Mohamed Abed El Jabiri est décédé hier. Il est donc mort avant la mort de l'amazighité qu'il a toujours combattue avec une virulence implacable. Il a même appelé rien de moins qu'à l'exterminer. Et pourtant il est lui-même amazigh. De l'oasis de Figuig pour plus précis. Si tout le monde salue en lui le grand intellectuel... arabe, les Amazighs, du moins ceux qui sont conscients de leur identité, gardent de lui le souvenir d'un un grand aliéné que la haine de soi poussait, parfois, à dire des conneries plus grosses que sa tête. Je me le rappellerais toujours, lors d'une émission de télévision, sur une chaîne arabe, lorsqu'il a affirmé, dans des termes à peine voilés, que le mouvement amazigh est une création... coloniale. Rien que cela. Décidément, la déraison peut parfois l'emporter sur la "raison". Cette même raison qui était, semble-t-il, son maître-mot.
Cependant, il n'y pas si longtemps, lors d'une conférence en Arabie Saoudite, lorsqu'il a été pris violemment à partie par des Islamistes locaux, il n'a pas hésité à brandir, pour la première fois de sa vie et peut-être la dernière, son identité amazighe. A-t-il senti qu'il était trop différent par rapport à l'audience authentiquement arabe à laquelle il faisait face ? Rien n'est moins sûr. Car l'homme n'a jamais revisité et encore moins remis en question ses positions d'antan sur l'amazighité. En cela, il a presque été toujours fidèle à son idéologie baâthiste extrémiste. D'ailleurs, après les échecs cuisants de cette dernière et le vide terrible qui s'en est ensuivi, Al Jabiri s'est mis à écrire sur le Coran. Pour dire quoi exactement ? Je n'en sais absolument rien. Mais il faut bien qu'il s'occupe, comme dirait l'autre.
Pour ce qui est de sa production, il faut dire que l'homme a beaucoup écrit. Mais a-t-elle vraiment une quelconque consistance ? Je ne ne suis vraiment pas bien placé pour le dire. Son seul livre que j'ai essayé de lire, lorsque j'étais encore au lycée, était "Nahnu wa thurat". Au bout de quelques pages, j'ai laissé tombé. Peut-être que j'ai un boulon qui manque dans le cerveau, comme aimait à dire Naom Chomsky, mais j'ai trouvé sa rhétorique plus que creuse. Le texte est tout simplement hermétique à toute lecture. Même en lui consacrant beaucoup de temps. Pire, en apprenant par la suite qu'il était un amazighobphobe notoire, je l'ai conséquemment et immédiatement mis dans le Panthéon des grands hommes insignifiants. Car tout simplement je n'attends rien de bon d'un homme qui se déteste. Malgré tout, souhaitons que son âme repose en paix ! C'est connu, les Amazighs ne sont jamais rancuniers.