dimanche, janvier 30, 2011

Maroc : la peur a changé de camp

Ça m'arrive très rarement, mais je ne peux résister au fait de partager avec vous l'éditorial de Khalil Hachimi Idrissi, le directeur en chef du journal Aujourd'hui le Maroc- ou plutôt le Makhzen comme diraient certains pince-sans-rire.

Il faut dire ce qu’il y a, un article de ce genre, dans le dit journal (dont les seuls lecteurs sont ses propres journalistes), est tout simplement inimaginable jusqu'à une époque récente. Bien plus, c'est un vrai miracle journalistique.

En fait, après la chute spectaculaire de Ben Ali et celle peut-être en cours de Moubarak, au Maroc, la peur a décidément et définitivement changé de camp, comme dirait le ‘’très éloquent’’ Sarkozy. Que M. Idrissi, dont la tribu arabo-andalouse vit depuis des lustres aux crochets du Makhzen, ose suggérer à son mécène qu’il y a lieu de faire des réformes profondes est sincèrement une attitude plus que courageuse !

Cependant, M. Idrissi ne pense-t-il pas que c’est tard, trop tard même ? Pense-t-il que de réelles et grandes réformes constitutionnelles, institutionnelles, économiques et politiques peuvent-elles être faites dans l'urgence ? J'en doute fort bien.


La guerre des analyses fait rage. Du moins dans la presse sérieuse. Quant à la télévision publique, elle dort du sommeil du juste. Comment le Maroc peut être impacté par ce qui se passe en Tunisie ou, maintenant, en égypte ? Sommes-nous immunisés contre ce type d’évènement ? Le régime, nos institutions, notre composition sociale, notre économie, notre profil sociodémographique, notre système sécuritaire nous protègent-ils, ou pas, contre un décrochage du pouvoir aussi brutal? Toutes les questions sont sur la table. Et les réponses apportées ne sont pas dénuées d’arrière-pensées. Elles nous informent d’abord sur la position politique des uns et des autres à l’égard du Maroc et de son parcours. Un premier groupe d’analystes se dégage et ce n’est pas le moins dangereux, intellectuellement s’entend, qui entend mettre en avant une exception marocaine heureuse — une théorie très en vogue avant les attentats de Casablanca en 2003 — qui l’immuniserait totalement contre un changement brutal de système. Pêle-mêle sont avancés des arguments comme la Monarchie, sa légitimité, Imarat al Mouminine, l’INDH, le pluralisme, l’ouverture politique, l’économie de marché, la liberté d’expression, l’IER, le Statut avancé, etc. Tout y passe ou presque. Tous ces éléments ont bien entendu leur poids dans une analyse honnête, mais ils ont le fâcheux défaut de mobiliser sur le plan scientifique une méthode peu pertinente : la méthode Coué. L’incantation valant démonstration, on souhaite faire correspondre la réalité, forcément complexe et insaisissable, à nos désirs de stabilité et de quiétude. Cela part assurément d’un bon sentiment, mais les choses en général sont plus fuyantes. Le deuxième groupe d’analystes qui se distingue est celui de ceux qui ont tout compris depuis toujours. Ce sont les néo-obscurantistes, souvent laïcs, ceux qui voient tout en noir, et qui voient dans cette accélération de l’histoire une aubaine qui va enfin justifier leurs prédictions les plus ténébreuses et le grand soir qu’ils nous ont toujours promis. Ils souhaitent très fort, pour des raisons personnelles, que l’histoire leur donne enfin raison. Qu’elle rende justice à leurs fantasmes destructeurs. C’est sympathique comme démarche, mais là, aussi, l’incantation remplace la démonstration et la méthode utilisée est aussi puérile. Que reste-t-il alors ? Ils restent ceux qui considèrent que les choses sont suffisamment graves et dictent à ce pays d’accélérer la cadence des réformes. Ils considèrent que l’avance prise par le pays sur ses voisins depuis dix, ou quinze, ans doit nous permettre aujourd’hui de creuser l’écart, de faire la différence dans le domaine de la construction de la démocratie, de l’impartialité de l’Etat, de l’égalité des chances, de la protection des plus faibles, de la mise à niveau politique et institutionnelle et, pour être clair, du soutien du projet de société de SM Mohammed VI qu’il incarne avec une audace notable et une forme atypique sur le plan régional. Ce n’est pas une exception marocaine. Cette expression malheureuse, en flattant notre vanité, tend à nous démobiliser, à nous endormir en nous laissant croire que l’histoire serait éternellement bienveillante à notre égard parce que nous sommes, tout simplement, nous. Billevesée! C’est le soutien franc, direct et loyal au projet de société de SM Mohammed VI qui nous sauvera. Il sauvera ce pays et lui garantira un avenir car il est fondé sur la progressivité, la solidarité, le développement humain, la défense d’un Etat juste et fédérateur, le maintien du lien social, la tempérance, les équilibres sociaux etc. Mais on ne peut pas — dans une forme d’hypocrisie généralisée — continuer à manger le couscous et à cracher dans le plat. Profiter de la croissance et refuser le partage, la redistribution. Chanter la transparence et cultiver des espaces d’opacité. Vouloir un Etat moderne et laisser se développer des poches de corruption. Vouloir le statut avancé avec l’UE et refuser les réformes qui lui sont consubstantielles. Célébrer la démocratie et continuer à vouloir manipuler le champ politique. Souhaiter formellement une presse professionnelle et cultiver sciemment la médiocrité populiste. Non. Ce n’est pas la bonne méthode. Pour nous en sortir nous devons, aujourd’hui, être plus royalistes que le Roi. Avec SM Mohammed VI, c’est possible. C’est une chance historique.
Le 28-01-2011 à 08:37
Par : Khalil HACHIMI IDRISSI

L'hypocrisie occidentale révélée au grand jour

Après la Tunisie, c’est décidément le tour de l’Égypte. Si le premier pays ne compte pas beaucoup sur l’échiquier politique international, le deuxième est beaucoup plus important. D’où l’extrême gravité de ce qui s’y passe actuellement. En fait, les Égyptiens, et cela se voit dans leurs manifestations, ne veulent rien de moins que le départ de leur dictateur honni. Ils veulent en finir, définitivement, avec un régime qui ne leur a apporté rien de bon. Et ils sont libres de le faire.

Cependant, ce qui est tout simplement risible et vraiment pathétique, c’est l’attitude des pays occidentaux. Nous avons vu la France qui a proposé, toute honte bue, son aide policière au dictateur tunisien déchu. Et ce, bien évidemment pour le maintenir coûte que coûte au pouvoir et empêcher les millions de Tunisiens de s’en débarrasser. On connaît tous la suite des événements. En fait, la prétendue patrie des droits de l’homme s’est ridiculisée bêtement et toute seule.

À peu près la même chose se répète actuellement avec l’Égypte. Et ce sont les Américains qui en jouent les premiers rôles. Ce qui est normal, l’Égypte entre dans le cadre de leur zone d’influence. En effet, j’ai vu le président Obama affirmer, devant la presse, qu’il a appelé, personnellement, Housni Moubarak pour exiger de lui qu’il fasse des réformes politiques. Immédiatement et tout de suite. Ce n’est vraiment pas une attitude sérieuse.

Est-ce maintenant que l’Égypte est à feu et à sang qu’il faut parler de réformes politiques ? Où étaient les Américains ces derniers 30 ans où Moubarak était confortablement installé au pouvoir ? N’étaient-ils pas au courant que toutes les élections qui ont eu lieu dans ce pays étaient truquées ? Ne savaient-ils pas que la majorité des Égyptiens vivaient en dessous du seuil de pauvreté ? Arrêtons là les questions...

En réalité, les Américains sont très bien informés de la situation catastrophique en Égypte. Mais tant que le régime de Moubarak appliquait leurs politiques dans cette région explosive du Moyen Orient, ils faisaient un « blind eye » sur sa gestion tyrannique et chaotique des affaires internes de son pays. Résultat : la majorité des 80 millions d’Égyptiens vivotaient et vivotent dans la précarité la plus totale. Et celui qui ose l’ouvrir est coffré immédiatement. Pour quasiment être oublié dans les geôles du régime.

Que pouvons retenir de ces deux cas tunisien et égyptien ? En fait, la légitimité politique de tous les régimes arabes vient essentiellement de... l’Occident. Pas plus, pas moins. Pour dire les choses plus trivialement, les présidents et les rois arabes sont simplement de vulgaires fonctionnaires, parfois extrêmement dévoués, de leurs maîtres américains et européens. D’ailleurs, et c’est vraiment révélateur, l’argument de l’administration américaine pour que Moubarak obtempère à ses ordres est la remise en question de son aide annuelle de 1,3 milliard de dollars. C’est vraiment l’illustration parfaite du rapport traditionnel entre n’importe quel employeur et son employé. En plus, dans un pays du Tiers -monde. Horripilant, n’est-ce pas ?