jeudi, décembre 08, 2005

Maroc: le terrorisme a un bel avenir

Chronique:

La filière marocaine dans le terrorisme international est beaucoup plus qu’importante qu’on l’imagine. Rappelez-vous les attenants de Madrid, de Casablanca, du 11 septembre et les multitudes d’accrochages en Arabie Saoudite où des terroristes marocains ou originaires du Maroc ont été des acteurs plus que déterminants.

Il ne passe pas un jour sans que l’on entende ou lise dans tel ou tel média que des Marocains, un peu partout dans le monde, sont, au mieux, expulsés de leur pays de résidence, et, au pire, soupçonnés, arrêtés, jugés, condamnés à cause de leurs activités terroristes. Pire, à chaque fois qu'il y a un attentat quelque part, les premiers à être pointés du doigt sont les Marocains. Comme c'était le cas à Londres.

On est en droit de se demander pourquoi donc une telle présence pour le moins massive des Marocains dans la nébuleuse terroriste. Qu’est-ce qui pousse ces gens à s’engager dans ces groupements extrémistes, nihilistes ? Le Maroc est-il sous occupation occidentale ? Exploite-t-on ses richesses pétrolières qu’il n’a d’ailleurs pas ? Quelle explication peut-on donner de ce fléeau ?

J’ai deux hypothèses pour faire un peu de lumière sur phénomène pour le moins inquiétant et qui risque de faire encore, malheureusement, beaucoup de dégâts. D’ailleurs, la communauté marocaine à l’étranger en pâtit déjà.

Primo, dans le cas des jeunes originaires du Maroc, mais européens de naissance. On peut facilement affirmer qu’ils ont été victimes de tous ces imams haineux, toujours à l’affût, qui ont trouvé en eux des proies faciles et malléables à merci.

Leur tâche est d’autant plus facile que la situation socio-économique (chômage, décrochage scolaire…) de ces jeunes est parfois extrêmement difficile. C’est là, et c’est vraiment regrettable, qu’ils basculent dans la spirale terroriste sans espoir de s’en réchapper. Aussi étonnant que cela puisse être, bon nombre de nos apprentis terroristes sont embrigadés dans les prisons. C’est vous dire !

À noter que ces imams amateurs, car le plus souvent ils n’ont qu’une connaissance rudimentaire de l’Islam, n’accepteraient jamais que l’un de leurs enfants commette un attentat suicide ou y participe. C’est connu, le jihad, c’est juste pour les autres. Ben Laden, quoiqu’il y appelle souvent, n’y a jamais envoyé l’un des ses enfants. Alors qu’il en a une vingtaines. Qu’il commence par donner l’exemple !

Cette vie ne sert à rien, dit-on aux jeunes déracinés ? Il n’y a pas mieux que d’aller dans l’au-delà. Pour l’accueil y soit grandiose, il faut donc se sacrifier non pas, utilement, pour changer son propre vécu, mais pour venger toutes les injustices faites aux Arabes et aux Musulmans sous d’autres cieux.

Il n’y a pas que cela qui explique l’engagement des enfants des immigrants. Il ne faut jamais mésestimer les relations avec le pays d’origine, le Maroc. Le cas de Zakarias Moussaoui est dans toutes les mémoires. Le déclic de son engagement islamiste a été la venue, en France, de sa cousine marocaine. C’est elle en quelque sorte qu’il lui a ouvert les yeux. La suite, on la connaît tous. Le voilà qui croupit dans une prison de haute sécurité aux Etats-Unis. Encore là, il faut qu’il s’estime heureux, d’autres Islamistes ont un traitement autrement plus dure. Ceux de Guantanamo par exemple !

Secundo, au Maroc, la responsabilité incombe principalement au gouvernement qui, des années durant, a fait de " grands efforts " pour importer les problèmes du Moyen-Orient dans le pays. La " moyen-orientalisation " des esprits et des comportements, si je peux m’exprimer ainsi, a été et reste toujours, hélas!, un choix de société. Tout le monde a participé à cette entreprise avec beaucoup de zèle. Les médias, les partis politiques, l’école, l’administration…Il est donc tout à fait normal que, à la fin, on ait les même problèmes que ceux du Moyen-Orient. Le terrorisme par exemple ! À l’heure actuelle, s’insurger contre cette dérive peut vous valoir une levée de bouclier, si on ne vous accuse pas de folie ou de je ne sais quelle maladie cérébrale.

Au lieu donc de s’attaquer, surtout en amont, aux véritables raisons qui ont fait du Maroc un pays exportateur de terroristes, le pouvoir, qui s’est présenté effrontément comme une victime, a vite improvisé des lois pour le moins répressives. Sa réaction brutale après les attentats de Casablanca en est la preuve.

Comme on s’y attendait, ont eu lieu des arrestations massives, à l’aveuglette, suivies de tortures collectives, en faisant litière de toutes les conventions internationales dûment signées par ses représentants. D’ailleurs, son savoir-faire est tellement reconnu qu’il sous-traitent aux Américains quelques cas difficiles. Le repos de tous les tortionnaires, qui ont déjà fait leur preuve sous le règne de Hassan II, a été de courte durée. Les voilà qui reprennent du servie, de plus belle.

Est-ce que le régime marocain a esquissé un quelconque changement ? Est-ce qu’il manifeste une quelconque volonté de se ressaisir ? Pour tout vous dire, il ne faut pas trop y compter. Comme si de rien n’était, il continue à servir aux Marocains, en redoublant bizarrement d’effort, les mêmes ingrédients qui ont permis l’éclosion de pas mal de " vocations prometteuses " dans le terrorisme. Désespérant !
Lahsen Oulhadj
.

dimanche, décembre 04, 2005

Bouteflika: une humiliation en pleine maladie !

Chronique:
Pour une humiliation, c’en est vraiment une ! Ironie du sort ou hasard du calendrier, c’est au moment où le Président algérien, A. Bouteflika, est dans sa chambre d’hôpital à Paris, complètement affaibli par la maladie, que les députés français de l’Union de la majorité présidentielle (UMP), le parti de Jacques Chirac, ont refusé massivement d’amender l’article 4 de la loi du 23 février 2005 qui vante " le rôle positif de la présence française " dans les territoires Outre-mer dont bien évidemment l’Afrique du Nord.

À noter qu’à plusieurs reprises A. Bouteflika, lors de la campagne pour son dernier référendum sur la réconciliation nationale, a fait de longues tirades consacrées à ce thème. Il n’a de cesse de dénoncer un texte " confinant au négationisme et au révisionnisme ".

Il est même monté au créneau pour menacer les officiels français de ne pas ratifier le traité d’amitié en préparation entre les deux pays. Mais rien n’y est fait. l’Assemblée nationale française, souveraine qu’elle est, a fait litière des gesticulations de Bouteflika pour voter ce qu’elle désire et au moment où elle le désire. C’est-à-dire lors de la présence de ce même Bouteflika sur son territoire !

Ce qui a fait dire à un journaliste algérien que le président "doit certainement avoir la télévision dans sa chambre et a dû suivre, tristement, la session de l’Assemblée nationale française. Politiquement, il a tout intérêt à rentrer très vite au pays; même si, médicalement, le risque est gros".

La morale de l’histoire : malheureusement pour les Algériens, la France est en position de force. Elle sait très bien que les sorties médiatiques de Bouteflika sont des coups d’épée dans l’eau et qu’elles ne feraient jamais changer d’avis ni le gouvernement français ni ses députés.

Les Algériens, et avec eux tous les Nord Africains, sont trop faibles pour peser sur la balance ! Ils ne s’en rendent pas compte, mais leurs dirigeants le savent très bien. A. Bouteflika le premier. Au moindre petit problème de santé, il s’est hâté d’aller se soigner dans l’ancienne métropole, comme si de rien n’était. Autrement dit, A. Bouteflika n’a jamais cru dans ses prises de position. À méditer !
Lahsen Oulhadj

samedi, novembre 26, 2005

Bombardement d'Al-Jazira: incroyable, mais...

Chronique:
La chaîne Al-Jazira -ce qui n’est absolument pas nouveau- gêne aux entournures les officiels américains et met à mal leurs projets au Moyen Orient. Tant il est vrai qu’elle est l’un des opposants les plus acharnés à la présence de leur pays dans la région. Mais que l’on arrive à la Maison Blanche à caresser le projet du bombardement de son siège à Doha pour définitivement la faire taire, est tout simplement surprenant. Jusqu’à maintenant, j’ai vraiment du mal à croire à un tel scénario.

S’il s’avère vrai – rien n’est plus impossible avec l’équipe de faucons actuellement au pouvoir à Washington - que le Président George Bush nourrissait un aussi étonnant projet, comme l’a révélé la presse britannique, on ne peut que s’interroger sur la logique qui président aux décisions de l’administration américaine. On sait tous que le Qatar, le plus petit pays du Golfe, qui finance totalement le dite chaîne, est pro-américain jusqu’au bout des ongles. On peut même dire qu’il est très lié aux États-Unis. Pour preuve, le quartier général des forces américaines, qui sont intervenues et qui interviennent toujours en Irak, se trouve juste à quelques mètres de la chaîne d’Al-Jazira, à Doha. Autrement dit, les Américains font beaucoup confiance aux dirigeants du Qatar.
Est-ce que, entre temps, sans que l’on sache, Bush a perdu à ce point toute influence sur l’émir du Qatar pour envisager une méthode pour le moins musclée et radicale contre Al-Jazira ? À notre connaissance non. Si c’était le cas, les Américains auraient déjà déguerpi du Qatar et même opté pour des pressions tous azimuts comme c’est le cas en ce moment même avec la Syrie.
Au fait, il suffira aux Américains de hausser un peu le ton pour que certainement le petit Qatar obtempère, sans broncher, et ferme illico presto et définitivement sa chaîne. Car, il ne pourra jamais résister aux pressions américaines. Pourqouoi donc avoir besoin d'une action aussi spectaculaire, aussi absurde que le bombardement des locaux de la chaîne ? C'est tout simplement incompréhensible et, pour tout vous dire, ivraisemblable !

Toujours est-il que ces révélations donnent raison à la chaîne Al-Jazira dont les bureaux et des journalistes, en Afghanistan et en Irak, ont été, bizarrement, victimes de plusieurs bavures américaines. Un cameraman de la chaîne, d’origine soudanaise, arrêté en Afghanistan, croupit toujours dans le camp de Guantanamo. Sans oublier l’incarcération de l’un de ses journalistes vedette en Espagne pour cause d’accointances avec la nébuleuse terroriste d’Al- Qaida.
La chaîne est-elle l’objet d’une cabale américaine ? C’est ce que pensent, avec beaucoup de conviction, ses responsables dont les dernières révélations d’une attaque apportent de l’eau à leur moulin. D’ailleurs, ils n’ont pas tardé à réagir, vigoureusement, à coups de communiqués de condamnation, de rencontres avec la presse et même de sit in de protestations. Sans oublier une couverture télévisuelle pour le moins démesurée de ces informations qui restent, faut-il encore le rappeler, à confirmer ou à infirmer.
En attendant, la victimisation, une spécialité dont excelle merveilleusement bien Al-Jazira, fonctionne donc, une fois de plus, à plein régime. Et rien ne nous dit que cela va s’arrêter de sitôt.
Lahsen Oulhadj

jeudi, novembre 24, 2005

Bush aurait envisagé l’attaque d’Al-Jazira

Un document très confidentiel dont le journal britannique le Daily Mirror a publié, il y a quelques jours, le contenu a eu l’effet d’une bombe sur Al-Jazira et pour cause. Les Américains, s’il en croit le dit journal, auraient un projet de bombardement des locaux de la chaîne qatarie.

C’était lors de sa rencontre le 16 avril 2005, à la Maison Blanche, que le président américain, George Bush, aurait avoué avec le Premier ministre anglais, Tony Blair, l’existence d’un plan de bombardement d’Al-Jazira, à Doha, la capitale du Qatar. Selon le document, Tony Blair l’aurait avertit des conséquences désastreuses d’une telle action.

Dans un communiqué dont des passages ont été diffusés sur le site Internet de la chaîne, les responsables d’Al-Jazira ont insisté auprès du gouvernement anglais de se hâter d’infirmer ou de confirmer les informations publiées par le Daily Mirror.

S’il s’avère que le rapport est vrai, " ce serait un terrible choc non seulement pour Al-Jazira mais à toutes les sociétés médiatiques du monde. Il inciterait à douter des versions américaines aux différentes attaques dont les bureaux et les journalistes d’Al-Jazira ont fait l’objet en Irak et en Afghanistan ".

Cette information a provoqué un tollé général chez les journalistes arabes. Abd Al Bari Atouan, le très en vue directeur du journal panarabe Al-Quds Al-Arabi, a affirmé que c’est une preuve que l’administration américaine fait la guerre à Al-Jazira et les médias arabes libres, et tous ses discours sur la liberté et la réforme ne sont que de la poudre aux yeux.

Le comité arabe de la défense des journalistes arabes réagit dans le même sens. Il a exprimé son ahurissement vis-à-vis des révélations pour le moins terrible du journal anglais.
-selon le site Internet d’Aljzira-
Lahsen Oulhadj

dimanche, novembre 20, 2005

L’ONU : un bras d’honneur à la démocratie

La deuxième partie du Sommet mondial sur l’information a eu lieu le 16 et le 18 novembre dernier en Tunisie ! Si cela ne vous choque pas, c’est que certainement vous ne connaissez point ce pays, qui a brillé, et de quelle manière!, par être l’un des plus brocardés au monde relativement à la liberté d’expression et aux droits de l’homme.

On ne peut s’empêcher de s’interroger sur le responsable du choix de la Tunisie comme lieu d’organisation d’une telle rencontre. L’ONU, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, a encore raté le coche. D’aucuns considéraient que c’est une provocation de la part de l’organisation onusienne.

Ce n’est pas sans raison, et même si le mal est déjà fait, que M. Ambeyi Ligabo, rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression de la Commission des Nations Unies sur les droits de l'homme, a invité les autorités du pays hôte " à libérer sans conditions tous les prisonniers d’opinion et à favoriser le plein exercice du droit à la liberté d'opinion et d'expression dans le pays".

Cependant, le régime de Tunis ne l’entend pas de cette oreille. Un journaliste français, Christophe Boltanski, l’a appris à ses dépens le 11 novembre à Tunis. Il a été agressé lâchement en plein centre de la capitale tunisienne par des hommes, certainement des membres des services de sécurités - parce que c’est l’une des méthodes dont ils sont friands.

Quant aux militants tunisiens des droits de l’homme, ce genre d’agressions fait partie de leur lot quotidien, et même les membres de leurs familles ne sont pas épargnés. Le jour même, l’avocat Mokhtar Trifi et l’universitaire Sana Ben Achour, après avoir participé à un rassemblement de soutien à des figures de proue de la société civile tunisienne qui observaient une grève de la faim depuis le 18 octobre 2005, ont été roués de coups. La fille de Mokhtar Trifi, dont le seul crime est d’être la fille de son père, a eu le même sort deux jours après.

Autrement dit, le régime tunisien n’est absolument pas prêt à changer sa politique répressive. S’il continue ainsi c’est qu’il est sûr qu’il ne risque rien. La France " des droits de l’homme " le soutient à bras-le-corps, et cela fait dix-huit ans que cela dure. Il faut dire que ses intérêts dans son pays sont importants. Il ne faut en aucun cas les mettre en danger avec des histories " futiles " de démocratie, d’autant plus que les Américains sont l’affût pour lui couper l’herbe sous les pieds. Ben Ali et ses sbires vont encore sévir pour longtemps.
Lahsen Oulhadj

jeudi, novembre 03, 2005

Azekka : une ONG modèle

Lahsen Oulhadj
Bouleversante a été, pour moi, une photographie dégotée par le plus grand des hasards dans un petit site Internet. Elle a immortalisé, comme le précise sa légende, quelques écoliers démunis du sud marocain. Ils serraient très fort contre leurs petits corps chétifs leurs tout nouveaux cartables que l’on vient de leur offrir. Un peu comme s’ils avaient peur qu’on les leur arrache. De leurs regards se dégage cette souffrance indicible propre à l’enfance confortée précocement aux affres de la vie.

Qui sont les bons samaritains derrière ce geste humanitaire , ô combien précieux, envers ces bambins ? Trois françaises : Karine, Céline et Bénédicte, par le biais de leur association humanitaire, Azekka -demain en berbère-, qu’elles ont fondée à la suite d’ " un coup de foudre pour le sud marocain et ses gens ", selon les propres mots de la présidente Mlle Karine Aubry.

Férues de randonnées pédestres, elles ont eu tout le loisir de découvrir et d ’apprécier, lors d’un premier circuit, la beauté magique des paysages des régions de l’Atlas ; mais aussi de constater de visu l’envers du décor, à savoir l’état du dénuement total des populations locales. C’était là qu’elles ont eu le déclic. Il fallait agir et immédiatement. Sensibles à la misère humaine qu’elles sont, il ne peut pas en être autrement, pourrait-on dire. D’ailleurs, elles n’ont pas traîné en longueur pour mettre la main à la pâte.

Dans un premier temps, elles ont acheminé, personnellement, des dons de toutes sortes à chacun de leurs déplacements au Maroc. Conscientes des limites de leur démarche et dans un souci d’efficacité " nous avons décidé de créer Azekka ", souligne Mlle Karine. Chemin faisant, l’association s’est beaucoup agrandie et pour cause. D’une structure locale, elle s’internationalise de plus en plus. Les Azekkis, c’est ainsi que les membres sont joliment appelés, sont quelque 65 personnes, répartis entre la France, la Belgique et le Maroc.

Ne laissant rien au hasard et conscientes qu’il faut donner à leur petite ONG un nom judicieux et surtout qui parle aux bénéficiaires de leurs actions, elles n’ont pas hésité à lancer un appel mondial sur l’un des multiples forums réservés à la culture amazighe. Le choix s’est arrêté sur Azekka car, selon Mlle Karine, c’est " un nom berbère simple, afin d’être identifié par toutes les populations des régions concernées ".

le hic

Il ne suffit pas d’être animé par les bons sentiments pour que tout coule de source. Derrière toute action humanitaire, il y a beaucoup d’efforts à fournir en argent, en temps, en prospection, en récupération, etc. Certains pensent, à tort, que c’est simple. Oh que non ! Si les membres de l’association d’Azekka se décarcassent, à fond, à ramasser tous les dons, il faut par la suite les transporter aux bénéficiaires qui se trouvent non pas dans la ville ou la région voisine, mais à quelque trois mille kilomètres. Et c’est là que le bât blesse. D’aucuns seraient déjà tentés de baisser les bras avant même d’avoir commencé tellement les efforts à fournir sont titanesques.

Paradoxalement, dans le cas des Azekkis, c’est le contraire qui s’est passé. On dirait que toutes ces difficultés sont source de motivation qui les incite à pousser les feux. Vu que l’association n’a pas trop les moyens et ne peut se permettre d’envoyer les dons par le truchement du transport international, ce sont ses membres, en personne, qui s’en chargent avec tous les risques que cela comporte.

Ce n’est que dernièrement, comme nous le confie Mlle Karine, que l’on a fait appel aux voyageurs solidaires, via les forums de discussion et le site Internet de l’association ; ce sont " des Français ou des Belges qui partent au Maroc en nous faisant gentiment une petite place dans leur véhicule ou dans leur valise ". Pour que les envois arrivent à destination, les Azekkis sont capables de déployer des trésors d’ingéniosité qui ne peuvent nous laisser, et c’est le moins qu’on puisse dire, qu’admiratifs devant tant de dévouement.

Malgré son jeune âge, il serait fastidieux de citer la liste, déjà très longue, de toutes les réalisations d’Azekka : distributions de kits de cartables en 2004 et 2005 pour les enfants démunis d ’Idikl et d ’Aït Ali, fourniture d’une bibliothèque de plus 1200 livres, réalisation d’une étude de faisabilité d’un projet hydraulique à Aoulouz par un ingénieur dépêché de France spécialement pour cette tâche, dons de fauteuils roulants à des enfants handicapés de Skoura …

Quant aux projets, ce n’est absolument pas cela qui manque. Si le cœur vous en dit et désirez ajouter votre pierre à cet édifice humanitaire, il ne faut pas trop hésiter. En tous les cas, les Azekkis vous accueilleront toujours les bras ouverts !

Du baume dans les cœurs

" Partout où nous allons, nous sommes très bien accueillis. À Aït Ali et à Aoulouz, nous avons rencontré des gens qui étaient très ravis de notre visite, car ils vivent très isolés toute l’année ", se réjouit Mlle Karine. Ce que confirment les photographies mises en ligne sur le site de l’association où l’on voit des hommes, des femmes et des enfants, vivant dans des conditions parfois très pénibles, qui, tout sourire, sont on ne peut plus heureux que des gens venant de contrées très lointaines viennent leur apporter de l’aide.

La philosophie d’Azekka est originale. Les membres de l’association sont animés par la volonté de toujours respecter l’autre dans sa dignité en lui faisant comprendre que malgré sa pauvreté, il est riche par sa culture et par son humanité. " Dans nos échanges, ajoute Mlle Karine, nous essayons toujours de chercher la rencontre interculturelle et l’enrichissement mutuel. Nous n’arrivons jamais en héros providentiel qui peut résoudre tout avec un coup de baguette magique. De plus, nous avons un principe : nous n’aidons que ceux qui s’aident entre eux-mêmes et notre apport est un coup de pouce qui leur permet d’aller plus loin ".

Et les problèmes surgissent !

Azekka fait face à des tracasseries administratives pour le moins absurdes. Un exemple : il faut savoir, précise Mlle Karine, que " la douane nécessite une demande de franchise avec déplacement obligatoire des bénéficiaires jusqu’à Tanger ". Lorsqu’on connaît leur extrême pauvreté, autant dire que l’administration marocaine cherche à mettre fin à cette belle aventure humaine.

Nonobstant cette course d’obstacles, les Azekkis tiennent bon. Sauf que, à la fin, c’est tellement devenu décourageant qu’il faut impérativement agir. Il y a quelques jours, une pétition planétaire a été lancée pour dénoncer le comportement pour le moins intolérable des agents de la douane. Parmi les griefs : leur mauvaise foi en feignant ne pas recevoir de franchise, les demandes répétitives de pots-de-vin et autres bakchichs, l’intimidation et l’abus de pouvoir. Résultat : on bloque pendant des heures les convoyeurs, souvent, bénévoles. En d’autres termes, pour ceux qui la connaissent déjà, l’administration marocaine est fidèle à elle-même. En ce sens qu’elle réussit merveilleusement bien, comme à son accoutumée, à tailler des croupières à cette belle initiative qui permet de soulager un tant soi peu les souffrances des pauvres parmi les pauvres dont, et c’est une évidence, elle n’a cure. Désespérant !

vendredi, octobre 07, 2005

Le Québec: le racisme dans les ondes

Chronique:

Le grand écrivain, Albert Memmi, a noté dans son fameux livre Le racisme qu’il est très difficile de trouver un raciste qui assume ouvertement son attitude. Vous aurez toujours droit à cette phrase d’étonnement : moi raciste ? Jamais ! Mais cela n’empêche que le racisme existe et bel bien.

Autre monde, autre attitude. Au Québec, on assume son racisme en vous regardant droit dans les yeux. Pire, on le justifie même par la science. Plus grave encore, on ne s’embrasse même pas de le soutenir dans une émission de télévision à succès.

Si vous habitez au Québec, vous devez certainement savoir de qui il s’agit. Sinon, je vais vous le dire. Il s’agit d’ un psychiatre de profession qui répond au nom très académique de docteur Mailloux. Il a sa propre émission sur la station de radio CKAC où il anime depuis des années une tribune libre. Il y répond, en direct, aux questions psychologiques de ses nombreux auditeurs.

Lors de son passage dans Le monde en parle, une copie de la fameuse émission française et diffusée sur la télévision de Radio-Canada, ce docteur Mailloux a tenu des propos absolument choquants en expliquant le plus calmement du monde que les Noirs et les autochtones avaient un quotient intellectuel plus faible que la moyenne. Il s’est appuyé, semble-t-il, sur une étude américaine faite par des sociologues américains.

Cependant, ce que notre docteur ne sait pas. C’est que la biologie n’explique pas ce retard, si retard il y a. Le niveau social est déterminant dans la réussite scolaire. Ce que le grand sociologue français, Pierre Bourdieu, a démontré depuis des lustres avec son concept de capital culturel. Un fils de médecin, parce que ses parents sont cultivés, est toujours avantagé par rapport à un fils d’ouvrier. Ce qui est tout à fait normal.

Regardons la situation des Noirs et des autochtones en Amérique du Nord ! Si les premiers sont rejetés dans les périphéries des villes, parce que en bas de l’échelle sociale, les deuxièmes sont parqués dans des réserves où ils vivent dans des conditions extrêmement pénibles. Il est donc tout à fait normal que leurs enfants aient moins de chance de réussir leur scolarité. Parce que exclus, discriminés et défavorisés par le système social en vigueur.
Il est certain que si on offre les mêmes conditions de vie des petits blancs aux enfants des Noirs et des autochtones, ils auraient le même taux de réussite scolaire, et partant sociale. Je ne pense pas que cette situation a un quelconque lien avec la biologie comme docteur Mailloux essaye de l’insinuer, qui n’est d’ailleurs pas à son coup d’essai. Il a déjà tenu des propos nauséabonds contre les Sikhs en les traitant d’un communauté de bozo (idiots). Il s’est aussi illustré en s’insurgeant contre l’immigration qui vient du tiers-monde et des " pays arriérés " en appelant à favoriser les Européens de l’Ouest et les Scandinaves.

Là, il semble que le docteur Mailloux n’est pas très bien renseigné. Il ne sait pas que les Scandinaves ont les niveaux de vie les plus élevés au monde. Ils dépassent et de loin le Québec. Il faut qu’ils soient fous pour venir au Québec et endurer des conditions difficiles d'une nouvelle vie et surtout les propos d’un xénophobe, doublé d'un raciste notoire, comme lui.
Lahsen Oulhadj

mardi, octobre 04, 2005

L'arganier : une destruction tous azimuts



Dans mon enfance au fin fond du Souss - une région berbérophone se trouvant au sud-ouest marocain -, ce qui n'était pas bien vieux car il s'agissait juste de la fin des années 70 du siècle passé, je n’oublierais jamais cette épaisse et dense forêt de l'arganier, toujours verdoyante, qui se trouvait non loin de la maison familiale. Mes cousins et moi, aussi hardis que nous étions, nous n'osions même pas s'y aventurer, tellement qu'elle nous impressionnait par son immensité et sa densité.

Maintenant, de l'inoubliable arganeraie de mon enfance, il ne subsiste plus - hélas ! - que quelques arbres épars et d'aspect chétif, qui seraient tôt ou tard abattus. Le même scénario se répète malheureusement un peu partout dans la région. On peut parler, sans vouloir exagérer, d'un véritable " génocide écologique ", qui a fait perdre au Souss et au-delà au pays, une grande partie d'un patrimoine forestier unique au monde et pour cause. Cet arbre ne se trouve nulle par ailleurs sauf dans ce coin du Maroc.

Vieux comme le monde

L'arganier a commencé à pousser il y a quelque 80 millions d'années. Sa zone dépasserait et de loin son emplacement l'actuel. Car on trouve quelques colonies dans la région de Khémisset au nord non loin de la capitale Rabat, à Aït Iznassen au nord-est et même au sud-est dans les environs de Tindouf, en Algérie.

Aujourd’hui, il ne couvre plus, approximativement, qu'une superficie de 830.000 hectares avec quelques 21 millions arbres. Plus être plus précis, son aire géographique, en plus de la vallée du Souss, va du versant sud du Haut-Atlas au versant nord de l'Anti-Atlas jusqu'au massif de Siroua à l'est. Au Sud, il s'étend jusqu'à la région d'Agoulmim, aux confins du désert saharien.

Cet arbre, qui peut vivre jusqu'à 250 ans, est un moyen puissant de protection du sol grâce à ses racines qui pénètrent les profondeurs de la terre, jusqu'aux nappes phréatiques. Il enrichit aussi la terre par ses feuilles, ses fruits et surtout par toute une végétation exubérante qui pousse à ses pieds. Un vrai bonheur pour les ovidés. Et surtout les caprins, qui vont jusqu’à escalader ses branches avec une dextérité surprenante, pour manger ses feuilles éternellement vertes. Idem pour les camelins qui en raffolent. D'ailleurs, chaque année, leurs propriétaires, qui remontent du Sahara à la recherche des pâturages, ont souvent maille à partir avec les populations locales à cause des énormes dégâts qu’ils provoquent lors de leur passage.

L'arganier est surtout une barrière naturelle contre la progression de la désertification qui, malheureusement, avance lentement, mais sûrement à cause de la destruction dont il a fait et fait encore l'objet, souvent avec une férocité inégalable.

Huile magique

L'Arganier, dont le bois est un combustible, produit une huile qu'on ne trouve nulle part ailleurs. Son extraction, qui à ce jour a échappé à toute mécanisation, demande un savoir-faire traditionnel extrêmement complexe dont la femme berbère garde jalousement les secrets. Il serait fastidieux de raconter tout en détail. On va donc se contenter juste de l’essentiel.

Tout d’abord, il faut ramasser des fruits secs auxquels il faut enlever une espèce de cosse ( tafyyoucht ), pour pouvoir avoir les noyaux ( aqqayen) extrêmement durs. Il faut ensuite les concasser pour avoir finalement des graines oléagineuses ( tiznin) qu'il faut torréfier sur un plat en argile dans une température bien précise. À la différence des olives, ce n'est pas la pulpe qui donne de l'huile, mais plutôt ces magiques graines blanc pâle.

Ensuite, il faut tout moudre dans un moulin traditionnel ( azergg) spécialement destiné à cette tâche. En récitant des phrases rituelles, la pâte ainsi obtenue est versée dans un grand récipient. Il faut donc la malaxer et la presser avec les mains en y versant de temps en temps de l'eau tiède jusqu'à ce que se forment des grumeaux pareils à des grains de couscous.

Enfin, en les remuant lentement, commence à voir une huile écarlate d'une odeur très agréable et pourvue d'un goût très particulier et des propriétés diététiques indéniables.

À noter que ce n'est pas aussi simple que cela. Pour l'avoir essayé, c'est un travail extrêmement pénible, harassant. Il faut au bas mot 20 longues heures de travail pour extraire juste un litre de cette précieuse huile.

Arbre sacré

Dans la mémoire collective des populations locales, l'arganier est une bénédiction divine. On prête même à certains de ces arbres des pouvoirs magiques. Il n'est pas rare, pour celui qui sillonne le Souss, de tomber sur un arganier immense et solitaire au milieu de nulle part. S'il n'était pas arraché, c'est qu'il est intouchable parce que pourvu de pouvoirs sacrés. Le toucher, c'est s'attirer les foudres de ses esprits protecteurs.

D'ailleurs, on racontait qu'un Caïd- le représentant du pouvoir central- dans les environs de Biougra, à quelques encablures d'Agadir, a été excédé par la présence d'un de ces immenses arganiers où les villageois alentours viennent, chaque année, y faire une fête rituelle, appelé lmaârouf , certainement les restes d'une tradition païenne encore vivace.

Toujours est-il que le Caïd en question, et dans la plus pure tradition autoritaire du régime marocain, a décidé de le déplumer totalement de ses longues branches, sans tenir compte des protestations " silencieuses " des habitants. Son forfait commis, en rentrant chez lui, il a eu un accident de voiture extrêmement grave. " Les foudres de la malédiction ne l'ont pas raté ", avaient pensé les gens que cet incident n'a fait que confirmer dans leurs croyances. Et depuis, le dit arganier trône toujours, avec majesté, à sa place. Personne ne penserait même pas s'en approcher et à plus forte raison le couper.

Résistance

Beaucoup de poètes et d'écrivains, originaires de la région, ont évoqué cet arbre noble en soulignant sa capacité extraordinaire à surmonter les pires des sécheresses. L'enfant terrible du Souss et le phénomène de la littérature marocaine d'expression française, Mohamed Khaïr-Eddine, l'a évoqué ainsi dans l'un de ses poèmes : " Arbre magique et vénérable, tes racines forent le roc et scellent avec la terre un pacte irrévocable ; tu es le végétal le plus résistant et sans doute le plus beau ... "

En effet, l'arganier n'a pas besoin de beaucoup d'eau ; il peut se contenter d'une pluviométrie très basse. Il n'est pas non plus exigeant au niveau de la terre ; il n'est pas rare de le voir se tenir, coûte que coûte, même dans les falaises les plus raides. Il peut pousser n'importe où pourvu que le climat soit un " hiver chaud ou tempéré, une humidité de l'air toujours forte et une fréquence élevée de brouillards ", selon l'expression de Nada Radi, une scientifique qui a rédigé toute une thèse de doctorat sur cet arbre qu'elle considère, à juste titre, comme appartenant à la famille des " arbres de fer ", à cause certainement de son entêtement indémontable à survivre dans un milieu parfois très hostile.

Inconscience

Plusieurs facteurs concourent à détruire l'arganier dont la nature elle-même. La sécheresse endémique qui sévit dans la région depuis des siècles et surtout les fortes tempêtes du vent qui ne sont pas, heureusement, régulières. Mais lorsqu'elles soufflent, elles provoquent un véritable massacre, une hécatombe.

Au début des années 80, une tempête d'une violence inouïe a frappé une grande partie de la vallée du Souss. J'ai vu de mes propres yeux des centaines et des centaines d'arbres tomber pour le plus grand bonheur des animaux et surtout des hommes. En quelques semaines, tous les arganiers ont complètement disparu, car coupés et vendus dans les marchés de la région et même d’ailleurs.

L'État aussi a une grande part de responsabilité. Du temps déjà de la présence française, des milliers et des milliers d'arbres ont été transformés en charbon de bois. Pour vous donner une idée de ce crime impardonnable : 2000 hectares sont sacrifiés chaque année entre 1918 et 1924.

Pire, après l'indépendance la destruction a suivi son bonhomme de chemin. À cause de l'extension galopante de l'urbanisation et de l'agriculture intensive. Le développement des villes comme Biougra, Aït Melloul et Agadir par exemple se fait de plus en plus au détriment de la forêt ou ce qui il en reste.

Plus grave encore, en plein milieu de la forêt d'Admim, l'une des forêts les plus importantes du Souss, il a été érigé, au plus grand dam des habitants de la région, un aéroport et deux autoroutes, la première reliant Aït-Melloul et l'aéroport et la deuxième reliant cette même ville à Taroudante. Résultat : des milliers d'arbres à jamais perdus.

Et last but not least, les autorités n'ont pas trouvé mieux que de brader à un Saoudien une grande partie de cette même forêt, qu'il a entourée d'une muraille longue de plusieurs mètres, pour y pratiquer, semble-t-il, son sport favori, la fauconnerie. Un véritable scandale qui n'émeut pas grand monde malheureusement.

Et cerise sur le gâteau, le Maroc a perdu depuis belle lurette l'exclusivité de la marque d'" argan " au profit d'une entreprise française. Le journal marocain l' Économiste nous l'a rappelé récemment tout en se scandalisant devant ce fait accompli et surtout devant le terrible silence des officiels marocains qui ont montré, une fois de plus, qu'il font peu de cas de ce symbole distinctif de leur pays.

Il faut vraiment avoir le cœur bien accroché en voyant le sort réservé à cette richesse inestimable qui a été, depuis toujours, une source précieuse de vie pour tout un peuple authentiquement africain, les Berbères, qui s'accroche vaille que vaille à la vie un peu comme ce même arbre mythique.

dimanche, octobre 02, 2005

Le Seigneur de guerre: mi-figue, mi-raisin

Lahsen Oulhadj
Le film raconte l’ascension fulgurante, la dernière quinzaine d’années du siècle passé, d’un marchand d’armes d’origine ukrainienne et est établi aux États-Unis. Son commencement dans le milieu a débuté en assistant, par le plus grand des hasards, à une fusillade dans un grand hôtel new yorkais. Ce qui est pour le moins léger, reconnaissons-le !

La fin du bloc de l’Est a eu pour résultante l’explosion du marché des armes, et partant, la prospérité des affaires de Yuri Ovlov, protégé hypocritement par les grandes puissances et en même temps poursuivi continuellement par un agent têtu d’Interpol, qui entraîne dans son monde terriblement tragique, son petit frère Vatali. D’ailleurs, celui-ci va en être la victime expiatoire parce que il en refuse les règles du jeu.

Une plongée adacieuse dans un monde glauque des armes est tout simplement à saluer. Mais, à mon sens, il y a quelques ratés. Primo, un moralisme trop flagrant, si ce n’est un simplisme de mauvais aloi, de bout en bout du film ; on aurait pu être un peu moins direct ! Secundo, on a usé et a abusé de duel bien/mal avec l’agent d’Interpol, qui est présent partout à tel point qu’il en devient fatigant. Enfin, manque de vraisemblance pour certaines scènes, surtout lors de l’atterrissage de l’avion de Yuri dans une savane africaine et son démantèlement, en un temps record, par les populations locales, montrées sous un mauvais jour.
En visionnant le film, on ne peut pas s’empêcher d'avoir l'amère impression qu’il renforce certains clichés de l’Africain violent, barbare et sauvage. Ce qui est dans la réalité est loin d’être vrai.

mercredi, septembre 28, 2005

Le Prince rouge prêche sa bonne parole à Montréal

Lahsen Oulhadj
"Oui, le monde arabe est dans une crise très grave. Il faut donc trouver le chemin le plus approprié pour une transition démocratique avec moins de dégâts ", tel est le leitmotiv de la conférence ayant pour thème, " crises et pistes de réformes dans le monde arabe ", animée dans une salle archi-comble de l’Université de Québec à Montréal (UQAM), par le Prince Moulay Hicham, invité ce soir par l’institut d’études politiques international de Montréal en collaboration avec l’association Espoir-Maroc et le Conseil des relations internationales de Montréal.
Dans un débit extrêmement rapide et dans un français pour le moins châtié, le Prince a fait l'état des lieux des possibilités de réforme dans le monde arabe. Selon lui, il y en a trois: la première est représentée par la mouvance Islamiste; la deuxième est celle des mouvements démocratiques locaux et la dernière est celle de l'intervention étrangère. C'est cette dernière possibilité qui a d'ailleurs fait l'objet d'une analyse très apprfondie et très tatillonne de la part du conférencier.
Il a ensuite décortiqué, avec brio, l’idéologie des néo-conservateurs américains et ses théoriciens les plus en vue (Pearl, Wolfowitz…) qui ne voient qu’une menace dans le monde arabe. Il faut donc y intervenir directement pour changer les choses de fond en comble d’où par exemple la guerre en Irak.

Ce que le conférencier considère comme une véritable catastrophe, car selon sa propre expression " au lieu de la démocratie tant attendue, nous avons eu une société en ruine et presque en guerre civile ". Or, les dirigeants américains sont loin de voir les choses sous le même angle. Car ils continuent de répéter que leur intervention a été bénéfique à tous les points de vue. La preuve, pensent-ils, des élections libres ont eu lieu pour la première fois dans ce pays.

Il a tenu à dénoncer ce qu’il a appelé l’attitude sélective de l’Occident envers le monde arabe et islamique. " D’un côté, dit- il, on soutient ouvertement les Islamistes dans certaines régions du monde; et de l’autre, on soutient les régimes pour les réprimer comme c'est le cas, respectivement, en Arabie Saoudite et en Algérie". Il s’est aussi inquiété de la montée du fondamentalisme chrétien aux États-Unis qui va de pair avec une désécularisation qui n’augure rien de bon. D’ailleurs, le parti républicain devient de plus en plus théocratique.

Quant aux Islamsites, le prince s’est prononcé clairement pour leur intégration dans le jeu politique. L’expérience turque est très intéressante à observer. Voilà un parti islamiste qui est aux commandes d’un pays laïc sans trop d’accroc avec les militaires, les gardiens du temple de Kamal Ataturk. L’expérience du Parti de la justice et du développement marocain est aussi très intéressante dans la mesure où il a fait beaucoup de concessions idéologiques pour prétendre à être un acteur politique légal.

S’il doit y avoir un changement, il faut que cela vienne de l’intérieur. Sinon, dans le cas de toute intervention étrangère, on aboutit à des scénarios à l’irakienne. Ce à quoi le prince s’oppose avec beaucoup de conviction et d’énergie. " Car une occupation est toujours inacceptable ", déclare-t-il.

Le débat, qui s’est ensuivi, a été très intéressant à tous les niveaux. Beaucoup a été dit sur le Maroc et sa transition démocratique. Une idée principale en sort, à savoir que la monarchie est inéluctable dans ce processus déterminant.Vouloir en faire abstraction serait à tous les coups un chaos indescriptible. Pour la simple raison qu'il n'y a aucune alternative crédible à cette même monarchie.
Cependant, pour que le Maroc s'en sorte, économiquement parlant, il faut impérativement, selon Moulay Hicham, réhabiliter le politique, car les gouvernements technocratiques ont montré leurs limites à trouver une quelconque solution aux problèmes du pays.

Le seul reproche qu’on peut faire à certaines personnes du public, c’est qu’à la fin, elles se sont agglutinées autour du Prince, qui pour faire une photo souvenir, qui pour lui faire un bisou, qui pour l’embrasser sur l’épaule… Décidément, certains marocains ne changeraient jamais. Il faut dire que soixante ans de culte de personnalité laisse forcément des traces.

lundi, septembre 26, 2005

Al-Jazira: dure condamnation de Tayssir Allouni

Lahsen Oulhadj

La chaîne Al-Jazira a tout naturellement réagi négativement à la condamnation à 7 ans, en Espagne, de son journaliste vedette Tayssir Allouni. Une condamnation que son porte-parole a qualifiée d’ " inique et d’une première dangereuse dans le monde du journalisme. "

Il a réitéré, à cette occasion et au nom d’Al-Jazira, son soutien indéfectible à Tayssir Allouni et assure qu’il n’aura de cesse de défendre sa " rigueur et son courage journalistique. "

L’envoyée spéciale à Madrid de la chaîne qatarie a souligné que le jugement était connu bien avant par la presse espagnole qu’elle a égratigné au passage en affirmant qu’elle a joué un rôle très négatif dans cette affaire.

Quant au chef de la rédaction d’Al Jazira, Ahmed Al-Cheikh, présent lui aussi à Madrid, il a tenu à exprimer sa profonde tristesse vis-à-vis d’un jugement qui n’a, selon lui, aucune base légale et qu’il a qualifié d’un " moment sombre dans l’histoire de l’humanité ".

L’avocat de la défense Saâd Jabbar a abondé dans le même sens en parlant d’une " première catastrophique dans l’histoire de la justice dans la mesure où elle a fondé sa lourde condamnation sur les rapports des services de sécurité qui devaient normalement ne pas être pris en compte, car non vérifiables ". Il a considéré ce jugement comme un retour en arrière en rappelant que " c’est exactement ce que faisait les régimes soviétiques. "

Il a conclu en déclarant que " c’est une véritable catastrophe pour le travail journalistique et pour Al-
Jazira ."
Reste qu'Al-Jazira ne va pas rester les bras croisés. Il va certainement faire appel.

- Selon le site Internet d'Al-Jazira -

dimanche, septembre 25, 2005

Montréal: une ville au mille et un festivals

Lahsen Oulhadj
Vous êtes quelque part dans le monde, vous vous ennuyez à mort et vous désirez ardemment tout quitter pour un ailleurs plus intéressant ! Vous êtes très porté sur tout ce qui a trait à la culture ! Ne cherchez plus, et pour cause. Je vous ai trouvé le lieu idéal ! Ah, oui, et c’est en Amérique du Nord et plus exactement à Montréal ! Je vois que vous faites déjà une de ces têtes ! Car, à tous les coups, vous associez trop cette ville au terrible froid canadien.

Détrompez-vous ! C’est cité se rattrape est de quelle manière ! Elle vous offre tout au long de l’année énormément de manifestations culturelles et sportives. On en compte plus d’un millier !

L’hiver, qui ne devient plus qu’un détail, est vite relégué aux oubliettes. Car noyé dans un magma culturel chaud, très chaud. À vous, la vie intense de cette métropole cosmopolite du Québec !

Le point d’orgue de toutes ses activités est certainement les deux mois de Juin et de Juillet. Vous ne pouvez qu’être gâté pendant cette période. D’ailleurs, je vous suggère vivement de venir à cette époque de l’année, car les festivals s’y suivent sans forcément se ressembler. Mais, si vous voulez affronter l’hiver, pas de problème ! Vous serez aussi très bien servi.

Jetez un coup sur cette liste de festivals qui est loin d’être exhaustive :

vendredi, septembre 23, 2005

Il ne fait pas bon d'être noir !

Lahsen Oulhadj
Au Maroc, qui est au demeurant un pays africain, un journal régional a qualifié de crickets noirs les clandestins sub-sahariens qui transitent dans le pays pour pouvoir mettre, au péril de leur vie, les pieds -s’ils y arrivent- dans l’autre côté de la Méditerranée, à savoir l ’Europe. Mais là, c’est encore gentil. Parce qu’il n’y a pas mort d’homme.

Mais là où ça fait vraiment mal, c’est de voir tous ces Africains " cramés " en plein milieu de Paris, car, nous dit-on, ils habitaient tous des habitations insalubres. Est-ce que ces pauvres gens n’auraient pas préféré mieux ? Certainement ! Mais est-ce qu’ils en ont les moyens dans l’une des villes les plus chères au monde ? Certainement pas !

Supposons qu’ils en ont, est-ce qu’ils trouveraient ? Ce n’est pas moins sûr. Car, et c’est tout simplement regrettable pour la ville-lumière, le racisme est bel et bien une réalité très ancrée dans la culture française. Si vous avez un nom à consonance étrangère - plus précisément africaine ou musulmane-, il ne faut même pas rêver d’avoir un logement décent. Vous n’avez nullement intérêt à être noir et en même temps pauvre. Car là vous fermez toutes les portes de sorties et même de secours.

Autre lieu, autre contient. Aux États-Unis plus précisément. C’est exactement le même scénario de souffrance qui se répète. Là aussi, des masses majoritairement noires laissées sans aucune assistance, paradoxalement dans le pays le plus puissant au monde, après le passage du terrible ouragan, affabulé bizarrement d’un doux prénom féminin, Katrina. Mais bon sang, pour quelles raisons étaient-ils restées alors qu’ils avaient été prévenus, se demanderait n’importe quel crédule. Parcequ’ils n’ont pas où aller, parce qu’ils sont très pauvres . Pas d’argent, pas de voitures ; donc impossible d’aller ailleurs.

Il faut savoir qu’aux États- Unis, les plus mal lotis sont les noirs. Ils vivotent majoritairement en bas de l’échelle sociale. Une situation terrible que les politiques anti-sociales des conservateurs au pouvoir n’ont fait qu’empirer.
C’est ainsi, les Noirs vivent partout des situations très difficiles, que ce soit chez eux en Afrique et même en Occident. Quelque chose doit être fait pour ce peuple qui n’a que trop souffert –l ’esclavage, le colonialisme, la dictature- et qui continue malheureusement à souffrir.

vendredi, septembre 16, 2005

Sur la télévision de Pierre Bourdieu

Lahsen Oulhadj

Compte rendu de Sur la télévision de Pierre Bourdieu.

Par ce livre, exceptionnellement de petit format et d’un accès facile, Pierre Bourdieu a essayé de révéler, non seulement à son auditoire restreint du collège de France, mais aussi à un public plus large, les mécanismes cachés qui régissent le monde de la télévision.

Il a beaucoup dénoncé la censure invisible pratiquée par la télévision. Il faut dire qu’elle est pourvue, comme l’a démontré l’auteur, d’un système de censure très sophistiqué inhérent à sa nature, aux pressions économiques et politiques dont elle fait systématiquement l’objet. À la télévision, on ne montre pas tout, sauf si cela va intéresser le plus grand nombre. La logique de l’audimat est très déterminante.

P. Bourdieu a aussi décoché quelques flèches aux intellectuels, ou se pensant comme tels, férus de passages successifs à la télévision. De toute évidence, pour eux, le but ultime c’est de " voir et d'être vus ". Quant à leur pensée, elle est " jetable " parce que produite dans l’urgence. Et leurs débats sont loin d’être vrais…

Si Bourdieu est par moment très acerbe, c’est qu’il est contre le mélange des genres. Selon lui, le risque, à terme, est que le champ scientifique perde son autonomie sous les coups de boutoir de la logique commerciale qui sévit dans l’espace médiatique. Son cauchemar, c’est de voir un jour un sociologue parler au nom de la sociologie.

Cependant, les reproches qu’on peut faire à P. Bourdieu ne sont pas très nombreux. Tout d’abord, le manque d’exemples concrets pour étayer ses quelques affirmations abstraites. Ensuite, le refus d’évoquer, fût-ce en quelques mots, les avantages de la télévision. Enfin, le côté pamphlétaire de son ouvrage qui risque de rebuter surtout ceux qui sont habitués à sa légendaire rigueur scientifique. Par conséquent, le lecteur peut facilement avoir l’impression, en lisant cet opuscule, que c’est plus un règlement de compte qu'autre chose. D'ailleurs, tout le monde sait que les rapports entre P. Bourdieu et les médias étaient très conflictuels.

lundi, septembre 12, 2005

Chirac le démocrate

Lahsen Oulhadj
Lors des préparations des Anglo-américaines de la guerre en Irak, Chirac, par sa position courageuse, a eu de par le monde engrangé un capital de sympathie considérable. Mais avec le temps, ce capital tend à s’étioler. Car Chirac n’a que mépris pour la démocratie surtout si les intérêts de son pays sont en jeu. Il l’a montré à plusieurs reprises.

Lors du dernier déplacement du nouveau président chinois en France, Hu Jintao, Chirac lui a offert tous les fastes de la république. Ce qui est tout à fait normal, vu que la Chine est un grand pays. Mais ce qui ne l’est pas, c’est tout le discours qui a accompagné cette visite officielle. J’ai trouvé très choquant l’extrême timidité avec laquelle le président français a évoqué la question des libertés dans ce pays. Sa vague allusion aux droits de l’homme assortie "de l’assurance que le régime chinois va dans leur affermissement " n ‘est absolument pas digne d’un président d’un grand pays démocratique, la France. On aurait aimé que Chirac mette le doigt sur quelques sujets brûlants : l’inexistence de la liberté d’expression, l’impossibilité de créer des associations ou des partis politiques, la peine de mort encore largement pratiquée, le Tibet qui a été simplement annexé, etc. Autrement dit, la Chine est une dictature léniniste dirigée par un parti-État, qui a obtenu de très bons résultats économiques certes, mais dont les pratiques sont arbitraires voire totalitaires.

En outre, Chirac a surpris tout le monde par des propos très virulents tenus contre Taiwan, qui compte organiser, le 20 mars prochain, une consultation référendaire de ces citoyens sur l’attitude à adopter face à la menace chinoise sur l’île. De fait, Chirac, par ses déclarations condamnant les initiatives d’une petite démocratie, donne le feu vert à une puissance brutale et surarmée de décider contre elle des représailles au moment où elle le voulait.

Bien pire, la France lève en même moment l’embargo sur la vente d’armes à la Chine décidée par la communauté européenne depuis le massacre de Tien An Men en 1988. Surtout que l’on sait tous que la Chine ne fait pas mystère de ses intentions : elle va utiliser à coup sûr les Mirages français qu’elle compte se procurer pour une éventuelle agression de Taiwan. Car, elle a toujours évité de renoncer publiquement d’utiliser la force contre la petite île. Pourquoi le président français n’a pas au moins exigé que la vente des armes françaises soit subordonnée à un engagement dans ce sens ? Là aussi, les intérêts purement économiques expliquent tout.

Déjà lors de sa visite en Tunisie en décembre 2003, Chirac n’a pas hésité à prendre fait est cause pour le régime très répressif du président Ben Ali. Il a avait fait une déclaration mémorable sans aucun respect aux militants tunisiens des droits de l’homme en grève de la faim : "le premier droit de l'homme, c'est de manger, d'être soigné, de recevoir une éducation, d'avoir un habitat " en ajoutant que "la Tunisie est très en avance sur beaucoup, beaucoup de pays. "
Une façon de soutenir le régime en place, et, de dire que les Tunisiens, et au-delà tous les Nord Africains, peuvent s’estimer heureux si déjà ils ont quelque chose à se mettre sous la dent. La démocratie en quelque sorte est un luxe que seul les Occidentaux peuvent se permettre. Drôle conception de la démocratie ! Ce qui a choqué tous les démocrates d’Afrique du Nord. Mais c’est mal connaître Chirac qui a dit en 1990 que "le multipartisme est un luxe que les pays en développement n’ont pas les moyens de s’offrir. "

En juin 2003, et dans un pays qui n’a pas brillé non plus par ses acquis démocratiques, la Russie, Chirac alors qu’il inaugurait avec le président Poutine, une académie polaire à Saint-Pétersburg, a eu cette déclaration : " cette initiative met la Russie au rang des démocraties pour le respect dû au peuple premier, pour le dialogue des cultures et tout simplement pour le respect pour l’autre ". Les massacres perpétrés par le régime Poutine en Tchétchénie sont allègrement passés sous silence. Là aussi, la France a signé un accord de "partenariat stratégique " avec la Russie . Autrement dit, les intérêts passent avant tout autre chose.

Il est regrettable de constater que les principes démocratiques qui ont présidé à la fondation de la France, sont sacrifiés sur l’autel des intérêts purement économiques. Mais ce n’est pas nouveau, loin s’en faut. Un certain De Gaulle, dont Chirac se dit un digne successeur, avait affirmé un jour que : " la France n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts ". Voilà pour ceux qui se font encore des illusions sur la droite française.

dimanche, septembre 11, 2005

Apprenons le tifinagh sur tifawin.com !

Lahsen Oulhadj
Féru de la culture amazighe depuis son plus jeune âge, Azedine L., ingénieur de formation, n’a pas hésité à mettre ses connaissances au profit du tifinagh. Il a crée à cet effet www.tifawin.com, un site avant-gardiste destiné à l’apprentissage simple et ludique de cet alphabet ancestral dont la symbolique n’est plus un secret pour personne. Il a bien voulu se soumettre à notre jeu de questions-réponses.

Question : pourquoi le site tifawin ?
Réponse : Tout simplement pour remplir un vide. L'idée était : comment donner accès à l'apprentissage de l’alphabet tifinagh à un maximum de gens, d'une manière interactive et par Internet ?

Q : Décrivez-nous un peu votre site Internet ?
R : L’outil est divisé en plusieurs sections : présentation, mémorisation et applicationLa présentation donne un aperçu des tifinaghs classés par voyelles puis par groupe de lettres ayant une ressemblance graphique ou sonore. Chaques lettre est accompagnée du son correspondant. La mémorisation consiste dans des exercices de reconnaissance de lettres générées aléatoirement. Un score permet de s’auto-évaluer. L’application consiste en un clavier tifinagh virtuel et des exemples basés sur des proverbes, en plus d’un moteur de recherche de vocabulaire amazigh en tifinagh.

Q : C’est vrai que c’est un outil on ne peut plus complet, mais en termes de fréquentation, qu’en est-il ?
R : Et bien, le bilan n’est pas mauvais, le site est en ligne depuis un mois et a déjà reçu plus de 2000 visiteurs. La majorité provient de France, le Maroc arrive en 2ème position.

Q : Au-delà du côté symbolique très fort du tifinagh, pensez-vous vraiment que cet alphabet est l’idéal pour la langue amazighe, eu égard à son retard et à la situation même des Amazighs ?
R : Il est clair que la solution de facilité aurait été d’adopter l’alphabet latin comme d’autres peuples (vietnamiens, albanais, …). Les expériences d’autres pays montrent bien que ce ne soit pas l’alphabet qui soit important, mais le fait qu’il soit soutenu par une politique d’État et c’est là justement le talon d’Achille du tifinagh. Reste que je le considère comme un " catalyseur identitaire ", c’est-à-dire qu’il induit une réaction d’identification culturelle que l’alphabet latin n’aurait pas pu engendrer. L’autre avantage du tifinagh est qu’il pourrait marquer de façon très claire la présence du tamazight dans l’espace public. Nombre d’enseignes d’hôtels et autres établissements commerciaux portent déjà des noms amazighs, mais ne sont pas ressentis comme tels. Car ils sont écrits en lettres latines ou arabes. La lettre tifinaghe devient militante et porte-parole du tamazight par sa seule présence. Le problème est que cette langue doit faire face à un État on ne peut plus hostile et que les symboles ne seront peut-être pas suffisants. Il faut donc assurer les arrières. Rien n’empêche d’utiliser le tifinagh et l’alphabet latin en même temps. C’est d’ailleurs ce qui se passe. Pour faire bref, je dirais que le tifinagh sert à fertiliser un champ qu’il faudra peut-être semer avec le latin.

Q : Vous avez touché au point sensible, à savoir l ‘État, qui malgré ses beaux discours et malgré l'IRCAM, continue toujours à exclure et même dans certains cas à combattre la langue amazighe. D’après vous, que doivent faire les Amazighs par rapport à une telle situation?
R : D’abord, ils ne doivent pas perdre courage, leur lutte est légitime et juste. Elle ne peut finir que par gagner. Les militants doivent continuer à sensibiliser la société civile qui reste bien souvent ignorante du problème. Une bonne communication est plus efficace que dix manifestations. Ensuite, il ne faut pas jouer le jeu du Makhzen qui divise pour régner, il y a beaucoup d’énergie qui se perd dans une critique continuelle de l'IRCAM. Cet institut a un rôle de production et de recherche, même si, hors de ses murs, son action reste très limitée. Il n’est pas exempt de critiques, mais il faut prendre du recul et se demander de quelle façon l’on pourrait créer des synergies pour avancer. Il y a toujours possibilité de trouver un élément positif et l’exploiter. Le site TIFAWIN a été créé dans cette optique et le nombre de possibilités d’actions n’est pas négligeable.

Q : L'IRCAM, comme vous le savez, a un site Internet. Mais il est surprenant de remarquer que le tifinagh n’y est absolument pas présent. Par quoi expliquez-vous une telle situation? D’après vous, c’est technique ?
R : Et bien, je viens de lire une interview d'un membre du département informatique de l'IRCAM qui a annoncé une version tifinagh et une autre arabe pour le mois de juin.

Q : Tant mieux alors ! Sinon, qu’est-ce que vous pensez du CD d’apprentissage de langue amazighe produit par la société eclisse.com ? Est-il bien fait ou non ?
R : Il a le mérite d'exister, mais il faut être franc, c'est un travail bâclé. Le tifinagh y est écrit n'importe comment et la qualité technique n'est pas à la hauteur du prix auquel il est vendu. Des versions ultérieures ont été annoncées, espérons que le tir sera rectifié. Encourageons quand même ses concepteurs, car cela reste une belle initiative !

Q : Les Amazighs sont on ne peut plus présents sur Internet. Mais, malheureusement, on ne peut que constater leur absence insupportable dans d’autres médias. D'après vous, comment les Amazighs peuvent-ils marquer leur présence à la radio et à la télévision que ce soit au Maroc ou à l'étranger ?
R : Comme toujours, le nerf de la guerre est l'argent. Je pense que la prochaine libéralisation du secteur audiovisuel pourrait peut-être débloquer la situation. Les chaînes arabistes dites nationales sont à oublier. Il faudra alors convaincre les investisseurs que le tamazight peut leur faire gagner beaucoup de parts de marché. En fait, ce qui les convaincra enfin de compte, ce sera la possibilité d'attirer des annonceurs intéressés par le public amazigh. On voit que c'est un système global, tant que le tamazight n'aura pas intégré une partie du circuit économique, on risquera de tourner en rond.

Q : Est-ce que vous avez d’autres projets en perspective en plus de tifawin.com ?
R : J’ai beaucoup de projets, mais ils ont tous présentables dans le cadre du site TIFAWIN, du moins aussi
longtemps que l'Ircam réservera sa production à ses seuls membres...

Q : merci beaucoup!
R : je vous en prie!

vendredi, septembre 09, 2005

Al-Jazira: entre arabisme et islamisme

Lahsen Oulhadj
La chaîne de télévision Al-Jazira (l’île, la péninsule en arabe) apparaît d’emblée comme un média d’exception à cause de sa liberté de ton, fait inhabituel au Moyen-Orient où dominent encore des régimes théocratiques rétrogrades. Quelques mois après sa création en 1996, par la seule volonté de l’émir du Qatar, Hamad Ben Khalifa Al-Thani, elle est devenue un média international incontournable. Elle a été révolutionnaire dans la mesure où elle a changé radicalement le flux de l’information. Pour la première fois dans l’histoire, ce n’est plus l’Occident qui en est la source et le diffuseur, mais c’est le tiers-monde.

Tout ou presque a été dit, avec souvent un enthousiasme compréhensible, sur le succès extraordinaire de cette CNN arabe. Mais rares sont les écrits qui ont évoqué, avec un regard distancié, les courants idéologiques qui influencent, qui se disputent et, parfois même, déterminent sa ligne éditoriale et sa politique rédactionnelle.

Le nationalisme arabe, le panarabisme, le baâthisme…

Tous ces concepts disent une seule et même réalité. Celle d’un courant idéologique qui a fait de l’ethnie, de la langue et de la culture arabes son fer de lance. Son influence dans les pays dits arabes est majeure. Que ce soit au niveau de l’école, des médias, de l’intelligentsia

Al-Jazira n’a pas échappé à son emprise. Il s’y exprime par l’usage de l’arabe littéraire, une langue en principe unificatrice. Mais le hic, c’est que peu d’Arabes la maîtrisent. Car elle n’a aucune assise sociologique. Pour en comprendre toutes les subtilités, il faut donc aller à l’école.
De fait, elle est comparable au latin, qui, d’une langue liturgique, devient au fur et à mesure, grâce à un soutien pour le moins massif de la part des États, celle de l’école et des médias. Même s’il y a, ces derniers temps, une tendance progressive à employer, surtout lors des débats télévisés, le dialecte égyptien qui devient par voie de conséquence la lingua franca des Arabes.

Dans ces conditions, l’arabe littéraire employé par Al-Jazira peut être considéré, à certains égards, comme une barrière linguistique pour les masses arabes en majorité analphabètes. Selon les estimations les plus sérieuses, il n’y aurait que 30 millions d’Arabes qui suivent quotidiennement les affaires du monde au travers d’Al-Jazira. Ce qui est une petite minorité au regard de leur nombre qui dépasse les 200 millions d’âmes.

Il reste que les images et leur pouvoir d’évocation ont facilement permis à Al-Jazira de faire passer son message. Le plus simplement du monde. Il n’est pas rare de voir des musulmans non-arabes regarder systématiquement cette chaîne, même s’ils n’y comprennent pas le discours.

Consciente de cette réalité, et pour toucher un maximum de téléspectateurs en inscrivant les événements du monde dans une perspectives arabe, Al-Jazira commence sérieusement à penser à lancer une autre chaîne. En anglais cette fois-ci. Aux dernières nouvelles, elle va être lancée incessamment. Son site Internet fonctionne depuis plusieurs mois déjà.

Pour marquer davantage son panarabisme, et certainement pour susciter l’adhésion du maximum des téléspectateurs arabes, Al-Jazira a tenu à varier l’origine nationale de son personnel. Ses journalistes, qui étaient déjà des figures familières pour leurs concitoyens, car ils ont derrière eux plusieurs années d’expériences dans leurs chaînes nationales respectives, viennent d’une quinzaine d’États arabes. Presque chaque pays arabe dispose d’un journaliste-ambassadeur dans l’entreprise médiatique d’Al-Jazira, pourrait-on dire. Cependant, la part de lion revient aux pays les plus importants, la Syrie, le Liban, l’Egypte, l’Irak…

La priorité donnée aux questions arabes est aussi un fait saillant de l’arabisme d’Al-Jazira. Si leur traitement n’est pas toujours original, Al-Jazira ne s’embarrasse pas, de temps en temps, de briser les tabous que les médias nationaux n’oseraient même pas évoquer, et a fortiori traiter : la situation de la femme, les crimes d’honneur, la question des droits de l’homme, les opposants des régimes arabes... Avec une remarque, plus le pays est loin de la péninsule arabique, plus Al-Jazira prend énormément de libertés à traiter des sujets le concernant. Il ne ménage jamais à titre d’exemple, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie...

Un simple coup d’œil sur le site Internet d’Al-Jazira suffit à mesurer l’influence de l’idéologie du nationalisme arabe sur les contenus de la chaîne. En témoigne la terminologie employée pour désigner les aires géographiques de sa diffusion. L ‘Afrique du Nord et le Moyen-Orient sont appelés "al-watan al-âarabi ", la patrie arabe, qui est, comme beaucoup de gens le savent, une construction plus théorique que réelle. Néanmoins, dans la dernière version du site, on n’a plus gardé cette dénomination ; on lui a substitué un adjectif on ne peut plus significatif, " âarabi " (arabe).

Il est à rappeler que cette nation arabe, perçue à tort comme un bloc monolithique, est loin d’être aussi homogène. Dans pratiquement tous les pays dits arabes, il y a de fortes minorités ou parfois même des majorités non arabes. Le cas du Maroc est éloquent à cet égard. Voilà un pays majoritairement berbère, mais qui fait partie de ce monde arabe. Pire, des pays africains, qui ne sont pas du tout arabes, se voient qualifiés arbitrairement d’arabes : la Somalie, le Djibouti…

Qui dit arabisme, dit aussi les gouvernements qui l’ont adopté comme idéologie d’État. Pratiquement, tous les pays arabes sont concernés peu ou prou. L’Irak de Saddam, qui a appliqué une forme d’arabisme poussé à l’extrême, a des sympathisants de taille au sein d’Al-Jazira. Mohamed Jasim Al-Ali, l ’ex-directeur de la chaîne, a été poussé à la porte à cause de ses liens pour le moins douteux avec l’ex-dictateur irakien Saddam. Selon le journal panarabe Al-Sharq Al-Awsat, celui-ci l’aurait corrompu des années durant afin qu’il lui réserve un traitement de faveur.

Dans une rencontre avec la presse à Doha, Mohamed Jasim Al-Ali ne s’en est même pas caché. " Aucun média, affirma-t-il, ne peut subsister sans un soutien financier. Sinon, il ne peut tout simplement pas exister. Mais la question, est-ce que cette aide influe sur la ligne éditoriale de la chaîne ? ". Il n’a pas bien évidemment répondu. Pour cela, il suffit juste de regarder Al-Jazira pour en avoir une.

La chaîne arabophone américaine, Al-Hurra, a diffusé avec un malin plaisir il y a quelques mois, un documentaire montrant, des images à l’appui, que les rapports entre l’ex-directeur de la chaîne qatarie et le fils de Saddam, Oday, étaient plus qu’amicales. De là, on peut facilement expliquer l’attitude négative d’Al-Jazira vis-à-vis de l’intervention américaine en Irak et sa célérité à diffuser les messages vidéo et audio de Saddam en cavale.

Des journalistes vedettes d’Al-Jazira sont des panarabistes connus. C’est le cas de Fayçal Al-Qassim, journaliste syrien et animateur de l’émission à succès, " À contre-courant". Malgré son passage qui a duré sept ans à la prestigieuse BBC et un capital culturel important - il est titulaire d’un Phd en littérature anglaise -, l’objectivité lui fait souvent défaut. Il use et abuse, sans jamais se remettre en question fût-ce un moment, d’une rhétorique nationaliste surannée.

Ses prises de position sont souvent d’un ethnocentrisme et d’une démagogie qui frisent le ridicule. Ses talk-shows sont des suites infinies de cacophonies, de surenchères, de propos racistes et xénophobes. " Pour une fois, nous avons la chance de pouvoir parler, alors nous hurlons ! " , confie-t-il à Sara Daniel, une journaliste au Nouvel Observateur. Son professionnalisme est très discutable. Il a été celui qui a annoncé en plein milieu de son émission que les Juifs, qui travaillaient dans les deux tours de New York, ne s’étaient pas rendus le jour des attentats à leur travail. Tout cela sur la foi d’un obscur journal iranien.

Même quand il se veut un tantinet rigoureux, ses débats sont, si je reprends l’expression du grand sociologique français, Pierre Bourdieu, vraiment faux ou faussement vrais. Les face à face qu’il a organisés entre les libéraux arabes et les Islamistes en sont la preuve. Son parti pris pour ces derniers est plus que patent. L’Intellectuel progressiste tunisien Afif Al-Akhdar et le grand islamologue algérien Mohamed Arkoun en ont d’ailleurs fait les frais.

Au lieu d’inciter ses téléspectateurs à la réflexion, Al-Jazira provoque en eux l’exaltation des sentiments les plus chauvins et les plus nationalistes. L’obscurantisme se trouve mis en relief au détriment de la pensée des lumières seule à même de sortir les Arabes de leur sous-développement chronique et des multiples contradictions où ils se débattent. Le fameux credo d’Al-Jazira " l’opinion et son contraire " devient plutôt un slogan creux. Al-Jazira demeure, selon Olfa Lamloum qui lui a consacré un livre, " malgré la concurrence, une chaîne à part en raison de son nationalisme arabe ". Ce n’est pas pour rien que l’on fait souvent le parallèle entre elle et Sawt Al-Âarab, une radio très célèbre lancée au début des années cinquante par la figure de proue du nationalisme arabe, l’ex-président égyptien, Jamal Abdnnaser.

Si Al-Jazira était, à ses débuts, la seule sur le champ médiatique arabe, depuis quelques temps, d’autres chaînes concurrentes ont vu le jour. La rivalité entre elles bat son plein. La course aux scoops devient féroce. Le moindre événement est bon à être diffusé sans en peser les conséquences parfois dramatiques. C’était le cas par exemple lors des événements qui ont secoué Ahwaz, une région iranienne à majorité arabe.

Al-Jazira, sensible à tout ce qui est arabe, a été la première à parler de trois morts et plusieurs blessées et donne aux émeutes un caractère séparatiste. Elle a même laissé s’exprimer sur ses ondes une organisation inconnue jusqu’à alors, le front de libération des Arabes d’Ahwaz, dont le porte-parole n’a pas hésité à parler d’une " épuration ethnique ". Al-Jazira appelle, si je cite Bourdieu, à " la dramatisation, au double sens : elle met en scène, en images, un événement et elle en exagère l’importance, la gravité, et le caractère dramatique et tragique ". Conscient du danger, le gouvernement iranien a réagi à brûle-pourpoint en lui interdisant de travailler, à l’avenir, en Iran.

L’autre aspect de l’arabisme d’Al-Jazira peut se vérifier dans le traitement de sujets concernant les peuples autochtones qui vivent dans cette "patrie arabe ". C’est le cas des Berbères et surtout des Kurdes qu’on ne ménage jamais. Selon Al-Jazira, ils ne sont ni plus ni moins que des suppôts du sionisme et des instruments de l’impérialisme occidental, tout en passant allègrement sous silence tout ce que ce peuple martyr a enduré sous les régimes baâthistes d’Irak et de Syrie. D’ailleurs, l’élection, dernièrement, d’un Kurde à la tête de l’Irak n’a nullement fait plaisir à la chaîne qatarie.

Nonobstant cet arabisme exacerbé, il reste qu’Al-Jazira est plus qu’ambiguë s’agissant d’Israël. Il est le premier média arabe à donner la parole aux responsables israéliens et, par le fait même, elle participe grandement à la normalisation de leur pays. Grâce donc à cette chaîne, Israël - l’ennemi sioniste comme les médias nationaux arabes se plaisent à le qualifier - apparaît comme un État on ne peut plus banal, voire légitime. Ce qui est synonyme d’une capitulation pour les islamistes et les nationalistes arabes qui n’ont de cesse de le diaboliser depuis presque un demi-siècle.

Beaucoup de gens, pas très au fait des enjeux politiques au Moyen-Orient, se demandent toujours pour quelle raison le gouvernement israélien laisse Al-Jazira opérer dans les territoires palestiniens et en Israël malgré son parti pris pro-palestinien et son antisémitisme maintes fois affiché et assumé. En fait, c’est parce que cette chaîne le sert plus qu’elle ne le dessert. Passer à Al-Jazira, c’est s’inviter le plus pacifiquement du monde dans le foyer de millions d’Arabes.

Quant aux Américains, ils sont de plus en plus conscients, qu’à terme, leurs intérêts seront mis en danger à cause du traitement pro-arabe et, partant, du sens ouvertement anti-américain que donne Al-Jazira aux événements. D’ailleurs, lors de leur guerre en Afghanistan à titre d’exemple, la couverture d’Al-Jazira s’est démarquée du discours américain. Selon cette chaîne, ce n’est plus la guerre contre le terrorisme, mais une guerre contre ce qu’on appelle le terrorisme.

Dans un premier temps, les Américains ont exercé des pressions diffuses sur Al-Jazira et son mécène le Qatar. Ils ont même bombardé son siège en Afghanistan et en Irak, mais en vain. C’est alors qu’ils ont contre-attaqué en optant pour un "plan Marshall médiatique " destiné au Moyen-Orient et à l’Afrique du Nord, qui a consisté à lancer, coup sur coup, une radio, Sawa, et une chaîne de télévision, Al-Hurra, (la libre en arabe). Si la radio a gagné des parts de marché importantes, la chaîne de télévision peine vraiment à percer.

L’Islam, l’islamisme, le terrorisme…

Quoi de plus normal qu’Al-Jazira fasse des émissions sur l’Islam, mais qu’elle permette à Youssef Al-Qaradaoui, l’une des figures religieuses les plus controversées d’avoir sa propre émission, nous laisse un peu sceptiques. Il faut avoir à l’esprit que le cheikh Al-Qaradaoui, que la presse surnomme l’imam cathodique, n’est pas n’importe qui. Il s’agit de l’idéologue de l’un des premiers et le plus structuré des mouvements de l’islam politique, les frères musulmans égyptiens.

Ce proche de l’émir du Qatar, et dont la femme occupe des responsabilités importantes au sein d’Al-Jazira, a sa propre émission hebdomadaire, " Le chariâa et la vie ", qui est du reste un énorme succès. Elle consiste à répondre en direct aux questions religieuses des téléspectateurs musulmans. Parfois, il faut le reconnaître, elle n’est pas dépourvue de piquant et de détails croustillants. Al-Qaradoui n’a pas manqué de courage, quand on sait le poids de toutes sortes de conservatisme qui pèsent sur les sociétés arabes et islamiques, en expliquant que rien ne justifie, religieusement parlant, l’interdiction de la fellation.

Pour autant, ce qui a fait sa réputation, ce sont ses fatwas où il a appelé solennellement de tuer les Américains civils ou militaires, car ils ont agressé l’Irak. Les décapitations et les attentats-suicides en Irak sont des actes héroïques et légitimes qu’il faut saluer. Mais le hic, c’est qu’il n’a jamais pipé mot sur la base américaine d’où sont parties les attaques contre l’Irak, qui se trouve juste à quelques mètres du siège de la chaîne d’Al-Jazira.

Aussi paradoxal que celui puisse paraître, il n’a pas hésité, lui, le tenant du jihad tous azimuts, à manifester dans la rue pour dénoncer un attentat-suicide perpétré par un Egyptien – dont le frère travaille à Al-Jazira-, après la diffusion d’un message guerrier du chef d’Al-Qaida dans le Golfe, contre une école anglaise dans la capitale qatarie, Doha.

C’est ce qui a fait dire à un écrivain arabe émirati, Rachid Abdellah, que si Al-Qaradaoui "dénonce aujourd’hui cet attentat de Doha, c’est parce qu’il a lieu non pas en Irak, mais bel et bien au Qatar, le pays de résidence du cheikh. C’est tout simplement une terrible aporie dans la quelle s’est mise Al-Qaradaoui. Ce qui le met en contradiction flagrante avec les recommandations du Coran qu’il est censé très bien connaître. "

À y réfléchir de près, la présence à Al-Jazira d’une figure religieuse aussi influente que le cheikh Al- Qaradaoui est intentionnelle. Elle sert le régime du Qatar à se prémunir contre le radicalisme islamique et ses expressions violentes. Elle peut aussi se comprendre dans la mesure où ce pays cherche certainement une caution religieuse de taille qui masquerait ses rapports plus qu’intimes avec les Américains et les Israéliens qui, comme on le sait, ne sont pas en odeur de sainteté dans tout le Moyen-Orient.

L’autre domaine où Al-Jazira est fort connu. C’est ces rapports avec Al-Qaida. D’aucuns n’hésitent pas à l’appeler la boîte à lettres de cette multinationale du terrorisme. Ben Laden et tous ses lieutenants ont fait passer leurs messages audio et vidéo par le biais de cette chaîne. On peut même dire qu’Al-Jazira en a l’exclusivité. Pire encore, Le Sunday Time, le fameux journal anglais, a publié une information selon laquelle le Qatar aurait conclu avec Al-Qaida un accord secret de non-agression en échange d’importantes sommes d’argent. Ce qui n’a jamais été démenti par les officiels qataris.

Al-Jazira a aussi donné la parole à toutes les figures modérées et surtout extrêmes de l’Islam politique. Le Tunisien, Rachid Al-Ghannouchi, l’Algérien Abbassi Madani, la Marocaine Nadia Yassine, les Saoudiens Hani Al-Sibaâi , Saâd Al-Faqih et Said Ben Zouâayr, le Jordanien, Abou Mohamed Al-Maqdisi, le père spirituel d’ Abou Mousâab Azzarqaoui, etc, ont trouvé dans Al-Jazira la possibilité de s’exprimer. Certains sont même allés jusqu’à soutenir dans des termes à peine voilés les actes de violence et de terrorisme.

Cette présence pour le moins massive des Islamistes est plus que patente. La très belle journaliste d’origine algérienne Khadija Ben Qenna a surpris les téléspectateurs en se couvrant le chef du jour au lendemain. L’a-t-elle mise par conviction ou par pression ? Nul ne le sait. Mais ce fait a le mérite de montrer quel genre d’ambiance a cours au sein des murs d ’Al-Jazira.

Au plus fort de la guerre en Afghanisation, seule cette chaîne a été présente dans ce pays grâce à son journaliste vedette espagnole d’origine syrienne, Tayssir Allouni. De retour en Espagne pour passer quelques jours de vacances, il a été arrêté le 5 septembre 2003 à Grenade. Ce qui n’a pas empêché une levée de bouclier des Arabes qui ont crié au scandale, au complot, au racisme et au non-respect des droits de l’homme, en dépit de fortes présomptions qui pèsent sur lui. Même le président du conseil d’administration d’Al-Jazira et cousin de l’émir du Qatar, Cheikh Hamad Ben Thamer, a écrit une lettre solennelle au gouvernement espagnol pour exiger sa libération immédiate.

C’était le très célèbre juge espagnol, Baltazar Carzòn, qui a instruit son dossier. Il a trouvé, en épluchant ses appels téléphoniques, qu’il a, pendant des années, entretenu des rapports plus que étroits avec un certain Imad Barakat Yarkas, alias Abou Dahdah. Un personnage de haute importance dans la mouvance intégriste. C’est lui, par exemple, qui a organisé, en Espagne, une réunion à laquelle a participé Mohamed Atta, le chef des kamikazes à l’origine des attentats du 11 septembre.

Le journaliste d’Al-Jazira a été aussi en contact avec deux autres personnes importantes dans l’organigramme d’Al-Qaida, Mamoun Darkazanli, le financier de Ben Laden en Europe et son représentant en Espagne, Mohamed Ghaleb Kalaje. Selon les actes d’accusation, Tayssir Allouni, dans ses multiples déplacements un peu partout dans le monde, a servi comme un porteur de valise de l’organisation de Ben Laden. S’il ne s ’est jamais gêné à exprimer ses sympathies islamistes, allant même jusqu’à regretter le régime des Talibans, il reste à prouver, lors de son procès, toutes les accusations dont l’accable la justice espagnole.

La démocratie, l’arlésienne

Il faut rappeler qu’Al-Jazira n’a pas été créée par un pays connu par ses mœurs démocratiques. Son lancement n’a pas forcément pour objectif de démocratiser les sociétés du Moyen-Orient. C’est pour d’autres impératifs éminemment politiques. Faire exister une petite entité, le Qatar, par rapport un voisin hégémonique, l’Arabie Saoudite. C’est d’ailleurs un objectif qui est largement atteint. Car, maintenant, le Qatar est sorti de l’anonymat pour devenir un acteur régional on ne peut plus important.

Malgré son succès indéniable, Al-Jazira souffre d’un déficit financier endémique faute de recettes publicitaires importantes. Elle ne subsiste que grâce à l’argent qu’injecte annuellement et régulièrement le gouvernement du Qatar dans son budget. Son autonomie en prend naturellement un coup. Même si ces derniers temps on parle, ici et là, de sa privatisation dans deux ans si bien évidemment on ne tourne pas casaque. Mais rien n’est moins sûr d’autant moins que les preneurs ne se bousculent pas au portillon.

De fait, Al-Jazira est, estime Ali Nasserdine, rédacteur en chef des Cahiers de l’Orient, "un accident de parcours. Sans la volonté de l’émir du Qatar, elle n’aurait pas existé. Elle a réveillé juste l’esprit critique dans la région ". Ce qui est une bonne chose. Car comme chacun sait, la démocratie est une culture qui s’apprend. Il faut donc espérer qu’Al-Jazira aura ouvert une petite brèche qui annoncerait une démocratisation effective des régimes du Moyen-Orient.

Ce qui ne peut se réaliser que si la chaîne a les coudées franches. Ce qui est loin d’être le cas. Il y a encore certains sujets qui sont tabous, à savoir tout ce qui touche au Qatar et à la famille régnante. Un exemple : le gouvernement qatari a déchu dernièrement plusieurs milliers de ses citoyens de leur nationalité. Mais à Al-Jazira, c’est silence radio. Ce qui est quand même bizarre de la part d’une chaîne qui se targue de défendre les droits de l’homme.

Si on a vraiment à cœur de favoriser l’enracinement de la culture démocratique chez les Arabes, il faut impérativement qu’Al-Jazira mette au placard ses idéologies, représentées en son sein par cette alliance, somme toue naturelle, entre le nationalisme arabe et l’islamisme, et essaye d’élever le niveau de ses émissions en ouvrant ses ondes à des intellectuels arabes éclairés qui apporteraient aux téléspectateurs des instruments à même de leur prendre conscience de leur situation catastrophique.

Il faut parler le langage de la vérité à son auditoire au lieu de le caresser dans le sens du poil. À ce jour, ce n’est malheureusement pas le cas. Car Al-Jazira continue toujours à donner la parole à toutes sortes de démagogues populistes qui expliquent, sans le moindre scrupule, tous les malheurs des Arabes par les théories fumeuses de complot et de conspiration. Ce qui fait que les propos qui suivent de Wadah Khanfar, l’actuel directeur de la chaîne, sonnent on ne peut plus faux. " Nous ne fomentons, dit-il, aucun complot contre personne et nous ne privilégions aucun courant sur un autre, ni une pensée sur une autre, ni un avis sur un autre…Nous ne sommes que des journalistes qui faisons leur travail selon la déontologie de la profession. "

Au total, on ne peut qu’applaudir qu’Al-Jazira réagisse enfin aux multiples imperfections que l’on lui reproche souvent. Car elle vient d’annoncer la rédaction d’une charte d’honneur professionnelle qui vise selon aljazeera.net, le site Internet de la chaîne, "à unifier la vision et la mission qu’elle s’est fixées afin que son message soit clair dans un cadre professionnel rigoureux ". Espérons que cela se traduira à l’écran le plus tôt possible, car nous n’avons encore rien vu !

d’Al-Jazira, miroir rebelle et ambigu du monde arabe

Lahsen Oulhadj (Montréal)

Al-Jazira, miroir rebelle et ambigu du monde arabe est un livre qui se lit d’une seule traite. Il est publié dernièrement en France, par la politologue Olfa Lamloum aux éditions de la Découverte.

D’entrée jeu, Olfa Lamloum explique la manière avec laquelle le logo d’Al-Jazira a conquis pratiquement tous le foyers des Occidentaux au lendemain des attentats du 11 septembre en diffusant l’un des multiples messages du chef d’Al Qaida, Oussama Ben Laden.

Un véritable défi que cette chaîne, créée en 1996 par la volonté d’un émir du plus petit d’État du Golfe, le Qatar, à ce que O. Lamloum appelle, l’ordre impérial américain. Depuis, la chaîne panarabe n’a de cesse d’être au centre d’une multitude de polémiques et de controverses.

En analysant sa ligne éditoriale, O.Lamloum en arrive à cette conclusion. Al-Jazira exprime deux choses : les aspirations démocratiques des peuples que les régimes autoritaires de la région n’ont de cesse de brimer et les sentiments de colère arabe contre les Américains et leurs politiques .

Les raisons du succès d’Al-Jazira résident dans son courage à casser les tabous, à revivifier le nationalisme arabe et à sa couverture exceptionnelle de plusieurs événements majeurs au Moyen-Orient. Olfa Lamloum considère enfin qu’Al-Jazira est un contre pouvoir vis-à-vis des régimes autoritaires arabes.

Pour autant, ce livre aurait pu être très intéressant. Car, malheureusement, Olfa Lamloum a manqué souvent d’objectivité. Elle a, à maintes reprises, succombé à un sentimentalisme béat aux accents revanchards et ouvertement anti-américains. On peut dire que son livre, fait un peu dans l’urgence, est une longue plaidoirie à la défense d’Al-Jazira contre les méchants occidentaux. On aurait aimé qu’elle prenne du champ et adopte un regard distancié au lieu de prendre fait et cause par une chaîne juste parce que arabe.

Son étude est restée très descriptive, car elle n’a jamais touché au fond des choses. D’ailleurs, on est resté sur notre soif, car le livre n’apporte vraiment pas de réponses à nos interrogations. Est-ce que Al-Jazira sert véritablement la démocratie? Ne fait-elle que renforcer la pensée rétrograde chez les Arabes? Ne participe-t-elle pas à la propagation du terrorisme? Comment concilie-t-elle son impertinence par rapport aux régimes en place et sa déférence pour le moins patente envers celui du Qatar ?…

Al-Jazira, miroir rebelle et ambigu du monde arabe, la Découvetre, 2004

AZA: des Amazighs au pays de l'Oncle Sam

Lahsen Oulhadj (Montréal)


Après leur spectacle au théâtre Coronna à Montréal, le 16 juillet dernier, j’ai eu l’immense joie de rencontrer nos deux mousquetaires amazighs. Toujours fidèles à cette modestie typique qui caractérise tant les Amazighs, le contact a eu lieu sans chichi et le plus simplement du monde. À dire vrai, on dirait qu’on se connaissait depuis des années ; alors que l’essentiel de nos contacts se réduisait à quelques courriels.

Sans salamalecs donc, nous sommes sortis du théâtre pour aller discuter dans un café qui se trouve juste dans le voisinage. Attablés autour d’un verre, nous avons laissé libre court à notre discussion. Tantôt posant des questions à Fattah Abbou, le plus extraverti de nos deux musiciens, et tantôt poussant carrément son acolyte de toujours, Mohamed Aoualou à prendre la parole ; il est d’une nature très réservée. D’ailleurs ce dernier, dans une pointe d’humour, a qualifié Fattah, " de ministre de la parole ."

Volonté

Les débuts dans la musique de nos artistes n’ont pas été, comme nous pourrions l’imaginer, dans un conservatoire ou dans une école de musique. Ô que nenni. Ils ont commencé, comme tous les artistes amazighs qui les ont précédés, dans la meilleure des écoles, celle de l’autodictatisme. En d’autres termes, sans vouloir être ironique, ils ont suivi le parcous classique des artistes amazighs.

" J’ai commencé tout seul et d’une façon on ne peut plus rudimentaire, nous avoue Fattah tout sourire, en fabriquant moi-même mon instrument à corde à base d’un récipient d’huile à moteur, d’une barre de bois et des câbles de frein d’un vélomoteur. "

Ainsi, a commencé le long apprentissage de " grattage " sur cet instrument on ne peut plus modeste. Après une pratique de quelques mois, les premières notes jouées ne peuvent être que celles des rways, ce genre musical traditionnel qui est, et de loin, le plus présent et le plus répandu dans cette immense région amazighophone du Sud du Maroc, qui est, selon l’expression de Mohamed une " mine d’or pour tous ceux qui ont un tant soit peu des penchants musicaux. "

Baigné, depuis son enfance dans l’ambiance d’ahwach avec ses variantes infinies, Mohamed, qui nous en a donné la démonstration, lors du spectacle d’Aza à Montréal, en esquissant quelques mouvements chorégraphiques très complexes, n’a pu avoir sa véritable guitare qu’à l’âge de 16 ans. Mais sa prédisposition à la musique et son auto-initiation grâce, lui aussi, à son instrument de fabrication personnelle, expliquent le fait qu’il soit devenu, au bout de quelques temps, un virtuose de la guitare.

" C’est à partir de cet âge, nous dit-il avec son flegme habituel, que j’ai commencé à pratiquer sérieusement et assidûment mon instrument, à l’oreille et sans aucune connaissance du solfège. D’ailleurs, à ce jour, cette écriture musicale est comparable à du chinois pour moi ."

Entre temps, nos deux artistes continuent à écumer les " isuyas " et autres " isriren " - places où ont lieu les fêtes villageoises- de leurs régions respectives connues par la richesse incommensurable de leur héritage musical : ahwach, taskiwin, ahyyad, tahwwarit, ignawen… Avec une écoute appliquée des groupes modernes : Izenzaren, Archach, Oudaden, Osman, etc ; et, des Rways dont bien évidemment les plus grands : Said Achtouk, Mohamed Albensir, Omar Wahrouch, Mohamed Amentag, ben Ihya Ou tznaght...

Fusion

Comme nous pouvons le remarquer, nos deux artistes ont grandi dans un milieu où la fusion des genres musicaux amazighs est de rigueur. De là, on peut expliquer cette quête continuelle de l’éclectisme qui ne manque pas d’originalité. À titre d’exemple, l’utilisation du luth. À ma connaissance, c’est la première fois que cet instrument serve dans l’expression des rythmes amazighs du Sud du Maroc. Le résultat à été tout simplement épatant.

" La musique est universelle, même si je sais que certains ne seraient pas contents que je l’utilise sous prétexte que le luth est un instrument arabe ; à mon avis, il ne faut pas fermer l’horizon de l’amazighité. Il faut l’ouvrir sur les autres cultures si cela va lui apporter davantage de richesses. Le luth est un instrument délicat qui demande beaucoup de pratique. Et je pense que son intégration aux rythmes amazighs a donné quelque chose d’original ", nous assure Fattah qui croit dur comme fer à l’ " inter culturalité " qui, prononcé avec un fort accent américain, revient comme leitmotiv dans ses propos.

Il faut reconnaître que Fattah est un multinstrumentiste doué ; en plus de la percussion, du banjo, du luth, du lotar, il manie brillamment le rribab, cet instrument ô combien amazigh. D’ailleurs, il est probable qu’il soit utilisé dans leur prochain album. On attend donc impatiemment le résultat.

La première expérience musicale de nos artistes a été avec des musiciens ou des groupes non moins connus. Dans le cas de Mohamed, cela a été avec le grand Mellal. " J’ai participé à l’enregistrement de son premier album ", dit-il. Quant à Fattah, cela a été avec Tilila, un groupe très célèbre dans le Souss et sa région pendant les années 80 et 90.

Effervescence amazighe

Le bac en poche, nos deux artistes débarquent à Marrakech pour s’inscrire dans le département de littérature anglaise à l’Université de Qadi Ayyad. C’est là qu’ils se sont connus grâce au cousin de Fattah, Bouhcine qui n’est que le chanteur vedette du groupe Tilila. Et depuis, c’est la grande amitié. Elle en a découlé, musicalement parlant, la naissance d’un groupe qui était très connu à Marrakech et sa région, Imdayazen. Cette formation a enregistré plusieurs albums qui tournent tous autour des thèmes chers au mouvement culturel amazigh (MCA) : identité, démocratie, universalité…. D’ailleurs, nos artistes reconnaissent très fièrement qu’ils sont redevables au mouvement amazigh. Ils se considèrent même comme ses purs produits. Il suffit d’écouter un laps de temps les compositions d’AZA pour s’en rendre compte.

Quant à leur avis sur la nouvelle vague de la musique amazighe représentée par Yuba, Agizul, Masnissa, Tafsut, Mellal…, les membres d’Aza " trouvent que c’est une très bonne chose de moderniser la musique amazighe. Mais il faut que les paroles soient accessibles. La complexité et les formules absconses sont tout simplement à proscrire surtout en ce moment où le mouvement amazigh a besoin de s’implanter dans les masses. Il faut parler le langage de la simplicité pour que notre message soit audible".

À nous l’Amérique !

Licencié de l’Université Qadi Ayyad, et devant les horizons bouchés, Mohamed a été le premier à émigrer en 1988. Destination les États-Unis. Au bout de trois ans, c’est le retour à la case départ, à savoir le Maroc. Mais au bout d’une année, c’est le retour une fois de plus aux États-Unis avec son ami de toujours, Fattah. Là, ils s’installent sur la côte Ouest, et plus précisément à Santa Cruz en Californie.

C’est là que l’idée de fonder un groupe amazigh a germé dans leurs esprits. Ce qui n’a pas tardé à se concrétiser avec la fondation du groupe Aza, un nom ô combien symbolique, qui a produit un premier album qui a été un succès tellement qu’il était original. Un deuxième est sur la route. Espérons qu’il soit comme le premier et même mieux !

Et cerise sur le gâteau Aza a pu, grâce à sa persévérance, décrocher une bourse du Conseil culturel de la ville de Santa Cruz pour organiser un festival amazigh avec la participation de l’infatigable anthropologue Hélène Hagan et du kabyle Moh Alilèche. Un festival qui a d’ailleurs eu lieu. Les échos que nous en avons sont très positifs. Une deuxième édition a toutes les chances d’avoir lieu l’année prochaine.

En outre, le groupe est en contact avec le seul Marocain qui travaille à la NASA, Kamal Al-Ouadghiri, qui, semble-t-il, est un amoureux de la culture amazighe; et cela afin d’organiser une autre manifestation culturelle à l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA).

Quant au Maroc, à ce jour, Aza n’a reçu aucune invitation pour participer à la multitude de festivals qui s’y déroulent chaque année. D’ailleurs, ce serait une bonne idée si les responsables de Timitar pensent à lui. Car il le mérite amplement, vu la qualité indiscutable de sa musique. Mais comme l’a si bien exprimé Fattah sous forme d’un adage bien de chez nous : " ahwach n tmazirt ur a isshdar " ( la musique de chez nous ne fait pas danser). Mais l’espoir est permis.

En tout cas, le groupe Aza étudiera minutieusement toute proposition sérieuse en vue de participer à n’importe quelle manifestation musicale et même, pourquoi pas, faire une tournée au Maroc et en Europe. Pour le contacter, il faut juste se connecter sur son site Internet : http://www.azamusic.net

Ils vont probablement chanter ses paroles dans leur prochain album qu’ils ont bien voulu nous interpréter a cappella :

Ddan-d irumiyen gin agh d ibarbaren
Ddun-d waàraben fkin agh idurar
IfD n tikkal a nsella iw awal a-n
Izd a nalla, ar nsmummiy, ar nettals i tilli zrinin
Ngwin iw aTTan negh
Gelb at awa gh ixf nek, a tmDaram
Ikka-d uhlaD aguns n tgmmi lli darngh
Kullu wan-d igan amaynu nazzl sis
NDer-n, nettu agayyu negh, neskr gis u darngh
Lsagh, ar nsawal, ar nswingim zund nettan
Yak Ibn tumert iga nit u darnegh,
Ura yak Ibn Yassin iga nit u darnegh
Ma yyi iga, ma-d agh isker, ma yyi-d ifl
Is ghad lkemn is nakeren iZuran
ITfar ixsan aylligh gisen skern izakren