mardi, décembre 25, 2007

Le Souss quatre ans après....

Voilà quatre ans que je ne suis pas revenu dans le Souss, le seul coin au monde, et je le dis en toute franchise, où je me sens réellement chez moi. Moi le citoyen du monde qui n’est dans son élément qu’hanté, peut-être jusqu’à la fin de ses jours, par le nomadisme et la transhumance. Certains penseront, et diront même, que c’est beaucoup quatre longues années ? Ils ont tout à fait raison. Car en l’espace de ce temps, mon Souss natal a changé. De fond en comble. Littéralement. Radicalement.

Sauf les gendarmes et les policiers du Makhzen qui y sévissent. Toujours aussi impitoyablement. Il ne faut même pas espérer que ceux-là changent un jour. Ils sont d’ailleurs partout. En mettant, parfois, leur vie et celle des autres en danger. Imaginez qu’ils peuvent être au milieu de la chaussée, à des heures extrêmement tardives de la nuit, sans qu’aucune plaque lumineuse ne signale leur présence. Comme cela se fait normalement ailleurs. Vous ne pouvez savoir qu’il s’agit d’eux que lorsqu’ils se font remarquer avec une petite et minuscule lampe. Qu’il faut impérativement voir. Sinon, c’est la catastrophe. Plusieurs d’entre eux ont d’ailleurs perdu leur vie ainsi. Bêtement.

Vitesse

Mais une chose est plus que sûre, ils sont toujours aussi fourbes et trouvent même un malin plaisir, une jouissance extatique, pour ne pas dire sadique, à vous arrêter. Et ce pour vous rappeler, le plus souvent, que vous roulez à une vitesse excessive. Parce que vous avez le malheur de ne pas voir une très discrète plaque limitant la vitesse qu’un buisson touffus, une carriole surchargée, un clochard avec ses haillons ou même un animal errant a caché, comme par hasard, lors de votre passage à sa hauteur.

Une question vous trotte certainement dans la tête : comment diable peuvent-ils savoir que vous roulez vite ? Ils n’ont quand même pas le don d’ubiquité ! En fait, c’est très simple : on les a, enfin, équipés de caméras avec lesquelles elles scrutent constamment la route ou ce qui lui ressemble (les routes marocaines sont en piteux état). Mais dans le cas où vous êtes arrêté, ne demandez surtout pas une preuve écrite comme cela se fait sous d’autres cieux. C’est votre parole contre la leur.

Qui plus est, il paraît que dans les lois marocaines, le témoignage d’un homme détenant n’importe quelle autorité, petite soit-elle, équivaut à 12 personnes. Bonjour l’égalité des sujets ! (pour les citoyens, revenez peut-être dans cinq siècles et encore !) Autrement dit, dans tous les cas vous êtes cuit. Il faut donc obtempérer. Et que ça saute. Et tout de suite.

En réalité, il ne sert à strictement à rien de chercher une échappatoire, il faut casquer de l’argent « a messiou » avec un regard exorbité à la clé. Histoire de vous intimider bien évidemment. Mais contrairement à toutes les polices du monde, ici, on ne fait jamais dans les règles. Si surprenant que cela puisse être, on a toujours le choix de négocier, sur place, une solution à l’amiable.

Décidément rien n’étonne plus dans ce royaume qui n’arrête pas de déchanter. Une petite confidence : j’ai eu personnellement droit de la part d’un policier au fameux « la fête du sacrifice est sur les portes ». Une manière détournée, voire même subtile, pour quémander de l’argent. Ce qui m’a laissé bouche bée, car habituellement c’est plutôt le style le plus direct qui est de rigueur.

Halte !

Disons-le franchement, ce n’est pas demain la veille que le Makhzen va se débarrasser de cette petite corruption, comme il le claironne hypocritement dans ses médias où il a quasiment élu domicile. Tout seul. Il faut savoir qu’il y a une grande, une très grande corruption. Celle des marchés publics à titre d’exemple. A signaler qu’elle brasse non pas quelques piécettes mais bel et bien des millions et des millions ! Mais là c’est une autre paire de manche. Passons ou plutôt revenons à notre petite « talkhcha » gendarmesque ou cauchemardesque. A vous de choisir !

Votre véhicule immobilisé, il faut savoir que vous aurez droit à cette question, ô combien significative, systématiquement posée dans je ne sais quel idiome des Aroubis – la police et la gendarmerie sont leur chasse gardée- : « que ferait-on ‘’a ssi’’ ? » en montrant des gencives avariées, des dents complètement ravagées par un « tsunami » bucal à base de cigarettes de mauvaise qualité et, peut-être même, de bières frelatées au milieu d’un visage complètement carbonisé par l’implacable soleil de ce coin du Tamazgha ? Sans vouloir exagérer, certains d’entre eux peuvent aisément avoir les premiers rôles dans les films d’horreur les plus effrayants. Tellement ils sont laids, hideux et repoussants ! On dirait que c’est la condition sine qua non pour qu’ils soient embauchés.

D’ailleurs, lorsque nous étions petits, ma petite maman, dépassée qu’elle était par nos multiples débordements enfantins, a trouvé une parade imparable pour y mettre le holà. Il suffit qu’elle fasse allusion à la figure du gendarme pour qu’on reste coi non seulement pendant une journée, mais pendant des semaines. A telle enseigne qu’elle désespérait, carrément, de nos longs silences non moins inquiétants. A la fin, elle nous suppliait pour renouer avec nos cacophonies d’antan. C’est vous dire.

Il faut reconnaître que nos multiples ogres locaux n’ont plus aucun effet sur nos petites têtes. Même s’ils tout autant redoutables, ils ont fini par nous paraître on ne peut plus doux comparés aux « ogres » faits de gendarmes et de policiers. Ceux-là même que le Makhzen a envoyés spécialement pour dresser, bien comme il faut, ces radins de « Grabz », chez eux, dans le Souss. L’objectif est plus que clair : il faut tuer en eux toute velléité de remise en question du système et de ses magnifiques « valeurs » que le monde entier n’a de cesse de lui envier. A-t-il réussi dans cette entreprise on ne peut plus « civilisatrice » ? Largement. Amplement.

Corruption

Quant à l’amende, et c’est là que le bât fait plus que « taillader », les « très fins stratèges » de Rabat n’ont nullement fait les choses à moitié. Comme d’habitude. Il faut savoir que vous devez payer sur place 400 dh (presque la moitié du smic marocain s’il en existe réellement un) ou bien 100 dh ou même parfois moins de « dehna », un autre mot arabe pour désigner la corruption. Il semblerait que le tristement célèbre « rechwa », un terme tout aussi arabe, « walhdoulillah » comme diraient certains faux bigots un peu idiots, est devenu usé à force d’être utilisé. En tous les cas, vous aurez beau cherché, il n’existe aucun mot en tamazight pour exprimer ce fléau qui fait des ravages dans la société et l’installe définitivement dans le sous-développement.

Quelque incroyable que cela puisse être, on vous laisse même un temps de réflexion pour prendre une sage… décision, c’est-à-dire corrompre. Comment cela ? Je sais qu’en racontant tout cela, je n’apprends certainement rien aux indigènes qui doivent en savoir plus que quelque chose. En fait, c’est presque un rituel, les gendarmes et les policiers marocains ont presque tous la manie de prendre vos papiers pour les glisser, le plus naturellement du monde, sous leurs casquettes suantes en vous laissant poireauter pendant de longues minutes à côté de la chaussée. Histoire de vous accorder toute la latitude pour cogiter à une solution idoine. Encore faut-il comprendre tout ce vicieux manège. Sinon, il y a de quoi avoir une crise de nerf immédiate et même attraper un diabète insulinodépendant sur place.

Mais à force, on apprend, on s’habitue, on s’intègre en quelque sorte. Doucement. La socialisation fera son effet d’une manière inconsciente comme dirait emphatiquement n’importe quel sociologue averti. Surtout que vous aurez toutes les chances, si vous roulez souvent, d’être arrêté plusieurs fois dans la journée. Et vos vacances, que vous espériez calmes et paisibles, peuvent être synonymes d’un perpétuel jeu de cache-cache, au demeurant très fatigant, avec les forces de « l’ordre ». Qu’elles soient en bleu ou en gris.

Cinéastes amazighs : haro sur le piratage !

Ils sont trois mousquetaires du cinéma amazigh, tous très connus : Rachid Aslal, Abdellatif Atif et Abdelaziz Oussayh. Rencontrés dans le siège de la maison de production Ayouz Vision, ils ne cachent nullement leur inquiétude vis-à-vis du terrible fléau du piratage. Ils lancent à ce propos un appel pressant à tous les cinéphiles pour le combattre autant que faire se peut. Car il risque de mettre un terme à la très belle aventure du cinéma amazigh. Espérons qu’ils soient entendus !

Le bal est ouvert par l’humoriste R. Aslal qui n’a pas trouvé de termes assez durs pour dénoncer ce fléau extrêmement malheureux et tout autant dangereux : « Ce n’est plus ni moins qu’un crime contre notre travail. Que ceux qui piratent viennent nous rendre visite pour voir les efforts que nous déployons pour mettre nos produits sur le marché ! ». « Et pourtant, répond en écho le réalisateur et l’acteur A. Oussayh, nos films ne coûtent absolument rien, car accessibles à toutes les bourses. Je comprendrai si l’on était encore à la cassette VHS qui valait beaucoup plus chère, mais là…

« Autorités »… dépassées

Tout d’abord, ces cinéastes amazighs pointent, tous, du doigt Internet où certains n’hésitent pas à mettre des films un jour ou deux jours après leur sortie. Ce qui est en lui-même une terrible injustice pour tout le monde. Y compris pour le téléspectateur, qui, à force de privilégier cette méthode illégale, se réveillera un jour sans films à voir. Car tout simplement les sociétés de production ont déjà mis la clé sous la porte. Autrement dit, elles ont fait faillite. Ce que certainement personne ne souhaite.

En second lieu, il y a ceux qui gravent systématiquement les films pour les faire couler dans le marché. A terme, c’est leur cinéma dont ils sont probablement fiers qu’ils vont couler. Autre temps, autre méthode. Certains faussaires ne reculent absolument devant rien. Ils font carrément, surtout dans les villages, du porte-à-porte pour proposer leur marchandise à des prix défiant toute concurrence.

Et les autorités dans tout cela ? Elles sont tout simplement désarmées. Car elles ont énormément de difficultés à prouver que tel ou tel à pirater tel ou tel produit. « Même si elles nous soutiennent dans des campagnes anti-piratage », explique Oussayh. Subitement plein d’espoir, il ajoute « qu’il faut absolument une loi extrêmement draconienne pour combattre ce cancer qui ronge notre jeune et dynamique cinéma. Ou du moins en limiter les dégâts. Surtout que l’on ne peut espérer aucune aide publique».

Scandales… à n’en pas finir

Ce qui est on ne peut plus vrai. Lors de la dernière réunion de la très fameuse Commission d’aide au cinéma « arabe », comme l’a si justement appelé la très dynamique Fatim Alahyane, il n’a été accordé au cinéma amazigh qu’un million de dh et des poussières. Autant dire des clopinettes. Par contre, le cinéma arabe, lui, a raflé la mise, à savoir la bagatelle de plus de 11 millions de dh. Un choix que d’aucuns considèrent comme totalement absurde, car animés uniquement par des considérations éminemment ethniques, raciales et idéologiques.

Pour ceux qui ne le savent pas encore, la préférence arabe est consubstantielle au régime marocain. Ils se confondent même pour ne former qu’un tout. Il ne faut donc pas s’attendre à ce que ce soit les descendants des réfugiés andalous aux commandes, chez qui, comme on le sait tous, l’amazighophobie et le racisme anti-amazigh font quasiment partie de leur patrimoine génétique, qui y mettent fin. Eux qui ont toujours prôné et cru, dur comme fer, dans la supériorité éternelle de l’homme arabe et de sa culture. Les pauvres, ils ne doivent pas être au courant que le nazisme hitlérien a disparu depuis belle lurette. Passons !

Plus grave encore, le scandale du dernier festival du cinéma international de Marrakech est encore frais dans toutes les mémoires (ne parlons même du scandale des célèbres films amazighs devenus subitement arabes produits par Nabil Ayouch à… 100 million de centimes l’unité). Enfin, chez ceux qui ont un peu d’esprit critique et qui sont encore jaloux des intérêts de ce pays quasiment à la dérive.

A franchement parler, comment un pays extrêmement pauvre que le Maroc (129e en terme de développement humain) puisse se permettre le luxe d’organiser une manifestation, d’un faste absolument choquant, pour prétendument célébrer le cinéma… des Egyptiens ? N’est-ce pas une honte absolue que l’on mette à mal les finances publiques, dont les indicateurs sont tous au rouge, alors que des Marocains meurent encore de froid, de maladies bénignes ou se suicident par groupes entiers dans le Détroit ? N’allez surtout pas la question à un certain El Araichi qui se pavanait dans la capitale des Almoravides comme un nabab, lui, qui ne trouve bizarrement subitement jamais l’argent lorsqu’il s’agit de la culture originelle et authentique du Maroc.

Quant aux pauvres amazighs, qui se souciera de leur misérable vie et à plus forte raison de leur cinéma ? Même si celui-ci est l’objet d’un engouement qui ne se dément jamais. Ce qui est en lui une grande révolution culturelle. Il faut savoir que l’électrification d’une grande partie des régions amazighes et le développement technologique (lecteurs DVD à bon marché) ont fait qu’une immense clientèle essentiellement rurale s’est ajoutée à la citadine, locale ou émigrée, déjà acquise à ce cinéma on ne peut plus amazigh. Et ce pour créer un marché plus qu’important.

Tant mieux donc pour l’amazighité et que tous les Amazighophobes fascistes de tout poil, que Dieu sait très nombreux et puissants, aillent boire « toute l’eau de la mer avec une petite cuillère ». Il va sans dire que ça leur fera un très grand bien !