jeudi, janvier 05, 2012

« Les Amazighs sont colonisés », dixit Ben Kiran

Dans une interview accordée à une chaîne de télévision arabe par l’actuel Premier ministre marocain, le bien « nommé » Abdelilah Ben Kiran, connu plus pour ses fameuses vociférations hautement amazighophobes que ses exploits politiques, a affirmé on ne peut plus clairement que les Amazighs sont bien intégrés non pas en France ou en Hollande, comme vous pouvez l’imaginer au premier abord, mais au Maroc, leur propre pays depuis des milliers, si ce n’est des millions d’années.

Intégrés, dites-vous ? Je suis sûr que si vous êtes un immigré amazigh, pourvu d’un tantinet soi peu de conscience identitaire, rien que l’emploi de ce terme va hérisser vos cheveux, si ce n’est autre chose- en bons Amazighs qui se respectent, restons toujours pudiques. En effet, Ben Kiran dont la culture politique, et je ne suis pas le seul à le constater, est quasiment inexistante ne sait peut-être pas que ce terme est extrêmement connoté. Et donc à manier avec extrêmement de précaution au risque de choquer et même de se brûler les doigts.

Intégration, assimilation et... colonisation

Mais l’homme n’en a absolument cure, car très sûr de son bon droit. Et c’est là que l’individu est vraiment intéressant. Je dirais même, au risque de choquer certains, qu’il m’est vraiment sympathique. Car, au moins, il a le mérite de dire franchement, avec la brusquerie qui lui sied si bien, certaines réalités que beaucoup préfèrent ne pas voir.

Soyons donc un peu pédagogues et expliquons les choses le plus clairement possible à notre chérif de Premier ministre (apparemment, il a, lui aussi, en sa possession un arbre généalogique prouvant qu’il est un descendant du prophète par son père et d’une lignée d’ancêtres... syriens par sa mère). Il va sans dire que ce fameux mot « intégrer » appartient aux champs lexicaux qui ne rappellent pas forcément de bons souvenirs aux pauvres Amazighs que nous sommes. Celui de la colonisation (demandez aux Amazighs algériens, ils en savent plus que quelque chose !) et celui de l’immigration- pour ceux qui ont la « chance » d’émigrer.

Si la thématique de l’immigration ne peut en aucun cas s’appliquer aux Amazighs pour la simple raison qu’ils ne viennent pas de nulle part (les seuls arbres qu’ils possèdent, eux, contrairement à Ben Kiran et ses semblables, ce seraient, et encore s’ils ne sont pas emportés par la sécheresse et les aléas de la nature, ceux de l’arganier et de l’olivier). Car, pour ceux qui ne le savent pas encore, ce sont les uniques autochtones de toute l’Afrique du Nord et pas seulement du Maroc.

En toute logique, et n’en déplaise aux champions du monde de la mauvaise foi, il ne reste plus que la deuxième option, à savoir la thématique de la colonisation. En effet, Ben Kiran confirme, par sa dernière sortie télévisuelle, tout seul, sans être poussé par personne ou encore moins manipulé par un « extrémiste » amazigh, une évidence que seuls les aveugles obtus peuvent encore nier, à savoir que les Amazighs sont bel et bien c-o-l-o-n-i-s-é-s.

La vérité finit toujours par se savoir

Pour autant, un peu plus loin, dans la même interview, certainement parce qu’ils sont plus calés que lui (comparez l’arabe de l’Amazigh, Aassid, et celui de l’arabiste, Ben Kiran !), le chef du PJD cloue a pilori, avec une haine à peine dissimulée, ceux qu’il qualifie d’extrémistes amazighs (en se félicitant qu’ils soient encore très minoritaires). Ceux-là mêmes qui n’ont pas le courage ou, du moins, pas la volonté de dire publiquement, en tous les cas pas à ma connaissance, que les Amazighs vivent sous une quelconque colonisation. Comme lui-même vient de le dire et même le répéter devant des millions de téléspectateurs.

Ne me demandez surtout pas où se situe la logique dans les propos de Ben Kiran, car c’est une notion qui lui est complètement étrangère et tant d’autres « chérifs » comme lui qui se sont autoproclamés, ad vitam aeternam, nos représentants légitimes. Mais cette fois-ci, il faut bien le reconnaître, il n’a dit que la vérité : les Amazighs ne sont que de vulgaires colonisés. Merci donc M. Ben Kiran pour ce rappel pour le moins opportun. Aux intéressés, c’est-à-dire les Amazighs, s’ils ont encore une once de dignité et d’humanité, d’en faire ce que bon leur semble !