dimanche, juillet 15, 2007

Shirin Ebadi : la femme de tous les combats

Que sait-on réellement de l’Iran pourvu pourtant d’une histoire et une civilisation plusieurs fois millénaires ? A part ce qu’on entend, régulièrement, dans les médias internationaux comme la fameuse " fatwa " de Khoumeini contre Salman Rushdie, les sorties intempestives de son actuel président Ahmednijad contre les voisins et l’arme nucléaire dont il veut à tout prix avoir la possession, il faut bien se rendre à l’évidence : on n’en connaît, hélas !, que peu de choses. Surtout sur le plan intérieur.

D’où l’intérêt de lire Iran Awakening, le livre- co-écrit avec la journaliste américano-iranienne Azadeh Moaveni- de la dernière lauréate iranienne du prix Nobel de la paix et l’inconditionnelle pasionnaria des droits de l’homme, l’avocate Shirin Ebadi. Pour la première fois, nous avons à notre portée un ouvrage qui porte un regard crû de quelqu’un qui a vécu, dans sa chair et dans son âme, parfois très douloureusement, les bouleversements majeurs qu’a connus ce pays ces dernières décennies.

Juriste brillante- elle était juge avant d’être rétrogradée par les Islamistes arrivés au pouvoir en 1979 parce que simplement c’est une femme -, elle nous raconte, avec moult détails, son enfance et sa jeunesse à Téhéran, ses études de droit, ses multiples combats- elle est devenue avocate entre-temps- contre toutes les injustices qui frappent les hommes, les femmes et les enfants de son pays. Et ce en bravant, avec un courage extraordinaire et une énergie exceptionnelle, les intimidations de l’un des régimes les plus autoritaires de la planète, la prison et même les tentatives d’assassinat.

Tout au long du récit, on sent une femme d’exception, extrêmement patriote, qui ne souhaite que du bien pour son pays, une mère dévouée qui a tout fait pour que ces deux filles aient une vie meilleure, une épouse exemplaire qui n’a jamais failli à ses devoirs... Avec en toile de fond, les événements majeurs qui ont secoué son pays : la chute en 1953 du très populaire Premier ministre Mohamed Mossadegh ; l’institution de la monarchie absolue du Shah à l’aide, précisons-le, de la CIA et les Anglais ; la révolution islamique de 1979 de Khomeini ; la terrible guerre Iran-Irak...

Mais le plus incroyable dans tout cela, c’est qu’on découvre, tout ébaubi, un pays qui vit une révolution silencieuse… au féminin. Et oui ! Et c’est vraiment l’un des contrastes de la révolution islamique de Khoumeini, qui a imposé une chape de plomb à tout un immense pays. Quoi qu’on puisse dire, de l’aveu même de Mme Eibadi, celle-ci a permis la scolarisation massive de la gent féminine si bien que, actuellement, la majorité des étudiants dans les universités iraniennes sont des filles. Qui sait, c’est peut-être l’un des signes avant-coureurs d’un changement -dans le bon sens du terme cette fois-ci- pour ce grand peuple iranien avide de liberté et de démocratie !
Pour se procurer le livre, cliquez sur ce lien :

jeudi, juillet 12, 2007

Mohamed Mernich : « J’ai produit ‘’ Tilila’’ avec mon argent propre et sans l’aide de personne. »

Mohamed Mernich n’est pas n’importe qui. Il est l’un des pionniers qui ont mis les premiers jalons de la belle aventure du cinéma amazigh. Même s’il est autodidacte, cela ne l’a pas empêché d’être à l’origine de plusieurs films qui ont connu un succès à faire rêver plus d’un. Cet entretien sera donc l’occasion de parler de son domaine de travail, à savoir le cinéma amazigh, de ses efforts pour le faire évoluer, dans le bon sens du terme, et son souhait de l’inscrire, coûte que coûte, dans la durée.

Pouvez-vous vous présenter et, ensuite, nous parler de votre expérience cinématographique ?

Je m’appelle Mohamed Mernich Outtalb. Je suis né en 1951 à Ounzoud dans la région de Chichaoua. Je suis considéré parmi les fondateurs du jeune cinéma amazigh. D’ailleurs, j’ai produit plusieurs films qui ont connu pas mal de succès. C’est à ce titre que l’on m’a rendu hommage lors du festival de Sidi Kacem, - il a eu lieu du 12 au 16 avril 2007- qui a vu la projection de nombre de présentations amazighes. Le premier film que j’ai réalisé a été " Tigigilt " en 1992. Il a d’ailleurs connu en son temps un succès phénoménal. Jusqu’à présent, j’ai réalisé quelque 20 films majoritairement en format vidéo. Mais dernièrement, j’ai commencé à faire un cinéma qui répond aux standards internationaux. Pour cela, j’ai réalisé et produit de mon argent propre trois courts métrages ( Manque, Avidité et Doute) et un long métrage ( " Tilila "). Ce dernier film a été l’objet de l’engouement de beaucoup de public, car plusieurs salles et nombre de festivals à travers le Maroc l’ont projeté.

Qu’en est-il de votre film " Tilila " et quel est son contenu ?

J’ai commencé cette aventure sans compter sur l’aide de personne. Je pense que faire des films 36 mm est quand même une importante évolution, un grand pas pour le film amazigh. Mais ce n’est pas du tout un travail de tout repos. Reste qu’il permettra à coup sûr d’ouvrir de grands horizons au film amazigh : d’une part, parce que le public qui va désormais le suivre va être important et, d’autre part, parce qu’il aura, enfin, la possibilité de participer aux grands festivals internationaux. Quant au film " Tilila " ( secours, sauvetage…), je l’ai tourné dans des décors réels et comme l’indique son titre, il sous-entend des aventures enchevêtrées et des événements emmêlés, puisque l’action de porter secours ne peut être que la conséquence de ce genre de situations. D’ailleurs, le fait que Hassan sauve la jeune fille de la pendaison et la protège contre les villageois et l’ogre de la forêt, m’a convaincu que " Tilila " est absolument le meilleur titre à un film de ce genre.

Que pouvez-vous nous dire de l’aide de la Commission d’aide au cinéma qui a décidé, pour la première fois de son histoire, d’accorder 1.9 million de dh au film " Tamazirt ufella " ( Le pays des hauteurs) que vous comptez réaliser ?

Je suis très content de cette aide morale et matérielle. Je ferai tout mon possible pour être à la hauteur de la confiance qui m’a été faite. En tous les cas, soyez-en sûrs, nous, les acteurs et les cinéastes amazighs, allons déployer tous nos efforts pour ne pas décevoir et donner ainsi à notre cinéma la place qu’elle mérite.

Qu’en est-il du contenu de ce nouveau film ?

Il va être tourné dans des décors réels situés principalement dans le Sud, Meknès et d’autres régions marocaines. Il verra la participation des plus grandes stars du cinéma amazigh. Celles bien sûr qui ont déjà fait leurs preuves dans les films télévisuels, vidéo et VCD. Quant au contenu, ce long métrage va essayer de jeter un nouveau regard sur les tribus amazighes, qui, malgré la marginalisation chronique, sont restées terriblement attachées à leurs valeurs ancestrales. On y racontera l’histoire de l’une d’elles, perchée dans une montagne, qui, au lieu d’accepter l’offre alléchante des autorités locales de descendre s’installer dans la plaine avoisinante, a exigé qu’on lui construise plutôt une route pour la désenclaver. Pour ne pas passer outre les règles sacrées de l’hospitalité, la tribu n’a pas trouvé mieux que d’égorger la seule vache qu’elle possède lorsqu’un représentant des autorités lui a rendu visite. Mais celles-ci, restées insensibles à toute cette sollicitude, n’ont jamais tenu leurs multiples promesses. Arrêtons-nous là, si vous le voulez bien, et laissons au lecteur l’occasion de découvrir la suite lorsque le film sera fin prêt.
Cet entretien a été réalisé en arabe par Lahcen Bazir
Je n'ai donc fait que sa traduction en français.

Taroudant : une transaction par très islamique

L’argent et la politique ont toujours été un cocktail on ne peut plus détonant. Conscientes de ses dangers multiformes, les démocraties occidentales ont, comme toujours, anticipé en faisant appel à la force de la loi. Et ce juste pour réguler le phénomène en espérant moraliser davantage la vie politique. Mais, ne nous illusionnons pas, en en finir est tout simplement de l’ordre de l’impossible. Tellement que c’est un problème compliqué, complexe, emberlificoté même. D’ailleurs, régulièrement, des têtes tombent ici et là faute d’en avoir pesé tous les risques.

Que dire alors de pays où la démocratie est bien un vain mot et la loi n’est invoquée que pour réprimer le pauvre et bâillonner l’opposant ? C’est le cas malheureusement de notre très cher et beau pays. Si vous suivez un tantinet soi peu l’actualité marocaine, vous aurez certainement l’occasion d’entendre parler du scandale immobilier qui a éclaboussé le secrétaire particulier du roi, Mohamed Mounir Majidi. Et là, il faut savoir gré à la presse qui l’a révélé. Car, dans ce cas de figure, il en faut du courage, beaucoup de courage, car les risques peuvent vraiment être terribles.

Reste que ce Mounir Majidi n’en est pas à son coup d’essai. Il y a quelques années, ce jeune loup aux dents démesurément longues- diplômé juste d’un simple MBA dans une université américaine- s’est déjà illustré par l’affaire qui a fait grand bruit en son temps, celle des panneaux publicitaires. En fait, c’était son premier coup de maître, sa première poule aux œufs d’or. Et c’est vraiment le cas de le dire. Étant dans une situation de monopole, l’affaire peut brasser non pas des milliers, mais des millions de dirhams. S’ensuit une autre affaire non moins juteuse : usant probablement des ses relations et de son pouvoir, il a vendu au prix fort sa société de téléphonie à Maroc Télécom.

Parallèlement à ses succès fulgurants, toujours douteux dans des pays comme le Maroc, s’effectue en même temps son rapprochement avec l’entourage du chef de l’Etat. En un temps record, il est nommé PDG du holding royal et secrétaire particulier du roi. Ainsi, il devient tout naturellement l’homme fort du capitalisme marocain. Largement tributaire, comme nous le savons tous, du bon vouloir de la monarchie. Désormais, rien ne peut plus se faire dans ce domaine sans son aval. De fait, l’homme est on ne peut plus puissant. Et gare à celui qui se montre récalcitrant !

C’est donc dans ce contexte que le ministre des affaires islamiques Ahmed Taoufik lui a vendu, dans un mépris absolu de la loi et même de la moralité islamique, la terre des Habous de Taroudant -dont il est d’ailleurs originaire- à un prix défiant toute concurrence : 50 dh le m2 alors qu’il en vaut normalement 450 dh. Beaucoup de gens ont raison de reprocher à ce ministre cette transaction douteuse. Mais que peut-il réellement contre la toute puissance d’un proche du roi ? Absolument rien. On peut facilement imaginer que dans ce cas il n’a fait qu’obtempérer aux ordres. Même si ses contorsions verbales absolument pathétiques ne convainquent que lui. Et encore !

Moralité de l’histoire, au Maroc, les premiers à transgresser la loi sont ceux qui sont censés la faire respecter. Au royaume désenchanté, l’histoire se répète. Malheureusement. Comme sous Hassan II, l’élite actuelle, tout aussi vorace si ce n’est plus, ne montre aucun scrupule lorsqu’il s’agit de s’enrichir au dépens, le plus souvent, de tout un peuple souffrant de misère, de pauvreté et d’exclusion. Qu’elle continue donc … puisque la bénédiction du régime lui est accordée !