samedi, août 30, 2008

Radio Souss : une radio qui vous ressemble beaucoup

Vous êtes au pays ou à l’étranger, et vous avez une grosse envie d’écouter les sons de notre bonne vieille musique amazighe. Histoire de renouer, l’espace d’un moment, avec vos racines et la culture qui a bercé votre enfance ou même votre jeunesse. Ce n’est vraiment pas compliqué, et pour cause. Grâce à la magie d’Internet, vous pouvez vous connecter au http://www.radiosouss.com/ Il s’agit d’une petite radio Internet qui diffuse 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, la musique amazighe.

Vous avez peut-être une préférence pour Ahwach ou les Rways, vous ne serez que trop servi. Il en va tout autrement si vous êtes un mordu de l’humour amazigh, Tazenzart, Tawdadnt et même de la tendance récente de notre musique contemporaine : la fusion. Le très talentueux Amarg Fusion justement, Tafsut, Aza, Massnissa, Yuba et tant d’autres formations douées, vont vous apporter plus que du plaisir.

Je vois déjà certains fort en gueule dire, fièrement, qu’il n’y a pas que cette radio sur Internet. En effet, il y a Radio-Plus. D’ailleurs, j’ai essayé de l’écouter. Mais pour tout vous dire, j’ai été très déçu. L’on dirait une radio diffusée dans la plaine de la Bekaâ ou dans les faubourgs de Baghdad et non plus dans une région on ne peut plus amazighe, le Souss.

Que ce soit dit en passant, je n’ai absolument rien contre les Libanais et les Irakiens, mais si les responsables de cette radio apprécient tant la musique arabe, qu’ils programment au moins la musique sahraouie par exemple. En plus, ses rythmes sont bien plus intéressants que les musiques ennuyeuses du Moyen Orient. Mais, semble-t-il, l’aliénation a fait, hélas, son terrible effet. Mais il n’y a pas que cela.

Ne savez-vous pas que la moyen-orientalisation- phénomène autrement plus dangereux que l’arabisation- est une politique encouragée hystériquement par le régime et financée – c’est vraiment le summum- avec votre argent ? Vous ne me croyez pas ? Que les gens de Radio-Plus et consorts essayent de boycotter le Moyen Orient- même si c’est de l’ordre de l’impossible- et sa culture, et ils verraient qu’ils seraient interdits immédiatement d’onde. Et ce, jusqu’à la fin des temps.

vendredi, août 29, 2008

Et si l'on parle de l'autonomie du Souss ?

Les événements tragiques d’Aït Baâmrane ne sont vraiment pas près de finir. Malgré la répression féroce, les jeunes de cette partie sinistrée du Souss ne veulent en aucun cas en démordre. En fait, ils sont à l’image de leurs grands-parents qui ont mis les Espagnols dehors. Ce que beaucoup, aujourd’hui, regrettent plus qu’amèrement. Il faut savoir que la ville d’Ifni à l’époque avait des infrastructures que même les plus grandes villes marocaines n’avaient pas. Un vrai centre urbain avec toutes les commodités modernes. Mais depuis son intégration au Maroc, elle est tombée progressivement en décrépitude, parce que ignoré superbement par le Makhzen. Il est de notoriété publique que celui-ci n’a que mépris pour les Amazighs. Pire, il s’en méfie comme de la peste s’il ne les combat avec toutes ses forces.

C’est de là que l’on peut expliquer le ressentiment de nos frères d’Aït Baâmrane. Un sentiment amplifié par les innombrables avantages sociaux et politiques dont profitent allégrement et scandaleusement leurs voisins sahraouis. Y compris les sympathisants les plus virulents des terroristes du Polisario. En fait, Aït Baâmrane ont mille fois raison de ruer dans les brancards, même s’ils ne sont pas les seuls à vivre dans l’exclusion. C’est le cas, hélas, du Souss dans sa totalité. Disons-le franchement, le Soussi plein aux as est plus le fruit de fantasmes qu’autre chose. En fait, il s’agit d’une vraie mystification. D’ailleurs, si vous voulez voir la personnification de la misère, vous risquez à tous les coups de la croiser, s’exprimant parfaitement bien en amazigh, dans les montagnes et les plaines désolées d’Ouarzazate, Aït Baha, Lakhsas, Ihahan…

Et pourtant, ce n’est pas l’argent qui manque. En fait, toutes les richesses du Souss- sauf les investissements des locaux- sont exportées, avec la vitesse de l’éclair, vers le triangle des Bermudes du Makhzen : l’axe Rabat, Fès et Casa. Si elles ne sont pas transférées dans des lieux plus sûrs : les banques suisses et autres paradis fiscaux. En laissant naturellement, derrière, la pollution, la misère et la désolation (puanteur à tous les coins de rue, surexploitation de la nappe phréatique et des richesses halieutiques et minières, insécurité généralisée, changement progressif de la composition ethnique de la région…)

Que faut-il faire alors dans ces conditions ? Bien sûr qu’il faut agir. Pour sauver ce qui peut encore l’être, il n’y a pas un million de solutions. C’est l’autonomie. Le plus simplement du monde. Les richesses du Souss doivent rester dans le Souss. Ce qui ne peut se faire que si les Soussis prennent les commandes de leur propre région. Rassurez-vous, des Soussis compétents, sérieux, honnêtes et efficaces existent bel et bien. En même temps, il est impératif, tout d’abord, que les Arabo-Andalous, connus pour leur perversité, leur voracité et leur amazighophobie, nous lâchent une fois pour toute. Ensuite, il est plus qu’urgent que le Makzhen et ses nombreuses mafias de la médiocrité, de la corruption et de la prostitution ne s’approchent plus de nous. Enfin, il faut aussi que les premiers concernés, c’est-à-dire les habitants du Souss se départissent, pour une fois, de leur fatalisme mortel et se mobilisent. Comme un seul homme. Il est bien connu que les droits ne se donnent pas, ils s’arrachent. Mais à qui le dire ?

Par ailleurs, ce qui fait le plus mal, c’est la quasi absence de solidarité des autres Soussis avec les Aït Baâmrane. Et pourtant, de part leur longue histoire, nos tribus se sont toujours montrées extrêmement unis face aux dangers extérieurs. Il est impossible de toucher l’une d’elles sans que les autres ne lui viennent immédiatement et massivement au secours. Aussi graves que puissent être les conflits entre elles. Mais avec les derniers événements d’Aït Baâmrane, c’est la première fois de l’histoire que des Soussis pur sucre se font brutaliser, quotidiennement, impitoyablement, comme des bêtes de somme, sans que personne ne bouge le petit doigt. Pire, il y en a même qui n’ont trouvé mieux que d’organiser, juste à côté, bruyamment, des fêtes et des festivals. Décidément, les temps ont bien changé. Que c’est terriblement triste !

dimanche, août 24, 2008

Abdellah Amennou : « Nous avons fait mieux que Timitar »

L’on peut parfois faire de très bonnes choses, il suffit qu’il y ait un peu de sérieux et beaucoup de volonté. C’est ce que la dynamique société civile d’Achtouken nous a montré, et de quelle manière ! Pendant trois jours, du 6 au 9 août plus précisément, Aït Baha et Biougra ont vécu à l’heure d’une activité culturelle intense. Et ce, pour le plus grand bonheur des habitants, plutôt habitués à un désert culturel désespérant. Parmi ceux qui ont participé, activement à l’organisation et au succès de cette manifestation, le jeune plasticien Abdellah Amennou. Voilà le résultat de notre échange, réalisé à l’origine en tamazight, mais que je vous ai traduit avec beaucoup de plaisir.

Quel bilan faites-vous de la première édition du festival d'Amarg à Achtouken ?

Pour tout vous dire, tout s’est très bien passé. Pendant quatre jours, la programmation, que ce soit à Biougra ou à Aït Baha, a été un succès à plus d’un titre. Je peux vous affirmer, sans prétention aucune, que le taux de réussite peut être estimé à quelque 80%. Ce qui est encourageant pour une première. Une explication ? En fait, c’est très simple. Cette fois-ci ce sont les vrais enfants du pays, tous très actifs au sein de la société civile locale, qui ont pris les choses à bras-le-corps et non plus les makhzeniens médiocres, « importés » de je ne sais quel lointain bled. Même si d’importants moyens ne sont pas au rendez-vous, je peux vous assurer que notre festival est cent fois mieux que celui Timitar, qui engloutit, chaque année, des sommes incroyablement astronomiques pour faire la promotion de tout et surtout d’un grand n’importe quoi. En tous les cas, il est certain que l’on ne ménagera pas nos efforts pour améliorer davantage les choses. Car, vu notre immense succès, d’autres sociétés privées se sont précipitées sur nous et nous ont promis de mettre la main à la poche, l’année prochaine.

Pourquoi avoir donné le nom de feu Janti à cette édition ?

A part lui, qu’est-ce que vous voulez qu’on lui donne ? Cet homme était le courage même. C’est encore et toujours notre grande fierté. Parce qu’il était un grand militant désintéressé, qui, grâce à ses dons poétiques, a su mobiliser les gens contre toutes les injustices et contre les colonialistes de tout bord. Bien plus, il était un philosophe, mais à sa manière. Toutes ses paroles sont devenues des maximes qui se transmettent de génération en génération. Les Français, qui l’ont bien connu et reconnu sa valeur, ne disaient-ils pas que ses poèmes peuvent même ressusciter les morts ?

Le programme du festival n’est pas uniquement musical…

En effet. Il y a eu trois intéressantes conférences. La première a abordé la poésie amazighe de la résistance pendant la période française. Elle a été animée respectivement par les chercheurs Abderrahim Fares, Mohamed Bastam, Ahmed Bouzid, l’écrivain Mohamed Moustaoui et le grand poète Dda Brahim Oubella, venu spécialement de Tata. La deuxième, qui a vu une affluence importante du public, a porté sur l’art de tarrayst. Là, nous avons eu droit à une très belle prestation de Ali Faïk, qui n’est autre que le leader et le chanteur du fameux groupe Amarg Fusion, qui a évoqué longuement ce sujet. En faisant une part belle aux instruments anciens de cet art ancestral, ô combien, emblématique de notre si belle région, le Souss. Quant à la dernière, elle a vu la rencontre entre quelques poètes avec un groupe de chercheurs dans le domaine amazigh. Et ce, pour éclairer l’auditoire avide du savoir sur les caractéristiques de notre poésie et surtout sur son immense richesse.

Qu'en est-il de la programmation musicale ?

Le premier jour à Aït Baha a vu la participation des rways de Masst, Ismgan d’Aït Baha, Ali Chouhad et Kimroun. Au deuxième jour à Biougra, il y a eu les prestations de Lahsen Ouhihi, Amentag, Lfetwaki, Ismgan et bien évidemment notre inimitable Ajmak. Le dernier jour, c’était les poids lourds de la musique amazighe moderne : le très grand Ammouri Mbarek, Amarg Fusion et les légendaires Izenzaren. L’animation a été assurée excellemment bien par l’humoriste Aslal.

Et qu’en est-il du public ?

C’était tout simplement incroyable et inoubliable. Il a répondu bien évidemment massivement présent. Il est venu de partout du Souss et même d’ailleurs.
Pour voir quelques photos, vous n'avez qu'à cliquer sur ce lien :

samedi, août 09, 2008

Akounad, un grand écrivain en prose

Mohamed Akounad est un romancier que beaucoup doivent nous envier. Tellement il est talentueux. Autant dire que ce n’est pas n’importe qui. En fait, nous avons affaire à un homme de grande qualité. Une singularité dans une mouvance amazighe minée, il faut dire ce qu’il y a, par des égos hypertrophiés, des intérêts personnels et des calculs mesquins. Pour encore combien de temps ? Dieu seul le sait. Passons !

La première fois que j’ai eu l’heureuse occasion d’entendre Dda Moh -c’est ainsi que l’on appelle plus par respect qu’autre chose- date d’il y a longtemps. Au début des années 90 du siècle passé. Et oui, le temps passe très vite ! À l’époque, il préparait et présentait, à titre de bénévole –c’est toujours le cas-, une excellente émission hebdomadaire sur les ondes de la radio régionale d’Agadir.

Déjà le titre de cette fameuse émission, le savoir : le droit de tout un chacun (Tawssna, taghamt n kuyan), nous annonce la couleur. Au-delà de toutes les choses pertinentes que l’on peut y apprendre, ce qui a retenu le plus particulièrement mon attention, c’est son effort de traiter tous les sujets, si complexes et compliqués qu’ils puissent être, dans une langue amazighe absolument fraîche, épurée, châtiée et accessible à tout le monde.

Autant dire une découverte pour moi et une première dans un mouvement amazigh encore à la recherche de ses marques. « Avec son émission culturelle intitulée ‘’ Tawssna taghamt n ku yan’’, devenue ultérieurement ‘’Tawssna tamazight’’, diffusée jusqu’à nos jours (1993-2007), M. Akounad marqua ainsi le domaine des médias amazighs», affirma, péremptoire, Anir Bouyaâkoubi, un jeune militant qui l’a beaucoup fréquenté au sein de l’association de Tamaynut à Agadir.

Enfin, la rencontre

Depuis cette époque, j’ai toujours voulu le rencontrer. Mais le destin en a toujours décidé autrement. Je n’ai pu malheureusement faire sa connaissance que l’année dernière. Que dire ! Il correspondait tout à fait à l’image que je me suis faisais de lui. Un homme bien dans ses baskets et droit dans ses bottes, même si tout chez lui inspire la simplicité, la discrétion et même une certaine pudeur. Celle-là même que l’on ne trouve que chez les Amazighs qui ont toujours baigné dans leur culture maternelle. Ce qui est le cas de ce fils prodigieux d’Ihahan. Même s’il a perdu, malheureusement, le très charmant accent qui caractérise tant cette partie du Souss.

Attablés à la terrasse feutrée d’un café en plein centre d’Agadir, il s’est alors épanché sur ses multiples activités. Le geste lent, le regard trahissant une volonté inébranlable, le ton toujours lénitif, le phrasé souvent concis si ce n’est nerveux, il m’a longuement parlé sur la culture amazighe, le militantisme associatif, les joies et les dépits de l’écriture et tant d’autres choses. Pour tout vous dire, échanger avec un homme de ce calibre était pour moi plus qu’un plaisir. Un véritable enchantement. Je ne voyais même pas le temps passer. Même si je savais que je l’empêchais de s’adonner à ses habitudes quotidiennes, j’insistais énormément pour que l’on se voie encore une fois. Il acceptait toujours comme s’il avait peur de m’offusquer.

Chemin faisant, j’ai découvert un homme d’une grande sensibilité avec un sens de l’engagement, voire de don de soi, très rare chez les nôtres. « Même si je ne roule pas sur l’or, tous mes livres sont publiés à compte d’auteur », me dit-il. « Il ne faut jamais s’attendre à gagner de l’argent en écrivant, mais peut-être un jour…», souligna-t-il tout à fait confiant. L’optimisme, il en à en revendre. Toujours aussi pédagogue -avant sa retraite, il était professeur-, il arrive toujours à montrer, d’une manière on ne peut plus claire et avec des mots extrêmement simples, le côté positif des choses. En réussissant, toujours, la gageur de convaincre.

Un as du tamazight

Quant à la connaissance de la langue amazighe, il faut dire qu’il est tout simplement imbattable. Il en maîtrise toutes les subtilités et tous les secrets. Il a en a fait plus d’une fois la démonstration dans ses très nombreuses publications (Tawargit d imikk, Iijjigen n tidi…). Mais il est toujours continuellement avide d’en savoir davantage. D’ailleurs, il a un grand sens de l’écoute. Sans jamais gober béatement tout ce qu’on lui dit. En fait, il est extrêmement critique, y compris avec lui-même. Car il sait pertinemment que le domaine amazigh grouille de beaucoup de dilettantes qui peuvent dire tout et n’importe quoi. Et j’en ai eu la preuve. À mes dépens en plus.

Exemple : lorsque je lui avais dit que la banane en tamazight se dit « ikiwd », il a été plus que sceptique même s’il le cachait derrière un long sourire complice. Mais quelques jours après, il en a eu la confirmation la plus indiscutable lorsqu’on avait été, ensemble, à Aourir où l’on produisait de la banane depuis la nuit des temps. Et ce, de la bouche même d’un fils de la région et vendeur de bananes de son état.

Dda Moh est ainsi. Un homme de rigueur, de sincérité et de beaucoup d’efficacité. Si l’on avait plusieurs comme lui, il est plus que certain que le destin des Amazighs aurait été autrement. En tous les cas, il n’aurait pas été aussi tragique que ce qu’il est maintenant.
*****Si vous voulez en savoir davantage sur M. Akounad, vous pouvez visiter son site Internet où il écrit régulièrement des chroniques en tamazight : http://www.akunad.com/*****

jeudi, août 07, 2008

La Mauritanie: la fin d'une exception

Des généraux de l’armée mauritanienne, courroucés par la décision de leur président de les limoger, ont organisé le plus simplement du monde un coup d’État pour le destituer. Ainsi, ce que d’aucuns qualifient d’une expérience des plus uniques dans une région sinistrée- l’Afrique du Nord-, parce que gouvernée ad vitam aeternam par d’impitoyables dictatures, n’aura pas duré longtemps. Tout juste quelques mois. Certains pince-sans-rire diront que c’est déjà beaucoup. Et, hélas, ils ont bien raison. Pourquoi ? Continuez la lecture pour connaître la réponse !

La Mauritanie, une création ex nihilo de l’ex-puissance coloniale française, un temps revendiquée par le Maroc, charrie énormément de tares et autant d’imperfections. La notion même d’État, au sens où l’on entend en Occident, y est aussi volatile que le sable de son immense désert. D’ailleurs, ce pays a une très longue histoire avec les coups d’État, parfois d’une violence extrême. Avec ce dernier, et sans vouloir être sarcastique, il n’a fait que renouer avec une longue, très longue tradition.

La Mauritanie – qui est en fait le nom antique du Nord du Maroc- est l’un des pays les plus pauvres de la planète. Des famines y sont monnaie courante. Si ce n’était la sollicitude de la communauté internationale, beaucoup de ses habitants seraient déjà morts depuis longtemps. Les seules richesses du pays se résument à deux choses : la pêche et le fer. Le pétrole y a été découvert récemment, mais il faut peut-être attendre longtemps avant que son exploitation soit effective. En attendant, on joue à souhait aux mendiants sur la scène internationale.

La Mauritanie est aussi minée par le tribalisme. L’appartenance tribale y est toujours prépondérante, si ce n’est carrément déterminante. Autant dire que l’allégeance à l’État central y est une abstraction. Et ce n’est pas fini. Il faut savoir que l’esclavage, dont sont victimes les Noirs, y était aussi une pratique courante. Il n’a été aboli par la force de la loi que récemment, en raison principalement de la pression internationale. Mais il ne faut pas se faire d’illusions, c’est encore une pratique sociale largement répandue.

En fait, il faut bien se rendre à l’évidence, la démocratie mauritanienne est quasiment une incongruité. Parce que ni le pays lui-même avec tous ses défauts, ni son contexte régional ne lui permettent de le rester plus longtemps. Pensez-vous que tous les tyrans autour voient l’expérience de ce pays d’un bon œil ? Je n’en suis vraiment pas sûr. D’ailleurs, si étonnant que cela puisse être, le premier chef d’État à dépêcher un émissaire à Nouakchott est un modèle de « démocratie » et du « respect des droits de l’homme » : le tristement célèbre dictateur libyen, Kadhafi. C’est vous dire.

Pour conclure, disons que la démocratie, pour ne pas être une notion galvaudée, comme c’est le cas dans les autres pays nord-africains, exige avant tout un État. Et pas n’importe quel État. Un véritable État dans lequel se reconnaissent massivement les citoyens. Sans oublier qu’il faut impérativement un certain niveau de vie, une culture, une histoire… Aucun des autres pays nord-africain autrement plus riches n’ont encore atteint ce niveau et a fortiori la pauvre Mauritanie.

lundi, août 04, 2008

Obama est-il un miracle ?

La tournée qu’a effectuée, dernièrement, le candidat démocrate en Europe a fait couler beaucoup d’encre. Et attiré beaucoup de monde. À tel point qu’un chroniqueur anglais, un peu ironique sur les bords, n’a pas hésité à la comparer à la venue du Messie. Pour preuve, les centaines de milliers d’Allemands qui sont venus carrément « boire » son discours qu’il a fait en plein milieu de Berlin. Tout cela pour dire qu’Obama séduit. Énormément. Beaucoup même. Et les Européens ne sont pas les premiers à tomber dans son escarcelle. Les Américains ont déjà succombé aux charmes de cet homme que rien ne prédestinait à devenir ce qu’il est maintenant, et surtout ce qu’il va devenir -si tout va bien : le président de la première puissance mondiale, les États-Unis.

En effet, Obama – pour le discréditer, certains de ses adversaires de droite l'appellent ironiquement Osama- a plusieurs atouts –si on le compare à son rival, McCain. Il est jeune, intelligent, cultivé, éloquent, charismatique et noire. Noire, dites-vous ? Assurément. D’ailleurs, Mme Clinton, lors des très longues et harassantes primaires démocrates, ne s’est pas empêchée pour lui rappeler que la couleur de sa peau l’a beaucoup servi. Les Afro-américains, très nombreux dans le parti de l’âne, ont voté massivement pour lui. Que dire, ils l’ont carrément plébiscité. Parfois, cela frise les 80 %. Autant dire des scores quasiment staliniens.

Quant à nous, l’on ne peut que se féliciter de la réussite d’Obama, mais il ne faut pas se bercer d’illusions. La réalité est bien plus amère que cela. Le candidat des démocrates (avec quelques sportifs, artistes et intellectuels) reste, hélas, une exception dans une communauté noire victime de tous les malheurs. À franchement parler, elle est carrément sinistrée. Il faut savoir qu’elle est touchée par tous les maux de la société américaine à des proportions absolument terribles. Et les chiffres sont là pour le prouver et le démontrer, et de quelle manière!

Même si elle est une minorité -10% de la population totale américaine-, le taux du sida parmi ses membres dépasse celui des Blancs. 47% des Américains touchés par cette terrible épidémie sont noirs. Si étonnant que cela puisse être, ce chiffre pour le moins alarmant dépasse, et de loin, certains pays du tiers-monde. La Côte d’Ivoire, le Botswana et le Lesotho, pour ne citer que ceux-là. À rappeler que les Blancs ne représentent que 37% des malades alors qu’ils sont la majorité avec plus de 300 millions d’âmes. Éloquent, n’est-ce pas ?

Le chômage aussi fait des ravages. Il peut atteindre jusqu’à 50% dans certains ghettos. Résultat, la délinquance et la criminalité sont de rigueur. Énormément de Noirs croupissent dans les prisons et dans les couloirs de la mort. À peu près la moitié de la population carcérale est noire. Et les choses n’iront pas en s’arrangeant. En fait, ils empirent. Une étude faite récemment prévoit que dans quelques années un Afro-américain sur trois ira en prison. Mais déjà actuellement, un jeune noir a plus de chances d’aller en prison que dans un lycée.

At last but not least, plus de 60% d’enfants noirs grandissent dans des familles monoparentales. Autrement dit, nous avons affaire à une génération entière de gamins sans pères. Quel sera leur destin ? Dieu seul le sait. En tous les cas, il ne sera certainement pas rose. À ce propos, le candidat Obama y est allé tout de go pour rappeler cette triste réalité aux Afro-américains. Ce qui n’a pas fait que des heureux. La réaction violente du fameux Jesse Jackson -la jalousie peut aussi être un paramètre d’explication de cette sortie intempestive- dans une émission de télévision américaine en est la preuve.

Même si l’on ne veut pas assombrir davantage ce tableau déjà plus que désolant, il faut impérativement rappeler les multitudes discriminations au logement, au travail… dont sont quotidiennement victimes les Noirs. Ce qui finira, probablement, par convaincre les plus récalcitrants qu’Obama est décidément un vrai miracle. Rien que pour cela, il mérite amplement d’être comparé au Messie dans une Amérique où, hélas, il ne fait pas toujours bon d’avoir une peau foncée.