Continuons!
Ce n'est pas tout, lisez encore !
Il paraît que cette année va être celle des légendaires Izenzaren. À coup sûr ils vont faire plus que l’événement et pour cause. Un nouvel album, selon plusieurs sites dignes de foi, va être lancé courant mai. Et ce, après 22 ans d’absence de toute production musicale. Même si le groupe se reproduit, régulièrement, dans les festivals organisés un peu partout dans le Souss.
L’album porterait le titre d’’’akal’’ (terre en langue amazighe). D’une durée d’à peu près 45mn, il comporterait ces titres : tinmel, tifawt, asgmmi, immntran w akal... Selon toujours les mêmes sources internetiennes, pour assurer un maximum de succès à l’album, et c’est une première qu’il faut préciser, il paraîtrait qu’une traduction des paroles en plusieurs langues serait disponible. C’est tout simplement à saluer.
En tous les cas, pour notre part, nous, simples mélomanes, qui avons grandi et même vieilli avec Izenzaren, leur souhaitons de tout coeur toutes les réussites possibles et imaginables. Surtout après une année on ne peut plus difficile pour la formation. Son très talentueux percussionniste et l’un de ses premiers fondateurs, Lahsen Boufrttel, est décédé subitement. Bon vent Izenzaren !
Après la vraie fausse officialisation de la langue amazighe dans la constitution octroyée, les plus naïfs parmi les Amazighs s’attendent à ce que les choses changent. Dans le sens positif du terme bien sûr. Même symboliquement. Mais au vu des derniers développements (je n’aborde même le racisme dont ont fait preuve les hordes barbares du Makhzen envers les Amazighs du Rif), ils doivent être déçus, très déçus même. Deux faits suffiront pour les convaincre. Enfin, j’espère.
Lors d’un colloque organisé par la bibliothèque nationale, un intervenant a été empêché, agressivement et violemment, de s’exprimer en langue amazighe par le président de la même institution, un certain Kherouz, amazigh lui-même et, pire que cela, membre de l’IRCAM (la très fameuse institution qui est censée prendre à cœur la culture amazighe).
Le motif selon ce minable auto-raciste, digne disciple du sanguinaire Kadhafi, est que seules les langues arabe et française ont droit de cité entre les murs de l’établissement où il officie. A-t-il concocté, tout seul, une loi anti-amazigh propre à sa bibliothèque qui n’a par voie de conséquence rien de nationale, parce que sienne ? Et bien, il faut vraiment le croire. Dans le pays du Makhzen, il ne faut plus jamais s’étonner de rien. Continuons !
À Marrakech, la joie d’une famille amazighe a été de courte de durée. En fait, elle a eu une petite fille. Elle a voulu l’appeler, Tihiyya, un prénom amazigh des plus traditionnels. Ce qui veut dire, pour ceux qui l’ignorent, et Dieu sait qu’ils sont on ne peut plus nombreux, parfaite, belle et même sublime en langue amazighe. Bien plus, pour ceux qui s’en rappellent encore, il y a même eu un film qui a eu beaucoup de succès en son temps dont le titre était ce même prénom et dont l’héroïne n’était autre que la célèbre chanteuse Fatim Tabaâmrante.
En tous les cas, arrivé dans les bureaux d’état civil de l’arrondissement de sa résidence, le père de famille a eu le choc de sa vie. L’agent présent a décidé de considérer, d’une manière catégorique, péremptoire et bien sûr arrogante (ces idiots fascistes sont toujours arrogants), que Tihiyya comme un prénom non-marocain, parce que simplement non arabe.
Ainsi, ironie de l’histoire, la petite Tihiyya est quasiment clandestine dans une ville fondée par ses ancêtres amazighs, les Almoravides, qui doivent se retourner dans leurs tombes en voyant leurs descendants se faire traiter comme moins que de la merde par de petits racistes ignares. C’est vraiment le monde à l’envers. Et c’est le moins que l’on puisse dire.
Mais la question qui se pose : que faire devant la mauvaise foi du régime raciste de Rabat qui nous pompe l’air avec ses officialisations bidons sans aucun effet sur la réalité du terrain ? Faut-il continuer à subir ad vitam aeternam toutes sortes d’humiliations racistes ? À un moment, il faut savoir dire stop. Y en a vraiment marre à la fin !
Oudaden, le groupe légendaire du Souss, viennent de sortir un énième album. Comme toujours, ils ont encore réussi leur coup. Sans coup férir. Indiscutablement. Définitivement. Tout dans leur dernier opus est une réussite. Sans rien lâcher de leur l’identité musicale et encore moins de leur essence artistique. Celles-là mêmes qui ont toujours fait leur succès sur une durée de plus de trois décennies. Ainsi, les paroles sont toujours aussi légères, mais sans succomber à la facilité béate. Les rythmes sont toujours aussi joyeux, une invite à une odyssée des plus palpitantes dans les tréfonds de ce Souss plus que jamais fier sans jamais être arrogant. La voix puissante d’El-Foua a été, comme toujours, au rendez-vous, sans prendre la plus petites des rides en dépit de ses longues années de bons et loyaux services. Il faut le dire et même le répéter, Oudaden sont une très heureuse exception dans notre paysage musical. Un vrai monument identitaire. Une icône qui ne cesse de briller de mille feux. Même si l’on est loin, très loin, trop loin, par leur musique, ils nous rappellent toujours, esthétiquement, artistiquement et musicalement parlant, qui nous sommes et d’où nous venons. Pour résumer les choses, Oudaden feront toujours partie de notre identité la plus intime, de notre moi le plus collectif. Eux c’est nous. Nous c’est eux. Que l’Éternel les protège et longue vie à eux !
Que c’est émotionnellement touchant ! Pour tout vous dire, j’ai bien failli tomber dans les pommes en visionnant la dernière conférence de Moulay Hicham qui a eu lieu à HEC Paris-vous pouvez la trouver facilement sur Youtube. À l’en croire, les « méchants » amazighs l’excluent sans ménagement. Ils ne sont pas/plus des victimes, mais de parfaits bourreaux prompts à sévir. Rien que cela ! En tous les cas, on en apprend tous les jours. Pour tout vous dire, la logique du prince alaouite est, comme dirait l’autre, illogiquement illogique. En quoi réellement cette déclaration qu’il nous a généreusement servie tient la route même si c’était fait dans un français des plus approximatifs ? Faisons comme on a toujours fait, soyons des plus objectifs et décortiquons son propos. Pour ne pas être trop long et lassant, contentons-nous juste de trois points. Pas plus pas moins.
Primo, si Moulay Hicham est si sensible à l’exclusion à ce point, pourquoi n’a-t-il pas dénoncé, juste une seule fois de sa vie, lui qui a un avis sur tout et qui n’arrête pas de monopoliser tous les médias, toutes les exclusions culturelles, économiques et sociales dont sont encore et toujours victimes les Amazighs ? Leurs doléances, leurs jérémiades et leurs colères ne sont-elles jamais arrivées à ses oreilles ? Étaient-ils à ce point inaudibles pour ne pas dire invisibles et même carrément inexistants ? L’empathie et encore moins la gratitude, ce ne sont certainement pas ses points forts. Et pourtant, ce sont les richesses du sol et du sous-sol de ce même peuple amazigh qui lui ont permis de mener un train de vie de mécène insouciant et débonnaire au pays de l’Oncle Sam.
À dire vrai, le discours de son altesse sur sa propre exclusion est d’une absurdité monumentale. Mais à y réfléchir de près, l’on se rend compte que le militantisme amazigh le gêne, vraiment et réellement, aux entournures. Je dirais même qu’il lui pose un très grave problème de perception, de compréhension et même de conscience. D’où ses extrapolations pour le moins hâtives à lui coller le label, pas très reluisant au demeurant, de l’exclusion et même de l’extrémisme. Et pourtant, l’unique raison d’être de la mouvance amazighe est justement de lutter contre les réelles exclusions azimutales dont sont toujours et encore victimes les Amazighs. Autrement dit, changer une situation des plus iniques qui a fait et qui continue de faire énormément de dégâts. Mais, semble-t-il, ce n’est pas près de plaire à notre cher prince comme vous pouvez facilement le constater.
Deuxio, Moulay Hicham ne s’est pas interdit de brocarder, avec une nervosité à peine voilée, ce qu’il a qualifié de nationalisme amazigh. C’est son droit le plus légitime et le plus absolu, dirions-nous. Encore faut-il que ce soit une critique constructive ! Vous en conviendrez certainement, c’est vraiment loin d’être le cas. D’ailleurs, ne pense-t-il pas que c’est l’hôpital qui se moque, royalement, de la charité ? Ne s’est-il pas qualifié, paradoxalement, lui-même de nationaliste arabe ? Ne persiste-t-il pas à employer, contre toute logique en insultant au passage et l’histoire et les réalités sociales et culturelles de plusieurs régions du monde, des appellations excluantes, ethnicistes et ouvertement racistes, genre la nation arabe, le Maghreb arabe, le monde arabe...,qui provoqueraient un urticaire aigu immédiat non seulement aux plus flegmatiques des Amazighs, mais aussi aux démocrates authentiques de par le monde ?
Plus grave encore, et c’est vraiment le summum de l’inconscience, ne continue-t-il pas de faire, à souhait et à profusion, la promotion du fascisme arabe auquel il s’entête à trouver, étrangement, des charmes insoupçonnés en dépit de ses horribles crimes et de ses insoutenables génocides ? Au vu de tout cela, ne croit-il pas que l’avènement d’un nationalisme amazigh n’est, somme toute, qu’une réaction saine, naturelle voire légitime contre le terrorisme identitaire et culturel, d’essence arabiste, qu’ont subi les Amazighs des décennies durant ? Décidément, et c’est le moins que l’on puisse dire, ce qui est apparemment valable et permis à Moulay Hicham ne l’est pas forcément aux autres, en l’occurrence les Amazighs. À moins que, aux yeux de notre prince, ils ne soient pas des êtres humains dignes de vivre dans la dignité, chez eux, sur leur propre terre. Ce que d’aucuns ne sont pas vraiment loin de penser. Que vivent les deux poids, deux mesures !
Tertio, que Moulay Hicham affirme qu’il possède, sans que personne ne le lui demande, des preuves archéologiques prouvant que les premiers peuples qui ont habité l’Afrique du Nord n’étaient pas amazighs (on aimerait bien voir lesquels, mais ce n’est pas ce que dit la grande sommité scientifique dans le domaine, l’anthropologue algérienne, Malika Hachid !) est tout simplement un hors sujet des plus flagrants. En toute objectivité, quel est le rapport avec la question posée par l’intervenant amazigh ? Aucun. Mais en évoquant ce sujet, le conférencier a certainement dans la l’esprit l’épineuse question de la légitimité de son discours ouvertement arabiste et au-delà sa propre légitimité politique -n’oublions jamais qu’il nourrit d’importantes ambitions éminemment politiques.
Nul besoin d’être grand clerc pour remarquer que Moulay Hicham, au mieux, n’a absolument rien compris au combat des Amazighs- ce dont je doute fort, car tout est disponible sur Internet-, au pire, a fait montre d’un parti-pris anti-amazigh nullement surprenant. Dans le sens où, par ses déclarations précédentes, nous en avons déjà perçu les signes avant-coureurs. Mais qu’il se rassure, les Amazighs ne vont jamais lâcher prise. Ils feront ce qu’ils ont toujours fait, à savoir continuer doucement et sûrement leur bonhomme de chemin ! Car leur cause est on ne peut plus juste, on ne peut plus légitime.
C’est vraiment triste. Horriblement triste. Un lion de l’Atlas s’en va. Définitivement. À jamais. Pour l’éternité. Si vous êtes amazigh ou simplement amoureux des musiques amazighes, il est certain que vous n’allez certainement pas se demander de qui il peut bien s’agir. Car tout le monde sait que c’est simplement Mohamed Rouicha dont il est question. Oui, cet incroyable virtuose du loutar qui a tant bercé nos petites vies monotones pour nous transporter dans les cimes du nirvana musical.
En tous les cas, l’on n’est pas près d’oubliera jamais ses notes on ne peut plus complexes jouées avec des petites mains toutes frêles qui étaient les siennes. Lorsque son corps étreignait son instrument, ô combien typique des hauteurs du Moyen-Atlas, Rouicha s’agitait toujours, vivacement, nerveusement, mais avec la classe des instrumentistes surdouées, des musiciens prodigieux et des chanteurs géniaux.
Feu Rouicha était incontestablement un surdoué doublé d’un précoce fiévreusement talentueux. Pour preuve, à 14 ans, il enregistre déjà son premier album. Ce qui relève de la gageure dans le contexte marocain. La suite on la connaît. À force de travail et d’assiduité, Rouicha est devenu, progressivement, une icône, un monument que l’on ne peut pas se permettre d’ignorer lorsqu’on évoque les musiques pas seulement du Maroc mais de toute l’Afrique du Nord. Même les racistes férocement et haineusement anti-amazighs qui colonisent les médias dits marocains ne peuvent pas l’ignorer. Il s’est imposé à eux. Il les a mis ko. Comme un grand. Comme un géant. Simplement par et grâce à son art. Ni plus ni moins.
Rouicha est aussi, et c’est tout à son honneur, l’un des rares artistes à exprimer authentiquement le mieux les tréfonds de l’âme marocaine et nord africaine. D’une part, bien naturellement parce qu’il est on ne peut plus amazigh ; d’autre part, il n’a jamais succombé à la modernisation des rythmes et encore moins des instruments. D’ailleurs, il est toujours resté d’une sobriété et d’une rusticité- dans le sens positif de ces deux termes bien évidemment- à toute épreuve.
D’autant plus -et là je me base sur les témoignages de ceux qui l’ont connu de près- qu’il n’a jamais eu de grosse tête. Malgré le succès dont il a joui pendant plus de trois décennies, il est toujours resté lui-même, simple et modeste. De cette modestie que l’on ne trouve que chez les hommes d’exception, des génies.
En tous les cas, et ce serait le mot de la fin, si pour nous, simples dilettantes et mélomanes anonymes, le décès de Rouicha est douloureusement ressenti, le loutar du Moyen Atlas est définitivement orphelin... Même si je suis de nature optimiste, je ne pense sincèrement pas que quelqu’un d’autre va le gratter comme il le faisait si merveilleusement bien. Adieu l’artiste et repose éternellement en paix !
Je vous soumets la transcription de sa dernière chanson : ina as, ina as
Ina as, ina as ma(y) rix ad asix i zzman
A wanna ur yufin inna ma gh as ici wanna d ittemun
Ur d isnaqqaṣ i ṣṣart ljjib ixwan
Ma(y) rix ad asix i zzman
A ddunit ur yi terit, ula tuttiḍ lmutt
Wa nekk a Ṛebbi, nekk a Ṛebbi, nekk a Ṛebbi
Tudjit yyi nger terghi d uqqraf
Ina as, ina as ma(y) rix ad asix i zzman
A(y) ayt-ma, a(y) ayt-ma, a(y) ayt-ma
A(y) ayt-ma, yamnek a(d) istahlla ad itteru
Is inegha iqnaḍ, ibɛd ubrid usmun
Ina as, ina as ma(y) rix ad asix i zzman