Enfin, il a finalement été décidé de publier la version définitive de la nouvelle constitution naturellement… octroyée. Et qui dit octroyée, ce qui est malheureusement une fois de plus le cas, dit simplement qu’il ne faut pas s’attendre à ce qu’elle réponde aux aspirations profondément démocratiques des Marocains, exprimées, clairement et franchement, par le mouvement du 20 février.
En lisant les deux versions, arabe et française, l’on ne peut pas s’empêcher de se poser une question importante, au demeurant lancinante : est-ce que ses rédacteurs ont-ils pensé, un moment, que la loi fondamentale d’un pays ne doit jamais souffrir d’approximations et d’à-peu-près ? Apparemment non.
Entortillages inutiles
En effet, dans les pays qui se respectent et qui respectent leurs propres citoyens, la constitution est toujours claire et se départit, du mieux qu’elle pouvait, de la plus minuscule des ambiguïtés. Le but étant de faciliter la vie des citoyens et faire l’économie de batailles constitutionnelles et juridiques dont le pays n’en a que faire. Et se concentrer, définitivement, sur les défis qui en valent le coup : le développement économique et social à titre d’exemple.
Encore faut-il avoir, présent à l’esprit, les intérêts supérieurs du pays pour avoir une telle vision patriote des choses. Il est, hélas, palpable que ce n’est nullement la première caractéristique de ceux qui nous ont gratifiés, si généreusement, de cette énième constitution.
Il va sans dire que leur motivation première est le maintien, coûte que coûte, du régime et des ses structures archaïques en s’accrochant, extrêmement jalousement, à sa mainmise totale et entière sur toutes les richesses du pays pour le plus grand bien, seulement et uniquement, de ses membres et de ses obséquieux fidèles.
Bref, et il faut bien le dire et même le répéter, à tue-tête s’il le faut, on n’est vraiment pas près de sortir de l’auberge.
Copier/coller
Le préambule est un vrai chef d’oeuvre du… remplissage le plus pédant. Il faut croire que les formules pompeuses n’ont jamais fait une bonne constitution. Et c’est le moins que l’on puisse dire. Pour tout vous dire, je me ne suis pas empêché de pouffer de rien en le lisant. Tellement il rassemble une chose et son contraire. Parfois dans la même phrase. En fait, l’on nage dans la confusion la plus totale. Pour étayer mes dires, je vais me contenter, ici, par évoquer juste deux points.
Primo, l’on affirme la prééminence de l’Islam et l’on nous dit, en même temps, que l’on souscrit aux droits de l’homme tels qu’ils sont universellement reconnus. Soit. Mais il faut savoir que les très nombreuses lectures de l’Islam qui ont, actuellement, pignon sur rue s’opposent, radicalement, à la vision universelle des droits de l’homme.
Pour en avoir le coeur net, nul besoin d’aller voir les extrémistes religieux les plus en vue, genre « la multinationale » d’Al-Qaïda ou ses nombreux « fans ». Il faut juste poser la question aux Islamistes du makhzen rassemblés au sein du parti du PJD, considérés jusqu’à preuve du contraire comme des modérés. Vous serez tombés des nues à l’écoute de la virulence de leur discours rien qu’en entendant les droits de l’homme.
Secundo, l’on répète, à plusieurs reprises, que le Maroc est divers et pluriel. Très bien. Mais lorsqu’il s’agit de l’identité nationale- que l’on n’a pas pris la peine de définir-, bizarrement, cette diversité devient immédiatement caduque. En d’autres termes, elle n’existe plus. Et comme cela ne suffisait pas, l’on ajoute même qu’elle est « indivisible ». J’aurai bien aimé que l’on me dise clairement en quoi consiste cette identité si unique ?
En d’autres termes, j’aurais bien souhaité que l’on me réponde juste à cette question simple : c’est quoi exactement un Marocain d’après nos « éminents » constitutionnalistes ? Parce que c’est cela le noeud de tout le problème. Est-ce un musulman ? Un Arabe ? Un Amazigh ? Un Sahraoui (même si les Sahraouis se disent de purs Arabes en déniant, au passage, aux Aroubis du Nord qu’ils méprisent tout lien avec l’arabité) ? Un Andalous (même si les Andalous sont logés à la même enseigne, car ils se considèrent, eux aussi, comme de « très purs » Arabes) ?
En réalité, la nouvelle constitution regorge tellement de contradictions qu’il sera vain de tout aborder ici. En tous les cas, un pince-sans-rire sur je ne sais quel forum de discussion a eu un mot très juste : il s’agit d’une constitution faite de copier/coller. Et il a diablement raison.
Cependant, le seul point positif que je trouve assez intéressant dans ce préambule par très fameux, à moins que ce soit juste un effet d’annonce banal, c’est que «le royaume du Maroc, nous dit-on, poursuivra résolument le processus de consolidation et de renforcement des institutions d’un Etat moderne ». Voilà une belle promesse, si elle est bien évidemment tenue. Sauf que le makhzen a montré par le passé qu’il est contre toute forme d’autonomisation des institutions.
En d’autres termes, et disons les choses franchement, il n’a jamais aucune envie de voir un État moderne, efficace et citoyen au Maroc. Il a toujours voulu être seul aux commandes avec les résultats catastrophiques que l’on connaît : chômage endémique, pauvreté généralisée, analphabétisme effrayant, gabegie structurelle, corruption massive...
Amazighophobe un jour,...
Le discours royal du 9 mars dernier a été très courageux lorsqu’il a considéré l’amazighité comme l’ossature de l’identité marocaine. Mais comme toujours, lorsqu’il s’agit de l’amazighité, on fait toujours un pas en avant et 50 pas en arrière. On l’a vu avec l’enseignement de la langue amazighe et son intégration dans les médias. Si peut-être vous ne le savez pas, c’est une vraie mascarade qui n’est pas près de prendre fin.
Ainsi, je ne suis nullement surpris par la place ridicule qui a été réservée à l’amazighité dans la nouvelle constitution. D’ailleurs, je vous réfère à un petit papier que j’ai écrit sur la constitution officieuse qui circule, encore et toujours, sur Internet et qui était, à mon avis, un ballon d’essai pour voir le degré de son acceptation. Sauf quelques retouches rhétoriques bénignes ici et là, elle n’y a vraiment pas différence entre les deux.
D’aucuns considèrent, et je les comprends tout à fait- en raison entre autres du complexe d’infériorité enraciné dans la conscience des Amazighs après des siècles de mépris, de racisme et de colonisation-, que rien que la mention de la langue amazighe dans la constitution est un succès historique. Il faut dire qu’il y a de quoi : l’amazighité revient vraiment de loin. D’une culture criminalisée, combattue, honnie et terrorisée, elle a accède à la constitution, mais par... la petite porte- et ce n’est même pas acquis. Et c’est vraiment le cas de le dire.
Mais le pire, c’est que la dite constitution stipule pompeusement que le Maroc « développe une société solidaire où tous jouissent de la sécurité, de la liberté, de l’égalité des chances, du respect de leur dignité et de la justice sociale, dans le cadre du principe de corrélation entre les droits et les devoirs de la citoyenneté ». On ajoute même plus loin, sans sourciller, que l’État s’engage à «bannir et combattre toute discrimination à l'encontre de quiconque, en raison du sexe, de la couleur, des croyances, de la culture, de l'origine sociale ou régionale, de la langue, de l'handicap ou de quelque circonstance personnelle que ce soit».
La place réservée à la langue amazighe et, au-delà, à ses locuteurs ne rend-t-il pas tous ses voeux complètement insignifiants, ridicules et pitoyables ? Au lieu de consacrer l’égalité des cultures et des hommes, la nouvelle constitution a plutôt consacré la supériorité des Arabes et l’infériorité des Amazighs. Que vive le racisme donc ! Et c’est cela que la France de Sarkozy qualifie, étrangement, de « démarche exemplaire ». Décidément ! Nous ne voyons pas le monde avec les mêmes lunettes.
Plus grave encore, pour que l’officialisation de l’amazigh soit effective, nous assène-t-on, il faut attendre qu’une loi organique soit votée. En l’absence totale de partis politiques amazighs- parce que justement interdits par le régime alors qu’il permet aux partis arabistes et islamistes de pulluler- à même de le défendre au sein du parlement marocain, faut-il vraiment attendre quelque chose de positif de partis aussi haineusement amazighophobes et anti-amazighs que le PI, le PJD et même l’USFP ? Si vous affirmez le contraire, c’est que vous mettez un doigt dans l’oeil.
Pour conclure, et pour que je ne sois accusé pas à tort de ... nihiliste, il y a effectivement une officialisation de l’amazigh, mais, hélas, vidée de toute... substance. En fait, le combat amazigh pour la dignité a encore de beaux jours devant lui. Que l’on ne baisse surtout pas les bras !
En lisant les deux versions, arabe et française, l’on ne peut pas s’empêcher de se poser une question importante, au demeurant lancinante : est-ce que ses rédacteurs ont-ils pensé, un moment, que la loi fondamentale d’un pays ne doit jamais souffrir d’approximations et d’à-peu-près ? Apparemment non.
Entortillages inutiles
En effet, dans les pays qui se respectent et qui respectent leurs propres citoyens, la constitution est toujours claire et se départit, du mieux qu’elle pouvait, de la plus minuscule des ambiguïtés. Le but étant de faciliter la vie des citoyens et faire l’économie de batailles constitutionnelles et juridiques dont le pays n’en a que faire. Et se concentrer, définitivement, sur les défis qui en valent le coup : le développement économique et social à titre d’exemple.
Encore faut-il avoir, présent à l’esprit, les intérêts supérieurs du pays pour avoir une telle vision patriote des choses. Il est, hélas, palpable que ce n’est nullement la première caractéristique de ceux qui nous ont gratifiés, si généreusement, de cette énième constitution.
Il va sans dire que leur motivation première est le maintien, coûte que coûte, du régime et des ses structures archaïques en s’accrochant, extrêmement jalousement, à sa mainmise totale et entière sur toutes les richesses du pays pour le plus grand bien, seulement et uniquement, de ses membres et de ses obséquieux fidèles.
Bref, et il faut bien le dire et même le répéter, à tue-tête s’il le faut, on n’est vraiment pas près de sortir de l’auberge.
Copier/coller
Le préambule est un vrai chef d’oeuvre du… remplissage le plus pédant. Il faut croire que les formules pompeuses n’ont jamais fait une bonne constitution. Et c’est le moins que l’on puisse dire. Pour tout vous dire, je me ne suis pas empêché de pouffer de rien en le lisant. Tellement il rassemble une chose et son contraire. Parfois dans la même phrase. En fait, l’on nage dans la confusion la plus totale. Pour étayer mes dires, je vais me contenter, ici, par évoquer juste deux points.
Primo, l’on affirme la prééminence de l’Islam et l’on nous dit, en même temps, que l’on souscrit aux droits de l’homme tels qu’ils sont universellement reconnus. Soit. Mais il faut savoir que les très nombreuses lectures de l’Islam qui ont, actuellement, pignon sur rue s’opposent, radicalement, à la vision universelle des droits de l’homme.
Pour en avoir le coeur net, nul besoin d’aller voir les extrémistes religieux les plus en vue, genre « la multinationale » d’Al-Qaïda ou ses nombreux « fans ». Il faut juste poser la question aux Islamistes du makhzen rassemblés au sein du parti du PJD, considérés jusqu’à preuve du contraire comme des modérés. Vous serez tombés des nues à l’écoute de la virulence de leur discours rien qu’en entendant les droits de l’homme.
Secundo, l’on répète, à plusieurs reprises, que le Maroc est divers et pluriel. Très bien. Mais lorsqu’il s’agit de l’identité nationale- que l’on n’a pas pris la peine de définir-, bizarrement, cette diversité devient immédiatement caduque. En d’autres termes, elle n’existe plus. Et comme cela ne suffisait pas, l’on ajoute même qu’elle est « indivisible ». J’aurai bien aimé que l’on me dise clairement en quoi consiste cette identité si unique ?
En d’autres termes, j’aurais bien souhaité que l’on me réponde juste à cette question simple : c’est quoi exactement un Marocain d’après nos « éminents » constitutionnalistes ? Parce que c’est cela le noeud de tout le problème. Est-ce un musulman ? Un Arabe ? Un Amazigh ? Un Sahraoui (même si les Sahraouis se disent de purs Arabes en déniant, au passage, aux Aroubis du Nord qu’ils méprisent tout lien avec l’arabité) ? Un Andalous (même si les Andalous sont logés à la même enseigne, car ils se considèrent, eux aussi, comme de « très purs » Arabes) ?
En réalité, la nouvelle constitution regorge tellement de contradictions qu’il sera vain de tout aborder ici. En tous les cas, un pince-sans-rire sur je ne sais quel forum de discussion a eu un mot très juste : il s’agit d’une constitution faite de copier/coller. Et il a diablement raison.
Cependant, le seul point positif que je trouve assez intéressant dans ce préambule par très fameux, à moins que ce soit juste un effet d’annonce banal, c’est que «le royaume du Maroc, nous dit-on, poursuivra résolument le processus de consolidation et de renforcement des institutions d’un Etat moderne ». Voilà une belle promesse, si elle est bien évidemment tenue. Sauf que le makhzen a montré par le passé qu’il est contre toute forme d’autonomisation des institutions.
En d’autres termes, et disons les choses franchement, il n’a jamais aucune envie de voir un État moderne, efficace et citoyen au Maroc. Il a toujours voulu être seul aux commandes avec les résultats catastrophiques que l’on connaît : chômage endémique, pauvreté généralisée, analphabétisme effrayant, gabegie structurelle, corruption massive...
Amazighophobe un jour,...
Le discours royal du 9 mars dernier a été très courageux lorsqu’il a considéré l’amazighité comme l’ossature de l’identité marocaine. Mais comme toujours, lorsqu’il s’agit de l’amazighité, on fait toujours un pas en avant et 50 pas en arrière. On l’a vu avec l’enseignement de la langue amazighe et son intégration dans les médias. Si peut-être vous ne le savez pas, c’est une vraie mascarade qui n’est pas près de prendre fin.
Ainsi, je ne suis nullement surpris par la place ridicule qui a été réservée à l’amazighité dans la nouvelle constitution. D’ailleurs, je vous réfère à un petit papier que j’ai écrit sur la constitution officieuse qui circule, encore et toujours, sur Internet et qui était, à mon avis, un ballon d’essai pour voir le degré de son acceptation. Sauf quelques retouches rhétoriques bénignes ici et là, elle n’y a vraiment pas différence entre les deux.
D’aucuns considèrent, et je les comprends tout à fait- en raison entre autres du complexe d’infériorité enraciné dans la conscience des Amazighs après des siècles de mépris, de racisme et de colonisation-, que rien que la mention de la langue amazighe dans la constitution est un succès historique. Il faut dire qu’il y a de quoi : l’amazighité revient vraiment de loin. D’une culture criminalisée, combattue, honnie et terrorisée, elle a accède à la constitution, mais par... la petite porte- et ce n’est même pas acquis. Et c’est vraiment le cas de le dire.
Mais le pire, c’est que la dite constitution stipule pompeusement que le Maroc « développe une société solidaire où tous jouissent de la sécurité, de la liberté, de l’égalité des chances, du respect de leur dignité et de la justice sociale, dans le cadre du principe de corrélation entre les droits et les devoirs de la citoyenneté ». On ajoute même plus loin, sans sourciller, que l’État s’engage à «bannir et combattre toute discrimination à l'encontre de quiconque, en raison du sexe, de la couleur, des croyances, de la culture, de l'origine sociale ou régionale, de la langue, de l'handicap ou de quelque circonstance personnelle que ce soit».
La place réservée à la langue amazighe et, au-delà, à ses locuteurs ne rend-t-il pas tous ses voeux complètement insignifiants, ridicules et pitoyables ? Au lieu de consacrer l’égalité des cultures et des hommes, la nouvelle constitution a plutôt consacré la supériorité des Arabes et l’infériorité des Amazighs. Que vive le racisme donc ! Et c’est cela que la France de Sarkozy qualifie, étrangement, de « démarche exemplaire ». Décidément ! Nous ne voyons pas le monde avec les mêmes lunettes.
Plus grave encore, pour que l’officialisation de l’amazigh soit effective, nous assène-t-on, il faut attendre qu’une loi organique soit votée. En l’absence totale de partis politiques amazighs- parce que justement interdits par le régime alors qu’il permet aux partis arabistes et islamistes de pulluler- à même de le défendre au sein du parlement marocain, faut-il vraiment attendre quelque chose de positif de partis aussi haineusement amazighophobes et anti-amazighs que le PI, le PJD et même l’USFP ? Si vous affirmez le contraire, c’est que vous mettez un doigt dans l’oeil.
Pour conclure, et pour que je ne sois accusé pas à tort de ... nihiliste, il y a effectivement une officialisation de l’amazigh, mais, hélas, vidée de toute... substance. En fait, le combat amazigh pour la dignité a encore de beaux jours devant lui. Que l’on ne baisse surtout pas les bras !
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