lundi, août 04, 2008

Obama est-il un miracle ?

La tournée qu’a effectuée, dernièrement, le candidat démocrate en Europe a fait couler beaucoup d’encre. Et attiré beaucoup de monde. À tel point qu’un chroniqueur anglais, un peu ironique sur les bords, n’a pas hésité à la comparer à la venue du Messie. Pour preuve, les centaines de milliers d’Allemands qui sont venus carrément « boire » son discours qu’il a fait en plein milieu de Berlin. Tout cela pour dire qu’Obama séduit. Énormément. Beaucoup même. Et les Européens ne sont pas les premiers à tomber dans son escarcelle. Les Américains ont déjà succombé aux charmes de cet homme que rien ne prédestinait à devenir ce qu’il est maintenant, et surtout ce qu’il va devenir -si tout va bien : le président de la première puissance mondiale, les États-Unis.

En effet, Obama – pour le discréditer, certains de ses adversaires de droite l'appellent ironiquement Osama- a plusieurs atouts –si on le compare à son rival, McCain. Il est jeune, intelligent, cultivé, éloquent, charismatique et noire. Noire, dites-vous ? Assurément. D’ailleurs, Mme Clinton, lors des très longues et harassantes primaires démocrates, ne s’est pas empêchée pour lui rappeler que la couleur de sa peau l’a beaucoup servi. Les Afro-américains, très nombreux dans le parti de l’âne, ont voté massivement pour lui. Que dire, ils l’ont carrément plébiscité. Parfois, cela frise les 80 %. Autant dire des scores quasiment staliniens.

Quant à nous, l’on ne peut que se féliciter de la réussite d’Obama, mais il ne faut pas se bercer d’illusions. La réalité est bien plus amère que cela. Le candidat des démocrates (avec quelques sportifs, artistes et intellectuels) reste, hélas, une exception dans une communauté noire victime de tous les malheurs. À franchement parler, elle est carrément sinistrée. Il faut savoir qu’elle est touchée par tous les maux de la société américaine à des proportions absolument terribles. Et les chiffres sont là pour le prouver et le démontrer, et de quelle manière!

Même si elle est une minorité -10% de la population totale américaine-, le taux du sida parmi ses membres dépasse celui des Blancs. 47% des Américains touchés par cette terrible épidémie sont noirs. Si étonnant que cela puisse être, ce chiffre pour le moins alarmant dépasse, et de loin, certains pays du tiers-monde. La Côte d’Ivoire, le Botswana et le Lesotho, pour ne citer que ceux-là. À rappeler que les Blancs ne représentent que 37% des malades alors qu’ils sont la majorité avec plus de 300 millions d’âmes. Éloquent, n’est-ce pas ?

Le chômage aussi fait des ravages. Il peut atteindre jusqu’à 50% dans certains ghettos. Résultat, la délinquance et la criminalité sont de rigueur. Énormément de Noirs croupissent dans les prisons et dans les couloirs de la mort. À peu près la moitié de la population carcérale est noire. Et les choses n’iront pas en s’arrangeant. En fait, ils empirent. Une étude faite récemment prévoit que dans quelques années un Afro-américain sur trois ira en prison. Mais déjà actuellement, un jeune noir a plus de chances d’aller en prison que dans un lycée.

At last but not least, plus de 60% d’enfants noirs grandissent dans des familles monoparentales. Autrement dit, nous avons affaire à une génération entière de gamins sans pères. Quel sera leur destin ? Dieu seul le sait. En tous les cas, il ne sera certainement pas rose. À ce propos, le candidat Obama y est allé tout de go pour rappeler cette triste réalité aux Afro-américains. Ce qui n’a pas fait que des heureux. La réaction violente du fameux Jesse Jackson -la jalousie peut aussi être un paramètre d’explication de cette sortie intempestive- dans une émission de télévision américaine en est la preuve.

Même si l’on ne veut pas assombrir davantage ce tableau déjà plus que désolant, il faut impérativement rappeler les multitudes discriminations au logement, au travail… dont sont quotidiennement victimes les Noirs. Ce qui finira, probablement, par convaincre les plus récalcitrants qu’Obama est décidément un vrai miracle. Rien que pour cela, il mérite amplement d’être comparé au Messie dans une Amérique où, hélas, il ne fait pas toujours bon d’avoir une peau foncée.