu Mohamed Albensir, a été la raison de votre célébrité ?

Je reconnais qu’elle y a grandement participé. En tous les cas, Albensir ne m’a pas écrit que cette chanson. Elle m’en a offert plusieurs que mon public n’a de cesse d’apprécier et de demander, à chaque fois que je me produis quelque part.


Pour la voir et l’écouter :

dimanche, mai 25, 2008

Les prénoms amazighs : Al-Jazeera ridiculise le régime de Rabat

C’est une évidence, Al-Jazeera fait presque systématiquement dans l’arabisme le plus extrémiste et le plus sectaire, mais parfois, dans l’un de ses moments de faiblesse probablement, cette chaîne peut surprendre et faire son travail, à savoir le journalisme. Le plus simplement du monde. Sans aucun a priori idéologique.

Il y a quelques jours, le régime raciste de Rabat a nié catégoriquement, par la voie de son ministre de l’Intérieur, celui-là même qui avait trouvé tout à fait normal la dissolution du seul parti amazigh au Maroc, l’existence d’une quelconque interdiction des prénoms amazighs. Et pourtant, ce n’est pas, hélas, les cas qui manquent. Il y en a à la pelle. Dans toutes les régions du Maroc.

Mais voilà qu’Al-Jazeera dit le contraire et se permet même le luxe de lui damer le pion. Mais ce qui est extraordinaire, c’est le fonctionnaire du ministre de l’Intérieur- il intervient à un moment dans le reportage- qui s’entête à dire que son régime n’a aucun problème avec le tamazight et les Amazighs. À d’autres cher ami !

Pire, il affirme même que son département a interdit 75 prénoms dont juste un tiers est amazigh. Un tiers dites vous ? Ne pensez-vous pas que ce n'est plus qu’un petit problème, mais carrément un gros problème, un vrai scandale ? Mais à qui le dire ? À des racistes sans aucune conscience !

Mbark Ayssar est de retour

Mbark Ayssar est un immense artiste. Que dire, une icône de la chanson amazighe. Après une longue et terrible maladie, il revient pour notre plus grand plaisir. La journaliste Khadija Bouâcrhine a eu l’intelligence et l’amabilité d’aller le voir et s’entretenir avec lui. Qu’elle en soit infiniment remerciée. Voilà le résultat de leur échange, traduit en français par mes soins. À lire et à relire.


Vous vous rappelez encore vos débuts dans le monde de la musique ?

Bien évidemment. Malgré mes problèmes de santé chroniques, je me souviens encore de tout et en détail. Je n’avais même pas encore 12 ans lorsque j’ai découvert tout l’amour que j’avais pour la musique. Et parallèlement à mon apprentissage assidu du Coran dans la mosquée, je m’évertuais à apprendre à jouer le « ribab ». D’ailleurs, parmi mes premiers maîtres dans ce domaine que je n’oublierais jamais, Mohamed Outassourt. En fait, j’ai été un brillant élève. J’ai appris extrêmement vite.

Est-ce que vous avez encore votre premier ribab?

Oui. Je l’ai toujours, car il est exceptionnel. Il ne me rappelle que de bons souvenirs. Je l’ai acheté à l’époque à un prix dérisoire. Mais maintenant, il coûte extrêmement cher. Car il est très bien fabriqué. D’ailleurs, de pour de trop l’user, j’en ai acheté un autre.

Vous étiez paralysé pendant plus de deux ans, pouvez-vous nous dire comment avez-vous vécu votre incapacité à jouer vote instrument fétiche ?

Extrêmement durement. Ma maladie m’a beaucoup ébranlé, psychologiquement parlant. Il va sans dire que jouer le ribab est pour moi est une activité plus que vitale. C’est comme de la nourriture. En fait, j’étais comme un exilé. Car, j’avais trop l’habitude de manier quotidiennement mon instrument. D’ailleurs, pendant ma maladie, j’aurais aimé que mes collègues artistes viennent me rendre visite, pour alléger un peu mes souffrances, mais une bonne partie d’entre eux m’ont tout simplement oublié. Le seul qui était régulier dans ses visites est mon grand ami Mohamed El-Khatabi, le président de la section régionale du syndicat des musiciens à Agadir. Avec le temps, grâce à ma volonté et à ma patience, je m’en remettais de plus en plus. ET malgré ma grande faiblesse physique, j’ai commencé à tenir mon ribab, et même à en jouer.

Que faut-il pour jouer au ribab ?

Le ribab est un instrument essentiel et central chez les rways. Pas tout le monde peut en jouer. Car pour le faire, il faut beaucoup d’efforts. D’autant plus que physiquement, il faut impérativement être en grande forme. En fait, le secret du ribab se trouve dans les doigts du musicien. Il faut savoir que, à chaque fois, que j’en joue une force incroyable sort de mes doigts. En plus, convenons-en, si ce n’était pas ce même ribab, je ne pense que vous serez venu me voir.

Quels sont les autres instruments des rways ?

Le naqqus, le lotar, le tam-tam. Les nouveaux rways utilisent même le derbouka .

Vous avez travaillé avec beaucoup de chanteuses, quel gendre de rapports entretenez-vous avec elles ?

Tout d’abord, je tiens à dire que je suis l’un des rares rways à encourager la femme soussie à embrasser la musique. D’ailleurs, bon nombre d’entre elles ont fait leur classe dans mon groupe. Si quelques-unes ont préféré se retirer purement et simplement, d’autres ont passé outre toutes les interdictions et ont fondé leurs propres formations musicales.

Avez-vous déjà chanté en duo (tanddamt) avec une chanteuse ?

Bien sûr. D’ailleurs, mon expérience avec Fatima Tamouzount, qui a mis fin à sa carrière musicale, est de loin la meilleure.

Qu’en est-il de votre père, est-il lui aussi porté sur la musique ?

Mon père était un simple agriculteur. Mais il ne s’est jamais opposé avec à mes choix professionnels. Bien au contraire, il m’a toujours souhaité tout le succès du monde.

Combien de chansons avez-vous écrit et interprété?

Énormément. Mais je serais incapable de vous dire le chiffre. En tous les cas, pour moi, un professionnel est quelqu’un qui sait très bien jouer le ribab et qui traite un certain nombre de sujets dans ses chansons.

Quelles sont les caractéristiques de la danse des rways ?

La danse amazighe du Souss se base sur le mouvement saccadé des épaules et des pieds. Si le premier est « tighirt », le second est « abrdakka ». Le bon danseur, à mon point de vue, est celui qui arrive à combiner parfaitement bien les deux. Pour la fin du spectacle, il faut danser « tamssust ». C’est une forme de conclusion. Mais il vaut mieux être en forme, car c’est une danse qui exige une très grande rapidité.

Parlez-nous de votre première chanson…

Elle s’intitule : ifulki gh ass ad, iàdl, immim w awal. En fait, tout au long de ma vie d’artiste, j’ai enregistré plus de 100 cassettes.

Comment travaillez-vous vos chansons ?

Comme vous le savez, je suis malheureusement non-voyant. J’enregistre systématiquement les paroles sur une petite radio-cassette. Par la suite, je les réécoute, plusieurs fois, avant de leur trouver le rythme le plus adéquat avec mon ribab.

Avez-vous du nouveau ?

En effet. Je prépare actuellement un nouvel album. J’espère qu’il va beaucoup plaire au public.

Les rways ont un habit spécifique, pouvez-vous nous en parler ?

Les hommes enfilent le « tajllabit » traditionnel, un turban blanc ou jaune, « acherqaui » et même, parfois, une calotte aux couleurs vives. Quant aux pieds, ils leur mettent les babouches, « idukan ». Sans oublier le fameux poignard, « lkummiyt », qu’ils pendent de leur cou grâce à une épaisse cordelière appelée « tuggas ».

Pour quelle raison ne travaillez-vous plus avec les chanteuses ?

Parce qu’elles demandent des cachets importants. En tous les cas, pour l’instant, je préfère travailler avec les hommes.

Combien demandez-vous pour animer les fêtes et les mariages ?

Avant c’était 10.000 dh. Mais maintenant je ne demande plus que 5000 dh. Comme vous pouvez le remarquer, la rétribution des chanteurs est devenue, hélas, insignifiante. En raison de la concurrence. Il faut savoir que tout le monde veut chanter…

Insinuez-vous que de la chanson amazighe a beaucoup perdu de son prestige d’antan ?

Incontestablement. La chanson actuelle a beaucoup perdu par rapport à celle des grands maîtres. J’espère de tout cœur que toutes les bonnes volontés vont remédier, le plus tôt possible, à cette situation indigne.

Quels sont les rways qui vous ont influencé ?

J’ai fait connaissance en 1967 avec plusieurs grands artistes. Je vais en citer Houssaïn Boulhaoua ou Belkacem, Ahmed Amentag, Abdellah Oudid et Brahim Achtouk. En fait, j’ai énormément appris auprès d’eux à une époque où j’étais encore à la recherche de ma propre voie. Ensuite, je me suis installé à Marrakech où j’ai eu l’occasion de rencontrer d’autres grands chanteurs amazighs : feu Omar Ouahrouch et Brahim Outassourt entre autres. Nous avons travaillé ensemble pendant des années jusqu’à ce je décide de former mon propre groupe. Et dont la composition est ainsi : Moulay Hmad Ihihi, Bizmaouen, Ahmed Bounnit, Houssaïn Boulhaoua et Tayeb Ouchâib.

Des connaisseurs comparent vos chansons à celles des grands maîtres, qu’est-ce que vous en pensez ?

En effet. Beaucoup de gens m’ont dit que mes chansons leur rappellent étrangement celles de Boubakr Anchad. Et pourtant, je n’ai jamais connu et encore moins rencontré cet homme. À part, ces chansons qui, il faut vraiment le reconnaître, sont terriblement magnifiques.

Pour quelle raison l'influence d'ahwach sur votre musique est négligeable pour ne pas dire inexistante ?

Les rythmes que j’utilise me sont inspirés par l’héritage musical de ma région d’origine, Ihahan. Pour tout vous dire, j’ai tout fait pour ne pas être influencé par ahwach, de quelque manière que ce fût. Ainsi, toutes mes compositions sont on ne peut plus personnelles. D’ailleurs, tout au long de ma carrière, je me suis fait un point d’honneur de ne jamais reprendre les chansons des grands maîtres comme Lhaj Belâid et Boubak Azâri.

Pays Touarègue : le secrétaire général de l’ONU inquiet

M. Ban Ki-moon n’a pas caché son inquiétude concernant la tournure dramatique qu’ont pris les événements dans le Nord du Mali.

Et ce, après la reprise des hostilités entre les forces armées maliennes et les guérilleros touarègues.

Un communiqué émis par le bureau de presse du secrétaire général de l’ONU insiste sur l’urgence de trouver une solution, le plus rapidement possible, entre les deux belligérants.

Ainsi, le numéro un de l’ONU a décidé de dépêcher son envoyé spécial pour s’enquérir sur place sur la situation et voir comment arriver à régler le conflit.

Ce qui tombe à point nommé, car les Touarègues ont toujours exigé la présence de l’ONU dans toute future négociation entre eux, le Mali et le Niger.

Mais l’Algérie et la Libye ont toujours refusé de peur d’une internationalisation éventuelle du problème. Et pour cause. Les Touarègues occupent une grande partie du territoire de ces deux pays.

samedi, mai 24, 2008

Les oubliés de Meknès

Après une grève de la faim qui a duré plus de 20 jours, les prisonniers politiques amazighs de Meknès voient, une fois de plus, leur procès reporté jusqu’au 3 juillet 2008.

Or, ils avaient bel et bien reçu la promesse d’en finir une fois pour toute. Mais c’est mal connaître le système judiciaire marocain. En fait, il ne jamais lui faire aucune confiance.

Après cette énième mise en scène pour le moins ridicule, les étudiants prisonniers avaient protesté vigoureusement. Ce qui a eu le mérite d’énerver au plus haut point les forces du Makhzen. Résultat : ils étaient brutalisés et torturés, sans aucun ménagement, au sein même du tribunal.

Décidément, le Makhzen ne changera probablement jamais.

vendredi, mai 23, 2008

Feu Janti: un géant génial tombé dans l'oubli

Janti vous dit-il quelque chose ? Si c’est non, c’est que probablement vous n’êtes pas d’Achtouken (sourire) ou que vous n’êtes pas très au fait de la chanson des rways et des maîtres qui l’ont marquée. À jamais. Pour l’éternité. Il faut savoir qu’Achtouken ont déjà donné à ce type traditionnel de musique amazighe trois grandes figures, toutes décédées maintenant : Janti bien évidemment, Anchad et Said Achtouk.

Si tout le monde connaît peu ou prou ces les deux derniers, les reprises de leurs chansons par les groupes modernes expliquant cela, feu Houssaïn Janti est hélas peu connu. Et pour cause. Il n’a jamais enregistré et n’a jamais été enregistré, même clandestinement, comme c’était le cas avec feu Saïd Achtouk.

En tous les cas, comme tant de grands artistes amazighs et non des moindres, Janti n’a jamais voulu immortaliser ses chansons. Même si on lui a proposé, ce qui est tout à fait normal, des sommes faramineuses pour son époque.

Mais qui est donc ce fameux Janti ? Houssaïn ou Abdellah Boumalk, de son vrai nom, est né vers le début du siècle passé à Imzilen (ce qui veut dire forgerons en tamazight), à quelque encablures du chef-lieu d’Achtouken, Biougra.

Comme tous les Soussis de son époque, même si ça n’a pas vraiment changé depuis, il a émigré, avec son frère Mbark, en raison de la misère endémique et surtout la dictature du tristement célèbre caïd Haïda Ou Mmiss. Une vraie terreur qui sévissait dans tout le Souss et même ailleurs.

Installé à Rabat, notre chanteur s’est trouvé un travail de commis de maison chez une Française, qui, en raison de son amabilité à toute épreuve, l’a appelé « le gentil ». Avec l’accent propre aux Amazighs, cela a donné Janti. Un surnom qui ne le quitterait presque jamais. Bien plus, il l’a même légué à ses descendants.

Très sensible à l’injustice dont sont victimes les siens, il n’a pas hésité à la combattre avec les seules armes en sa possession : sa poésie et son violon. Mal lui en a pris. Car les autorités françaises de l’époque, au faîte de leur gloire, le voyaient d’un très mauvais œil. Pour le museler, il a ainsi été arrêté et même emprisonné plusieurs fois à Casablanca, Tiznit et Agadir.

Incontestablement, Janti était un éternel écorché vif, un vrai rebelle et un pourfendeur invétéré de toutes les tyrannies. D’ailleurs, juste après la fin du protectorat, il n’a pas hésité à brocarder, courageusement, le Makhzen et ses relais locaux dont les méthodes répressives n’ont rien à envier à celles des colons français.

Pis, elles se sont même empirées. Surtout envers les pauvres populations amazighes qui ont payé, précisons-le, le plus lourd tribut dans la lutte contre le colonialisme franco-espagnol.

À ce propos, pour comparer les deux époques d’avant et d’après l’indépendance plus que jamais formelle, il a eu cette formule on ne peut plus célèbre : « La faucille est toujours la même, c’est seulement la main qui lui a été changée ».

Autrement dit, il ne faut pas rêver de lendemains meilleurs. La liberté et la justice, pour lesquelles beaucoup de patriotes ont donné leur vie, sont devenues des vœux pieux. À franchement parler, à voir la situation actuelle du Maroc, il a vu on ne peut plus juste.

Malgré les intimidations des autorités locales, il restera toujours fidèle à l’image qui a toujours fait sa réputation jusqu’à sa mort, le 20 septembre 1957, à l’hôpital d’Agadir.

Même si la grandeur de l’homme est indiscutable, pour au moins se rappeler son bon souvenir, il est désespérant de voir qu’aucun établissement public, aucun boulevard, aucune place, aucune rue, etc. ne portent son nom dans le Souss. Et a frotiori dans le reste du pays. C’est vous dire à quel point le Maroc méprise ses meilleurs enfants.

Pour écouter l'une de ses chansons reprise par un autre chanteur, vous n'avez qu'à cliquer sur ce lien:

http://www.rabatzik.com/modules/amazigh/janti/Raiss-Janti.html

Les paroles sont ainsi:

Iggig

A bislmillah a narm awal ini sul as nessen
Ad angh ur jlun, ur k ufigh ma yyi k immaln
A tawrut tjla la
h imksawen yuru uccen
Icca ak izammaren, yurri ar inqqa tatten
Ur nessn is igumml neghd is ira ya tent ikmmel
Ittut iggig, iriz w asif, aman mxwiden
A man aàwwam izdarn a izray imuslmen
A xwlan uggugen, freghen isura, là
h ixummasen
Sul a gwma bab w urti i
ttaf ukan arraten
A gguten imkkusa kiwan usin l
heqq nes
A mmaghen ighrdayen f taffat kiwan inna tinu
Mra is
hadern imucca ra tili lunast
Igh inder izm, iksu
den iràman ur a sawalen

Adgherni : le PDAM est invité par d'autres groupes parlementaires européens

À son retour d’Espagne, Me Adgherni a dévoilé à Tamazgha Presse que la rencontre de la délégation du parti amazigh démocratique (PDAM), à Madrid, le mardi 20 mai 2008, avec les groupes parlementaires espagnols, dont le parti au pouvoir, a été l’occasion de discuter plusieurs points.

Entre autres la question de la dissolution du parti amazigh par le ministère de l’Intérieur, la Constitution du royaume et la fameuse loi sur les partis politiques, promulguée le 26 février 2006.

Une loi qui est, selon l’expression même de Me Adgherni, en contradiction flagrante avec ce qui a cours dans les pays européens, qui, démocratiques qu’ils sont, croient dans la diversité et le droit à la différence.

Me Adgherni a ajouté que cette invitation espagnole à Madrid est venue après la participation remarquée du PDAM au colloque organisé par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

À l’en croire, c’est une preuve indiscutable de la reconnaissance internationale dont jouit le Parti amazigh démocratique. D’ailleurs, tient-ils à souligner, le PDAM est la première formation politique marocaine à avoir le privilège de s’entretenir avec tous les groupes parlementaires espagnols.

Bien plus, toujours selon Adgherni, d’autres groupes parlementaires européens vont incessamment inviter le parti amazigh pour expliquer ses démêlées avec la justice marocaine et faire connaître, dans le même temps, les tenants et les aboutissants de l’épineuse question amazighe.

L’intérêt soudain des Européens pour le peuple amazigh, explique le secrétaire général du PDAM, vient du fait que sa civilisation est toujours caractérisée par la tolérance et l’ouverture sur l’autre. Ce qui ne peut qu’aider à consolider la paix sur le flanc Sud de la Méditerranée qui a vu, ces dernières années, l’apparition du terrorisme et des mouvements racistes au Moyen Orient.

À signaler que la délégation du Parti amazigh est composée, en plus d’Adgherni, de Rachid Raha, vice-président du Congrès mondial amazigh et de plusieurs représentants des associations amazigho-espagnoles.

jeudi, mai 22, 2008

Bienvenue à "AgadirWood"

Un autre festival du film amazigh ! Ce n’est certainement pas qui vais m’en plaindre. En tous les cas, la capitale et la perle du Souss, Agadir, mérite bien cet honneur. Il faut savoir que cette région on ne peut plus amazighe a une longueur d’avance concernant le cinéma et la production audiovisuelle.

C’est même un modèle qui fait des jaloux. Beaucoup de jaloux même. Il faut dire que les Soussis ne font pas les choses à moitié. En quelques années, ils ont produit pas moins de 500 films. Sans aucune subvention publique et sans l’aide de quiconque.

Et ce, pour le plus grand bonheur des cinéphiles amazighs au Maroc et même à l’étranger, surtout en Europe. Que l’aventure continue !

Vous êtes peut-être tenté d’y assister, voilà les renseignements dont vous aurez besoin :

Agadir fête le film Amazigh du 11 au 15 Juin 2008

En collaboration avec bon nombre de partenaires, L’Association Issni n’Ourgh organise à Agadir la deuxième édition du Festival Issni N’ourgh du Film Amazigh du 11 au 15 Juin 2008.

Le Jury de cette 2e édition , dont la présidence est attribuée au journaliste , critique de cinéma Mohamed BAKRIM, est composé de :

M. Si Elhachmi Assad, Régisseur Général du Festival International du Film Amazigh d’Algérie

Le Critique de cinéma Tahar HOUCHI , Directeur du Film Oriental à Genève en Suisse

Mme Amina IBNOU CHIEKH Directrice du journal ‘Le monde Amazigh'

M. Mohamed SALLOU, Membre du comité mixte entre Le Ministère de la Communication et L’IRCAM

La poétesse Malika MEZZAN

L’Acteur et Metteur en scène Abderrazaq ZITOUNI

M. Driss AZDOUD, Directeur du Centre des Etudes Artistiques et d’Expressions Littéraires et de Production audio-visuelle à L’IRCAM

La Productrice Nezha DRISSI, Directrice du Festival International du Film Documentaire d’Agadir

Cette 2e édition se distingue par la programmation d’un bon nombre de films amazighs tant Marocains qu’Algériens

Rachid BOUKSIM
Directeur du Festival Issni N Ourgh

Ces Palestiniens qui soutiennent le Polisario

Le Polisario a organisé son Congrès à Tifartiti, une petite localité du Sahara qu’il dit avoir « libérée ». Tout naturellement, le régime baâthiste algérien, toujours fidèle à lui-même, lui a apporté son soutien total et indéfectible. Pour preuve, la présence en personne, dans ces festivités polisariennes, du ministre des Moujahidines et tant d’autres hiérarques de la nomenklatura algérienne.

Mais tout cela est tout à fait normal diriez-vous. Ce qui ne l’est pas, c’est la présence de Palestiniens, membres certes d’un groupe arabostalinien du nom du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). Mais palestiniens quand même.

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ont une drôle manière de dire merci. Tout d’abord, à tous les Islamistes et à tous les baâthistes fort nombreux au Maroc, qui viennent de célébrer, avec chaudes larmes, la « nakba » ou la fondation d’Israël, en plein milieu de Rabat. Et ensuite, au gouvernement de Rabat, plus ridicule que jamais. Il faut savoir qu’il s’est engagé, dernièrement, à fournir le pain aux populations arabes de Jérusalem pendant plusieurs mois. Comme si tous les Marocains, misérables qu’ils sont, mangent déjà à leur faim.

En procédant ainsi le Makhzen et ses ouailles montrent qu’ils n’ont aucune suite dans les idées. Car, si je me rappelle bien, un lampiste du parti socialiste sénégalais qui a eu le malheur d’être présent dans une précédente activité du Polisario a été la cause d’une crise diplomatique majeure entre son pays et le Maroc. L’ambassadeur du royaume chérifien accrédité à Dakar, a même été rappelé pour consultations.

Est-ce à dire que ce qui est permis aux Palestiniens ne doit pas l’être pour les Sénégalais ? L’ambassadeur palestinien n’aura-t-il pas droit à des réprimandes des officiels marocains ? Ou bien on va faire encore et toujours comme si de rien n’était.

Mais on est en droit de se poser cette question : le tintamarre assourdissant fait autour du socialiste sénégalais ne révèle-t-il pas un complexe de supériorité, pour ne pas dire une vision raciste, du Makhzen par rapport aux Africains et aux Noirs d’une façon générale ? Il faut, hélas, le penser et même le dire. Car, vous aurez beau cherché d’autres hypothèses explicatives, vous n’en trouverez aucune.

Les Palestiniens étant des Arabes, ils peuvent se permettre ce que bon leur semble concernant le Maroc. Entre autres, remettre en question la marocanité du Sahara, dont le conflit a laissé sur le carreau plus de 18 000 victimes. Et même fouler aux pieds l’honneur des Marocains – s’ils en ont encore un, ce qui n’est pas vraiment sûr.

Que ne permettrait pas le régime de Rabat au nom de sa débilitante arabité ! Pauvre pays de mon enfance !

mercredi, mai 21, 2008

Sommes-nous devenus des têtes de Turc faciles ?

Le racisme est condamnable. Il va de soi que c’est indiscutable. Mais l’invoquer, par ceux qui détiennent tous les leviers du pouvoir, comme prétexte pour réprimer est tout aussi condamnable. C’est un même un scandale complet. J’en veux pour preuve la dernière dissolution du parti amazigh démocratique marocain (PDAM). Son péché selon ses contradicteurs ? Il a eu l’outrecuidance de se qualifier d’amazigh. C’est tout. Simplement. En fait, bien que le jeu politique marocain soit on ne peut plus biaisé, faussé et définitivement truqué, seule l’amazighité, bizarrement, est interdite d’y avoir droit de cité. Et ce, dans la plus grande nation amazighe au monde. Deux poids, deux mesures. Pire que cela.

C’est une lapalissade que de dire que, pour le pouvoir de Rabat, l’amazighité n’est ni plus ni moins qu’un facteur de désordre, un danger terrible, qu’il ne faut en aucun tolérer. Il faut donc sévir. De la plus impitoyable des manières. Par tous les moyens légitimes et illégitimes. Et pourtant, soixante ans de guerre azimutale que le Makhzen et ses acolytes lui ont déjà imposée auraient dû leur servir de leçon. Car, n’en déplaise à ses puissants et non moins influents contempteurs, l’amazighité est toujours là, présente, vivante et même debout. Comme un roc que rien ne risque de faire vaciller de sitôt.

L’on croirait volontiers le régime de Rabat dans cet énième raid anti-amazigh- la dissolution du PDAM-, si au moins il fait de même avec l’arabité, son arabité qu’il chérit jusqu’à l’hystérie. Bien au contraire. Il faut savoir qu’il fait carrément sa promotion. Avec une esbroufe à vous couper le souffle et une arrogance à vous rabattre le caquet. En y mettant, que ce soit dit en passant, énormément de son énergie et beaucoup d’argent… public. Celui-là même qu’il n’hésite pas à soutirer, indûment et continuellement, au pauvre contribuable amazigh.

L’on ne compte même plus le nombre d’organisations exclusivement arabes, régionales ou supranationales, dans lesquelles le Maroc est membre. Moyennant bien évidemment finances. Car, pour avoir l’insigne honneur d’y siéger, il faut casquer des sommes parfois faramineuses. Même si leur utilité stratégique et politique pour le pays est quasiment nul. Pire, il n’y gagne que des problèmes et beaucoup de malheurs- la prostitution physique, culturelle et identitaire, la médiocrité, le wahabisme, l’islamisme, le terrorisme et dernièrement le chiisme.

« Chauve » qui peut

Mais le pire dans tout cela, c’est que des gens, a priori, très loin du Makhzen- enfin c’est ce que j’ai pensé- se proposent d’eux-mêmes de lui prêter main forte dans cette énième cabale anti-amazighe. Contentons juste deux spécimens, car, hélas, il y en a beaucoup. Pire, il n’y a que cela dans ce Maroc maudit. Le premier est amazigh lui-même, mais arabo-baâthiste jusqu’au bout des ongles. Un formidable schizophrène, un aliéné suffisant, un parfait apologiste du terrorisme, comme seule l’école de l’Istiqlal sait en pondre.

Si vous avez du mal à le deviner, il ne s’agit que du très fameux Rachid Nini. Ce scribouillard analphabète, n’en déplaise à ces nombreux fans et à tous ceux qui sont férus de sa petite personne, a appelé, solennellement, le Makhzen à intervenir immédiatement pour interdire les trois petits journaux amazighs qui sont publiés, cahin-caha, au Maroc.

La raison ? D’après ce baveux, à l’ego immensément hypertrophié, ils inciteraient à la haine. Rien que cela. Ce plumitif complexé par sa calvitie- il ne montre jamais sa tête chauve- a oublié qu’il ouvre, quotidiennement, son torchon nauséabond à toutes sortes d’idéologues – à la petite semaine bien sûr- du baâthisme le plus pitoyable. Sans parler de l’inflation vertigineuse de la rhétorique arabiste (Maghreb arabe, Sahara arabe, monde arabe, cheval arabe, dromadaire arabe, l’âne arabe, la connerie arabe…), plus qu’insultante à tous les Amazighs qui se respectent, avec laquelle lui et ses journaleux remplissent leurs papiers. Qu’ils fassent, tambour battant, la promotion du « sionisme » - ils adorent ce terme qu’ils utilisent à tort et travers- aux accents on ne peut plus arabistes, est tout simplement normal. En sont-ils au moins conscients ? Pas si sûr.

Et surprise, suprise !

Quelque temps après, chose rare et tout autant exceptionnelle, au lieu de prêter une oreille attentive aux vociférations anti-amazighes éructées par Nini, le Makhzen et ses sbires lui ont répondu. À leur manière. Avec une rare méthodologie. Tellement ils nous ont habitué à toujours agir un peu n’importe comment. Surtout lorsqu’il s’agit de réprimer. Primo, Nini a été passé à tabac dans la rue, au vu et au su du monde entier, alors qu’il se croyait intouchable. Secundo, après avoir accusé des procureurs du roi d’être des proxénètes patentés ( le pauvre, il ne sait pas que dans le journalisme, il faut toujours « vérifier » ses informations) , il a été condamné à verser une grosse amende de plusieurs millions de dirhams. Ce qui entraînera probablement une fermeture définitive de son torchon. À titre personnel, je dirais : « Bon débarras ! »

Par ailleurs, le plus incroyable dans toute cette histoire, c’est que les premiers à accourir frénétiquement le soutenir, ce sont ceux-là même qu’il n’a jamais ménagés dans son journal, à savoir les Amazighs. Sincèrement choqué par un tel branle-bas de combat plus que douteux, et pour pouvoir comprendre, j’ai contacté un Tiznitois qui s’est enorgueilli, dans un communiqué diffusé via Internet, les photos de ses blessures encore fraîches à l’appui, d’avoir été brutalement molesté par les forces du Makhzen après avoir organisé un sit-in de soutien à Nini. Il m’a rétorqué, comme si « zâma » il avait accompli une action héroïque, dans un français complètement massacré- l’arabisation abêtissante est passée par là-, en faisant sienne la fameuse formule attribuée à Voltaire : Je ne partage pas vos idées, mais je me battrais…

Encore faut-il que Nini ait des idées à proprement parler. Ce dont je ne suis vraiment pas sûr. À moins de considérer l’amazighophie la plus crasse, l’arabisme moribond, l’islamisme le plus caricatural, le populisme le plus bas…, des idées nobles qui méritent tous les sacrifices. Nos Amazighs de Tiznit, de Nador, et même de Tinjedad, etc. ne seraient-ils pas des masochistes sans aucune once de fierté ? Il s’en faut d’un pas pour le penser que d’aucuns n’ont pas attendu longtemps pour allègrement le franchir. À juste titre d’ailleurs. Pauvres misérables amazighs, vous resterez toujours les dindons de la farce. Passons !

Le silence est parfois d’or

Le deuxième cas (www.leconomiste.com/article.html?a=85870), il s’agit d’une bonne femme, arabe ou du moins c’est ce qu’elle dit être, répondant au nom de Mouna Hachem. Elle sévit régulièrement dans le journal l’Économiste avec des papiers pour le moins fleuve. Mais ô combien propagandistes ! Elle n’hésite jamais à remodeler, à sa guise, l’histoire et les cultures marocaines pour qu’elles correspondent à la petite vision idéologique du pouvoir en place : à savoir que le Maroc est arabe et le restera ad vitam aetrnam. Vouloir remettre en question ce credo sacré ne peut avoir que des répercussions cataclysmiques sur le pays, ses habitants et même- pendant que l’on y est- sur l’équilibre écologique de la planète Terre. En paraphrasant Hassan II, c’est l’arabisme ou le déluge. Rien à faire.

Même si elle est plus consistante que Nini, dans la mesure où elle pratique un tantinet soit peu la réflexion et la recherche, elle ne fait pas mieux que lui. Toujours cette barbante et fatigante litanie de dénigrement de l’amazighité et ceux qui prennent, à leurs risques et périls, sa défense. Les Amazighs ont plus que bon dos. Pour preuve, même si personne lui a demandé son avis, elle n’a pas hésité, dans son dernier papier, à applaudir des mains et des pieds la décision du régime de dissoudre purement et simplement le seul parti amazigh au Maroc. Et ce, parce que d’après cette doctoresse doublée d’écrivain- enfin, c’est ce qu’elle affirme être- cette petite formation politique ne peut être raciste. Rien que cela.

A-t-elle déjà assisté, en personne, à l’une des ses réunions ou ses congrès ? Y a-t-elle été méprisée, exclue par ce qu’elle est arabe ? A-t-elle lu sa charte ? A-t-elle eu affaire à ses militants ?… Rien de tout cela. En fait, cette charmante dame, en mal de sujet probablement, s’est dit pourquoi ne pas taper sur les Chleuhs. Après tout, tout le monde le fait. C’est carrément un sport national. D’autant que c’est un exercice on ne peut facile. Il ne demande aucune recherche, aucun effort. Rien. Nada. Il faut juste se contenter des préjugés prêts à l’emploi fort nombreux sur les pauvres amazighs (pour en avoir un avant-goût, consultez les commentaires laissés dans www.hespress.com). À défaut, il suffit de lire la presse de Rabat ou Casa pour y trouver, à profusion, matière à insulter ces mêmes Amazighs.

N’étant pas bête comme Nini, on s’attendait à une raison valable pour justifier à sa sortie tonitruante contre le PDAM et les Amazighs, tous les Amazighs. Oh que nenni ! Si étonnant que cela puisse être, elle a repris le même argument fallacieux que celui du Makhzen, à savoir le qualificatif amazigh du parti d’Adgherni. Dont elle a écorché au passage le nom. À dessein probablement : le ridiculiser. En tous les cas, il n’a fait preuve d’aucune originalité, aucune rigueur, aucune analyse. Pire, manquant affreusement d’honnêteté tout court, elle a sciemment passé sous silence l’exploitation hystérique de l’arabité –elle y a fait une timide et minuscule allusion- par le régime et tous les partis politiques sur l’échiquier politique marocain. Pour être bref, Mouna Hachem, qui connaît rien ni aux Amazighs ni à l’amazighité, a raté une magnifique et belle occasion de se taire.

L’avocate du diable

A-t-elle oublié que l’annonce de la dissolution du Parti d’Adgherni a été faite via l’agence du Maghreb arabe ? L’agence du Maghreb arabe dites-vous ? Et oui. Mais il n’y a pas que cela malheureusement : la monarchie ne s’affirme-t-elle pas de descendance prophétique, donc ethniquement et purement arabe (voir le site du ministère de la communication) ? Les partis ne défendent-ils à qui mieux mieux l’arabisme le plus terroriste et le plus débile aussi (l’arabisme scientifique de l’Usfp à titre d’exemple) ? L’Istiqlal n’est-il pas une secte quasiment familiale, composée uniquement de privilégiés arabo-andalous ? Une abondance de groupements d’obédience religieuse ne se disputent-ils pas à l’envi le monopole de l’Islam censé appartenir à l’humanité entière et pas seulement aux seuls musulmans ?

Et pourtant la loi est plus que claire à ce sujet. La même loi qui a été appliqué dans toute sa rigueur contre le parti amazigh démocratique. Mais bizarrement notre arrogante donneuse de leçon est subitement frappée de cécité. Et c’est vraiment le cas de le dire. À ce qu’il paraît, les Amazighs, bien qu’ils soient dépourvus de tout pouvoir, parce que soumis, méprisés, clochardisé, ont toujours le monopole du racisme anti-arabe, de l’ethnicisme et de bien mauvaises choses. C’est vraiment surprenant. Et les Arabes ? Ne sont-ils pas à dire vrai les vrais racistes dans cette histoire ? Puissants qu’ils sont, n’ont-ils pas étatisé, instutionnalisé et même officialisé l’amazighiphobie sans aucune pudeur ? En tous les cas, avec les élucubrations de Mme Hacehm, nous avons la confirmation du fameux adage en lui faisant un peu violence: on voit la paille dans l’œil du Chleuh, mais jamais la poutre qui est dans le sien.

En fait, les reproches qu’on peut faire à Mme Hachem sont nombreux et multiples. Pour tout vous dire, j’ai eu presque pitié pour elle, tellement elle était ridicule. Comme dire que Ahmed Adgerni a été en Israël. So what, comme diraient nos amis anglo-saxons ? Il est libre d’aller où bon lui semble. Ça ne regarde que lui. A moins de vouloir décider de ce qu’il peut manger ou même avec qui il va coucher. On fait dans le totalitarisme sans le savoir. Mais à qui le dire ? Au fait, a-t-elle reproché au maire PJD de Meknès son voyage en Israël ? S’est-elle insurgée contre les hordes de prostituées marocaines qui exercent leurs talents dans ce même pays ? A-t-elle dénoncé le régime marocain dont les relations intimes avec « l’entitié sioniste » sont un secret de polichinelle ? Non pas. Mme Hachem a certainement peur pour sa peau (rire) et surtout pour ses petits intérêts. Je la comprends.

Comme toujours, chez certains pseudo intellectuels estampillés arabes, Mme Mouna Hachem ne déroge pas à la règle. En fait, elle nous dit sans ambages le fond de sa pensée : ce qui est permis pour les seigneurs arabes ne doit pas forcément l’être pour les autochtones amazighs. N’est-ce pas là la preuve irréfutable que les Amazighs sont plus que asservis ? Il est tout à fait normal que quelques-uns se rebiffent contre situation indigne. Et se disent même colonisés. Car la réalité leur donne amplement raison. Pour la majorité amazighe, son silence ne veut pas dire qu’elle est d’accord. Même si, les années de domination aidant, une bonne partie a fini par considérer comme allant de soi d’être continuellement calomniée et systématiquement humiliée. Mais rien ne nous garantit que les choses en resteront là pour toujours. L'impermanence n'est-elle pas le propre de la vie ?

Humiliations en série

D’ailleurs, l’on ne va pas citer toutes les avanies qu’on leur fait quotidiennement subir, mais le rappel est toujours utile : les prénoms amazighs interdits, exclusion éhontée des régions amazighes, racisme médiatique anti-amazigh, l’interdiction de la langue amazigh dans les administrations, l’échec programmée de son enseignement, les innombrables barrières mises devant les associations amazighes … Est-ce que les Aroubis, dont elle craint la création d’un parti, vivent-ils autant de vexations humiliantes ? Rien n’est moins sûr. Si c’était le cas, ils auraient déjà mis le feu non seulement au Maroc, mais aussi au monde entier. Pour moins que cela, leurs proches cousins du Sahara ont fauché les vies de plus de 18 000 mille marocains (avec l’aide de leurs frères arabes libyens, algériens…) et séquestrent, depuis des décennies, plusieurs milliers des leurs dans les doux camps de Tindouf.

Disons à Mme Hachem et consorts, pour finir, que ce ne sont pas les Amazighs qui posent problème, parce que tout simplement ils sont chez eux, sur leur terre, depuis la nuit des temps, mais ceux qui les empêchent de renouer avec la liberté. Une situation des plus injustes qui crée, assurément, chez ces hommes qu’on disait libres, une terrible frustration visible d’ailleurs sur tous leurs forums on ne peut plus « régionalistes »- c’est l’expression de Madame. Une frustration que des gens comme cette Mouna Hachem ne peuvent et ne pourront jamais éprouver et encore moins comprendre. Parce qu’ils n’ont jamais essayé de vivre en tant qu’Amazigh dans le plus beau pays du monde. Le peuvent-ils vraiment ? Beurk, vivre dans la peau d’un sale « Garbouz », il ne manquerait plus que cela.

lundi, mai 19, 2008

Festival Mawazine: "out" les artistes amazighs

Tihihite, Damou, Archcah et Boutmouzought, voilà les très rares artistes amazighs qui ont l’insigne privilège de se faire programmer par le très prestigieux festival Mawazine. Autant dire rien. Tellement la participation amazighe est réduite à une petite et minuscule portion congrue. Et tout cela, à Rabat, une ville habitée par des centaines de milliers d’Amazighs et fondée, faut-il encore le rappeler, par leurs propres ancêtres. À une époque, déjà très lointaine, où ils étaient encore maîtres de leur destin et surtout de leur pays.

D’aucuns diront que c’est déjà beaucoup avec un régime raciste, passé maître dans la destruction des Amazighs et leur patrimoine civilisationnel. D’ailleurs, pour ceux qui sont tentés d’en prendre graine, ils n’ont qu’à venir faire un séjour dans le plus beau pays du monde, le Maroc. Ils constateront de visu les bienfaits de ses politiques amazighicides.

Mais pourquoi avoir invité juste ces quatre artistes ? En fait, la réponse est simple. À l’exception de Boutmouzought que je ne connais pas, Tihihite, Damou et Archach ne sont pas vraiment loin. Ils résident tous à Casablanca ou même peut-être à Rabat. En fait, lorsqu’il est question de l’amazighité, les responsables du festival deviennent subitement et bizarrement très regardants sur l’argent. Il est sûr, sans aucun besoin de vérifier, que ces quatre artistes sont les moins bien payés dans tout le festival. Dans le cas où ils le seraient bien évidemment. C'est quasiment une habitude très makhzenienne, lorsqu'il s'agit des Amazighs ou de leur culture, il faut savoir qu’un oubli est vite arrivé.

Supposons que les responsables de Mawazine aient invité des artistes amazigh installés dans le Tafilalt, le Rif, le Moyen Atlas, le Souss ou même à l’étranger, ils seraient obligés de leur régler les factures de séjour et tout ce qui s’ensuit. En plus bien évidemment de leur cachet. Ce que certainement les mêmes responsables de Mawazine ne souhaiteraient pas. Mais, en même temps, ils ne se sont pas embarrassés de faire appel aux services d’artistes de tous les continents et de toutes les nationalités, qu’ils ont certainement chèrement payés. Parfois plusieurs millions de dirhams.

Par ailleurs, même si c’est de l’ordre de l’impossible, peut-on imaginer un Timitar à titre d’exemple faire de même, c’est-à-dire réduire la présence des artistes arabes à quelques-uns ? La presse marocaine, acquise à l’arabisme le plus intolérant, va lui tomber dessus pour dénoncer son racisme inacceptable- pour elle, seuls les Arabes peuvent être victimes du racisme- et le régime, lui-même très sensible à son arabité on ne peut plus sacrée, va l’interdire, immédiatement. Car il ne ferait pas, d’après sa nouvelle rhétorique hypocrite, la lumière sur toute la diversité et la richesse culturelles qui caractérise tant son beau royaume chérifien.

Mais est-ce que seuls les Amazighs sont tenus de toujours montrer la diversité culturelle du pays au détriment, le plus souvent, hélas, de leur propre culture ? Assurément. Il faut croire que les Arabes, eux, ne sont pas tenus de le faire. C’est normal, ils sont les maîtres et les seigneurs du pays. Les Amazighs n’ont qu’à bien se tenir, sinon…!

Des associations amazighes déclarent la guerre à Studio 2M

De nombreuses associations amazighes (Abaraz, Tamunt n Iffus, Ait Souss…) se sont réunies dernièrement à Rabat pour discuter de la énième éviction dont la chanson amazighe a encore fait les frais dans le fameux Studio 2M.

Après avoir passé en revue la situation pour le moins désastreuse de la chanson amazighe dans les médias audiovisuels publics, marquée non seulement par son exclusion quasi généralisée, mais aussi par le non-respect ni de l’artiste amazigh ni de son produit, les représentants de ces associations ont soulevé un paradoxe flagrant dans la politique de Studio 2M.

Il faut savoir que cette émission est ouverte à toutes les chansons du monde et dans toutes les langues du monde, sauf bien évidemment la chanson et la langue amazighes. Alors que les Amazighs s'acquittent de toutes sortes de taxes qui permettent justement à Studio 2M d’exister.

Les associations amazighes ont dénoncé dans tes termes extrêmement forts cette situation plus qu'inique. Elles ont promis qu’elles ne vont pas rester, indéfiniment, les bras croisés devant une telle injustice.

« Des manifestations de protestation de toutes sortes vont être organisées si jamais rien ne change », ont elles promis.

dimanche, mai 18, 2008

Me Adgherni interdit de quitter le Maroc

Après avoir dissous son parti pour des raisons pour le moins fallacieuses, il paraît que Me. Ahmed Adgherni dérange encore et toujours le Makhzen.

À en croire le site Tamazgha Presse, habituellement très bien renseigné, il a été purement et simplement interdit, la matinée du 15 mai, d’embarquer à Casablanca vers Madrid.

Et ce, pour l’empêcher d’animer une conférence, organisée par l’association amazigho-espagnole, Tamazgha.

Me Adgherni devait y donner une communication sur les multiples violations des droits civils et identitaires amazighs par le régime de Rabat.

N’eût été l’intervention du Cortès espagnol -le parlement-, qui a adressé une lettre de protestation au ministère des affaires étrangères marocain, le remuant Ahmed Adgherni n’aurait jamais quitté le territoire national.

Comme toujours dans ce genre de cas, les autorités marocaines ont fait marche arrière et ont obtempéré à l’injonction espagnole.

Me Adgherni a ainsi pu prendre, tranquillement, son avion vers Madrid.

jeudi, mai 08, 2008

Iggout : ‘’amazighement’’ farouche

D’aucuns peuvent soutenir, à bon droit d’ailleurs, qu’Iggout est indiscutablement un phénomène des plus uniques de notre scène artistique. C’est même une rareté on ne peut mieux précieuse, une valeur plus que sûre. Il va sans dire qu’il a la bosse de la musique, la sienne propre : le « tazenzart ». En témoigne son très long parcours et son immense production. En effet, Iggout – dont le nom, par un heureux hasard, signifie beaucoup en tamazight- a beaucoup apporté au reverdissement de la culture amazighe. Pour le plus grand bonheur de tous ceux qui ont une haute idée de l’art et qui savent, somme toute, apprécier les belles choses bien faites.

Si vous êtes suffisamment au fait de la chose amazighe, vous n’aurez guère besoin de creuser longtemps les méninges pour savoir de quoi le mot « tazenzart » tourne. Il s’agit, en effet, de ce style musical bien connu, crée, développé et quintessencié même par les non moins mythiques Izenzaren. Ces authentiques guérilleros du Souss, armés seulement et uniquement de leurs instruments de musique, qui, nonobstant les nombreuses décennies au compteur et l’exclusion savamment organisée par les teigneux médiatiques makhzeniens, continuent d’émouvoir des générations entières de mélomanes. Ceux-là même qui n’ont de cesse d’apprécier non seulement leur poésie, mais aussi leurs inimitables mélodies, lumineusement exubérantes, sorties des tréfonds de ce vieux peuple on ne peut plus désabusé, indistinctement méprisé, constamment « noyé » - pas seulement traîné hélas !- dans la fange pestilentielle de l’opprobre, les Amazighs. Espérons de tout cœur que cette situation, plus qu’indigne d’un peuple qui se dit libre, ne durera pas ad vitam aeternam.

Génération ignée

Ayant grandi à une époque où la faune arabiste pouvait se permettre, comme bon lui semble, de couver et même mettre à exécution toutes sortes de conspirations anti-amazighes, le jeune Iggout -avec d’autres compagnons de route-, a protesté, regimbé et même rué dans les brancards. À sa manière. L’on conviendra que ce n’est pas vraiment étonnant. C’est tellement humain de dénoncer l’injustice, dirions-nous. Encore plus, si les siens en sont les premières victimes. D’où sa révolte aux accents éminemment musicaux. Celle qu’il a parfaitement personnifiée et magnifiquement exprimée au travers de sa seule et unique art. Sans jamais compter que sur lui-même. Il est bien connu qu’il a tout appris tout seul ou presque, en véritable autodidacte qui en voulait. Beaucoup. Énormément. Si bien qu’il est devenu l’un des enfants du Souss les plus doués. Que dire, l’un des plus emblématiques de cette exceptionnelle et terrible génération des années soixante et soixante-dix du siècle écoulé. Celle-là même qui a accouché de Khaïr-Eddine, Ali Azaykou, M’barek Ammouri, etc. pour ne citer que les plus célèbres et les plus appréciés.

En digne fils de Dcheira (mais originaire d’Achtouken, connus pour avoir déjà donné les défunts mousquetaires de tarrayst : Anchad, Janti et Said Achtouk), Iggout a commencé très tôt à gratter tout ce qui lui tombait sous la main. Au fond, il n’a pas vraiment dérogé à la règle. Dans la mesure où il a suivi le même cheminement que celui de tous ses prédécesseurs. Enfant, c’étaient des instruments rudimentaires, fabriqués à base des matériaux de récupération ; adolescent, des instruments traditionnels dont l’indétrônable « lotar »- probablement l’ancêtre lointain du banjo. Mais ses liens avec Tabghaynuzt, l’un des premiers groupes modernes dans tout le Maroc, fort connu dans tout le Souss pendant les années cinquante et soixante, allaient lui être plus que fructueux. D’un point de vue professionnel s’entend. Car, c’est en son sein qu’il a été initié au violon par exemple. La suite, on la connaît. Il l’a maîtrisé. Excellemment. À la perfection même. Sceptique peut-être ? C’est votre droit, mais si vous voulez en avoir le cœur net, écoutez sans trop tarder les albums où il l’a judicieusement utilisé.

Banjo, au pinacle

Quant aux instrument à cordes, ils n’avaient, depuis belle lurette déjà, plus aucun secret pour lui : le « lotar » que nous avons déjà évoqué, la guitare bien sûr et surtout le banjo. Cet instrument qui ne rappelle que de bons souvenirs. Et pour cause. Ce sont les esclaves africains qui l’ont trimbalé avec eux dans le Nouveau Monde. Avant que les doigts de fée de la technologie ne l’effleurent et lui donnent, incidemment, sa forme actuelle. Pour plus ou moins participer, des décennies après, par le biais du chant engagé, à la « libération » des ces mêmes Africains. Est-ce qu’il en sera autant de nos pauvres amazighs qui souffrent, eux aussi, de toutes les avanies possibles et imaginables ? Il ne coûte jamais rien d’espérer. Surtout que nos artistes se le sont appropriés ou réappropriés. Définitivement me semble-t-il. Parce qu’originellement de chez nous, de notre continent. Toujours aussi noir, mais de misères, d’injustices et de dictatures.

Reste qu’Iggout en est, sans trop se perdre dans trop digressions pas forcément utiles, un indiscutable virtuose, pour ne pas employer un qualificatif propre aux universitaires, une véritable sommité, spirituellement respectée, musicalement adulée. Ce n’est pas pour rien que l’on appelle le roi du banjo. En fait, il suffit de lui prêter l’oreille un laps de temps pour s’apercevoir que ses compositions sont bien élaborées, très rechechrées. Je dirais même diablement sophistiquées. À tel point que peu de gens peuvent les rejouer. Sauf quelques très rares initiés. Et encore ! D’ailleurs, l’on ne compte même plus ceux qui ont mordu la poussière, lamentablement, dans leurs tentatives de l’égaler. Le surpasser, disons ce qu’il y a, c’est tout bonnement de l’ordre de l’impossible. En fait, sans vouloir jouer les flagorneurs niais, il ne sert strictement à rien d’essayer.

Lors de ses spectacles, avec toujours cette implacable rigueur qui le caractérise tant, il y a toujours là entassé, un tas de banjos de toutes sortes et de toutes les couleurs. Il y en a à quatre cordes, à six cordes… En fait, chaque chanson est jouée avec un type différent de banjo. Chacune de ses compositions a sa propre identité sonore. Encore faut-il avoir une oreille connaisseuse pour s’en rendre compte. Ce qui n’est donné qu’à quelques rares passionnés. Pour autant, tant que l’on n’a pas vu Iggout sur scène, on ne mesurera pas assez tout son savoir-faire. Toujours en bandoulière, il gratte son instrument fétiche comme pas un. Et ce, dans une extase cadencée indescriptible. Mieux encore, dans une furie vertigineusement rythmique à vous couper le souffle. À telle enseigne que l’un et l’autre – Iggout et son banjo bien entendu- finissent presque par se confondre. Pour ne plus être qu’un. Dans une ambiance vertigineuse qui transbahute hors du temps. Le nôtre. Et s’en va, tambour battant – c’est le cas de le dire-, dans un autre temps, fondamentalement, poétique, onirique, « izenzarement » magique.

Engagement ‘’ferme’’

Quid de la matière musicale à proprement parler ? Il va de soi que le banjo ne suffit pas, tout seul, à expliquer le succès d’Iggout. Et c’est le moins que l’on puisse dire. En fait, il s’est beaucoup inspiré du riche patrimoine du Souss. Il est évident qu’il en a exploité intelligemment les ressources. En fait, il s’est servi de ce que nous avons déjà. Sans succomber à la facilité en allant, bêtement, « quémander » ailleurs. De fait, il l’a « contextualisé », avec sa minutie habituelle, en lui imprimant sa propre marque.

Ainsi, comme beaucoup de musiciens de sa génération, Iggout s’est d’abord nourri, abondamment, de l’héritage des premiers groupes modernes de la scène soussie, Tabghaynuzt que l’on a déjà évoqué, Imurigen, Laqdam, et, les rways dont les plus grands et les plus célèbres ont élu domicile à Dcheira même ; mais aussi « ahwach » dans sa diversité et surtout « ajmak ». Cette unique tradition poético-chorégraphique pratiquée dans une grande partie du pays d’Achtouken. Et même au-delà, chez les Idaou Ousmlal et Idaou Baâkil, vers la région de Tafraout ; mais avec quand même quelques petites nuances. En tous les cas, Iggout, qui n’a jamais oublié ses racines, est probablement le seul à en employer les longs rythmes ! Pari plus que réussi, car le résultat est plus que probant.

D’ailleurs, si anciennes que puissent être ses odes et autres ballades, aussitôt qu’elles effleurent nos oreilles, on dirait que c’est la première fois. Elles ne vieillissent guère. Elles sont statiques, inoxydables, intemporelles. Dit plus prosaïquement, elles sont éternellement jeunes. De cette jeunesse propre aux grandes œuvres de l’humanité. Écoutez immi henna, wad itmuddun, takndawt, tixira… ! Et que dire des paroles ? Lardées de mots et armées d’expressions que la mémoire collective n’a jamais vraiment omis, et interprétées avec sa voix sublime, elles suggèrent- et ne disent pas- un nombre infini de sens ! Mieux que cela, ils sont « sens ». Car, en plus de l’immémoriale geste amazighe qu’elles charrient, elles sont telles des flèches qui titillent, taquinent, à coups de paraboles, d’allégories et de métaphores en tout genre, dans un désintéressement permanent, les plus rétifs au questionnement- et Dieu sait qu’ils sont fort nombreux chez nous. D’autant que leur côté hermétique et abscons, les disposent à une foultitude d’interprétations. Tout le monde peut y avoir ce qui l’arrange. Bien pire, et c’est franchement pathétique, même les loosers arabistes y ont vu un soutien de leurs causes moyen-orientales.

De fait, pour saisir les chants d’Iggout, les décrypter, il faut être pourvu de suffisamment de ressort pour supporter les affres d’un vrai chemin de croix. Dans son acception intellectuelle bien entendu. Car une démarche péniblement réfléchie, philosophique même, est plus qu’une impérieuse nécessité. Sans omettre qu’il est impératif d’être versé dans l’heméneutique des Amazighs. Un auditeur lambda ne pourra jamais en percevoir les signes et encore moins les messages. Ce qui est en fin de compte tout à fait normal. Il faut savoir que c’est Mohamed Hanafi - entre autres-, qui en est l’auteur : un versificateur hors pair, très discret, furieusement timide. En d’autres termes, un homme de l’ombre, artisan surdoué du verbe, tailleur génial du vers et épanneleur tatillon de la rime, qui a toujours brillé par son anonymat. Le plus total. Comme si au fond la poésie, la bonne poésie, la meilleure des poésies, ne s’accommodait jamais avec les feux de la rampe.

Envoûtement général

Que vous soyez rassuré, Iggout ne rebute absolument pas. Loin s’en faut. La preuve, à chacune de ses présentations, ce sont des milliers d’irréductibles aficionados qui se déplacent. Une fois sur scène, c’est un délire collectif. Il suffit qu’il joue les premières notes d’une chanson pour que tout le monde la reprenne. J’ai vu rarement un chanteur que l’on « dépossède » ainsi, à la hussarde, de son répertoire. À tel point que l’on l’empêche carrément de chanter. C’est vous dire. En fait, une communion magique s’installe entre lui et la marée humaine, qui lui tient, toujours, lieu de public. Une chimie permanente, comme diraient certains, s’opère entre les deux. Comme toujours, les débordements sont vite arrivés. La flegme qui caractérise tant les Soussis est vite rangée au rang des accessoires. Oubliée même. Les étrangers présents en restaient cois. Tellement ils ne croyaient pas leurs yeux.

En tous les cas, jusqu’à ce jour, heureusement d’ailleurs, aucun dégât n’est à déplorer. Comme tous les peuples dominés avides de symboles -ce qui est plus que vrai dans le cas des Amazighs-, il n’est pas rare qu’un fan très déterminé arrive par je ne sais quel subterfuge à le rejoindre. Sur scène. Pour l’embrasser. Chaleureusement. Furieusement. Rageusement. Comme on le ferait pour un grand maître. Et même pour prendre une photo. Pire, il y en a même qui lui offrent, les mains tremblant d’émotion, une petite somme d’argent. Chose qu’il refuse systématiquement. C’est normal, il est l’un des rares artistes, si ce n’est le seul dans ce Maroc pourri par la vénalité, à avoir une haute idée de son art. D’ailleurs, beaucoup pensent que s’il voulait être argenté, il l’aurait été depuis bien longtemps. Mais ce n’est pas le cas. La preuve : depuis des années, il vit très chichement, tout seul avec son berger allemand, un peu comme un anachorète des temps modernes, quelque part entre les plages de Tifnit et d’Aglou. À en croire des gens qui l’ont croisé et avec qui il a bien voulu échanger quelques mots, car il est d’un abord des plus difficiles, c’est les seuls coins au monde où il se sent vraiment dans son élément, chez lui. Parce qu’ils se prêtent, peut-être, plus à la méditation et la réflexion.

Disons que le côté marginal, anticonformiste, lunatique du personnage, lui donne carrément un halo de mystère. Sans vouloir être hyperbolique, l’on est carrément dans ce qui a de plus profond dans l’humain : l’univers des saints et des thaumaturges. D’autant plus qu’Iggout, par sa personnalité pour le moins frondeuse, par sa musique novatrice, par sa poésie impénétrable, a eu le mérite d’avoir réussi, avec sa musique, une chose d’une extrême importance : secouer, crûment quelques fois, délicatement souvent, élégamment toujours, les arcanes de l’âme amazighe et même à en saisir le sens, tout le sens, tous les sens. Un sens qui n’admet jamais, comme vous êtes censé le savoir, la compromission et la lâcheté. Espérons au moins que son message est arrivé à « bonne oreille ».