Que les Français- Chirac en tête- fassent tout pour récupérer Zidane et son image, personne ne peut le leur contester. C’est leur droit le plus absolu. Parce que Zidane est français, il est né et a toujours vécu en France. Parce qu’il mouille sa chemise depuis plus d’une décennie pour l’équipe de France de soccer.
Il est même le Français le plus connu, le plus célèbre de par le monde. Il a même surclassé les indéboulonnables Delon et autre abbé Pierre. Même si son nom et prénom n’en finissent pas d’interpeller plus d’un. Il faut reconnaître qu’ils n’ont rien de franchement gaulois.
Mais que des non-Français essayent, gauchement, de faire de même nous laisse sans voix. C’est le cas du très bouillant président algérien, Abdelaziz Bouteflika. Surfant sur la vague de l’extase footbalistique qui s’est emparé du monde lors de la finale de la Coupe du monde, il n’a pas hésité à adresser à Zidane un message on ne peut plus chaleureux l’invitant en Algérie et justifiant- c’est vraiment le comble- l’inadmissible coup de boule qu’il a assené à un joueur italien.
Le chef de l’État algérien a décidément la mémoire courte. Il faut dire qu’il manque de suite dans les idées. Bien plus, il s’est carrément fâché, et c’est peu dire, avec la logique et le bon sens. Et cela pour deux raisons.
Primo, quelques jours auparavant, avant son fameux message à Zidane, il a fait un discours fleuve, à l’emporte-pièce – c’est sa spécialité- pour justement vilipender avec des mots très durs les binationaux, à savoir tous les Algériens qui ont opté pour la double nationalité. Il les a accusés de " mépris envers leur pays d’origine " et de trancher en décrétant que " celui qui détient un passeport étranger ne peut avoir en même temps le passeport algérien. " Pire, et c’est vraiment sidérant, il n’a pas hésité à reprocher au même Zidane de dédaigner les couleurs nationales pour défendre le drapeau français.
Deuxio, et c’est un secret de polichinelle, Bouteflika a toujours pris en grippe les Kabyles et les Berbères, le peuple autochtone d’Afrique du Nord. Et justement Zidane est un Berbère. Mais qui s’en souvient encore ! Pour ceux qui ne le savent pas, ses parents sont originaires d’un village au fin fond de la Kabylie. Une région montagneuse, escarpée, connue par son irrédentisme berbère et son opposition parfois virulente aux desseins arabistes du régime algérien. Depuis des décennies, les Kabyles demandaient la reconnaissance de leurs spécificités culturelles, mais en vain. En guise de réponse, Bouteflika est parti en plein milieu de Kabylie pour affirmer, dans un geste de provocation manifeste, que tant qu’il est vivant le tamazight, la langue des Berbères, ne serait jamais officielle. Plus grave encore, lors des manifestations de colère de la jeunesse kabyle au printemps de 2001, la soldatesque de Bouteflika n’a pas hésité à réprimer dans le sang les cousins de Zidane. Résultat : 132 morts et plus de 5000 blessés dont une bonne partie est handicapée à vie.
Mais tout cela le président algérien n’en a cure. Le principal pour lui est de récupérer, même gauchement, cette figure de proue du sport, mondialement connue et reconnue, que représente Zidane. On oublie facilement que le peuple de ce même Zidane ( qui n’est pas le premier Berbère à faire le bonheur des bleus et des plus grands clubs français, car déjà pendant les années 30 et 50 il y avait Larbi Benbarek) continue à subir l’exclusion, l’oppression et parfois même la répression. Mais il suffit que l’un d’eux réussisse, le plus souvent à l’étranger, pour que les dirigeants nord africains- Bouteflika n’est pas le seul malheureusement- s’empressent de lui faire les yeux de Chimène. Mais personne n’est dupe. Surtout pas les Berbères !