jeudi, février 16, 2012

Le tropisme anti-amazigh du prince rouge se confirme

Que c’est émotionnellement touchant ! Pour tout vous dire, j’ai bien failli tomber dans les pommes en visionnant la dernière conférence de Moulay Hicham qui a eu lieu à HEC Paris-vous pouvez la trouver facilement sur Youtube. À l’en croire, les « méchants » amazighs l’excluent sans ménagement. Ils ne sont pas/plus des victimes, mais de parfaits bourreaux prompts à sévir. Rien que cela ! En tous les cas, on en apprend tous les jours. Pour tout vous dire, la logique du prince alaouite est, comme dirait l’autre, illogiquement illogique. En quoi réellement cette déclaration qu’il nous a généreusement servie tient la route même si c’était fait dans un français des plus approximatifs ? Faisons comme on a toujours fait, soyons des plus objectifs et décortiquons son propos. Pour ne pas être trop long et lassant, contentons-nous juste de trois points. Pas plus pas moins.

Primo, si Moulay Hicham est si sensible à l’exclusion à ce point, pourquoi n’a-t-il pas dénoncé, juste une seule fois de sa vie, lui qui a un avis sur tout et qui n’arrête pas de monopoliser tous les médias, toutes les exclusions culturelles, économiques et sociales dont sont encore et toujours victimes les Amazighs ? Leurs doléances, leurs jérémiades et leurs colères ne sont-elles jamais arrivées à ses oreilles ? Étaient-ils à ce point inaudibles pour ne pas dire invisibles et même carrément inexistants ? L’empathie et encore moins la gratitude, ce ne sont certainement pas ses points forts. Et pourtant, ce sont les richesses du sol et du sous-sol de ce même peuple amazigh qui lui ont permis de mener un train de vie de mécène insouciant et débonnaire au pays de l’Oncle Sam.

À dire vrai, le discours de son altesse sur sa propre exclusion est d’une absurdité monumentale. Mais à y réfléchir de près, l’on se rend compte que le militantisme amazigh le gêne, vraiment et réellement, aux entournures. Je dirais même qu’il lui pose un très grave problème de perception, de compréhension et même de conscience. D’où ses extrapolations pour le moins hâtives à lui coller le label, pas très reluisant au demeurant, de l’exclusion et même de l’extrémisme. Et pourtant, l’unique raison d’être de la mouvance amazighe est justement de lutter contre les réelles exclusions azimutales dont sont toujours et encore victimes les Amazighs. Autrement dit, changer une situation des plus iniques qui a fait et qui continue de faire énormément de dégâts. Mais, semble-t-il, ce n’est pas près de plaire à notre cher prince comme vous pouvez facilement le constater.

Deuxio, Moulay Hicham ne s’est pas interdit de brocarder, avec une nervosité à peine voilée, ce qu’il a qualifié de nationalisme amazigh. C’est son droit le plus légitime et le plus absolu, dirions-nous. Encore faut-il que ce soit une critique constructive ! Vous en conviendrez certainement, c’est vraiment loin d’être le cas. D’ailleurs, ne pense-t-il pas que c’est l’hôpital qui se moque, royalement, de la charité ? Ne s’est-il pas qualifié, paradoxalement, lui-même de nationaliste arabe ? Ne persiste-t-il pas à employer, contre toute logique en insultant au passage et l’histoire et les réalités sociales et culturelles de plusieurs régions du monde, des appellations excluantes, ethnicistes et ouvertement racistes, genre la nation arabe, le Maghreb arabe, le monde arabe...,qui provoqueraient un urticaire aigu immédiat non seulement aux plus flegmatiques des Amazighs, mais aussi aux démocrates authentiques de par le monde ?

Plus grave encore, et c’est vraiment le summum de l’inconscience, ne continue-t-il pas de faire, à souhait et à profusion, la promotion du fascisme arabe auquel il s’entête à trouver, étrangement, des charmes insoupçonnés en dépit de ses horribles crimes et de ses insoutenables génocides ? Au vu de tout cela, ne croit-il pas que l’avènement d’un nationalisme amazigh n’est, somme toute, qu’une réaction saine, naturelle voire légitime contre le terrorisme identitaire et culturel, d’essence arabiste, qu’ont subi les Amazighs des décennies durant ? Décidément, et c’est le moins que l’on puisse dire, ce qui est apparemment valable et permis à Moulay Hicham ne l’est pas forcément aux autres, en l’occurrence les Amazighs. À moins que, aux yeux de notre prince, ils ne soient pas des êtres humains dignes de vivre dans la dignité, chez eux, sur leur propre terre. Ce que d’aucuns ne sont pas vraiment loin de penser. Que vivent les deux poids, deux mesures !

Tertio, que Moulay Hicham affirme qu’il possède, sans que personne ne le lui demande, des preuves archéologiques prouvant que les premiers peuples qui ont habité l’Afrique du Nord n’étaient pas amazighs (on aimerait bien voir lesquels, mais ce n’est pas ce que dit la grande sommité scientifique dans le domaine, l’anthropologue algérienne, Malika Hachid !) est tout simplement un hors sujet des plus flagrants. En toute objectivité, quel est le rapport avec la question posée par l’intervenant amazigh ? Aucun. Mais en évoquant ce sujet, le conférencier a certainement dans la l’esprit l’épineuse question de la légitimité de son discours ouvertement arabiste et au-delà sa propre légitimité politique -n’oublions jamais qu’il nourrit d’importantes ambitions éminemment politiques.

Nul besoin d’être grand clerc pour remarquer que Moulay Hicham, au mieux, n’a absolument rien compris au combat des Amazighs- ce dont je doute fort, car tout est disponible sur Internet-, au pire, a fait montre d’un parti-pris anti-amazigh nullement surprenant. Dans le sens où, par ses déclarations précédentes, nous en avons déjà perçu les signes avant-coureurs. Mais qu’il se rassure, les Amazighs ne vont jamais lâcher prise. Ils feront ce qu’ils ont toujours fait, à savoir continuer doucement et sûrement leur bonhomme de chemin ! Car leur cause est on ne peut plus juste, on ne peut plus légitime.

samedi, janvier 21, 2012

Rouicha : un géant de l’Atlas s’en va

C’est vraiment triste. Horriblement triste. Un lion de l’Atlas s’en va. Définitivement. À jamais. Pour l’éternité. Si vous êtes amazigh ou simplement amoureux des musiques amazighes, il est certain que vous n’allez certainement pas se demander de qui il peut bien s’agir. Car tout le monde sait que c’est simplement Mohamed Rouicha dont il est question. Oui, cet incroyable virtuose du loutar qui a tant bercé nos petites vies monotones pour nous transporter dans les cimes du nirvana musical.

En tous les cas, l’on n’est pas près d’oubliera jamais ses notes on ne peut plus complexes jouées avec des petites mains toutes frêles qui étaient les siennes. Lorsque son corps étreignait son instrument, ô combien typique des hauteurs du Moyen-Atlas, Rouicha s’agitait toujours, vivacement, nerveusement, mais avec la classe des instrumentistes surdouées, des musiciens prodigieux et des chanteurs géniaux.

Feu Rouicha était incontestablement un surdoué doublé d’un précoce fiévreusement talentueux. Pour preuve, à 14 ans, il enregistre déjà son premier album. Ce qui relève de la gageure dans le contexte marocain. La suite on la connaît. À force de travail et d’assiduité, Rouicha est devenu, progressivement, une icône, un monument que l’on ne peut pas se permettre d’ignorer lorsqu’on évoque les musiques pas seulement du Maroc mais de toute l’Afrique du Nord. Même les racistes férocement et haineusement anti-amazighs qui colonisent les médias dits marocains ne peuvent pas l’ignorer. Il s’est imposé à eux. Il les a mis ko. Comme un grand. Comme un géant. Simplement par et grâce à son art. Ni plus ni moins.

Rouicha est aussi, et c’est tout à son honneur, l’un des rares artistes à exprimer authentiquement le mieux les tréfonds de l’âme marocaine et nord africaine. D’une part, bien naturellement parce qu’il est on ne peut plus amazigh ; d’autre part, il n’a jamais succombé à la modernisation des rythmes et encore moins des instruments. D’ailleurs, il est toujours resté d’une sobriété et d’une rusticité- dans le sens positif de ces deux termes bien évidemment- à toute épreuve.

D’autant plus -et là je me base sur les témoignages de ceux qui l’ont connu de près- qu’il n’a jamais eu de grosse tête. Malgré le succès dont il a joui pendant plus de trois décennies, il est toujours resté lui-même, simple et modeste. De cette modestie que l’on ne trouve que chez les hommes d’exception, des génies.

En tous les cas, et ce serait le mot de la fin, si pour nous, simples dilettantes et mélomanes anonymes, le décès de Rouicha est douloureusement ressenti, le loutar du Moyen Atlas est définitivement orphelin... Même si je suis de nature optimiste, je ne pense sincèrement pas que quelqu’un d’autre va le gratter comme il le faisait si merveilleusement bien. Adieu l’artiste et repose éternellement en paix !

Je vous soumets la transcription de sa dernière chanson : ina as, ina as

Ina as, ina as ma(y) rix ad asix i zzman

A wanna ur yufin inna ma gh as ici wanna d ittemun

Ur d isnaqqaṣ i ṣṣart ljjib ixwan

Ma(y) rix ad asix i zzman

A ddunit ur yi terit, ula tutti lmutt

Wa nekk a ebbi, nekk a ebbi, nekk a ebbi

Tudjit yyi nger terghi d uqqraf

Ina as, ina as ma(y) rix ad asix i zzman

A(y) ayt-ma, a(y) ayt-ma, a(y) ayt-ma

A(y) ayt-ma, yamnek a(d) istahlla ad itteru

Is inegha iqna, ibɛd ubrid usmun

Ina as, ina as ma(y) rix ad asix i zzman

jeudi, janvier 05, 2012

« Les Amazighs sont colonisés », dixit Ben Kiran

Dans une interview accordée à une chaîne de télévision arabe par l’actuel Premier ministre marocain, le bien « nommé » Abdelilah Ben Kiran, connu plus pour ses fameuses vociférations hautement amazighophobes que ses exploits politiques, a affirmé on ne peut plus clairement que les Amazighs sont bien intégrés non pas en France ou en Hollande, comme vous pouvez l’imaginer au premier abord, mais au Maroc, leur propre pays depuis des milliers, si ce n’est des millions d’années.

Intégrés, dites-vous ? Je suis sûr que si vous êtes un immigré amazigh, pourvu d’un tantinet soi peu de conscience identitaire, rien que l’emploi de ce terme va hérisser vos cheveux, si ce n’est autre chose- en bons Amazighs qui se respectent, restons toujours pudiques. En effet, Ben Kiran dont la culture politique, et je ne suis pas le seul à le constater, est quasiment inexistante ne sait peut-être pas que ce terme est extrêmement connoté. Et donc à manier avec extrêmement de précaution au risque de choquer et même de se brûler les doigts.

Intégration, assimilation et... colonisation

Mais l’homme n’en a absolument cure, car très sûr de son bon droit. Et c’est là que l’individu est vraiment intéressant. Je dirais même, au risque de choquer certains, qu’il m’est vraiment sympathique. Car, au moins, il a le mérite de dire franchement, avec la brusquerie qui lui sied si bien, certaines réalités que beaucoup préfèrent ne pas voir.

Soyons donc un peu pédagogues et expliquons les choses le plus clairement possible à notre chérif de Premier ministre (apparemment, il a, lui aussi, en sa possession un arbre généalogique prouvant qu’il est un descendant du prophète par son père et d’une lignée d’ancêtres... syriens par sa mère). Il va sans dire que ce fameux mot « intégrer » appartient aux champs lexicaux qui ne rappellent pas forcément de bons souvenirs aux pauvres Amazighs que nous sommes. Celui de la colonisation (demandez aux Amazighs algériens, ils en savent plus que quelque chose !) et celui de l’immigration- pour ceux qui ont la « chance » d’émigrer.

Si la thématique de l’immigration ne peut en aucun cas s’appliquer aux Amazighs pour la simple raison qu’ils ne viennent pas de nulle part (les seuls arbres qu’ils possèdent, eux, contrairement à Ben Kiran et ses semblables, ce seraient, et encore s’ils ne sont pas emportés par la sécheresse et les aléas de la nature, ceux de l’arganier et de l’olivier). Car, pour ceux qui ne le savent pas encore, ce sont les uniques autochtones de toute l’Afrique du Nord et pas seulement du Maroc.

En toute logique, et n’en déplaise aux champions du monde de la mauvaise foi, il ne reste plus que la deuxième option, à savoir la thématique de la colonisation. En effet, Ben Kiran confirme, par sa dernière sortie télévisuelle, tout seul, sans être poussé par personne ou encore moins manipulé par un « extrémiste » amazigh, une évidence que seuls les aveugles obtus peuvent encore nier, à savoir que les Amazighs sont bel et bien c-o-l-o-n-i-s-é-s.

La vérité finit toujours par se savoir

Pour autant, un peu plus loin, dans la même interview, certainement parce qu’ils sont plus calés que lui (comparez l’arabe de l’Amazigh, Aassid, et celui de l’arabiste, Ben Kiran !), le chef du PJD cloue a pilori, avec une haine à peine dissimulée, ceux qu’il qualifie d’extrémistes amazighs (en se félicitant qu’ils soient encore très minoritaires). Ceux-là mêmes qui n’ont pas le courage ou, du moins, pas la volonté de dire publiquement, en tous les cas pas à ma connaissance, que les Amazighs vivent sous une quelconque colonisation. Comme lui-même vient de le dire et même le répéter devant des millions de téléspectateurs.

Ne me demandez surtout pas où se situe la logique dans les propos de Ben Kiran, car c’est une notion qui lui est complètement étrangère et tant d’autres « chérifs » comme lui qui se sont autoproclamés, ad vitam aeternam, nos représentants légitimes. Mais cette fois-ci, il faut bien le reconnaître, il n’a dit que la vérité : les Amazighs ne sont que de vulgaires colonisés. Merci donc M. Ben Kiran pour ce rappel pour le moins opportun. Aux intéressés, c’est-à-dire les Amazighs, s’ils ont encore une once de dignité et d’humanité, d’en faire ce que bon leur semble !