jeudi, août 07, 2008

La Mauritanie: la fin d'une exception

Des généraux de l’armée mauritanienne, courroucés par la décision de leur président de les limoger, ont organisé le plus simplement du monde un coup d’État pour le destituer. Ainsi, ce que d’aucuns qualifient d’une expérience des plus uniques dans une région sinistrée- l’Afrique du Nord-, parce que gouvernée ad vitam aeternam par d’impitoyables dictatures, n’aura pas duré longtemps. Tout juste quelques mois. Certains pince-sans-rire diront que c’est déjà beaucoup. Et, hélas, ils ont bien raison. Pourquoi ? Continuez la lecture pour connaître la réponse !

La Mauritanie, une création ex nihilo de l’ex-puissance coloniale française, un temps revendiquée par le Maroc, charrie énormément de tares et autant d’imperfections. La notion même d’État, au sens où l’on entend en Occident, y est aussi volatile que le sable de son immense désert. D’ailleurs, ce pays a une très longue histoire avec les coups d’État, parfois d’une violence extrême. Avec ce dernier, et sans vouloir être sarcastique, il n’a fait que renouer avec une longue, très longue tradition.

La Mauritanie – qui est en fait le nom antique du Nord du Maroc- est l’un des pays les plus pauvres de la planète. Des famines y sont monnaie courante. Si ce n’était la sollicitude de la communauté internationale, beaucoup de ses habitants seraient déjà morts depuis longtemps. Les seules richesses du pays se résument à deux choses : la pêche et le fer. Le pétrole y a été découvert récemment, mais il faut peut-être attendre longtemps avant que son exploitation soit effective. En attendant, on joue à souhait aux mendiants sur la scène internationale.

La Mauritanie est aussi minée par le tribalisme. L’appartenance tribale y est toujours prépondérante, si ce n’est carrément déterminante. Autant dire que l’allégeance à l’État central y est une abstraction. Et ce n’est pas fini. Il faut savoir que l’esclavage, dont sont victimes les Noirs, y était aussi une pratique courante. Il n’a été aboli par la force de la loi que récemment, en raison principalement de la pression internationale. Mais il ne faut pas se faire d’illusions, c’est encore une pratique sociale largement répandue.

En fait, il faut bien se rendre à l’évidence, la démocratie mauritanienne est quasiment une incongruité. Parce que ni le pays lui-même avec tous ses défauts, ni son contexte régional ne lui permettent de le rester plus longtemps. Pensez-vous que tous les tyrans autour voient l’expérience de ce pays d’un bon œil ? Je n’en suis vraiment pas sûr. D’ailleurs, si étonnant que cela puisse être, le premier chef d’État à dépêcher un émissaire à Nouakchott est un modèle de « démocratie » et du « respect des droits de l’homme » : le tristement célèbre dictateur libyen, Kadhafi. C’est vous dire.

Pour conclure, disons que la démocratie, pour ne pas être une notion galvaudée, comme c’est le cas dans les autres pays nord-africains, exige avant tout un État. Et pas n’importe quel État. Un véritable État dans lequel se reconnaissent massivement les citoyens. Sans oublier qu’il faut impérativement un certain niveau de vie, une culture, une histoire… Aucun des autres pays nord-africain autrement plus riches n’ont encore atteint ce niveau et a fortiori la pauvre Mauritanie.

lundi, août 04, 2008

Obama est-il un miracle ?

La tournée qu’a effectuée, dernièrement, le candidat démocrate en Europe a fait couler beaucoup d’encre. Et attiré beaucoup de monde. À tel point qu’un chroniqueur anglais, un peu ironique sur les bords, n’a pas hésité à la comparer à la venue du Messie. Pour preuve, les centaines de milliers d’Allemands qui sont venus carrément « boire » son discours qu’il a fait en plein milieu de Berlin. Tout cela pour dire qu’Obama séduit. Énormément. Beaucoup même. Et les Européens ne sont pas les premiers à tomber dans son escarcelle. Les Américains ont déjà succombé aux charmes de cet homme que rien ne prédestinait à devenir ce qu’il est maintenant, et surtout ce qu’il va devenir -si tout va bien : le président de la première puissance mondiale, les États-Unis.

En effet, Obama – pour le discréditer, certains de ses adversaires de droite l'appellent ironiquement Osama- a plusieurs atouts –si on le compare à son rival, McCain. Il est jeune, intelligent, cultivé, éloquent, charismatique et noire. Noire, dites-vous ? Assurément. D’ailleurs, Mme Clinton, lors des très longues et harassantes primaires démocrates, ne s’est pas empêchée pour lui rappeler que la couleur de sa peau l’a beaucoup servi. Les Afro-américains, très nombreux dans le parti de l’âne, ont voté massivement pour lui. Que dire, ils l’ont carrément plébiscité. Parfois, cela frise les 80 %. Autant dire des scores quasiment staliniens.

Quant à nous, l’on ne peut que se féliciter de la réussite d’Obama, mais il ne faut pas se bercer d’illusions. La réalité est bien plus amère que cela. Le candidat des démocrates (avec quelques sportifs, artistes et intellectuels) reste, hélas, une exception dans une communauté noire victime de tous les malheurs. À franchement parler, elle est carrément sinistrée. Il faut savoir qu’elle est touchée par tous les maux de la société américaine à des proportions absolument terribles. Et les chiffres sont là pour le prouver et le démontrer, et de quelle manière!

Même si elle est une minorité -10% de la population totale américaine-, le taux du sida parmi ses membres dépasse celui des Blancs. 47% des Américains touchés par cette terrible épidémie sont noirs. Si étonnant que cela puisse être, ce chiffre pour le moins alarmant dépasse, et de loin, certains pays du tiers-monde. La Côte d’Ivoire, le Botswana et le Lesotho, pour ne citer que ceux-là. À rappeler que les Blancs ne représentent que 37% des malades alors qu’ils sont la majorité avec plus de 300 millions d’âmes. Éloquent, n’est-ce pas ?

Le chômage aussi fait des ravages. Il peut atteindre jusqu’à 50% dans certains ghettos. Résultat, la délinquance et la criminalité sont de rigueur. Énormément de Noirs croupissent dans les prisons et dans les couloirs de la mort. À peu près la moitié de la population carcérale est noire. Et les choses n’iront pas en s’arrangeant. En fait, ils empirent. Une étude faite récemment prévoit que dans quelques années un Afro-américain sur trois ira en prison. Mais déjà actuellement, un jeune noir a plus de chances d’aller en prison que dans un lycée.

At last but not least, plus de 60% d’enfants noirs grandissent dans des familles monoparentales. Autrement dit, nous avons affaire à une génération entière de gamins sans pères. Quel sera leur destin ? Dieu seul le sait. En tous les cas, il ne sera certainement pas rose. À ce propos, le candidat Obama y est allé tout de go pour rappeler cette triste réalité aux Afro-américains. Ce qui n’a pas fait que des heureux. La réaction violente du fameux Jesse Jackson -la jalousie peut aussi être un paramètre d’explication de cette sortie intempestive- dans une émission de télévision américaine en est la preuve.

Même si l’on ne veut pas assombrir davantage ce tableau déjà plus que désolant, il faut impérativement rappeler les multitudes discriminations au logement, au travail… dont sont quotidiennement victimes les Noirs. Ce qui finira, probablement, par convaincre les plus récalcitrants qu’Obama est décidément un vrai miracle. Rien que pour cela, il mérite amplement d’être comparé au Messie dans une Amérique où, hélas, il ne fait pas toujours bon d’avoir une peau foncée.

mercredi, juillet 30, 2008

Le mal a-t-il une barbe ?

Enfin, Radovan Karadzic, l’un des fugitifs les plus célèbres du monde, a été arrêté et embastillé. Et ce, après une très longue cavale qui n’en était vraiment pas une, et pour cause. L’homme coulait discrètement des jours tranquilles –peut-être même heureux- à Belgrade, la capitale serbe. Bien naturellement au su et au vu de tous les membres du gouvernement et les services de sécurité locaux. Ne croyez surtout pas qu’ils ne sont pas au courant des ses va-et-vient !

Je ne vais pas gloser indéfiniment sur la portée de cette arrestation, tant les médias internationaux en ont fait d’ailleurs leurs choux gras, mais ce qui a retenu particulièrement mon attention, c’est la très longue barbe qu’arborait sobrement ce psychanalyste de profession aux allures d’un grand papa respectable et paisible. Exactement comme l’ex-dictateur irakien, Saddam, lorsque les Américains lui ont mis la main dessus dans un trou, quelque part dans les environs de sa ville natale, Tikrit.

Il faut reconnaître qu’ils avaient exactement la même. Poivre et sel, si ce n’est carrément blanche. En fait, après avoir été, le symbole des sages, des philosophes et des intellectuels, la barbe- surtout la longue- est devenue l’emblème des génocidaires, des criminels de guerre et de toute sortes de terroristes (surtout islamistes). Mais quel triste sort ! Le mal a-t-il définitivement une barbe ? Il faut, hélas, le penser et même le croire.

Reste que la comparaison de Karadzic avec Saddam ne s’arrête pas que là. Au-delà du fait qu’ils ont des milliers, si ce n’est carrément des millions de ‘’fans’’ hystériques, il faut savoir que les deux, et c’est vraiment le toupet, sont férus de littérature. Ce qui n’est pas vraiment un honneur pour celle-ci. Si Karadzic était poète ; Saddam, lui, était romancier. D’ailleurs, lors de son emprisonnement par les Américains, il tuait le temps en rédigeant un roman dans sa minuscule cellule.

Je ne sais pas si Karadzic va lui emboîter le pas dans sa prison de La Haye, le siège du tribunal pénal international. En tous les cas, il aura toute la latitude pour s’adonner à sa passion d’antan : la poésie. Avant d’être -peut-être- rejoint par l’actuel président soudanais, El Bachir. Il faut savoir que la communauté internationale l’a accusé, lui aussi, d’avoir perpétré des crimes contre l’humanité contre ses propres concitoyens dans le Darfour.

Est-il lui aussi un mordu des lettres ? Je n’en sais absolument rien. Il faut dire qu’il est encore une véritable énigme. Cependant, la seule vraie chose que l’on connaisse de lui, c’est qu’il sait danser. Très bien même. Il en a d’ailleurs fait la démonstration, devant des milliers de partisans, lors d’une tournée qu’il a effectuée, dernièrement, dans ce même Darfour qu’il a tant martyrisé avec ses multiples milices armées. Juste quelques jours après avoir été mis au pilori, avec toute la publicité qui sied à son rang, par le Tribunal pénal international.

Pour ce qui est de la barbe, il n’en pas vraiment une pour l’instant. Parce qu’il n’en pas encore besoin. Mais dès qu’il sera poussé à la porte du pouvoir- si son régime est asphyxié par la communauté internationale-, il est fort probable que lui aussi il en fera une. Histoire de se noyer dans la masse. Et échapper ainsi à la justice des hommes. En se cachant, peut-être, quelque part dans la savane africaine. Dommage donc pour la barbe qui aurait probablement espéré une tout autre réputation.