vendredi, février 13, 2015

Le Makhzen réofficialise le racisme anti-amazigh

L’on peut que trouver extrêmement étrange que les militants amazighs et leurs nombreuses associations n’aient pas réagi, massivement, à un fait gravissime qui s’est passé récemment au sein du parlement du Makhzen.

En fait, il y a quelques jours, ce  très haut lieu d’apartheid anti-amazigh (et oui, on y chahute systématiquement comme dans une cour de récréation ceux qui osent s’y exprimer en langue amazighe) a refusé, le plus simplement du monde, de lever l’interdiction qui frappe encore et toujours les prénoms amazighs. La même interdiction que les ministres de l’intérieur successifs du régime raciste du Makhzen ont toujours niée, sans pudeur aucune, lors de leurs péroraisons prétentieusement insipides dans ce même pseudo parlement.   

La justification de cet acte pour le moins  absurde, inique et ignoble (c’est un petit énergumène du parti hautement raciste et anti-amazigh du PJD qui est chargé de nous le dire) de la part des parlementaires du Makhzen est que les prénoms amazighs se contredisent avec les recommandations de l’Islam. Rien que cela! Remarquez, ces gros amazighophobes ne voient l’Islam et ses valeurs que lorsqu’il s’agit de l’amazighité. C’est même devenu une habitude qui commence à nous taper franchement et sérieusement sur les nerfs.  

Mais l’on est quand même resté sur notre faim, car le petit minable (c’est ce qu’il est car le racisme n’est pas une opinion, mais un délit) en question ne s’est pas permis de nous donner des exemples où les prénoms amazighs seraient anti-islamiques. Pire, je présume même  que cet islamiste amazighophobe ne comprend pas un traitre mot de la langue amazighe. Comment alors peut-il savoir que les prénoms amazighs sont anti-islamiques? Franchement entre nous, en quoi Ayyur, Sifaw, Asafu, Tifawt ou Anir sont-ils anti-islamiques ?

Pour tout vous dire, les chemins de l’ignorance et de la bêtise chez cette engeance de la haine  et de l’amazighophobie sont vraiment impénétrables. En fait, toutes les raisons, même les plus pitoyables si ce n’est les plus burlesques, sont bonnes pour continuer à stigmatiser les Amazighs et leur culture. Car en fait, rien n’a changé dans notre pays colonisé par le Makhzen arabe (il faut voir juste comment il persiste et signe à défendre l’existence des cartes discriminatoires des Chorfas). Pour les parents amazighs, il faut toujours passer par la case de « l’in-justice makhzenienne » pour pouvoir inscrire un simple prénom amazigh. Plus apartheid que cela, tu meurs! 

Mais le plus absurde de tout, c’est que l’actuel ministre de l’intérieur, un certain M. Hassad, que l’on disait « amazigh » et certainement fier de l’être, a été très content de cet exploit dans la plus pure tradition makhzenienne. Si incroyable que cela puisse paraître, il  s’est littéralement félicité (il faut le voir pour le croire)  que les choses restent en l’état. En fait, pour lui et surtout ceux qui l’ont mis là où il est maintenant, il faut que les Amazighs, les vrais bien sûr, subissent continuellement et constamment de véritables chemins de croix avant que l’on veuille accepter un petit prénom amazigh dans leurs registres familiaux. Le but ultime de ce vide administratif est bien évidemment cousu de fil  blanc : dégoûter au maximum les parents pour qu’ils renoncent, enfin, aux prénoms amazighs. C’est aussi injuste que cela.

Le cas bien connu de Massin, le fils du poète Brahim Oubella, est dans toutes les mémoires. Plus récent est le scandale du petit Ayyur d’Outat Lhajj qui est resté sans prénom pendant plus de dix ans. N’eût été la mobilisation de quelques associations amazighes qui ont menacé de se plaindre auprès de l’ONU- remarquez, le régime voyou du Makhzen a toujours peur de l’ONU et des autres organisations internationales-, sa situation serait probablement resté inchangée.

Qu’on se le dise les yeux dans les yeux : jusqu’à quand, mes  frères et sœurs amazighs, devons-nous supporter éternellement ces humiliations  continuelles ? Sommes-nous sans une once de dignité pour subir encore et toujours les manigances amazighophobes de ces arriérés tout droit sortis des ténèbres les plus sombres de la préhistoire ? N’est-il pas temps de leur mettre un holà net, précis et définitif ? La balle est définitivement dans votre camps. 

jeudi, novembre 27, 2014

Après l’Algérie française, l’Algérie arabe

Maître Abdennour Ali Yahia, malgré son âge avancé-il a 93 printemps s’il vous plaît-, a encore toute sa mémoire. C’est le moins que l’on puisse dire. C’est d’ailleurs ce que tout le monde a constaté lors de la conférence qu’il animée au centre  Le Carlton à Montréal cette journée froide du 15 novembre 2014. Mais pour les générations plus jeunes, les multiples événements, parfois anecdotiques mais souvent tragiques, qu’il a relatés avec force détails  ne peuvent être saisis dans leur portée globale que si  l’on a lu son livre.  C’est ce que j’ai fait avec la curiosité de quelqu’un qui veut en savoir davantage.

Écrit dans un français on ne peut plus châtié, avec parfois des accents presque épiques, l’auteur nous emmène de prime abord dans sa Kabylie natale dans les années trente du siècle passé. Malgré son manque de ressources, le dénuement de sa population et ses quelques traditions pas toujours reluisantes, il nous la décrit comme un lieu idyllique où il fait bon vivre. Avec ses paysages à vous couper le souffle et ses matins radieux à inspirer n’importe quelle personne. En d’autres termes, Me Abdennour nous dresse ici le décor de sa propre enfance et l’enfance des personnes au destin traqique qu’il évoquerait par la suite.  Ceux par qui la crise berbère allait arriver.

Crise berbère ou anti-berbère ?

Le choix de l’auteur est vite fait. C’est une crise anti-berbère, tranche-t-il. Car le seul responsable de ce problème était feu Messali Hadj, le chef du seul parti nationaliste algérien,  le parti du peuple algérien (PPA), qui dans un mémorandum envoyé à l’ONU, en 1948, a décidé que « l’Algérie est arabe et musulmane depuis des siècles ». Une idée qui lui a été soufflé par Azzam Bacha, le secrétaire général de la ligue arabe, et de Chakib Arsalan, nationaliste arabe très connu et druze de confession, qui manœuvraient ferme pour que tous les pays nord africains rentrent sous la bannière de la nation dite « arabe ».  

Pas seulement. Il ne faut pas non plus oublier le rôle joué par les oulémas dans l’encouragement de l’amazighophobie et la suspicion contre les Amazighs en Afrique du Nord dans les années 30 et 40.  D’ailleurs, c’est encore ce Chakib Arsalan qui a encouragé Messali Hadj de s’éloigner du parti communiste français et de se rapprocher des oulémas réformistes algériens qui avaient une haine féroce contre le fait amazigh. Pour preuve, un texte de Bachir Ibrahimi d’une rare violence, d’un racisme pitoyable et d’une haine féroce contre les Kabyles et leur culture, est facilement consultable sur Internet.

Tout cela pour dire que si Messali Hadj, et cela n’excuse en rien son attitude, a nié à l’Algérie son amazighité, c’est parce que c’était la mode à l’époque- n’oubliez pas  tout le tintamarre fait autour de l’affaire du dahir berbère au Maroc en 1930- de haïr les Amazighs et de le dire sur tous les toits. D’ailleurs, après le départ des Français, cette situation s’est confirmée. Elle s’est même aggravée. L’avènement du mouvement amazigh par la suite n’est qu’une réaction normale, saine et légitime contre le fascisme arabe ambiant.

« En creusant ma tombe, tu creuses aussi la tienne.»

Les militants kabyles, qui forment l’ossature du parti nationaliste algérien du PPA- dans un texte d’Ait Ahmed, ils étaient majoritaires mêmes-, étaient bien naturellement contre que l’on nie leur identité amazighe qui est la seule constante de l’identité algérienne et nord-africaine depuis la nuit des temps. Des militants d’une grande valeur allaient s’illustrer dans cette affaire : Ouâli Bennaï,  Amar Ould-Hammouda,  Mbark Ait Menguellet et tant d’autres.

C’est ce que fait dire à Me Abdennour ceci : « La nation algérienne n’est pas à créer, n’a pas attendu l’Islam pour naître, elle existe depuis des millénaires. Le peuple algérien est un vieux peuple qui fut au long des siècles un rebelle et un martyr, qui a payé le prix fort, très fort, le prix des hommes et du sang pour chasser les envahisseurs

Mais d’où vient cette conscience amazighe très forte et très précoce chez les Kabyles contrairement aux autres Amazighs ? En fait, en plus des raisons intrinsèques à la mentalité du Kabyle, la majorité de ces hommes ont été aux écoles que la France  coloniale a ouvertes un peu partout en Kabylie. Plusieurs instituteurs français qui y officiaient avaient une connaissance très approfondie de l’héritage roumain et de la langue latine. C’était eux qui traduisaient aux élèves kabyles les textes latins sur leur propre histoire ancienne et l’histoire des rois amazighs de l’antiquité comme Jugurtha, Massinissa…

En mûrissant et en devenant, pratiquement tous, des militants nationalistes très radicaux-ils étaient tous pour la lutte armée qu’ils voulaient immédiate-, ils n’ont jamais voulu renoncer à cette identité amazighe qui leur est restée chevillée au corps. Hommes de principe, de conviction et de courage, ils n’ont jamais flanché  jusqu’à ce qu’ils soient tués par les forces de l’Armée de libération nationale (ALN). D’ailleurs, le premier à tomber, avec son compagnon de toujours Mbarek Aït Menguellet, était Amar Ould-Hamouda en 1956. En 1957, c’était au tour de son acolyte Ouâli Bennaï d’être tué d’une rafale de mitraillette à la sortie de son village natal.

D’ailleurs, Me Abdennour nous a fait confidence lors de sa rencontre avec Abane Remdan, qui a été parmi ceux qui ont condamné Ouâli Bennaï à mort. En fait, se sachant condamner à mort, ce dernier l’avait chargé de lui transmettre ce message on ne peut plus laconique mais ô combien terrible : « En creusant ma tombe, tu creuses aussi la tienne.» Il avait tout à fait raison. Car l’on sait tous ce qui est arrivé par la suite. Abane a eu le même sort et dans des conditions encore plus tragiques.  

Après les purges contre ces authentiques patriotes, l’Algérie allait commencer sa descente en enfer. Car ceux qui ont pris le pouvoir ont voulu qu’elle ne soit pas elle-même. Mais un vulgaire satellite d’un monde arabe fictif.  Son indépendance acquise au prix d’énormes sacrifices va être une grande déception. La décennie noire avec ses milliers de morts et autant de disparus en est la preuve. Pendant  ce temps-là, la Kabylie et les Kabyles qui ont tant donné à l’Algérie, commencent à lui tourner définitivement le dos. Ils veulent avoir un autre destin qui leur est propre.



jeudi, septembre 18, 2014

Uḍhir Uffir ou la poèsie de l’instantané

Belkacem Ihijaten, le très talentueux poète kabyle a encore frappé un grand coup avec son recueil, Uḍhir Uffir (À travers la brume). Et c’est le moins que l’on puisse dire. Publié chez l’Harmattan, il y a quelques temps déjà, il se lit d’une seule traite. Tellement il est élégamment simple ! Dans le sens positif du terme bien naturellement. Ne dit-on pas que faire simple est on ne peut plus difficile et ardu ?

En tous les cas, à titre personnel, j’ai beaucoup aimé cette œuvre de M. Belkacem.  Car elle m’interpelle à plus d’un titre. De par les sujets qui y sont traités, mais aussi de par cette conscience identitaire kabylo-amazighe qui la traverse d’un bout à l’autre. Je dirais même qu’elle en est l’ossature plus que visible.  Ce à quoi je suis bien sûr très sensible, car je suis moi-même amazigh.

Les poèmes ont tous la même forme : des strophes de neufs vers ou des neuvains. Ils sont comme des impressions poétiques produites par une inspiration fortuite que le poète griffonne, de son aveu même, sur un morceau de papier pour ne pas les oublier. Au fur et à mesure une œuvre tout entière se met en place. Il ne reste qu’à relire le tout pour le publier. M. Ihijaten est ainsi et restera probablement toujours ainsi : un poète de l’instant et de l’immédiat par excellence.

Quid des sujets traités dans ses poèmes ? On y trouve du tout. Mais son pays y est une obsession permanente. En commençant par son village natal, Gendoul. Ensuite, la Kabylie qui  a une place de choix dans ses écrits. Et enfin, l’Algérie, cette grosse entité politique en plein milieu de l’Afrique du Nord qui englobe tout ce beau monde.

Quant au style, je ne vous le cache pas : par moment, il est par trop déroutant. Même si à titre personnel, j’y trouve bien évidemment les accents de la légende poétique amazighe, Ssi Mohand Ou Mohand. Ce qui est tout à fait normal. Ses poèmes ont bercé de bout en bout toute la vie de l’auteur.  Comme tout Kabyle qui se respecte.

Mais, chose étrange,  par moment, le ton général me rappelle non pas celui d’un poète quelconque, mais précisément celui d’un écrivain bien connu, je veux parler de Nietzsche, particulièrement dans son œuvre magistrale, Ainsi parlait Zarathoustra. Ce qui donne aux textes de M. Ihijaten une aura très joliment spéciale et particulière, si je peux dire les choses ainsi.

Pour davantage rendre accessible son texte aux lecteurs non-amazighophones, M. Ihijaten a tenu à ce que ses poèmes soient tous traduits dans un français plus que châtié qui révèle, à mon humble avis, l’essentiel de sa magie poétique. Comme quoi, chers lecteurs, vous n’avez plus aucune excuse d’aller vous procurer, illico presto, le recueil et le lire ! Je suis sûr et certain que vous n’allez jamais le regretter.