vendredi, mai 23, 2008

Feu Janti: un géant génial tombé dans l'oubli

Janti vous dit-il quelque chose ? Si c’est non, c’est que probablement vous n’êtes pas d’Achtouken (sourire) ou que vous n’êtes pas très au fait de la chanson des rways et des maîtres qui l’ont marquée. À jamais. Pour l’éternité. Il faut savoir qu’Achtouken ont déjà donné à ce type traditionnel de musique amazighe trois grandes figures, toutes décédées maintenant : Janti bien évidemment, Anchad et Said Achtouk.

Si tout le monde connaît peu ou prou ces les deux derniers, les reprises de leurs chansons par les groupes modernes expliquant cela, feu Houssaïn Janti est hélas peu connu. Et pour cause. Il n’a jamais enregistré et n’a jamais été enregistré, même clandestinement, comme c’était le cas avec feu Saïd Achtouk.

En tous les cas, comme tant de grands artistes amazighs et non des moindres, Janti n’a jamais voulu immortaliser ses chansons. Même si on lui a proposé, ce qui est tout à fait normal, des sommes faramineuses pour son époque.

Mais qui est donc ce fameux Janti ? Houssaïn ou Abdellah Boumalk, de son vrai nom, est né vers le début du siècle passé à Imzilen (ce qui veut dire forgerons en tamazight), à quelque encablures du chef-lieu d’Achtouken, Biougra.

Comme tous les Soussis de son époque, même si ça n’a pas vraiment changé depuis, il a émigré, avec son frère Mbark, en raison de la misère endémique et surtout la dictature du tristement célèbre caïd Haïda Ou Mmiss. Une vraie terreur qui sévissait dans tout le Souss et même ailleurs.

Installé à Rabat, notre chanteur s’est trouvé un travail de commis de maison chez une Française, qui, en raison de son amabilité à toute épreuve, l’a appelé « le gentil ». Avec l’accent propre aux Amazighs, cela a donné Janti. Un surnom qui ne le quitterait presque jamais. Bien plus, il l’a même légué à ses descendants.

Très sensible à l’injustice dont sont victimes les siens, il n’a pas hésité à la combattre avec les seules armes en sa possession : sa poésie et son violon. Mal lui en a pris. Car les autorités françaises de l’époque, au faîte de leur gloire, le voyaient d’un très mauvais œil. Pour le museler, il a ainsi été arrêté et même emprisonné plusieurs fois à Casablanca, Tiznit et Agadir.

Incontestablement, Janti était un éternel écorché vif, un vrai rebelle et un pourfendeur invétéré de toutes les tyrannies. D’ailleurs, juste après la fin du protectorat, il n’a pas hésité à brocarder, courageusement, le Makhzen et ses relais locaux dont les méthodes répressives n’ont rien à envier à celles des colons français.

Pis, elles se sont même empirées. Surtout envers les pauvres populations amazighes qui ont payé, précisons-le, le plus lourd tribut dans la lutte contre le colonialisme franco-espagnol.

À ce propos, pour comparer les deux époques d’avant et d’après l’indépendance plus que jamais formelle, il a eu cette formule on ne peut plus célèbre : « La faucille est toujours la même, c’est seulement la main qui lui a été changée ».

Autrement dit, il ne faut pas rêver de lendemains meilleurs. La liberté et la justice, pour lesquelles beaucoup de patriotes ont donné leur vie, sont devenues des vœux pieux. À franchement parler, à voir la situation actuelle du Maroc, il a vu on ne peut plus juste.

Malgré les intimidations des autorités locales, il restera toujours fidèle à l’image qui a toujours fait sa réputation jusqu’à sa mort, le 20 septembre 1957, à l’hôpital d’Agadir.

Même si la grandeur de l’homme est indiscutable, pour au moins se rappeler son bon souvenir, il est désespérant de voir qu’aucun établissement public, aucun boulevard, aucune place, aucune rue, etc. ne portent son nom dans le Souss. Et a frotiori dans le reste du pays. C’est vous dire à quel point le Maroc méprise ses meilleurs enfants.

Pour écouter l'une de ses chansons reprise par un autre chanteur, vous n'avez qu'à cliquer sur ce lien:

http://www.rabatzik.com/modules/amazigh/janti/Raiss-Janti.html

Les paroles sont ainsi:

Iggig

A bislmillah a narm awal ini sul as nessen
Ad angh ur jlun, ur k ufigh ma yyi k immaln
A tawrut tjla la
h imksawen yuru uccen
Icca ak izammaren, yurri ar inqqa tatten
Ur nessn is igumml neghd is ira ya tent ikmmel
Ittut iggig, iriz w asif, aman mxwiden
A man aàwwam izdarn a izray imuslmen
A xwlan uggugen, freghen isura, là
h ixummasen
Sul a gwma bab w urti i
ttaf ukan arraten
A gguten imkkusa kiwan usin l
heqq nes
A mmaghen ighrdayen f taffat kiwan inna tinu
Mra is
hadern imucca ra tili lunast
Igh inder izm, iksu
den iràman ur a sawalen

3 commentaires:

Anonyme a dit...

Merci beaucoup à Dda Lahsen pour ce texte qui remémore la mémoire de ce grand maître de l'amarg qui est malheureusement tombé dans l'oublli depuis trop longtemps. Je suis à 100% d'accord avec toi, il faut impérativement bousculer les autorités d'Agadir afin qu'une place, une rue ou une avenue porte désormais le nom de ce digne fils du Sous.

Anonyme a dit...

azul dada lhcen
tanmmirt f mayad issusmagh bahra

Anonyme a dit...

Janti c'est tout simplement le chef de Amarg d'Achtouken. Aucune comparaison à faire avec Said Achtouk ou même Anchad ! C'est vraiment un djen de la poésie et de la mélodie. Il maîtrisait bien le Ribab. Hélas ! peu de rways joue encore ses chansons.. sauf une minorité d'amateurs (Guedira) dans la région de Biougra qui l'ont côtoyer.