Chronique:
La chaîne Al-Jazira -ce qui n’est absolument pas nouveau- gêne aux entournures les officiels américains et met à mal leurs projets au Moyen Orient. Tant il est vrai qu’elle est l’un des opposants les plus acharnés à la présence de leur pays dans la région. Mais que l’on arrive à la Maison Blanche à caresser le projet du bombardement de son siège à Doha pour définitivement la faire taire, est tout simplement surprenant. Jusqu’à maintenant, j’ai vraiment du mal à croire à un tel scénario.
S’il s’avère vrai – rien n’est plus impossible avec l’équipe de faucons actuellement au pouvoir à Washington - que le Président George Bush nourrissait un aussi étonnant projet, comme l’a révélé la presse britannique, on ne peut que s’interroger sur la logique qui président aux décisions de l’administration américaine. On sait tous que le Qatar, le plus petit pays du Golfe, qui finance totalement le dite chaîne, est pro-américain jusqu’au bout des ongles. On peut même dire qu’il est très lié aux États-Unis. Pour preuve, le quartier général des forces américaines, qui sont intervenues et qui interviennent toujours en Irak, se trouve juste à quelques mètres de la chaîne d’Al-Jazira, à Doha. Autrement dit, les Américains font beaucoup confiance aux dirigeants du Qatar.
Est-ce que, entre temps, sans que l’on sache, Bush a perdu à ce point toute influence sur l’émir du Qatar pour envisager une méthode pour le moins musclée et radicale contre Al-Jazira ? À notre connaissance non. Si c’était le cas, les Américains auraient déjà déguerpi du Qatar et même opté pour des pressions tous azimuts comme c’est le cas en ce moment même avec la Syrie.
Au fait, il suffira aux Américains de hausser un peu le ton pour que certainement le petit Qatar obtempère, sans broncher, et ferme illico presto et définitivement sa chaîne. Car, il ne pourra jamais résister aux pressions américaines. Pourqouoi donc avoir besoin d'une action aussi spectaculaire, aussi absurde que le bombardement des locaux de la chaîne ? C'est tout simplement incompréhensible et, pour tout vous dire, ivraisemblable !
Toujours est-il que ces révélations donnent raison à la chaîne Al-Jazira dont les bureaux et des journalistes, en Afghanistan et en Irak, ont été, bizarrement, victimes de plusieurs bavures américaines. Un cameraman de la chaîne, d’origine soudanaise, arrêté en Afghanistan, croupit toujours dans le camp de Guantanamo. Sans oublier l’incarcération de l’un de ses journalistes vedette en Espagne pour cause d’accointances avec la nébuleuse terroriste d’Al- Qaida.
La chaîne est-elle l’objet d’une cabale américaine ? C’est ce que pensent, avec beaucoup de conviction, ses responsables dont les dernières révélations d’une attaque apportent de l’eau à leur moulin. D’ailleurs, ils n’ont pas tardé à réagir, vigoureusement, à coups de communiqués de condamnation, de rencontres avec la presse et même de sit in de protestations. Sans oublier une couverture télévisuelle pour le moins démesurée de ces informations qui restent, faut-il encore le rappeler, à confirmer ou à infirmer.
En attendant, la victimisation, une spécialité dont excelle merveilleusement bien Al-Jazira, fonctionne donc, une fois de plus, à plein régime. Et rien ne nous dit que cela va s’arrêter de sitôt.
Lahsen Oulhadj