mercredi, octobre 31, 2007

Le colonel Justinard ressuscité par Rachid Agrour

Né en France, Rachid Agrour n’a jamais oublié d’où il vient. Digne fils de parents amazighs, originaires du Souss- Lakhsas pour être plus précis-, ce doctorant en histoire a consacré toutes ses études universitaires à décrypter justement le passé de ce bastion de l’amazighité, malheureusement pas très connue. C’est dans cette perspective que s’inscrit la publication de son livre sur un exceptionnel berbérisant français, le fameux colonel Justinard. Pour en savoir davantage, nous lui avons posé quelques questions… Mais le mieux, bien entendu, ce serait d’acheter le livre.


Vous venez de sortir un livre sur Justinard que peu de gens connaissent, mais qui est cet homme ?

Le colonel Justinard, plus connu par son surnom de "qebtan chelh" ( le capitaine chleuh) pour nombre de nobles vieillards originaires du Souss, est un officier français de l'époque coloniale qui a passé la plus grande partie de sa carrière au Maroc. Il est l'auteur de deux Manuels d'apprentissage de deux variantes de langue amazigh, la tachelhit (1914) et la tarifit (1926), et de nombreux ouvrages et articles ayant trait à la littérature tachelhit (orale et écrite).

C'est donc un parfait berbérisant, comment a-t-il appris le berbère ?

En fait, il a abordé le Maroc en 1911 où il était chargé de l'instruction d'un « tabor » (bataillon) de l'armée du sultan Moulay Hafid. Cette troupe était composée essentiellement d'Amazighs originaires de la région de Marrakech, donc tachelhitophones. Venant d'Algérie, Léopold Justinard était déjà arabisant, mais la troupe qu'on lui a confiée était partiellement et imparfaitement arabisante. D'où sa volonté d'apprendre la langue maternelle de ces hommes pour mieux les connaître. Le résultat était un Manuel de tachelhit, le premier du genre, où il cite nommément plusieurs de ces soldats qui lui ont appris cette langue, en grande partie en prenant appuie sur la poésie chantée (amarg) qu’ils fredonnaient les soirs de bivouac au coin du feu.

Cette découverte de la tachelhite a été un début d’une longue aventure, n’est-ce pas ?

En effet, à partir de là la passion de la tachelhit l'a saisi. Lorsque éclate la Grande Guerre il fait des pieds et des mains pour être affecté auprès des bataillons de tirailleurs marocains où il retrouve ses compagnons des anciens « tabors ». De retour au Maroc, rappelé par Lyautey, il est affecté à Tiznit pour une longue mission de renseignements au pied de l'Anti-Atlas. Après de nombreuses affectations à Marrakech et Rabat, il a eu un grave accident d'avion. Il en est sorti vivant par miracle, mais défiguré sérieusement. À partir de ce moment-là, il est nommé à l'Institut des Hautes Études Marocaines, ancêtre de l'université de Rabat, où il s'attelle à un gros travail de recherche : recueil de manuscrits rares en tachelhit et en arabe qu'il traduit et annote inlassablement. Tout son travail est centré sur le domaine tachelhit: culture, histoire, poésie…

Vous avez certainement effectué une longue recherche pour votre livre…

En effet, j'ai dû parcourir l'ensemble de la production de Justinard où j'ai retrouvé nombres d'informations importantes. Je suis allé au Service Historique de l'Armée de Terre (SHAT) à Vincennes où j'ai pu aussi consulter le dossier militaire du colonel Justinard. Enfin, dans la région de Tiznit, j'ai pu "récolter" auprès de plusieurs nobles vieillard des informations sur ce "qebtan chelh".

Est-ce que vous pouvez évoquer, succinctement bien entendu, le contenu de votre livre ?

Cet ouvrage est le résultat d'un travail de réédition. Elle est précédée d'une présentation du parcours de Justinard et de la culture tachelhit. Les œuvres réédités sont composés d'une part du dernier livre de Justinard "Tazeroualt" (1954) et de nombreux articles choisis en raison, pour l'essentiel, de leur pertinence historique .

Voici les coordonnés complète des Éditions Bouchene,
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