jeudi, mai 24, 2007

Sahara occidental : le colon et l'autochtone

Chaque année, pendant le mois d’avril, et à cause principalement du passage du dossier du Sahara occidental devant les instances de l’ONU, l’Algérie et le Maroc deviennent en l’espace de quelques jours les pires ennemis « fraternels » de la planète. Permettez-moi d’user de cet oxymore, car, quelque hypocrite que soit cette situation, ils n’hésitent pas à se dire, en même temps, bizarrement, frères, qui en plus ont tant de choses en commun. Toujours est-il que la tension devient tellement extrême, aiguë que l’on réussit la gageure d’éclipser définitivement le Polisario, le soi disant mouvement de libération de ce même territoire, plus que jamais le dindon de la farce. Même si les gesticulations désespérées de sa kyrielle d’ambassadeurs, téléguidés et financés par qui vous savez, essayent de convaincre du contraire. En vain.

En réalité, tout le monde sait que c’est un règlement de compte entre les deux principaux régimes baâthistes d’Afrique du Nord, l’Algérie et le Maroc. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils ne se font pas de cadeaux. D’ailleurs, toutes les armes sont permises. Y compris les plus absurdes. En plus de la confrontation diplomatique où chacun essaye de s’attirer, par tous les moyens, les faveurs de l’ « ennemi occidental » en lui bradant quasiment ses richesses nationales ( l’Algérie, pauvre qu’elle est, se permet de vendre son gaz à des prix préférentiels à l’Espagne, un pays extrêmement riche), il y a l’autre guéguerre non moins importante, digne d’une dispute dans un bain maure un jour de dimanche, qui se poursuit à un rythme effréné dans les journaux des deux pays, plus que jamais à des années lumières des règles les plus élémentaires du journalisme.

Dans cette ridicule confrontation sémantique, il y a deux termes qui viennent souvent, plus précisément dans la presse algérienne, qui nous revoient étrangement à la période de la lutte anticoloniale : le colon et l’autochtone. Comprenez donc qu’au Sahara occidental les Sahraouis sont de gentils autochtones et les Marocains sont de méchants colons. Or, il faut vraiment faire très attention à l’utilisation abusive de genre d’expressions. Car leur emploi est autant aberrant que le conflit artificiel du Sahara occidental, vestige du fanatisme arabiste triomphant, qui a eu et qui a encore, hélas !, beaucoup de succès auprès des régimes tyranniques algérien et marocain.

Dans ce contexte délirielle, rappeler certaines vérités est toujours positif. N’en déplaise à certains, en Afrique du Nord, les seuls autochtones qu’on connaisse ce sont les Amazighs. Et les Marocains justement sont majoritairement amazighs. S’il arrive à un Amazigh d’élire domicile, pour une raison ou une autre, au Sahara occidental, qui fait partie jusqu’à preuve du contraire de l’Afrique du Nord, ne peut être pour la presse algérienne qu’un horrible colon. Risible n’est-ce pas? Plus que cela, c’est carrément pathétique. Car on insulte allègrement l’histoire, dans toute sa longueur, que certains scribouillards haineux, si ridicule que cela puisse être, veulent à tout prix faire commencer avec l’époque coloniale européenne.

Que ceux qui tiennent un tel discours lisent un peu la littérature du Polisario ! Tous les petits théoriciens de son idéologie s’accordent à dire, tout en étant extrêmement fiers, que leur peuple descend directement des tribus barbares des Banou Maâqqil, des Banou Hilal et des Banou Soulaîm. Celles-là même qui ont envahi l’Afrique du Nord au 12e siècle et que le grand sociologue nord africain, Ibn Khaldoun, a décrites avec des termes extrêmement péjoratifs. Comment alors de parfaits étrangers, et qui le répètent à qui veut l’entendre, peuvent être colonisés sur une terre qui n’est pas la leur ? J’en conviens, tout cela est une véritable quadrature du cercle !

Et si vraiment on est de bonne foi, on va faire un peu d’effort en relisant un peu la longue histoire de cette partie du monde. La dynastie amazighe des Almoravides, qui, elle, a réuni toute l’Afrique du Nord sous sa bannière, n’est pas venue du Mozambique mais bel et bien du fin fond du Sahara occidental. Mais si on veut carrément en avoir le cœur net, qu’on regarde un peu les toponymes et même les noms de certaines tribus de cette région. D’ailleurs, je défie le plus grand des Polisariens de nous les expliquer si c’est vraiment sa terre. Je suis sûr qu’il en sera incapable. Mais un fin connaisseur de l’amazigh du fin fond du Rif à titre exemple n’aura aucune difficulté de le faire. D’où l’incroyable mystification de cette énième république arabe, plus que jamais illégitime, que l’on veut nous transplanter coûte que coûte chez nous, sur notre terre amazighe.

Pour conclure, si on regarde d’une manière objective la situation, le seul peuple vraiment réellement colonisé en Afrique du Nord ce ne sont nullement les Arabes, mais bel et bien le peuple amazigh, qui est, à ce jour, clochardisé, réprimé, méprisé, honnis, prostitué, nié dans son existence, exproprié de ses terres... Mais à qui le dire ?

Maroc : telle société, telle université

Peu de gens ont été surpris par le déchaînement de violence dans les universités marocaines ; car elle y a toujours été malheureusement banalisée. Si elle n’est pas entre étudiants de tendances idéologiques différentes, elle est, le plus souvent, entre ceux-ci et les forces de l’ordre. D’ailleurs, plusieurs étudiants croupissent encore au jour d’aujourd’hui dans la prison parce que impliqués dans les affaires de violence. Alors que les moins chanceux, ils y ont laissé carrément leurs vies. À ce phénomène pour le moins inquiétant mais ô combien révélateur, essentiellement deux raisons.

Primo, il faut savoir que la violence est présente dans toutes les strates de la société. Sans vouloir exagérer, elle structure même la personnalité du Marocain. Et cela commence à la maison, dans le milieu familial. Tout jeune déjà, au moindre écart, l’enfant est systématiquement brutalisé par les parents, les frères ou toute personne tutélaire. Dans la rue, c’est le même scénario qui se répète. Pour se défendre contre les autres et sauver sa peau, il faut absolument être brutal et agressif. La violence institutionnelle n’est pas non plus à sous-estimer. La seule manière du régime pour résoudre les problèmes est d’user, d’une manière parfois massive, de la répression. Résultat : beaucoup de Marocains ont une peur bleue de leur État.

Secundo, c’est une lapalissade que de dire qu’au Maroc, il y a un terrible déficit démocratique. Nulle part le dialogue et le débat ne sont encouragés. Même à l’école, il est quasiment impossible d’exprimer ses idées librement. L’autorité du maître étant quasiment sacrée, combien d’élèves ont été torturés ou obligés de redoubler l’année ou, dans le pire des cas, expulsé de l’école car ils ont eu le malheur d’exprimer une opinion différente. Il ne faut même pas essayer de les compter.

Par ailleurs, le pluralisme culturel et politique est combattu, car vécu comme une sorte de désordre. Tout le monde doit être pareil. Aucune tête ne doit pas dépasser. Dans ce contexte, il est bien normal que tout le monde pense que la seule manière d’imposer ses idées, c’est d’user de la violence. Car incapable de les expliquer pour convaincre les autres de leur justesse. Étant  le miroir de la société, l’université marocaine ne peut donc échapper à la règle. N’a-t-elle pas produit, par le passé, les groupes extrémistes d’obédience baâthistes (Le Polisario et tous les mouvements soit disant révolutionnaires des années 70) ? N’a-t-elle pas produit les intégristes les plus virulents (des étudiants islamistes sont encore en prison car ils ont tué d’autres étudiants qui ne partagent pas leurs opinions) ?

En résumé, la violence est, hélas !, très présente dans l’université marocaine. D’autant plus qu’elle est exacerbée par les idées totalement opposées des mouvements idéologiques qui y sont dominateurs. En toute franchise, quel lien peut-il y avoir entre les nationalistes arabes et le mouvement amazigh ? Quel rapport peut-il y avoir entre les militants du Polisario et les Islamistes ? Absolument rien.

Maroc: encore des élections...pour rien

Je ne me suis pas empêché d’avoir un rictus, naturellement sarcastique, en voyant tout le tohu-bohu publicitaire fait autour des prochaines élections législatives au Maroc- qui doivent certainement encore saigner le pauvre contribuable marocain en raison de leur coût. Non pas qu’un horrible dictateur sommeille en moi. Bien au contraire. Je crois fermement dans le système démocratique. D’ailleurs, je milite autant que faire se peu pour que le Maroc, ce magnifique pays qui se trouve justement être le mien, jouisse réellement de la démocratie et de ses bienfaits. Encore faut-il qu’il s’engage sincèrement sur son chemin. Vous en conviendrez, c’est loin d’être le cas. Car il faut bien se rendre à l’évidence : sans que le régime craigne d’être la risée du monde entier, les scrutins qu’il s’offre et qu’il nous impose régulièrement sont un véritable marché de dupes, car totalement vidés de leur sens. Et ce n’est pas les preuves qui manquent. Il y en a... à la pelle !

D’abord, quelle est exactement leur utilité ? Qu’on se le dise en toute franchise, absolument rien. Et je ne suis pas le seul à le penser. Quoi de mieux que le jugement du principal architecte de la démocratie de façade que nous avons au Maroc, Feu Hassan II en personne. Ce n’était pas lui qui avait affirmé, solennellement, dans les années 80 du siècle passé que le parlement était un véritable cirque ? Si étonnant que cela puisse être, avec deux décennies de retard, probablement pour mettre le maximum de dirhams dans son bas de laine, Mohamed Ait Idder, qui s’est plus illustré dans la défense des « loosers » du Moyen-Orient qu’autre chose, est arrivé, enfin, au même terrible constat. Même si le personnage m’est particulièrement antipathique, je tiens quand même à saluer son aveu plein de franchise quoique tardif. Comme le dit si bien l’adage, il vaut mieux tard que jamais.

Ensuite, est-ce que le parlement a un quelconque rôle dans la « vie politique » marocaine- si réellement il y en a une ? À y regarder de près, il n’en a aucun. Sauf celui d’être une caisse enregistreuse des décisions du roi et de son gouvernement. Toutes ses prérogatives de contrôle s’en trouvent complètement virtuelles. Simplement parce qu’il ne les a jamais exercées faute d’autonomie. En fait, il est juste là pour donner le change. Tout observateur -même non-averti- de la politique marocaine, remarquera immédiatement que la confusion-concentration-accumulation des pouvoirs est malheureusement la règle. Et l’on sait tous que la condition sine qua non d’une vie parlementaire et démocratique saine est leur séparation claire et nette ; le tout devant être soumis à des règles draconiennes bien précises et communément admises. Pour que ce soit le cas au Maroc, il faut peut-être encore attendre, hélas !, quelques décennies, si ce n’est plus. De fait, la transition démocratique dont on nous rebat les oreilles risque de devenir éternelle. Autrement dit, qu’on « range » vite fait nos espoirs, une réelle démocratie au Maroc n’est certainement pas pour demain !

Enfin, si le parlement n’a aucune utilité, quid alors de celle des partis dits politiques. Complètement déconnectés de la réalité, on ne les voit revivre qu’à l’approche des pseudo élections que l’on nous offre. La ruée de leurs notables vers les maroquins très confortables du parlement se fait à coups d’achat de voix, de fraudes massives et de tripatouillages du ministère de l’Intérieur ( le Monde avait annoncé le résultat des élections de 2002 une semaine à l’avance). Une fois que ceux-ci sont assurés d’en avoir un, ils retournent illico presto à leurs vieilles habitudes : les affaires, que les affaires, rien que les affaires. En plus des émoluments importants qu’ils se mettent indûment dans la poche, il faut savoir qu’ils ont des avantages infinis ( des crédits sans intérêt, immunité parlementaire, retraite à vie, de multiples indemnités occasionnelles...). En fait, cette « institution parlementaire » pas comme les autres est quasiment un pays de Cocagne en plein milieu de Rabat. Combien de riches « députés »- car il faut quand même être riche pour être « élu »- y sont entrés, pour y rester ad vitam aeternam ou en sortir encore plus riches ? On ne les compte même plus.

Eu égard donc à ce qui précède, tout Marocain normalement constitué ne peut que boycotter cette énième parodie d’élections. S’il participe, ce serait brader à vil prix non seulement ses convictions et ses principes- s’il en a bien évidemment-, mais sa dignité tout court. Que dire alors des Amazighs, qui, aux yeux du régime et de ses partis politiques, ne méritent, au mieux, que mépris, rejet et exécration, s’ils ne sont, au pire, niés dans leur existence même ? Pour ceux parmi eux qui ont un minimum de conscience identitaire et politique, il ne leur passerait jamais à l’esprit de cautionner une telle mascarade électorale. Celui qui fait le contraire, c’est qu’il n’est certainement plus du monde des hommes… libres.