C’est vraiment triste. Horriblement triste. Un lion de l’Atlas s’en va. Définitivement. À jamais. Pour l’éternité. Si vous êtes amazigh ou simplement amoureux des musiques amazighes, il est certain que vous n’allez certainement pas se demander de qui il peut bien s’agir. Car tout le monde sait que c’est simplement Mohamed Rouicha dont il est question. Oui, cet incroyable virtuose du loutar qui a tant bercé nos petites vies monotones pour nous transporter dans les cimes du nirvana musical.
En tous les cas, l’on n’est pas près d’oubliera jamais ses notes on ne peut plus complexes jouées avec des petites mains toutes frêles qui étaient les siennes. Lorsque son corps étreignait son instrument, ô combien typique des hauteurs du Moyen-Atlas, Rouicha s’agitait toujours, vivacement, nerveusement, mais avec la classe des instrumentistes surdouées, des musiciens prodigieux et des chanteurs géniaux.
Feu Rouicha était incontestablement un surdoué doublé d’un précoce fiévreusement talentueux. Pour preuve, à 14 ans, il enregistre déjà son premier album. Ce qui relève de la gageure dans le contexte marocain. La suite on la connaît. À force de travail et d’assiduité, Rouicha est devenu, progressivement, une icône, un monument que l’on ne peut pas se permettre d’ignorer lorsqu’on évoque les musiques pas seulement du Maroc mais de toute l’Afrique du Nord. Même les racistes férocement et haineusement anti-amazighs qui colonisent les médias dits marocains ne peuvent pas l’ignorer. Il s’est imposé à eux. Il les a mis ko. Comme un grand. Comme un géant. Simplement par et grâce à son art. Ni plus ni moins.
Rouicha est aussi, et c’est tout à son honneur, l’un des rares artistes à exprimer authentiquement le mieux les tréfonds de l’âme marocaine et nord africaine. D’une part, bien naturellement parce qu’il est on ne peut plus amazigh ; d’autre part, il n’a jamais succombé à la modernisation des rythmes et encore moins des instruments. D’ailleurs, il est toujours resté d’une sobriété et d’une rusticité- dans le sens positif de ces deux termes bien évidemment- à toute épreuve.
D’autant plus -et là je me base sur les témoignages de ceux qui l’ont connu de près- qu’il n’a jamais eu de grosse tête. Malgré le succès dont il a joui pendant plus de trois décennies, il est toujours resté lui-même, simple et modeste. De cette modestie que l’on ne trouve que chez les hommes d’exception, des génies.
En tous les cas, et ce serait le mot de la fin, si pour nous, simples dilettantes et mélomanes anonymes, le décès de Rouicha est douloureusement ressenti, le loutar du Moyen Atlas est définitivement orphelin... Même si je suis de nature optimiste, je ne pense sincèrement pas que quelqu’un d’autre va le gratter comme il le faisait si merveilleusement bien. Adieu l’artiste et repose éternellement en paix !
Je vous soumets la transcription de sa dernière chanson : ina as, ina as
Ina as, ina as ma(y) rix ad asix i zzman
A wanna ur yufin inna ma gh as ici wanna d ittemun
Ur d isnaqqaṣ i ṣṣart ljjib ixwan
Ma(y) rix ad asix i zzman
A ddunit ur yi terit, ula tuttiḍ lmutt
Wa nekk a Ṛebbi, nekk a Ṛebbi, nekk a Ṛebbi
Tudjit yyi nger terghi d uqqraf
Ina as, ina as ma(y) rix ad asix i zzman
A(y) ayt-ma, a(y) ayt-ma, a(y) ayt-ma
A(y) ayt-ma, yamnek a(d) istahlla ad itteru
Is inegha iqnaḍ, ibɛd ubrid usmun
Ina as, ina as ma(y) rix ad asix i zzman
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