mercredi, juin 04, 2008

Le front Amyaway veut une TV amazighe

Dans un communiqué, diffusé aujourd’hui sur Internet, le Front Amyaway, une organisation amazighe nouvellement créée, a dénoncé dans tes termes à peine voilés les responsables médiatiques marocains qui ont préféré faire dans la provocation en lançant une nouvelle chaîne de cinéma en lieu et place de la chaîne amazighe.

Les rédacteurs du communiqué ont fait remarquer que ce n’est la première fois que l’on fait peu de cas de tout ce qui a trait à l’amazighité. Les médias publics, rappellent-ils, n’ont jamais eu une réelle volonté de consacrer les 30% de leurs programmes à la production amazighe. Malgré les engagements qui vont dans ce sens.

La démocratisation des médias marocains, précisent-ils, est une nécessité impérieuse. Car, elle permettra de montrer toute la richesse culturelle du Maroc et renforcer, par le fait même, les valeurs de citoyenneté, des droits de l’homme et de démocratie.

Il faut lancer immédiatement la chaîne amazighe, exigent-ils, tout en demandant aux autres associations amazighes de faire pression sur le pouvoir marocain pour l’amener à concrétiser ce projet qu’il a tant promis et qu’il a toujours reporté sine die.

Mohamed Akounad : « Les Amazighs doivent produire dans leur langue »

M. Akounad est l’un des romanciers amazighs les plus doués et les plus prolixes. En digne fils du Souss, il a plus qu’à cœur de voir, un jour, le tamazight devenir une langue respectée et respectable. Pour ce faire, il n’y a pas vraiment de miracle. Il faut y écrire et y produire. Ce qu’il n’a de cesse de faire. Auteur de plusieurs ouvrages (romans et nouvelles), qu’il a toujours publiés à compte d’auteur, nous l’avons rencontré pour nous parler de son parcours atypique de militant et de créateur amazighs. Réalisé à la base en tamazight, voici le résultat de notre entretien. Le tout bien évidemment traduit –un peu vite- dans la langue de Molière.

Pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ?

Je suis né en 1950 à Id Ou Gilloul à Ihahan. L’une des plus grandes confédérations tribales du Souss se situant entre Agadir et Mogador (Essaouira). Mais la petite ville, que vous devez certainement connaître, qui est la plus proche de mon village natal, Tighiren, est Tmanar. Comme tous les enfants de mon âge, je suis allé très tôt à la mosquée. D’ailleurs, j’ai appris par cœur le Coran en entier six fois de suite. Ensuite, je suis venu à Tmanar où j’ai accompli mon primaire et une partie de mes études secondaires. En 1965, je suis parti très loin, à Taroudant plus exactement. Et ce, pour poursuivre ma scolarité au fameux Institut islamique de la même ville. Fameux parce que c’est de lui que sont sortis de grands militants amazighs dont Ahmed Adgherni, Hassan Id Belkassm et tant d’autres.

En quoi consistaient vos études à cet Institut ?

L’étude de l’arabe, les sciences religieuses, la géographie, l’histoire et un tout petit peu de français. Mais la dominante reste l’arabe et les sciences religieuses (le fiqh, le hadith…).

Vous êtes resté à Taroudant jusqu’à quelle année ?

Jusqu’en 1970 exactement. Cette année-là j’ai réussi le concours d’accès à l’école des maîtres. Ma formation, qui a duré toute une année, a eu lieu à Ain Chouk à Casablanca.

Est-ce que vous connaissiez Id Belkassm et Adgherni lorsque vous étiez à Taroudant?

Je les voyais. Mais je ne les connaissais pas personnellement. Même si je connaissais un peu Id Belkassm qui était avec moi à Tmanar. Quant à Adgherni, il était plus âgé que moi. On n’a jamais eu l’occasion de se rencontrer. Car on était très nombreux. Il faut savoir que, à l’époque, il y avait plus de 1200 élèves dans notre établissement.

Où est-ce que vous avez été nommé après avoir eu votre diplôme de maître ?

En premier lieu à Ouarzazate. Ensuite, je suis parti à Romani, aux environs de Rabat. Après Casablanca où je suis resté un peu, j’ai décidé de passer un autre concours. Et ce, pour devenir professeur du premier cycle. Ce qui fut fait.

Est-ce que vous avez amorcé une réflexion sur la question amazighe à ce moment-là ou non?

En fait, il n’y avait pas encore un mouvement culturel amazigh dans le sens où on l’entend aujourd’hui. Mais il y a autre chose : pendant toute ma scolarité, l’usage du tamazight allait de soi. Que ce soit entre nous, les élèves, ou avec le corps enseignant. Bien plus, lorsque j’étais encore à la mosquée, j’ai récrit en entier le fameux ouvrage en tamazight d’Awzal, l’Océan des larmes. J’en lisais de longs passages à ma mère et à d’autres membres de ma famille. J’ai également copié un très long texte poétique arabo-amazigh d’un certain Ahmed Ou Mohamed Arsmoug et que Mohamed Moustaoui avait déjà publié (al-ourjouha alarabiya alamazighia). D’ailleurs, je le connais toujours par cœur. En outre, toutes les lettres que j’adressais à mes amis, étaient écrites seulement et uniquement en tamazight. En fait, tout au long de ma vie, l’écriture et les livres amazighs ont toujours fait partie de mon univers. Mais une réflexion approfondie sur la question amazighe n’est venue qu’après coup.

En fait, vous baigniez dans un monde essentiellement amazigh…

En effet, je n’ai jamais ressenti une quelconque discrimination en raison de mon identité. Contrairement à ceux qui ont fait leurs études dans des régions –Essaouira par exemple- où le tamazight n’est pas forcément parlé. Eux, effectivement, ont eu des problèmes. Pour ma part, pour tout vous dire, je n’ai jamais rien eu. Peut-être parce que toutes mes fréquentations étaient essentiellement amazighes.

Où est-ce que vous avez été nommé après votre diplôme de professeur de premier cycle ?

À Marrakech où je suis resté pendant deux années. Ensuite, je suis parti à la région de Beni Mellal pour y exercer pendant deux ans. Ce n’est qu’en 1978 que je me suis installé à Agadir pour travailler dans un collège de la ville. À rappeler que j’ai eu mon bac en 1974 à titre de candidat libre. Ce qui m’a permis de m’inscrire à la faculté des lettres de Marrakech pour préparer une licence que je n’ai pu finir qu’en 1985.

Quel souvenir gardez-vous de votre expérience professionnelle dans les autres régions du Maroc ?

Ce que je ressentais c’est que je voyageais d’une culture à une autre non seulement au niveau de la langue, mais aussi de la culture d’une manière générale. En fait, j’ai pris conscience de ma différence. Même si je parlais parfaitement l’arabe. Il faut savoir que la culture amazighe existait, mais elle était considérée comme un tabou. Elle n’était pas un sujet de débat.

Et les vacances…

Je me ressourçais allègrement en retrouvant mon Souss natal et mes amis. D’ailleurs, à l’époque, on écoutait beaucoup la radio amazighe de Rabat. Je me rappelle d’une émission « Ma za tennit ? » (quel est ton avis ?) d’un certain Abdellah Nadif qui traitait de la poésie et la musique amazighes. Il avait affirmé une fois qu’il n’y aurait plus un poète aussi doué que Lhaj Belaid. Je lui ai écrit en arabe pour lui rappeler qu’il ne pouvait pas lire l’avenir et faire de telles affirmations. Piqué au vif par mon propos, il m’a mis au défi de lui écrire en tamazight. Ce que j’ai fait. En fait, si l’on revient à notre sujet, l’amazighité a toujours été présente dans ma vie.

Ce qui n’est pas le cas de tous les Amazighs…

Absolument. Lorsque je faisais mes études à Casablanca à l’école de formation des maîtres, tout le monde savait que j’étais amazigh. Je ne cachais jamais mon identité. En fait, j’assumais ce que j’étais. Or, ce n’est hélas pas le cas de tout le monde. Car, j’ai découvert au milieu de l’année que je n’étais pas le seul amazigh de la classe. Presque la moitié l’était aussi. Extrêmement surpris, j’ai voulu savoir la raison de cette situation pour le moins bizarre. La seule réponse que j’ai eue : « Nous ne pouvions pas faire comme toi. » Dit autrement, ils étaient très complexés par leur identité.

Avez-vous fait une rencontre que vous pouvez considérer comme déterminante dans votre parcours?

En effet, encore étudiant, en 1968 plus exactement, j’ai rencontré un homme exceptionnel et professeur de son état. Il va d’ailleurs publier incessamment un recueil de poésie. Il s’agit de Mohamed Essaouiri qui avait une conscience audacieuse et avant-gardiste de l’amazighité. Parce qu’il la posait en termes non pas culturels, mais carrément politiques. D’autant plus qu’il s’interrogeait systématiquement, ce qui était nouveau pour moi, sur la situation actuelle et le devenir des Amazighs et leur culture. Avec le temps, on entendait ici et là qu’il y avait un problème politique et culturel amazigh. Mais il n’y avait rien d’organisé. En tous les cas, pas à ma connaissance.

Avez-vous participé à la première université d’été d’Agadir en 1980?

Non, malheureusement. Même si à l’époque j’étais à Agadir. Parce que tout simplement je n’étais pas au courant. Il faut dire que j’étais très occupé : je m’apprêtais à convoler en justes noces avec mon épouse. D’ailleurs, beaucoup de gens qui savaient que la question amazighe me tenait à cœur me l’ont reproché gentiment. Reste que cette rencontre d’Agadir a été une étape extrêmement importante dans le combat amazigh. Pour la première fois de l’histoire, ceux qui se sont toujours intéressés à l’amazighité se sont réunis. En fait, ce qui se disait d’une manière individuelle, éclatée et désorganisée, l’université d’été d’Agadir l’a rassemblé et l’a agencé. En d’autres termes, elle a été à l’origine de la formulation d’un vrai « discours » amazigh parfaitement intelligible tel qu’on le connaît maintenant.

Et comme le hasard arrange bien les choses, à la même époque, j’ai rencontré Hassan Id Belkassm. Il m’avait informé qu’il y aurait un magazine amazigh qui va sortir quelque temps après. C’est à ce moment-là que j’ai eu un échange épistolaire avec lui en tamazight. Ainsi, je me suis rendu compte que la langue amazighe est tout à fait capable d’exprimer toutes les situations possibles et imaginables. Et depuis, je n’ai jamais cessé d’écrire dans ma langue maternelle.

Après l’université d’été d’Agadir, une prise de conscience s’est ensuivie…

La répression des autorités aussi. Car des écriteaux en tifinagh dans plusieurs hôtels d’Agadir (Tamllalt par exemple) ont été tout simplement détruits, l’arrêt de la revue Amazigh, l’emprisonnement pendant plus d’une année de Ali Azaykou… L’université d’été d’Agadir frappée d’interdiction. D’ailleurs, elle n’a pu tenir sa 3e rencontre qu’en 1988. La 2e rencontre, qui devait avoir lieu 1982, ayant été interdite, les militants et les conférenciers amazighs n’ont pu se réunir, clandestinement, que dans leurs maisons. La situation politique s’améliorant, l’université d’été d’Agadir a été autorisée en 1988. Ainsi, j’ai pu y participer.

Beaucoup pensent que l’Université d’été d’Agadir a été une révolution, partagez-vous cet avis ?

Assurément. Je ne peux que souscrire à une telle idée. Parce qu’elle a réussi quelque chose d’unique. Comme c’était le cas en 1988, elle a pu rassembler tous les militants et tous les grands chercheurs amazighs ou pas (Chafik, Azaykou, Id Belkassm, Akhiat, Chami, Kadi Keddour, Taifi…) pour discuter de leur existence, leur culture et leur identité. D’ailleurs, c’est un honneur de participer à ses activités et même de faire partie de son bureau. C’est ce qui m’a encouragé, avec nombre de militants amazighs (étudiants et professeurs), à créer une section de l’association de Tamaynut à Agadir au début des années 90.

Justement, parlez-nous de votre expérience au sein de Tamaynut…

En fait, à la différence de l’université d’Agadir où l’on parle toutes les langues du monde, nous avons décidé de relever un défi : ne pas utiliser que le tamazight au sein de notre structure associative. Nous avons tenté l’expérience, concluante à plus d’un titre, de parler de tamazight en tamazight. Tous nos travaux de création littéraires et artistiques sont rédigés uniquement dans cette langue. En dix ans d’existence, Tamaynut, grâce en grande partie à notre travail à Agadir, est devenu une association connue par son sérieux et sa rigueur. Son succès est tel que d’autres sections ont été créées un peu partout au Maroc et même à l’étranger.

Pour quelle raison avez-vous choisi l’écriture comme mode d’expression ? Vous auriez pu faire le choix de la musique par exemple.

En fait, j’avais toujours écrit, plus souvent en arabe certes, sur les contingences de la vie quotidienne. Jusqu’à aujourd’hui, je garde précieusement tous ces écrits. Quant à l’écriture en tamazight, comme je l’ai dit précédemment, elle faisait partie de mon monde. Ce n’était nullement quelque chose qui m’était étranger. Dans le Souss, et depuis des siècles, nous avons toujours eu une tradition scripturaire. D’autant plus que j’avais toujours écrit mes lettres en tamazight. Une base on ne peut plus solide base était bel et bien là, il fallait juste le petit déclic qui change tout.

Comment motiver les jeunes pour s’intéresser à l’écriture ? Car il faut reconnaître que les Amazighs ont un gros problème : ils n’écrivent pas.

Il me semble que l’écriture impressionne beaucoup les Amazighs. Je dirais même qu’elle leur inspire la crainte. À titre personnel, lorsque j’étais enseignant, j’avais toujours encouragé mes élèves à écrire. Peu importe le sujet. Pour cela, il ne faut pas trop exiger d’eux. Il faut les laisser faire même lorsqu’ils commettent des fautes. Car, à force, ils s’améliorent d’eux-mêmes. Une fois l’écriture leur est familière, le pari est gagné.

Concernant la rareté de d’écriture chez les Amazighs, j’ai une hypothèse pour expliquer ce phénomène pour le moins malheureux. En fait, lorsqu’ils sont devenus musulmans, ils ont appris les rudiments de la nouvelle religion dans une langue écrite qu’ils ne connaissaient pas, à savoir l’arabe. De là, à mon avis, est né le côté mystérieux et sacré de l’écriture très visible chez tous les Amazighs. D’ailleurs, jusqu’à présent, lorsque quelqu’un trouve un papier écrit, il le prend pour le mettre dans un coin écarté. Car l’enjamber est un blasphème, un sacrilège même.

Pour ce qui est de l’écriture dans notre langue amazighe, d’aucuns le considèrent comme inutile. Parce qu’ils n’ont aucune idée de ce que s’écrit dans d’autres langues. En fait, l’ignorance explique beaucoup de choses. Entre autres notre sous-développement culturel.

Mais pourquoi écrire en tamazight ?

Si les Amazighs sont dans la situation où ils sont maintenant, c’est parce qu’ils n’écrivaient dans leur langue. Beaucoup de penseurs amazighs qui ont écrit en arabe ou en d’autres langues sont actuellement considérés comme des non-amazighs par nos contradicteurs. Comme Essiouti, Ibn Khaldoun, Ibn Rochd et tant d’autres. Il fallait donc ne pas refaire la même erreur. D’où ce mouvement qui a encouragé l’écriture en tamazight (Akhiat, Azaykou, Safi Moumen Ali, Id Belkassm…) Pour nous, dans l’association de Tamaynut, nous avons fait plus : on ne s’est pas contenté de l’écriture, mais nous avons fait du tamazight une langue de débat, de discussion et de controverse. D’ailleurs, lorsque j’ai commencé en 1993 à faire mes émissions culturelles sur la radio régionale d’Agadir, j’ai essayé de mettre en pratique cette expérience, à savoir m’exprimer dans une langue amazighe raffinée et châtiée ( tamazight iqqurn). Chemin faisant, toujours au sein de Tamaynut, nous avons décidé de s’intéresser à l’écriture romanesque. Beaucoup ont été très enthousiastes à cette idée, mais des années après, il n’y a plus que moi qui continue sur ce chemin.

Par quel genre littéraire avez-vous commencé l’écriture en tamazight?

La poésie. En tous les cas, tout petit déjà, à la mosquée, j’ai commencé à l’écrire en alphabet arabe. C’est normal, il était le seul que je connaissais. Cela a été ainsi jusqu’à ce que je rencontre à un membre de l’AMREC qui m’avait affirmé que le tamazight ne peut exprimer que la poésie. À part cela, il n’y a rien. Là, je lui ai dit qu’il avait tort, car j’ai justement traduit quelques contes russes en tamazight. Agréablement surpris, il m’a demandé de les publier le plus tôt possible. Ce que j’ai fait. Mais pour réaliser ce travail, j’ai fait beaucoup d’efforts. Et à chaque fois que je trouve un mot, une expression ou une formule pour traduire telle ou telle situation, je me rendais compte de l’immensité du travail de collecte qui nous attendait. Mais la sortie du dictionnaire arabe/tamazight de Mohamed Chafik m’a facilité grandement la tâche.

Pourquoi le choix du roman ?

En fait, ce n’est jamais intentionnel. Je commence par une petite idée et elle attire d’autres jusqu’à ce je me trouve avec un très long texte. Dans Tawargit d imikk, je peux vous dire que j’ai encore des idées que je peux encore y mettre. Il en va de même avec Ijjigen n tidi qui raconte l’histoire du retour d’un émigré à son pays natal après des années de labeur en France. Il y a énormément de choses à dire sur ce sujet. Une nouvelle ne pourra jamais contenir toutes les péripéties de cette histoire.

Et l’accueil du public ?

Je suis agréablement surpris par l’accueil du public. À ce jour, plus de onze études ont été consacrées à mon premier roman, Tawargit d imikk. Il y a même un étudiant qui lui a consacré son mémoire de licence. C’est vous dire. Un ami professeur universitaire à Oujda est venu me dire toute son admiration. Car, d’après lui, il n’aurait jamais imaginé que la langue amazighe serait aussi expressive. Il a même écrit un article critique là-dessus, mais je ne l’ai pas encore lu. Au vu de l’intérêt manifesté envers mon travail, je peux dire que c’est la preuve que les Amazighs lisent dans leur langue. Ce qui est tout simplement inhabituel et prometteur en même temps. En tous les cas, j’espère de tout mon cœur que tous mes efforts vont libérer les énergies et créeront d’autres vocations. Même s’il ne faut pas s’attendre à gagner de l’argent.

Quelle est votre position concernant la transcription de la langue amazighe ?

Au risque de me répéter, j’ai commencé à utiliser l’alphabet arabe. Mais j’ai remarqué que peu de gens me lisaient. Même les Amazighs du Souss qui s’y étaient habitués le trouvaient complexe et difficile. Ils ne le reconnaissaient même pas. D’autant plus qu’il n’est nullement adapté à la langue amazighe. Par ailleurs, lorsque j’ai participé au Congrès mondial amazigh aux Îles Canaries, j’ai remarqué que mes livres, écrits en alphabet arabe, n’intéressaient personne. Et signe du destin, je les ai même perdus là-bas. Une remise en question s’est imposée à moi. J’ai alors décidé d’écrire en alphabet latin. Ma première nouvelle était Gar tagwmat . Et surprise, elle a eu un énorme écho. Positif en plus. Même en Algérie. D’ailleurs, j’ai même eu le 3e prix de Mouloud Mâameri. Pour le tifinagh qui a été officialisé au Maroc avec la création de l’IRCAM, je pense qu’il faudra encore attendre. Peu de gens le connaissent vraiment.

Comment voyez-vous l’avenir de la littérature amazighe ?

La littérature amazighe dépend de la situation de la langue amazighe. Elles sont très liées. C’est vrai que nous avons un héritage oral immense, mais peu a été mis sur papier. Il faut dire ce qu’il y a : nous n’avons pas hélas aucune stratégie à ce niveau-là. Jusqu’à présent, nous n’avons pas encore pris conscience que nous ne pouvons continuer à exister qu’avec notre propre langue. Il faut impérativement une accumulation de production amazighe qui doit toucher tous les domaines de création : le théâtre, la philosophie, la littérature… Pour ce faire, il faut encourager les nouveaux talents par tous les moyens.