Certains médias arabo-marocains ont carrément sauté de joie en apprenant que la télévision libanaise LBC lance sa chaîne destinée au " Maghreb arabe ". Ils en feront probablement pareil lorsqu’ils sauront que la société émiratie Dabi, elle aussi, va faire de même, incessamment. Pour leur grand bonheur assurément, la fameuse Al-Jazira, connue par son chauvinisme arabe exacerbé et sa promotion de l’islamisme le plus radical, a déjà lancé en grande pompe son propre journal quotidien destiné encore et toujours au même " Maghreb arabe ". Toute cette effervescence télévisuelle orientale, très inquiétante au demeurant, m’a inspiré ces quelques petites et modestes remarques.
Primo, vous n’êtes pas sans savoir que cette appellation du " Maghreb arabe ", banalisée par les médias arabes, est on ne peut plus coloniale, impérialiste, raciste, ethniciste, excluante, insultante... Mais personne n’en a cure. Il ne faut surtout pas s’attendre que l’on arrête de s’en fait l’écho. Au contraire, on continue avec un plaisir non dissimulé à la répéter sur tous les tons. Mais il y a un hic. Le mot Maghreb est déjà arabe que l’on sache, n’est-ce pas ? Pourquoi donc le qualifier encore d’arabe ? Cette insistance, pathétique du reste, est révélatrice. Elle a le mérite de montrer au grand jour qu’il y a un problème. Un gros malaise même. En effet, l’Afrique du Nord n’est pas arabe. Elle ne l’a jamais été. Mais il y a un risque important qu’elle le devienne. Pour mener à bien ce " noble objectif civilisateur" dans le far west amazigh, les monarchies pétrodollarisées du Golfe- où paradoxalement les Arabes deviennent de plus en plus dangereusement une minorité- ne lésinent jamais sur les moyens. Il suffit juste de lever le petit doigt et vous serez noyé sous des tonnes de billes verts, sans condition, illico presto.
Secundo, il ne faut pas en fin de compte reprocher aux Moyen-orientaux de qualifier notre région de " Maghreb arabe " et même nous intégrer bien malgré nous à leur nation et autre patrie arabes. Il faut savoir que tout ce que nous avons comme élite autoproclamée n’a des yeux que pour l’arabisme et ses avatars. N’en parlons même pas des dirigeants. Ils ne ratent jamais aucune occasion pour nous rappeler que nous sommes au " Maghreb arabe ", c’est-à-dire chez eux. Qui plus est, ils n’arrêtent pas de souhaiter de voir son union se concrétiser sous la bannière de l’empire virtuel arabe (l’empire français qui l’a réalisée était, lui, bel et bien une réalité). Ce à quoi le chef des terroristes du Polisario, soutenu à bras-le-corps, rageusement et désespérément par Bouteflika et ses généraux sanguinaires, répond en écho. Sauf qu’il faut satisfaire sa plus grande lubie qu’il caresse depuis plusieurs décennies déjà : son intronisation solennelle à la tête de son ex-future république arabe très démocratique du Sahara occidental. Sinon, il n’y aurait ni union ni rien du tout. Reconnaissez quand même que c’est terriblement drôle !
Cela étant dit, quelle serait donc, si on revient à nos moutons, l’utilité des chaînes " publiques " marocaines devant raz de marée de médias arabes ? Il faut savoir qu’une grande partie de leurs programmes sont importés à coup de millions de dollars US du Moyen-Orient. Poursuivront-elles encore et toujours cette même politique fondamentalement absurde ? Continueront-elles à faire des Marocains des zombies juste bons à consommer les navets arabes ? Nul ne le sait. Mais une chose est sûre : malgré la créativité audiovisuelle dont l’amazighité a toujours fait preuve, les responsables des " médias publics " marocains ne veulent en aucun en entendre parler. Et tous les prétextes sont bons justifier cette aberration on ne peut plus raciste. Même les plus risibles et les plus loufoques.
Et comme si cela ne suffisait pas, Tel Quel n’a pas résisté au plaisir d’entrer dans la mêlée. Et ce, pour jouer sa propre partition faite de discrédit et de désinformation. Selon ce très respectable et non moins déroutant hebdomadaire, les défenseurs de l’amazighité à la télévision ne sont rien de moins que des aigris en mal de publicité. Rien que cela. Présentée presque comme un scoop, la raison de leur dernier tohu-bohu presque déplacé est dû au refus de leurs projets télévisuels. Sidérant, n’est-ce pas ? En fait, pas tant que cela. Après sa logorhée délirieille aux accents "attajdidistes " fustigeant, à la limite de l’obscénité, encore et toujours ce serpent ennuyeux de "l’extrémisme amazigh " (le vrai terrorisme arabiste avec ses effroyables dégâts humains et matériels, nul n’a encore pensé à le dénoncer), publiée dernièrement dans la version arabe du même canard, il ne faut pas s’attendre à mieux.
Avant de reprocher aux autres d’être atteints de schizophrénie, il serait peut-être judicieux de commencer une petite cure pour en guérir soi-même. N’est-ce pas messieurs les responsables de Tel Quel ?