lundi, juin 11, 2007

Maroc : on diabolise bien les Amazighs !

A l’entrée de l’université de Meknès, un drapeau amazigh, dessiné d’ailleurs grotesquement à même la terre, a été mis à côté de celui d’Israël. Non sans oublier de mettre un petit ‘’= ‘’entre les deux. Le message est donc on ne peut clair : le mouvement amazigh n’a rien à envier à Israël. Rien que cela ! Et lorsqu’on sait que ce pays est la personnification du mal absolu dans l’imaginaire des baâthistes et tous les mordus de l’arabisme, on peut donc deviner à quel point les disciples marocains de Saddam portent les Amazighs dans leur cœur.

Des Amazighs, et il faut vraiment le rappeler encore et encore, dont le mouvement revendicatif partout sur leur bonne terre de Tamazgha a toujours été pacifique. Et il entend bien le rester, coûte que coûte, malgré les multiples provocations dont il fait régulièrement l’objet. Car tout simplement convaincu, et cela depuis toujours, que la violence n’a jamais rien résolu et ne résoudra jamais rien.

Toujours est-il que cette histoire de drapeaux montre à quel point ses auteurs ne sont capables d’analyser les choses qu’à l’aune des problèmes du Moyen-Orient. Leur conditionnement massif par les médias et l’école y est certainement pour quelque chose. Incapables de procéder à une analyse rationnelle et réfractaires à toute altérité, gare à celui qui ne pense pas comme eux. Il sera illico presto assimilé à un horrible sioniste qu’il faut liquider. Tout de suite. Sans aucune forme de procès.

C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre les attaques sanglantes dont ont été victimes les jeunes militants amazighs dans les universités marocaines. Appliquant le principe de la violence révolutionnaire- sans blague- et sous l’œil bienveillant du Makhzen, les énergumènes d’Annahj stalinien et les apprentis terroristes du Polisario se sont associés pour casser allègrement de l’Amazigh. Résultat : deux morts et plusieurs blessés graves.

Si l’on regarde la situation de plus près, est-ce que c’est vraiment approprié de parler de sionistes dans le cas des Amazighs ? Absolument pas. Car cela relève d’une mauvaise foi abyssale, d’une effronterie sans limites et d’une ignorance effroyable. Mais pour mettre les choses au clair, il est toujours impératif d’être un tantinet didactique.

Selon le Trésor de la langue française, le sionisme est un " mouvement politique et religieux né de la nostalgie de Sion, permanente dans les consciences juives depuis l'exil et la dispersion, provoqué au XIXe s. par l'antisémitisme russe et polonais, activé par l'affaire Dreyfus, et qui, visant à l'instauration d'un Foyer national juif sur la terre ancestrale, aboutit en 1948 à la création de l'Etat d'Israël ". Est-ce que cette définition s’applique réellement aux Amazighs ? Je vous laisse, cher lecteur, de vous faire votre propre jugement.

Par ailleurs, une autre accusation, farfelue du reste, est adressée régulièrement aux militants amazighs : le chauvinisme. Pour tout vous dire, je n’y trouverais rien à redire si elle vient de la part de démocrates aux valeurs humanistes reconnues. Mais que ce soit de la part d’ethnicistes dont la seule et l’unique idéologie ( si réellement on considère leur amas d’idées sans queue ni tête comme une idéologie) est l’arabisme totalitaire, est tout simplement risible, ridicule, pathétique même.

Que doit-on faire alors ? Rester impassible et ne jamais renoncer aux principes universels qui ont fondé le mouvement amazigh. L’amazighité étant forte par sa légitimité historique, elle n’a besoin d’aucune violence pour s’imposer. Et c’est justement cela qui indispose au plus haut point ses nombreux contempteurs. La perte de leur sang froid n’en est qu’un symptôme. Tant pis pour eux !

L'Europe est-elle une chance pour les Amazighs ?

Comme c’était attendu, et avec une longueur d’avance plus que confortable par rapport à sa rivale Ségolène Royal, le très controversé Nicolas Sarkozy est élu président de la république française. En formant son gouvernement, il a surpris plus d’un en confiant l’important portefeuille de la justice à celle qui a été sa porte-parole lors de sa compagne électorale, la très dynamique Rachida Dati.

D’origine extrêmement modeste, cette fille d’immigrés algéro-marocains a gravi tous les échelons à force de travail et un brin- il faut quand même le reconnaître- de pragmatisme et d’opportunisme. Elle a compris très tôt que cela ne sert à rien de remettre indéfiniment en équation le système, mais tout simplement de l’intégrer. Par tous les moyens. A ce propos, Rachida Dati a écrit à plusieurs reprises à celui qui va devenir son mentor, Sarkozy, avant qu’il veuille bien la recevoir. La suite, on la connaît tous. La voilà garde des sceaux dans cette vieille démocratie qu’est la France, connue jusqu’à alors par son extrême méfiance vis-à-vis de l’immigré et sa progéniture.

Faisons un peu dans la fiction, est-ce que cette jeune femme aurait le même destin si jamais elle était restée au Maroc ? Assurément non. Car il faut savoir que les immigrés nord africains en France viennent généralement des régions les plus moins loties et les plus miséreuses, peuplées le plus souvent de populations amazighes : la Kabylie, le Rif, le Souss... Si l’on excepte les Kabyles qui jouent les premiers rôles dans la politique algérienne et dont la présence est très importante dans toutes les strates de l’Etat- pour des raisons historiques qui seraient longues à expliquer-, les Amazighs originaires du Maroc sont loin d’être dans la même situation.

Traités presque comme des parias chez eux, leurs enfants en Europe sont en train de prendre leur revanche. Dans leurs pays d’accueil, certes plus décomplexés par rapport à l’immigration, ils sont on ne peut plus présents dans les conseils municipaux, aux parlements et même aux gouvernements. C’est le cas d’Ahmed Aboutaleb, d’origine rifaine, qui a été nommé secrétaire d’Etat aux affaires sociales dans le gouvernement hollandais actuel. C’était le cas aussi en Belgique d’une jeune femme rifaine, Anissa Temsamani, nommée adjointe du ministre du travail et des pensions avant d’être poussée à la porte pour une sombre affaire de diplômes.

Toujours est-il que les jeunes amazighs en Europe ne se contentent plus de percer dans le sport et les arts, mais, depuis quelques temps, ils ont la politique dans leur point de mire. L’on ne peut que s’en féliciter. Cela ne peut que permettre de changer la perception, le plus souvent négative, que certains se font hélas d’eux ! Qui plus est, en accédant aux postes de responsabilités, ils peuvent toujours jouer aux ambassadeurs qui expliqueraient à leurs propres gouvernements la situation catastrophique des leurs restés au pays. Même si ce n’est pas une chose acquise. " Car peu d’entre eux, comme le dit si bien un militant amazigh vivant en hollande, sont réellement conscients des enjeux identitaires. Le reste, lui, a épousé depuis longtemps, avec l’énergie du désespoir, des idéologies exogènes qui l’enfoncent plus qu’autre chose. " Mais à qui le dire ?

Ali Khadoui s'exprime sur la plate-forme amazighe

Ali Khadaoui n’est plus à présenter. A titre de rappel, iI a été parmi les sept mousquetaires qui ont claqué, fièrement, la porte de l’IRCAM pour protester contre toutes les entraves mises délibérément par le régime marocain contre une promotion réelle de l’amazighité. En militant infatigable, il a été parmi les personnes qui ont participé à l’élaboration d’Option amazighe, une plate-forme qui veut relancer de plus belle le débat sur l’amazighité. Nous l’avons contacté pour nous en parler !

Vous êtes membre d'un groupe de militants amazighs qui a lancé dernièrement une plate-forme appelée : option amazighe ? Pouvez-vous nous dire qui sont ces personnes ?

Les personnes qui ont lancé "Option amazighe" sont les sept démissionnaires de l'IRCAM auxquels se sont adjoints d'autres militants qui partagent avec eux les mêmes convictions et la même analyse de la situation de l'amazighité. Elles sont : Abdelmalek Oussadden , Mohamed Boudhan, Mohamed Ajaâjaâ, Ali Bougrine , Hassan Benkahia, Youssef Aâggouri, Brahim Fouguig, Mohamed Oudadess, Mohamed Kabiri, Mohamed Mounib et moi-même. Cette plate-forme est le fruit de travaux qui se sont étalés sur deux ans. Pratiquement depuis notre départ de l'IRCAM.

Pour quelle raison lancez-vous une plate-forme et pourquoi maintenant ?
essayer de combler ce que nous estimons être un vide conceptuel, référentiel (ou idéologique si vous préférez) d'une part ; clarifier un certain nombre de points restés ambigus jusqu'ici afin que la question amazighe se pose comme il se doit : dans la clarté historique, linguistique et anthropologique, mais aussi politique, économique et social, ce qui constitue en soi une rupture épistémologique dont le Mouvement Amazighe avait et a énormément besoin. Le moment a été choisi par hasard en quelque sorte. En effet, lorsque nous avons commencé les réunions en vue d'élaborer cette plate-forme, nous nous sommes fixé quelques mois, une année au maximum. Mais pour des raisons qui seront longues à expliquer, nous n'avons pas pu respecter notre calendrier. Nous avons dû reporter le lancement de cette plate-forme à plusieurs reprises pour des raisons techniques : traductions, corrections multiples, etc.

Le document est très bien écrit, il montre clairement et franchement les maux dont souffre l'amazigh et l'amazighité, mais il ne propose aucune solution ? Est-ce que c'est voulu ?

Oui, nous n'avons pas voulu mettre la charrue avant les bœufs : les Imazighen doivent être d'abord d'accord sur le diagnostic. La solution viendra elle-même : elle devra faire l'objet d'un dialogue démocratique qui dégagera une solution consensuelle capable de fédérer le maximum possible d'Imazighen qui ne sont pas " les Imazighen n sserbis". Un mémorandum n'est pas une plate-forme. Nous estimons que nous avons comblé un vide conceptuel. Mais surtout que nous avons fait un effort collectif de réflexion autour des points suivants : la conception, la stratégie, la tactique. Même si nous ne proposons pas de solution par souci démocratique, nous suggérons indirectement la solution par le ricochet de l'analyse elle-même : elle devrait logiquement aboutir à une solution concertée.

La plate-forme est donc un donc point de départ pour une réflexion plus saine sur l’amazighité...

Option Amazighe" n'est pas le Coran : c'est le résultat du travail d'un groupe de militants qui est soumis à toutes les composantes du Mouvement Amazighe aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de Tamazgha, afin que chacun donne son point de vue, face des propositions, suggère ce qu'il faudra faire afin que les Imazighen recouvrent leurs droits légitimes dans un pays où démocratie, citoyenneté, droits de l'homme et identité ne soient pas de vains mots, mais une réalité vécue quotidiennement. Ce n'est qu’à cette condition que tout Amazigh conscient de l'être puisse jouir du droit, du confort de dire " je suis".

Azetta amazigh a aussi émis dernièrement un mémorandum, la profusion de documents revendicatifs provenant des organisations et des militants amazighs est-elle réellement positive ? Car malheureusement la situation de l'amazighité est toujours la même si elle ne se dégrade pas.

Notre plate-forme n'est pas un document revendicatif, mais une autopsie de la "question amazighe". La comparaison avec Azetta -que nous respectons-n'a pas lieu d'être. Effectivement, faute d'un diagnostic sérieux, audacieux et surtout bâti sur des faits historiques et non sur des a priori, l'amazighité risque de sombrer dans l'incompréhension et la manipulation. Nous estimons avoir introduit une clarification idéologique sans laquelle les Imazighen allaient continuer à passer à côté du problème. Nous estimons que la vraie question ne réside pas dans le fait de ne pas proposer une solution, mais dans le fait de poser les vraies questions.

Vous avez dit que la plate-forme est ouverte à tout le monde, allez-vous donc organiser des tournées au Maroc ou allez-vous vous contenter de recevoir les suggestions et les idées des Amazighs ?

Nous allons organiser des tournées pour que le débat ait lieu. Mais nous accepterons volontiers toutes les remarques et suggestions surtout quand elles proviennent des militants amazighs.

Ces derniers temps les universités marocaines ont connu des violences, parfois extrêmes, entre les militants du mouvement amazigh et des éléments connus pour leur haine viscérale de tout ce qui est amazigh, qu'est-ce que vous pensez de cette situation ?

Ce qui se passe en ce moment dans les universités marocaines est le reflet du pourrissement que connaît la question amazighe dans ce pays. Les tenants du pouvoir sont responsables de la situation actuelle et à venir car ils n'ont jamais pris au sérieux les revendications des Imazighens, ils ne ressentent pas leurs souffrances multiples, ils ne respectent pas leurs aspirations légitimes : demeure eux-mêmes comme ils l'ont toujours été depuis des millénaires. Cette responsabilité est d'autant plus grave que des indices sérieux pointent du doigt les services de sécurité qui manipuleraient la mouvance "Annahj Al marhali", mouvance connue pour faire de "la violence révolutionnaire", son cheval de bataille politique. Il est maintenant établi que cette mouvance a toujours provoqué les étudiants du MCA, bien connus pour leur pacifisme, leur civisme et leur rejet de la violence. Les étudiants du MCA n'ont fait que se défendre, car ils ont toujours refusé la violence par respect des droits de chacun à s'exprimer, mais aussi parce que les valeurs amazighes pour lesquelles ils se battent interdisent l'usage de la violence. En fait, ce qui se passe au Maroc, c'est le combat entre une conception démocratique de la vie sociale prônée par Imazighen, et une conception dictatoriale pratiquée par les tenants de l'arabo-baâtisme-islamisme et toutes leurs mouvances comme ces écervelés de "Annahj al marhali". Malgré le fait qu'ils se réclament d'un marxisme désuet, ils demeurent des arabo-baâthistes notoires, car ceux qui les manipulent et les arrosent d'idéologie fasciste sont bien connus pour leur esprit saddamiste.

Zahra Hindi : « Je chante en tamazight parce que c’est ma langue .»

C’est est une chanteuse qui promet. Beaucoup même. Parce qu’elle est vraiment douée et originale. Parce qu’elle est pourvue d'une voix terriblement douce, sensible et émotive. Bref, magnifique ! Découverte par le plus grand des hasards, nous avons voulu en savoir davantage sur cette jeune parisienne de 27 printemps, originaire du Souss au Maroc. Cette région amazighe, qui, décidément, n’arrêtera pas de nous surprendre avec la qualité des artistes et des musiciens dont elle nous gratifie, régulièrement, constamment. Pourvu que ça dure !

Est-ce que vous pouvez vous présenter en quelques mots ?

Je m'appelle Zahra Hindi, je suis chanteuse, compositrice et auteur. Je suis née au Maroc où je suis restée jusqu'à l'âge de 13 ans.

Comment vous en êtes venu à faire de la musique ?
Depuis ma tendre enfance, le chant m'a toujours donné la possibilité de me libérer et de m'exprimer. La constance de cette pratique dans ma vie m'a ouvert le chemin du son. L’influence de mon entourage n’est pas à négliger ; il a inscrit en moi le goût de l'allégresse et de la danse. De fait, il m'a transmis la vibration…

Quelle est l'attitude justement des membres votre famille par rapport à votre choix ?

Ils sont heureux après quelques inquiétudes, ils ont confiance en moi…

De quel instrument jouez-vous exactement ? Et pourquoi ?

Je joue de la voix et depuis peu de la guitare avec quelques petits accords. J'ai choisi la voix pour la vie intérieure et la guitare pour donner vie à la voix.

Avez-vous produit un album ou pas encore ?

Je travaille sur le premier album avec mes musiciens, ceux avec qui je joue régulièrement sur scène.

Où est-ce qu'on peut vous voir ?

Nous sommes en concert à Paris le plus souvent et quelques fois en Province et à l'étranger.

Vous avez affirmé quelque part que le groupe Oudaden a eu une influence sur vous, et pourtant vous ne faites pas la même musique et encore moins le même style ?

Je me suis inspirée de la musique traditionnelle et moderne pour donner vie à la mienne. Je pense que nous gardons tous une trace de la musique de nos souvenirs. En fait, ça fait partie de notre héritage musical. Le groupe Oudaden c'est le blues de chez moi ! Ils ont ouvert le champs à une nouvelle vision de la musique berbère.

Pourquoi chanter en anglais ?

Parce que c'est l'une des premières langues chantées que j'ai entendues chez moi. D’autant plus que je trouve cette langue on ne peut plus belle.

Et pourquoi chanter en tamazight ?

Parce que c'est ma langue.

Qui vous écrit les paroles ?

J'aime l'écriture alors je chante mes mots…
Pour l'écouter, cliquez juste sur ce lien : http://www.myspace.com/zahrahindi