samedi, septembre 03, 2011

N’est-il pas temps de criminaliser l’arabisme ?

Fidèles à leurs vieilles habitudes de mettre des étiquettes sur tout ce qui bouge, les médias de tout bord- il faut quand même signaler que c’est Al-Jazeera qui a été la première à lancer cette formule- ont vite fait de baptiser tous les chamboulements majeurs qui ont lieu, actuellement, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, un printemps arabe. Et pourtant tous ceux qui ont participé de loin ou de près ou de loin à ses événements l’ont fait contre des régimes... non seulement arabes, mais littéralement arabo-baâthistes extrémistes. En d’autres termes, des systèmes politiques totalitaires qui ont fait du fascisme arabe (avec tous les oripeaux idéologiques inhumains qui lui sont inhérents), leur seule et unique raison d’être. 

Il va sans dire qu’il y a, définitivement, quelque chose qui m’indispose dans cette appellation de printemps dit arabe. Je m’explique. En plus d’être douloureusement injuste pour les Amazighs- on a vu leur rôle déterminant en Libye et en Tunisie dans la chute de leurs deux régimes respectifs-, les Coptes, les Nubiens, les Kurdes..., il est aussi totalement illogique et absurde. Lorsque les Européens de l’Est, il y a 20 ans de cela, se sont rués dans les brancards et ont chassé les communistes du pouvoir, nul n’avait osé appeler ces événements majeurs un printemps communiste. Pourquoi donc dans le cas de l’Afrique du Nord, faut-il qualifier ces révoltes, que l’on a trop attendues d’ailleurs, d’un qualificatif qui les a précisément provoquées et qu’elles sont censées combattre ? Vous en conviendrez certainement, ce n’est vraiment pas sérieux. Et c’est le moins que l’on puisse dire. Passons ! 

Atrocités permanentes

Cependant, comme toujours, il est sûr que certains, qui ont la sensibilité à fleur de peau et qui ont une grande difficulté à se remettre en question, ne vont pas manquer de me reprocher l’emploi de la formule du fascisme arabe. N’en déplaise à eux, c’est hélas la stricte réalité. Et ce n’est pas les preuves qui manquent. Je leur rappelle les terribles massacres commis par feu Saddam contre les Kurdes, les Chiites, la guerre Iran/Irak, la première guerre du Golfe à la suite de son invasion du Koweït... N’oublions pas non plus les criminels arabes au pouvoir à Khartoum qui ont laissé sur le carreau je ne sais combien de centaines de milliers d’innocents dans leurs guerres tous azimuts. D’ailleurs, leur dernier grand fait d’armes a provoqué la mort de 200 mille personnes au Darfour avec des centaines milliers de réfugiés à la clé. 

Rafraîchissons-leur la mémoire, ensuite, sur l’implication de Kadhafi, pendant ses 42 années de règne sans partage, dans tous les conflits meurtriers de la planète. Là où il y a le terrorisme, le fou excentrique de Tripoli n’était jamais loin. Mais une fois que les Libyens lui ont demandé plus de liberté et plus de dignité, il a vite fait de leur jeter tous ses stocks d’armes sur la figure. Résultat : 50 mille morts pendant les six mois qu’a pris le conflit qui a mis définitivement fin à sa longue dictature. D’ailleurs, n’eût été l’intervention salutaire de l’OTAN avec son arsenal militaire sophistiqué, Benghazi serait certainement, en ce moment même, une ville fantôme. Car Kadhafi l’aurait rasé et aurait exterminé toute sa population. Et les survivants, s’ils y en avaient encore, seraient réfugiés dans les pays voisins. 

Je continue la liste des horreurs dont sont responsables ces régimes arabes. J’invoque la Syrie, gouvernée par les baâthistes depuis 42 ans, où se tient, à huis clos, en ce moment même, un horrible génocide. D’ailleurs, il ne passe pas un seul jour sans que des dizaines de morts ne soient signalées, tombées sous le feu nourri de l’armée syrienne. Tous les appels à la retenue de toutes les nations de la planète n’y ont rien fait. Faisant fi de tout humanisme et de toute humanité, le régime continue à massacrer, tranquillement, impitoyablement, sa propre population. Et le malheur, c’est qu’aucune sortie de crise ne se pointe à l’horizon. Que Dieu donc soit au secours des Syriens ! C’est tout ce que l’on peut pour eux. 

Idéologie luciférienne

Tout cela pour dire que l’arabisme est une idéologie destructive, terroriste et mortifère- au propre et au figuré. Si après toutes ces révolutions, l’on ne s’en débarrasse pas, définitivement, tout le sang coulé n’aurait servi à grand-chose. Car c’est le retour à la case départ. En fait, on va faire du nouveau avec de l’ancien. Et le pire, c’est que certains faits récents me donnent amplement raison. Pour preuve, en Tunisie post-Ben Ali, les partis fascistes d’obédience nassérienne et baâthistes ont plus que pignon sur rue. Ils font même florès. Pire, en Libye, alors que la guerre faisait encore rage contre les forces armées de Kadhafi et sa progéniture, l’un des membres du Conseil de transition n’a pas hésité à servir aux Amazighs de son pays –sans lesquels la capitale libyenne n’aurait jamais été prise-, qui demandaient juste l’officialisation de leur langue, tout le prêt-à-porter accusatoire dont le tristement célèbre fou de Tripoli a toujours usé et abusé à l’encontre de ces mêmes Amazighs. 

Si donc les Arabes veulent la dignité, la liberté et la démocratie, comme on l’entendait si souvent dans leurs processions publiques, il faut impérativement être franc et direct avec eux : ce ne serait certainement jamais avec le fascisme arabe qu’ils trimbalent tous en eux. Pour leur plus grand bien, il faut les aider à s’en séparer. Quitte à le criminaliser. On a bien fait de même avec les Allemands et les Italiens après la 2e guerre mondiale. Car, il faut être totalement aveugle pour ne pas voir que l’arabisme se résume à cette litanie de monstruosités : guerres, meurtres, racisme, exclusion, sous-développement, dictature, tyrannie, corruption, médiocrité... Il va sans dire que ce n’est pas avec tous cette batterie de termes horribles, les uns que les autres, que l’on va mettre en place de véritables États- il faut le dire et même le répéter, jusqu’à présent, les Arabes n’ont pas mis en place des États mais juste des pouvoirs et des autorités impitoyablement tyranniques- qui garantiront à tous leurs citoyens, indépendamment de leur race, de leur religion, de leur couleur et de leur langue, justement les très convoitées dignité, liberté et démocratie. À bon entendeur salut !

samedi, août 13, 2011

Mon livre sur la poésie d'Oudaden...

Je viens de finir la transcripton de toutes les chansons du groupe légendaire amazigh, Oudaden. J'ai écrit un avant-propos que je soumets aux habitués de mon blogue. Si vous avez des remarques, n'hésitez surtout pas, je suis toujours preneur, les bras grands ouverts.

Avant-propos :

Pourquoi un livre de ce genre ? Pour trois raisons principales. La première est éminemment personnelle. Je veux simplement rendre hommage à ce groupe d’Oudaden. Car il a joué un rôle important dans ma découverte du patrimoine musical amazigh. À titre personnel, et je le dirais sans ambages, si ce n’étaient pas Oudaden, je ne pense sincèrement pas que j’aurais apprécié autant tout ce précieux héritage que nous ont légué de grands hommes du Panthéon poétique amazigh de la trempe de Hemmou Outtalb, Hajj Belâid, Boubaker Anchad, Sâïd Achtouk, Mohamed Albensir, etc.

Pour être plus précis et juste à la fois, Oudaden m’ont donné l’envie d’aller écouter plus sérieusement, plus régulièrement et plus longuement aussi, tous ces grands versificateurs devant l’Éternel. Bref, ils m’ont grandement aidé à renouer, davantage, avec l’incroyable richesse de notre art des vers. Je dis incroyable à dessein. Car c’est vraiment le cas de le dire. Sceptique ? Pas de problème ! Mais de grâce, faites l’effort alors d’y jeter un coup d’œil et vous m’en direz des nouvelles ! Il est plus que certain, si vous êtes un mordu de belles choses, que vous succomberez, aisément, à sa magie envoûtante, son esthétisme exubérant et sa profondeur remarquable.

Malins qu’ils sont, Oudaden ont vu très juste lorsqu’ils se sont tournés vers cet héritage poétique on ne peut plus précieux. Et ce, pour s’y ressourcer. Longuement. Et là, il faut reconnaître qu’ils sont, comme nous le disait à juste titre l’un de mes professeurs au lycée de Biougra, excellents lorsqu’ils créent et excellentissimes lorsqu’ils reprennent le répertoire classique des rways. Et c’est justement là, à mon humble avis, où réside l’un des secrets qui ont fait leur succès ininterrompu sur une période de plus de 25 ans. Non seulement en matière de ventes d’albums, mais aussi en matière de concerts.

Bien plus, Oudaden, et beaucoup ne sont guère au courant, sont la troupe musicale nord africaine du terroir qui se reproduit le plus à l’étranger. Juste derrière le groupe touarègue, Tinariwin. C’est vous dire que la réussite de ses enfants terribles de Benserago, un quartier périphérique d’Agadir longtemps victime de marginalisation, n’est pas uniquement locale ou nationale, mais elle est aussi et surtout internationale. De fait, ils sont incontestablement les ambassadeurs de la chanson amazighe du Souss dans le monde. Espérons juste que ça dure et le plus longtemps possible !

Quant à la deuxième raison, je dirais qu’elle est plus objective. Dans le sens où elle est inhérente à la carrière pour le moins extraordinaire de ce groupe. Disons-le franchement, son parcours dans les annales de la musique amazighe est pour le moins unique. Ainsi, comme je l’avais dit dans une petite note critique, il y a plusieurs années déjà, le groupe a quelque chose de particulièrement « inoxydable ».

En effet, les faits me donnent amplement raison. Il faut savoir que le groupe existe depuis plus de 30 ans, sans jamais subir le triste sort de groupes aussi prestigieux qu’Izenzaren et Ousman. À savoir des dissensions, souvent pour des raisons futiles et égoïstes, suivies d’une séparation fort regrettable. Avec à la clé, parfois, un scénario pour le moins cauchemardesque pour tous les amateurs de leur musique : l’arrêt immédiat de toute production créative comme c’était, hélas, le cas avec l’orchestre non moins légendaire d’Ousman.

Pourquoi donc Oudaden ont-ils cette pérennité défiant presque le temps et les vicissitudes de la fortune ? Quel est donc leur secret qu’ils cachent si jalousement ? Rassurez-vous, ce n’est nullement en raison d’un quelconque puissant gri-gri soussi concocté par marabout tout aussi puissant, comme y croyait dur comme fer l’un de mes oncles musiciens. En fait, les choses sont extrêmement simples. D’aucuns l’expliquent par l’immense talent de la troupe, le professionnalisme à toute épreuve de ses membres, leur extrême maturité et, surtout, leur sens de responsabilité par rapport à leur mission artistique et à leur public fort nombreux. Pas seulement, à mon humble avis. Il y a d’autres paramètres beaucoup moins visibles. Entre autre, la très bonne gestion financière des recettes de la troupe, les amitiés fort anciennes, remontant littéralement à l’enfance, et même les liens de sang (Abdellah El-Foua et ses deux frères cadets, Ahmed et Khalid, à titre d’exemple) entre les éléments d’Oudaden.

Comme si le success story d’Oudaden les démangeait terriblement, combien de fois « les oracles du malheur » nous ont-ils annoncé, ex professo, qu’ils sont finis, morts, enterrés et complètement oubliés. Juste pour être, lamentablement, désavoués à la sortie de leur nouvel album, qui est toujours vécu comme un immense événement culturel. Pendant des semaines, ils vont monopoliser rien qu’à eux seuls les radios cassettes et les lecteurs de CD de leurs aficionados fort nombreux. En effet, jusqu’à présent, et c’est tout à leur honneur, Oudaden sont des vendeurs massifs d’albums dans tout le Maroc et même ailleurs. Même si le piratage a fait et continue de faire des siennes, c’est-à-dire des ravages incalculables. Sans oublier l’amzighophobie répréhensible, abjecte et ignoble du régime marocain et de ses médias, financés quand même par le contribuable marocain qui est majoritairement amazigh.

Il faut savoir que malgré ses centaines de milliers de fans, au Maroc et un peu partout dans le monde, l’on peut compter, aisément, sur les bouts des doigts les passages d’Oudaden dans les télévisions marocaines. Alors que d’obscurs artistes libanais et égyptiens- dont le seul mérite est juste d’être arabes-, payés bien naturellement rubis sur ongle, y ont élu ad vitam aeternam résidence. Cette aversion on ne peut plus makhzenienne pour les Amazighs et leur culture continuera-t-elle à avoir cours même avec l’officialisation au rabais de la langue amazighe ? Quitte à être pessimiste et même nihiliste, je parie que rien ne changera. Je suis sûr que, encore une fois, l’avenir me donnera amplement raison.

Pour la troisième et la dernière raison, la troupe Oudaden a définitivement crée un courant musical sui generis que je qualifierai sans aucune hésitation de tawdadant. L’on qualifie bien le style d’Izenzaren de tazenzart ? Pourquoi Oudaden dérogeraient-ils donc à cette règle ? N’ont-ils pas autant de mérite qu’Izenzaren ? Sans vouloir en aucun cas faire des comparaisons inutiles entre Izenzaren et Oudaden- car ils sont très différents-, je dirais que le style de ces derniers est, comme vous pouvez facilement le constater, léger, joyeux et festif marqué par le mariage des plus heureux et des plus intelligents entre des instruments modernes et traditionnels.

D’ailleurs, Oudaden sont, les premiers à adapter et à utiliser, massivement, la guitare électrique dans rythmes traditionnels amazighs. En fait, quitte à être par trop laudateur, ils ont fait, très discrètement et très tranquillement, leur propre révolution musicale. Même si leur éruption sur la scène artistique soussie et même nationale n’a pas provoqué autant de chamailleries inutiles lorsqu’Izenzaren et Ousman ont vu le jour une décennie auparavant.

En effet, il faut savoir que le nombre de groupes qui sont apparus dans leur sillage est tout bonnement impressionnant. C’est tout simplement un succès qui a pris les allures d’un phénomène de société. Pour preuve, il n’y a pas un seul village dans le Souss -historique bien sûr-, qui n’a pas eu sa troupe de tawdadnt. De même que les villes marocaines, européennes et même nord américaines qui ont accueilli les émigrés originaires du Souss. N’en déplaise à certains, ce style très oudadnien est jusqu’à présent dominateur sans avoir, pour l’instant, aucun concurrent sérieux qui se pointe à l’horizon. Et ce ne sont pas les tentatives qui ont manqué. Il y en a eu à la pelle ! Il y en aura probablement à l’avenir.

Disciples des rways

La poésie oudadenienne est toujours légère avec exactement les mêmes thèmes sentimentaux : l’amour, l’amour interdit ou impossible, l’inconstance, la séparation, la déception, la réconciliation... D’ailleurs, certains n’hésitent pas, à juste titre, à comparer Abdellah El-Foua, le leader du groupe, avec feu Sâid Achtouk. À vrai dire, il faut être aveugle pour ne pas voir que l’influence de ce dernier sur El-Foua est pour le moins majeure. À tel point que certains n’hésitent pas à le considérer comme un chanteur de charme. Exactement comme l’était Sâid Achtouk, au faîte de sa gloire et de sa jeunesse, dans les années 60 et 70 du siècle passé.

En réalité, le style musical d’Oudaden est simplement l’art de « tirrouysa », mais modernisé, plus actuel et plus urbain également. Excepté le ribab qui est mis au rang des oubliettes et l’introduction très intelligente de la guitare électrique, l’on peut aisément dire que Abdellah El-Foua est un vrai rays, mais citadin. Car, à quelques très rares exceptions, les maîtres anciens et actuels de « tirrouysa » sont tous d’origine rurale abordant, dans la majorité des cas, des sujets très imprégnés par la ruralité et le monde rural.

D’ailleurs, dans plusieurs reprises d’Achtouk par El-Foua, avec cette puissante voix qui est la sienne, je suis sûr que nos jeunes citadins, au mieux, auraient trouvé has been la thématique abordée, au pire, n’y auraient rien compris. J’en veux pour preuve les multiples descriptions faites de la femme et l’évocation d’événements historiques bien précis : le fait d’aborder, à titre d’exemple, les agriculteurs d’Achtouken qui se sont ruées sur les crédits agricoles pendant les années 70 et 80 avec des résultats catastrophiques que l’on connait, nous, les enfants de ce même coin du Souss.

Mais, est-ce vraiment important pour Oudaden ? Je répondrai volontiers par la négative. Car ce qu’ils cherchent le plus ce sont les rythmes qui font « bouger », comme dirait l’autre. À dire vrai, Oudaden ont toujours fait le choix de chansons extrêmement bien rythmées. Et dans la majorité des cas, leurs reprises sont des réussites totales. Ils ont même donné à des chansons tombées dans l’oubli une seconde vie. Atbir igan azrwal est un exemple pour les sceptiques qui ne partageraient mon point de vue. En toute sincérité, qui ne connait pas aujourd’hui cette chanson de Sâid Achtouk ? Personne, probablement.

Il faut effectivement rendre à César ce qui est à César. Le défunt Sâid Achtouk était imbattable dans les chansons rythmiques- feu Aouisar aussi n’est pas à oublier non plus. D’où l’usage excessif qui en a été fait par Abdellah El-Foua. Il n’y a pas que lui d’ailleurs. Toute la vague de groupes modernes ou tiroubba qui a déferlé sur le Souss depuis le début des années 80 a fait de même.

Sans aucunement vouloir rabaisser quiconque, Laryach, Aït El-Âati et Izknwad de Tarrast, à titre d’exemple, n’ont fait que répéter, inlassablement, jusqu’à l’usure parfois, le répertoire de Sâid Achtouk. Il est extrêmement rare qu’ils aient produit quelque chose propre à eux. Sauf Iznkwad de Tarrast qui ont fait exception. En raison de leur énorme talent. Car par la suite, de l’aveu même des professionnels et des dilettantes aussi, ils avaient réussi à créer un répertoire propre pour le moins original. N’eût été un malencontreux accident de travail dont a été victime leur leader, Hafid Ezzaitouni, ils étaient vraiment à deux doigts de détrôner ou à tout le moins d’être de très sérieux concurrents d’Oudaden. En tous les cas, ce fait fâcheux et même tragique les a obligés à mettre, hélas, le holà à une carrière qui promettait beaucoup, énormément.

Toujours en parlant des rythmes, il faut aussi savoir que le répertoire d’Ismgan ou d’Ignawen a été aussi une grande source d’inspiration pour Oudaden. D’ailleurs, et permettez-moi de faire une petite digression, la présence de cette tradition musicale très spirituelle dans le Souss et, au-delà, dans toute l’Afrique du Nord, comme certains peuvent le croire, ne datent pas d’hier. Mais depuis l’antiquité. Il faut savoir que les caravaniers amazighs faisaient commerce avec ces régions depuis la nuit des temps. Par voie de conséquence, ils n’ont amené dans leurs bagages que l’or, le sel et les esclaves. Ils ont aussi trimbalé avec eux toute la richesse musicale de cette partie du monde qui s’est mariée, au fil des siècles, progressivement, fructueusement, avec nos rythmes typiquement amazighs.

Il ne faut non plus oublier, pour conclure cette partie, l’exploitation par Oudaden des rythmes d’ahwach de Houara. Et Dieu sait qu’ils y ont excellé merveilleusement bien. Je peux même dire qu’Oudaden les reproduisent à la perfection. Même les Houaris pur sucre en seraient incapables. C’est d’ailleurs pour cette raison que dans cette seule tribu majoritairement darijaphone du Souss, Oudaden sont, depuis belle lurette, des stars indétrônables et des artistes adulés. En fait, ils sont régulièrement des invités de marque de toutes leurs manifestations sociales et culturelles. Une preuve une fois de plus que la musique est, foncièrement, un langage de l’universalité, permettant aux gens de divers horizons et de différentes cultures de communier ensemble.

Pour autant, l’on ne peut pas passer à côté de cette question : quelle est donc l’influence qu’ont eue les groupes amazighs modernes sur Oudaden ? L’on peut facilement supposer que l’enfance des fondateurs d’Oudaden a été bercée par les légendaires Izenzaren. En réalité, j’ai beau écouter et réécouter Oudaden, mais le constat est toujours le même : ils n’ont quasiment aucune influence sur eux. Sauf sur deux points formels : l’adoption du banjo et l’alignement avec lequel les membres du groupe se présentent sur la scène. C’est tout. Quant à Ousman, là aussi, ils n’ont quasiment aucune empreinte sur eux. Même la plus petite. Ce qui est quand même, à mon avis, très étrange. Lorsque l’on sait qu’Ousman et Izenzaren dominaient, à eux seuls, la scène musicale amazighe durant l’enfance et l’adolescence des membres d’Oudaden.

Poésie proprement oudadenienne

Pour ce qui est de la chanson oudadenien à proprement parler, il est facile de constater qu’elle a une forme particulière. Elle n’est jamais très longue comme celle des rways- sauf quelques rares exceptions. Même lorsque Oudaden reprennent les chansons des rways, ce qui leur est souvent reproché, ils les escamotent, impitoyablement. Dans le sens où ils ne les reprennent jamais telles qu’elles sont à l’origine. Parfois, ils se contentent juste de quelques vers qu’ils répètent plus d’une fois. Idem pour les rythmes. Parfois, ils les changent à tel point qu’elles sont méconnaissables. Écoutez juste leur version d’Atbir umlil de feu Hajj Belâid pour en avoir le cœur net.

Cela étant dit, la structure de la chanson oudadenienne se compose, dans la majorité des cas, de trois parties. Et là, je soupçonne une petite influence d’Izenzaren. Car ils ont adopté presque le même schéma. Si la première partie est toujours a cappella, la deuxième, la plus longue d’ailleurs, est chantée individuellement ou collectivement avec un accompagnement instrumental. Quant à la troisième partie, si elle existe, elle est un peu plus courte que la deuxième et est interprétée sur un rythme différent, souvent plus rapide et plus vif. Elle peut facilement être considérée comme une conclusion en quelque sorte. Ou ce que l’on peut appeler dans le langage des pratiquants d’ajmak d’Achouken, le tamssust.

Pour la thématique, comme je l’avais dit auparavant, il est dans la majorité des cas sentimentale. D’où le procès de légèreté que certains n’hésitent pas à faire au groupe. À tel point qu’El-Foua est considéré comme un crooner invétéré. Ce qui lui a valu pas mal de déboires surtout avec le public masculin. L’on m’a raconté qu’à Dcheira et même chez à Bensergao, on lui a déjà jeté des pierres alors qu’il se reproduisait sur scène. Et ce qui est étonnant, c’est que le défunt Sâid Achtouk avait subi le même traitement. Plus d’une fois. Pour exactement les mêmes raisons. Tel maître, tel disciple, si l’on se permet de faire violence à la fameuse expression figée.

Quitte à être redondant, et cela serait ma conclusion, j’espère de tout cœur que ce livre va être juste perçu, si modeste soit-il, comme un signe de ma reconnaissance et un hommage personnels par rapport à ce qu’ont apporté Oudaden à la chanson amazighe et à son prestige, localement, nationalement et internationalement. En tous les cas, ils méritent plus que cela. Je souhaite également que les jeunes amazighs- dans le pays ou dans la diaspora-, fort nombreux à aimer et apprécier le répertoire d’Oudaden, vont y trouver la transcription de toutes les chansons qu’ils ont tant chéries. Et pourquoi ne pas les apprendre par cœur. Et même les chantonner dès qu’ils en ont l’occasion. Ainsi, la flamme de la culture amazighe vivra éternellement en eux. Ce serait vraiment le fun, comme diraient nos amis québécois.

dimanche, juillet 31, 2011

Soyons solidaires avec Ahmed Aassid !

Aussi incroyable que cela puisse paraître, Ahmed Aassid, l'un des meilleurs chercheurs de l'IRCAM, est menacé de licenciement ! Ahmed Aassid n'est pas que cela, c'est aussi un militant amazigh intègre et l'un des rares intellectuels marocains à braver, avec une grande audace, les interdits et les tabous qui ont toujours servi de cuirasse à l'obscurantisme et à la tyrannie du Makhzen.

Il fait également partie des rares penseurs marocains à avoir soutenu le mouvement du 20 février dès ses débuts.

Voilà, en fait, le véritable motif de son licenciement. D'ailleurs, le recteur de l'IRCAM, Ahmed Boukkous, ne s'en est pas caché lorsqu'il l'avait convoqué pour lui signifier son congédiement !

En réalité, s'il y a quelqu'un qui doit impérativement partir, ce n'est nullement Aassid, mais bel et bien Boukkous ! Comparé à Ahmed Aassid, cet homme n'a rien apporté de concret au combat en faveur de l'amazighté et de la démocratie au Maroc.

Lahsen Oulhadj et Mohamed Bennana.