"Oui, le monde arabe est dans une crise très grave. Il faut donc trouver le chemin le plus approprié pour une transition démocratique avec moins de dégâts ", tel est le leitmotiv de la conférence ayant pour thème, " crises et pistes de réformes dans le monde arabe ", animée dans une salle archi-comble de l’Université de Québec à Montréal (UQAM), par le Prince Moulay Hicham, invité ce soir par l’institut d’études politiques international de Montréal en collaboration avec l’association Espoir-Maroc et le Conseil des relations internationales de Montréal.
Dans un débit extrêmement rapide et dans un français pour le moins châtié, le Prince a fait l'état des lieux des possibilités de réforme dans le monde arabe. Selon lui, il y en a trois: la première est représentée par la mouvance Islamiste; la deuxième est celle des mouvements démocratiques locaux et la dernière est celle de l'intervention étrangère. C'est cette dernière possibilité qui a d'ailleurs fait l'objet d'une analyse très apprfondie et très tatillonne de la part du conférencier.
Il a ensuite décortiqué, avec brio, l’idéologie des néo-conservateurs américains et ses théoriciens les plus en vue (Pearl, Wolfowitz…) qui ne voient qu’une menace dans le monde arabe. Il faut donc y intervenir directement pour changer les choses de fond en comble d’où par exemple la guerre en Irak.
Ce que le conférencier considère comme une véritable catastrophe, car selon sa propre expression " au lieu de la démocratie tant attendue, nous avons eu une société en ruine et presque en guerre civile ". Or, les dirigeants américains sont loin de voir les choses sous le même angle. Car ils continuent de répéter que leur intervention a été bénéfique à tous les points de vue. La preuve, pensent-ils, des élections libres ont eu lieu pour la première fois dans ce pays.
Il a tenu à dénoncer ce qu’il a appelé l’attitude sélective de l’Occident envers le monde arabe et islamique. " D’un côté, dit- il, on soutient ouvertement les Islamistes dans certaines régions du monde; et de l’autre, on soutient les régimes pour les réprimer comme c'est le cas, respectivement, en Arabie Saoudite et en Algérie". Il s’est aussi inquiété de la montée du fondamentalisme chrétien aux États-Unis qui va de pair avec une désécularisation qui n’augure rien de bon. D’ailleurs, le parti républicain devient de plus en plus théocratique.
Quant aux Islamsites, le prince s’est prononcé clairement pour leur intégration dans le jeu politique. L’expérience turque est très intéressante à observer. Voilà un parti islamiste qui est aux commandes d’un pays laïc sans trop d’accroc avec les militaires, les gardiens du temple de Kamal Ataturk. L’expérience du Parti de la justice et du développement marocain est aussi très intéressante dans la mesure où il a fait beaucoup de concessions idéologiques pour prétendre à être un acteur politique légal.
S’il doit y avoir un changement, il faut que cela vienne de l’intérieur. Sinon, dans le cas de toute intervention étrangère, on aboutit à des scénarios à l’irakienne. Ce à quoi le prince s’oppose avec beaucoup de conviction et d’énergie. " Car une occupation est toujours inacceptable ", déclare-t-il.
Le débat, qui s’est ensuivi, a été très intéressant à tous les niveaux. Beaucoup a été dit sur le Maroc et sa transition démocratique. Une idée principale en sort, à savoir que la monarchie est inéluctable dans ce processus déterminant.Vouloir en faire abstraction serait à tous les coups un chaos indescriptible. Pour la simple raison qu'il n'y a aucune alternative crédible à cette même monarchie.
Cependant, pour que le Maroc s'en sorte, économiquement parlant, il faut impérativement, selon Moulay Hicham, réhabiliter le politique, car les gouvernements technocratiques ont montré leurs limites à trouver une quelconque solution aux problèmes du pays.
Le seul reproche qu’on peut faire à certaines personnes du public, c’est qu’à la fin, elles se sont agglutinées autour du Prince, qui pour faire une photo souvenir, qui pour lui faire un bisou, qui pour l’embrasser sur l’épaule… Décidément, certains marocains ne changeraient jamais. Il faut dire que soixante ans de culte de personnalité laisse forcément des traces.