mardi, avril 07, 2015

Rays Jamaâ, un artiste qui mérite toute notre reconnaissance

Pour tout vous dire, je ne le connaissais que depuis quelques années. Ce que je ne regretterai jamais. Bien au contraire. Car l’homme est unique dans son genre. Sa maison à Taddart d’Achtouken, qui se trouve à quelques encablures de Biougra, est ouverte au monde entier.  Et c’est le cas le dire.  D’ailleurs, entre nous, on la qualifie de la zaouïa de Sidi Jamaâ. C’est vous dire.

En fait, j’y ai croisé des gens de toutes les nationalités. Ce qui m’a d’ailleurs très surpris au début. Mais en y réfléchissant plus longuement, quoi de mieux pour s’imprégner de la culture musicale authentiquement amazighe que d’aller chez Dda Jamaâ, comme nous l’avons toujours appelé.  Beaucoup plus par respect qu’autre chose.

En d’autres termes, et c’est vraiment très important de le préciser, rays Jamaâ permet non seulement à une tradition musicale très ancienne, menacée de toute part malheureusement, de perdurer, mais il la valorise aussi. À sa manière, avec ses propres moyens.

En vérité, rays Jamaâ n’a pas attendu les beaux discours des politiciens, officiels ou pas,  pour mettre en valeur ce patrimoine immatériel inestimable de tirrousya. Que vive alors le tourisme culturel le plus simplement du monde!

Par ailleurs, tous les locaux qui sont férus de l’art musical de tirrouysa, d’Agadir  à Tiznit et d’Ihahan à Biougra, se donnent régulièrement rendez-vous chez lui, dans sa propre demeure.  Et ce, pour y jouer parfois jusqu’à l’aube.

Rays Lhajj Idder Achtouk, qui est devenu une vedette depuis quelque temps, était d’ailleurs un habitué des séances musicales chez Dda Jamaâ. À en croire un habitué  des lieux, c’est là qu’il s’est réellement amélioré avant de s’imposer sur la scène musicale amazighe.

Comme vous le savez tous, l’on ne peut pas devenir rays si l’on ne gratte pas un instrument. C’est le cas justement de Dda jamaâ. Il  a joué au lotar (une espèce de guitare traditionnelle) pratiquement toute sa vie. Bien plus, il en est devenu un as au sens le plus large du terme.

D’ailleurs, avec son oreille musicale plus qu’expérimentée, il suffit de toucher votre lotar pour qu’il  vous arrête net. Non pas pour vous dire que vous jouez très mal, rassurez-vous ce n’est pas le genre de la maison, mais  parce qu’il a besoin de quelques ajustements. Ce qui se fait toujours avec beaucoup de tact et beaucoup de bonne humeur.

Dda Jamaâ n’est pas que cela. Il est aussi unique d’un point de vue humain. Il est d’une générosité extrêmement rare. Il est l’homme de tout le monde, comme on le dit si bien en langue amazighe. En fait, je ne l’ai jamais vu refuser à quiconque l’accès à sa  maison. Même à des heures extrêmement tardives. Et Dieu sait que chez nous où la mentalité villageoise règne encore, les gens ne sont pas toujours sympathiques. Mais il n’en a cure. Passer un bon moment vaut tous les sacrifices.  

Pour finir, il serait vraiment intéressant si le tissu associatif amazigh pense à lui rendre hommage. Rien que pour lui dire que nous apprécions énormément ce qu’il a fait pour maintenir en vie le tirouysa dans cette partie du Souss, Achtouken, qui avait donné des géants connus et reconnus. Anchad, Janti et Said Achtouk pour ne citer que ce trio pour le moins phénoménal.