lundi, janvier 21, 2008

L’amazighité perd l’un de ses fils les plus dévoués

C’est avec grande peine que j’ai appris le décès d’un homme avec qui j’ai discuté longuement sur l’enseignement de l’amazigh sur la terrasse du Café Tabrida à Biougra. Le lieu où tous les militants et les sympathisants de la cause amazighe de cette même ville et de sa région ont pris l’habitude de se réunir. Il s’agit du professeur Tayeb Tagoulla, un digne fils que seul le Souss, cette altière et fière citadelle de l’amazighité, sait en enfanter.

Depuis longtemps, Tagoulla était on ne peut jaloux de sa culture et de son identité. Un militant qui avait beaucoup d’espoirs pour l’amazighité, son amazighité. Comme toujours, je vois déjà certains se hâter pour dire que c’est un inconnu. Mais cette fois-ci, je leur donne volontiers raison. C’est vrai que peu de gens le connaissent, sauf bien évidemment ses amis ou ses collègues. Car il était un homme de l’ombre, un militant qui a servi sa culture et son peuple sans le crier sur tous les toits.

En réalité, Tagoulla était d’une discrétion toute… amazighe. Il lui collait même à la peau. Je dirais même qu’il en est la personnification la plus parfaite. Bien plus, il était d’un calme absolument olympien. En un mot, il était un sage comme on peut en rencontrer beaucoup chez nous. Il faut savoir que lorsqu’il parle, il ne le fait que d’une manière extrêmement concise, brève et nerveuse. L’on dirait qu’il a systématiquement peur qu’un mot de plus ou de moins altère sa pensée.

Lorsque le hasard a fait que l’on se rencontre, nous avons parlé de tout et de rien. Mais une fois que je lui ai proposé d’assister à l’un de ses cours de langue amazighe, histoire d’écrire un article là-dessus, il s’est montré très enthousiaste et très flatté même. Mais, hélas!, la bureaucratie et l’incurie de l’administration marocaine m’en ont dissuadé. Car il faut passer par je ne sais par quel bureau pour avoir je ne sais quelle autorisation !

En réalité, il faut supporter la médiocrité doublée d’arrogance des fonctionnaires makhzeniens du ministère de l’ " Éducation nationale ". Autant dire un véritable chemin de croix. J’ai donc préféré ne faire aucune démarche, parce que je ne suis pas prêt de le faire, parce que je n’ai pas la patience. C’est aussi simple que cela. Me connaissant, je me serais certainement fâché avec ces " primitifs " avec bureaux et stylos à la main.

Même si maintenant j’ai un petit pincement au cœur. En fait, je regrette de ne pas avoir au moins essayé. Parce que Tagoulla n’est plus. Parti définitivement. Sans crier gare. Fauché par la mort d’une manière extrêmement subite et brutale. Le jour même du nouvel amazigh, c’est-à-dire la matinée du 12 janvier. Au moment même où tous les membres de l’association Asiggl, au sein de laquelle il a toujours milité, étaient à pied d’œuvre pour organiser leurs festivités annuelles.

Pour les militants amazighs d’Achtouken, il faut absolument qu’ils se mobilisent pour donner son nom à une institution culturelle ou éducative. Allez, débarrassons-nous une fois pour toutes de cette appellation absurde et provocatrice d’Al-Joulan (le fameux Golan syro-isréalien où les Arabes ont subi une raclée plus que mémorable), donné par je ne sais quel impérialiste baâthiste au lycée de Biougra !

Pour finir, que dda Tayeb me pardonne ma lâcheté et que puissent ces mots lui parviennent là où il est maintenant ! En fait, ce simple et modeste texte n’est qu’une manière pour moi, de lui dire que l’on t’oubliera jamais. Adieu le professeur, adieu le militant, adieu l’ami !