vendredi, septembre 09, 2005

AZA: des Amazighs au pays de l'Oncle Sam

Lahsen Oulhadj (Montréal)


Après leur spectacle au théâtre Coronna à Montréal, le 16 juillet dernier, j’ai eu l’immense joie de rencontrer nos deux mousquetaires amazighs. Toujours fidèles à cette modestie typique qui caractérise tant les Amazighs, le contact a eu lieu sans chichi et le plus simplement du monde. À dire vrai, on dirait qu’on se connaissait depuis des années ; alors que l’essentiel de nos contacts se réduisait à quelques courriels.

Sans salamalecs donc, nous sommes sortis du théâtre pour aller discuter dans un café qui se trouve juste dans le voisinage. Attablés autour d’un verre, nous avons laissé libre court à notre discussion. Tantôt posant des questions à Fattah Abbou, le plus extraverti de nos deux musiciens, et tantôt poussant carrément son acolyte de toujours, Mohamed Aoualou à prendre la parole ; il est d’une nature très réservée. D’ailleurs ce dernier, dans une pointe d’humour, a qualifié Fattah, " de ministre de la parole ."

Volonté

Les débuts dans la musique de nos artistes n’ont pas été, comme nous pourrions l’imaginer, dans un conservatoire ou dans une école de musique. Ô que nenni. Ils ont commencé, comme tous les artistes amazighs qui les ont précédés, dans la meilleure des écoles, celle de l’autodictatisme. En d’autres termes, sans vouloir être ironique, ils ont suivi le parcous classique des artistes amazighs.

" J’ai commencé tout seul et d’une façon on ne peut plus rudimentaire, nous avoue Fattah tout sourire, en fabriquant moi-même mon instrument à corde à base d’un récipient d’huile à moteur, d’une barre de bois et des câbles de frein d’un vélomoteur. "

Ainsi, a commencé le long apprentissage de " grattage " sur cet instrument on ne peut plus modeste. Après une pratique de quelques mois, les premières notes jouées ne peuvent être que celles des rways, ce genre musical traditionnel qui est, et de loin, le plus présent et le plus répandu dans cette immense région amazighophone du Sud du Maroc, qui est, selon l’expression de Mohamed une " mine d’or pour tous ceux qui ont un tant soit peu des penchants musicaux. "

Baigné, depuis son enfance dans l’ambiance d’ahwach avec ses variantes infinies, Mohamed, qui nous en a donné la démonstration, lors du spectacle d’Aza à Montréal, en esquissant quelques mouvements chorégraphiques très complexes, n’a pu avoir sa véritable guitare qu’à l’âge de 16 ans. Mais sa prédisposition à la musique et son auto-initiation grâce, lui aussi, à son instrument de fabrication personnelle, expliquent le fait qu’il soit devenu, au bout de quelques temps, un virtuose de la guitare.

" C’est à partir de cet âge, nous dit-il avec son flegme habituel, que j’ai commencé à pratiquer sérieusement et assidûment mon instrument, à l’oreille et sans aucune connaissance du solfège. D’ailleurs, à ce jour, cette écriture musicale est comparable à du chinois pour moi ."

Entre temps, nos deux artistes continuent à écumer les " isuyas " et autres " isriren " - places où ont lieu les fêtes villageoises- de leurs régions respectives connues par la richesse incommensurable de leur héritage musical : ahwach, taskiwin, ahyyad, tahwwarit, ignawen… Avec une écoute appliquée des groupes modernes : Izenzaren, Archach, Oudaden, Osman, etc ; et, des Rways dont bien évidemment les plus grands : Said Achtouk, Mohamed Albensir, Omar Wahrouch, Mohamed Amentag, ben Ihya Ou tznaght...

Fusion

Comme nous pouvons le remarquer, nos deux artistes ont grandi dans un milieu où la fusion des genres musicaux amazighs est de rigueur. De là, on peut expliquer cette quête continuelle de l’éclectisme qui ne manque pas d’originalité. À titre d’exemple, l’utilisation du luth. À ma connaissance, c’est la première fois que cet instrument serve dans l’expression des rythmes amazighs du Sud du Maroc. Le résultat à été tout simplement épatant.

" La musique est universelle, même si je sais que certains ne seraient pas contents que je l’utilise sous prétexte que le luth est un instrument arabe ; à mon avis, il ne faut pas fermer l’horizon de l’amazighité. Il faut l’ouvrir sur les autres cultures si cela va lui apporter davantage de richesses. Le luth est un instrument délicat qui demande beaucoup de pratique. Et je pense que son intégration aux rythmes amazighs a donné quelque chose d’original ", nous assure Fattah qui croit dur comme fer à l’ " inter culturalité " qui, prononcé avec un fort accent américain, revient comme leitmotiv dans ses propos.

Il faut reconnaître que Fattah est un multinstrumentiste doué ; en plus de la percussion, du banjo, du luth, du lotar, il manie brillamment le rribab, cet instrument ô combien amazigh. D’ailleurs, il est probable qu’il soit utilisé dans leur prochain album. On attend donc impatiemment le résultat.

La première expérience musicale de nos artistes a été avec des musiciens ou des groupes non moins connus. Dans le cas de Mohamed, cela a été avec le grand Mellal. " J’ai participé à l’enregistrement de son premier album ", dit-il. Quant à Fattah, cela a été avec Tilila, un groupe très célèbre dans le Souss et sa région pendant les années 80 et 90.

Effervescence amazighe

Le bac en poche, nos deux artistes débarquent à Marrakech pour s’inscrire dans le département de littérature anglaise à l’Université de Qadi Ayyad. C’est là qu’ils se sont connus grâce au cousin de Fattah, Bouhcine qui n’est que le chanteur vedette du groupe Tilila. Et depuis, c’est la grande amitié. Elle en a découlé, musicalement parlant, la naissance d’un groupe qui était très connu à Marrakech et sa région, Imdayazen. Cette formation a enregistré plusieurs albums qui tournent tous autour des thèmes chers au mouvement culturel amazigh (MCA) : identité, démocratie, universalité…. D’ailleurs, nos artistes reconnaissent très fièrement qu’ils sont redevables au mouvement amazigh. Ils se considèrent même comme ses purs produits. Il suffit d’écouter un laps de temps les compositions d’AZA pour s’en rendre compte.

Quant à leur avis sur la nouvelle vague de la musique amazighe représentée par Yuba, Agizul, Masnissa, Tafsut, Mellal…, les membres d’Aza " trouvent que c’est une très bonne chose de moderniser la musique amazighe. Mais il faut que les paroles soient accessibles. La complexité et les formules absconses sont tout simplement à proscrire surtout en ce moment où le mouvement amazigh a besoin de s’implanter dans les masses. Il faut parler le langage de la simplicité pour que notre message soit audible".

À nous l’Amérique !

Licencié de l’Université Qadi Ayyad, et devant les horizons bouchés, Mohamed a été le premier à émigrer en 1988. Destination les États-Unis. Au bout de trois ans, c’est le retour à la case départ, à savoir le Maroc. Mais au bout d’une année, c’est le retour une fois de plus aux États-Unis avec son ami de toujours, Fattah. Là, ils s’installent sur la côte Ouest, et plus précisément à Santa Cruz en Californie.

C’est là que l’idée de fonder un groupe amazigh a germé dans leurs esprits. Ce qui n’a pas tardé à se concrétiser avec la fondation du groupe Aza, un nom ô combien symbolique, qui a produit un premier album qui a été un succès tellement qu’il était original. Un deuxième est sur la route. Espérons qu’il soit comme le premier et même mieux !

Et cerise sur le gâteau Aza a pu, grâce à sa persévérance, décrocher une bourse du Conseil culturel de la ville de Santa Cruz pour organiser un festival amazigh avec la participation de l’infatigable anthropologue Hélène Hagan et du kabyle Moh Alilèche. Un festival qui a d’ailleurs eu lieu. Les échos que nous en avons sont très positifs. Une deuxième édition a toutes les chances d’avoir lieu l’année prochaine.

En outre, le groupe est en contact avec le seul Marocain qui travaille à la NASA, Kamal Al-Ouadghiri, qui, semble-t-il, est un amoureux de la culture amazighe; et cela afin d’organiser une autre manifestation culturelle à l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA).

Quant au Maroc, à ce jour, Aza n’a reçu aucune invitation pour participer à la multitude de festivals qui s’y déroulent chaque année. D’ailleurs, ce serait une bonne idée si les responsables de Timitar pensent à lui. Car il le mérite amplement, vu la qualité indiscutable de sa musique. Mais comme l’a si bien exprimé Fattah sous forme d’un adage bien de chez nous : " ahwach n tmazirt ur a isshdar " ( la musique de chez nous ne fait pas danser). Mais l’espoir est permis.

En tout cas, le groupe Aza étudiera minutieusement toute proposition sérieuse en vue de participer à n’importe quelle manifestation musicale et même, pourquoi pas, faire une tournée au Maroc et en Europe. Pour le contacter, il faut juste se connecter sur son site Internet : http://www.azamusic.net

Ils vont probablement chanter ses paroles dans leur prochain album qu’ils ont bien voulu nous interpréter a cappella :

Ddan-d irumiyen gin agh d ibarbaren
Ddun-d waàraben fkin agh idurar
IfD n tikkal a nsella iw awal a-n
Izd a nalla, ar nsmummiy, ar nettals i tilli zrinin
Ngwin iw aTTan negh
Gelb at awa gh ixf nek, a tmDaram
Ikka-d uhlaD aguns n tgmmi lli darngh
Kullu wan-d igan amaynu nazzl sis
NDer-n, nettu agayyu negh, neskr gis u darngh
Lsagh, ar nsawal, ar nswingim zund nettan
Yak Ibn tumert iga nit u darnegh,
Ura yak Ibn Yassin iga nit u darnegh
Ma yyi iga, ma-d agh isker, ma yyi-d ifl
Is ghad lkemn is nakeren iZuran
ITfar ixsan aylligh gisen skern izakren

3 commentaires:

Tafsut a dit...

ayuz bravo le site est ton blog est très riche. Je ve avoir ton avis sur ou commentaire sur notre groupe de music TAFSUT, tu pe voir notre blog ou il y a 2 chansson video live http://www.vidilife.com/index.cfm?f=media.play&vchrMediaProgramIDCryp=42FBFADC-4DF4-4172-A95E-1&action=search&CrypID=ECD1C12A-65A9-402F-A388-5
ou sur www.tafsut.fr.tc merci de jeuter un coup d'euille TANMIRT

Anonyme a dit...

http://www.dailymotion.com/mitakado/video/x5b2um_maroc-reportage-2m-sur-le-groupe-az_creation

Le reportage vidéo de 2M sur le groupe Amazigh AZA qui est installé à Santa Cruz en Californie. A voir Absolument !!!

Le groupe « AZA » : Au commencement, une histoire d’amitié…
L’histoire du groupe « AZA », c’est avant tout celle d’une amitié entre deux musiciens d’exception : Fettah Abbou et Mohamed Aoualou.
Ils se sont rencontrés en 1993 sur les bancs de l’université Cadi Ayyad de Marrakech. Musiciens autodidactes et amoureux de la musique Amazigh, c’est à Santa Cruz en Californie qu’ils se sont installés et ont créé le groupe « AZA ».
C’est en jouant dans la rue qu’ils font connaître cette musique différente, mélange de mélodie berbère traditionnelle et de sonorité occidentale. Le bouche à oreille et le talent ont fait le reste.
Aujourd’hui, le groupe « AZA » prépare son troisième album et jouit d’une notoriété certaine en Californie. Ils ont joué aux quatre coins de l’Amérique et se sont produit au dernier festival Timitar d’Agadir.
Véritables ambassadeurs culturels, Fettah et Mohamed interviennent souvent dans les départements de musicologie de plusieurs universités américaines. Avec le soutien du conseil culturel de la ville de Santa Cruz, ils organisent depuis deux ans le premier festival de culture Amazigh d’Amérique du Nord.

Anonyme a dit...

ayuuz nk a mass lahsen oulhadj <3