mardi, août 07, 2007

L’autonomie du Souss revendiquée, l’amazighophobie massivement exprimée

Même si ce n’est vraiment pas une surprise, les Aït Souss ont, enfin, demandé leur autonomie. Plus de 30 associations locales se sont réunies, dernièrement, à Taynzert, un petit village non loin de Taghjjijt pour faire une déclaration historique qui va dans ce sens. Les premières réactions des premiers concernés, c’est-à-dire les Aït Souss, ont été extrêmement positives. Ce qui a d’ailleurs surpris plus d’un. Autrement dit, ils n’attendaient en fait que quelqu’un qui puisse exprimer ce qu’ils souhaitaient en leur for intérieur : l’autonomie de leur région.

Il faut savoir que le Souss a fait partie du Maroc inutile jusqu’à hier. Mais grâce aux efforts et au dynamisme de ses enfants, il est devenu un pôle économique qui rivalise avec l’axe Rabat, Casa et Fès. Un vrai bras d’honneur lancé au jacobinisme castrateur du régime marocain. Mais il y a hic, les Aït Souss se sentent de plus en plus exclus et lésés dans leur propre région. Les fruits de leurs efforts sont investis ailleurs ou cueillis non pas par eux, comme ce devait être naturellement le cas, mais par une élite andalouse vorace parachutée dans le Souss par le régime. Il est donc tout à fait normal que les tendances autonomistes fassent leur apparition. En réalité, ce qu’on chuchotait discrètement entre amis, on l’a enfin exprimé ouvertement... à Taynzert.

L’on ne va pas s’étendre sur les atouts humains et économiques du Souss, qui, j’en suis intimement convaincu, va être, si jamais l’autonomie lui est accordée, la Catalogne non seulement du Maroc, mais de toute l’Afrique du Nord. Faute d’une réaction officielle du régime, on va se contenter de celles des Marocains lambda que j’ai eu l’occasion de lire sur un site arabo-marocain www.hespress.com Dans tous les commentaires, il est extrêmement rare de trouver une attitude compréhensive de la revendication autonomiste des Aït Sousss. Pour eux, ils ne sont que des « grabz » puants, des sionistes, des juifs, des séparatistes, des sales Chleuhs, des racistes, des anti-Arabes, des sous-hommes, des barbares, des sauvages, des radins, des pervers sexuels, des islamophobes et même des enfants de prostituées ( à cause essentiellement du fameux scandale du Belge que le régime n’a jamais inquiété ...parce que tout simplement complice).

Beaucoup d’Amazighs ont été surpris par ces réactions de haine extrêmement violentes. Même certains qui n’étaient nullement chauds pour l’idée autonomiste ont changé d’avis par la suite et sont devenus ses fervents défenseurs. Tout simplement parce qu’ils se sont rendu compte que l’amazighophobie n’est pas seulement l’apanage du régime, mais aussi de ceux qui se disent ou qui se sentent arabes. Ce qui a fait dire à un intervenant amazigh que ceux qui sont contre l’autonomie du Souss, sont les mêmes qui n’hésiteraient pas à défendre bec et ongle l’autonomie accordée aux Sahraouis. Autrement dit, ce qui est interdit aux Amazighs est permis aux Arabes. « Il est temps que cela change », trancha-t-il fermement. Espérons que ce sera pour bientôt !

Moha Mallal : « L’artiste amazigh a beaucoup besoin des encouragements des siens. »

Cet immense artiste bien de chez nous vient de sortir un nouvel album. Pour en savoir davantage, nous l’avons contacté pour répondre à quelques-unes de nos interrogations. Comme d’habitude, il s’est prêté à l’exercice. Le plus simplement du monde.

Vous avez sorti un nouvel album, pouvez-vous nous en parler ?

Le nouvel album « Angi » (inondation ou débordement) est le fruit de toute une expérience artistique. C'est la première fois que je fonce dans une recherche approfondie au niveau des rythmes amazighs, surtout d’Aït Bougmmaz, de quelques régions du Souss et de l'Atlas . Le reste vous aurez l’occasion de le découvrir dans mes prochains albums. Au fait, « Angi » se compose de trois anciennes chansons : « Asif n Dades », « Mad gigh » et « Tamghart » avec un nouvel arrangement acoustique et trois nouvelles chansons : « Igherminew », « Xalti qeyyu » et « Angi ». En plus de cela, cet opus constitue sincèrement pour moi une nouvelle expérience d'enregistrement. En réalité, tout à fait dans mon studio avec l’aide de mon frère et mon guitariste, Driss Mallal.

Quels sont les thèmes des paroles de vos chansons et qui en est l’auteur ?

Les paroles de cet album rompent avec la tristesse qu'on sentait dans les albums précédents. « Asif n Dades » parle de la beauté et la naissance de l'amour dans la vallée du Dades où je vis encore et toujours ; « Tamghart » est une forme d’entretien poétique entre un enfant et sa grand-mère qui tisse ; « Mad gigh » est la réclamation de l'amazighité de tout un peuple, le nôtre bien sûr ; « Igherminew » raconte l’histoire d'un personnage habité par une grande nostalgie des lieux de ses souvenirs dans son village natal ; « Xalti qeyyu » est un portrait comique et aussi un hommage à une vieille dame de mon village ; enfin « Angi » exprime l'espoir d'un grand changement que l’on attendait beaucoup. Quant à l’auteur de toutes ces chansons, c’est bien évidemment moi.

Comment qualifierez-vous ce nouvel album musicalement parlant ?

Le style est simple, très proche de nos rythmes populaires, mais d'une grande recherche. Contrairement aux albums précédents, dont le travail musical est compliqué que ce soit dans les accords ou dans les solos. Les compositions au niveau des paroles et des chants exigent aussi un grand effort pour les chanter. Quant aux musiciens, ils sont toujours les mêmes. Abdelhak Mabrouk avec son grand talent musical : il faut savoir qu’il joue de la flûte, le saxo, la clarinette et le clavier. Tout cela selon le thème du poème interprété. Pour Saïd Mourad, c’est la basse et la guitare. Concernant Mustapha Jebraoui, c’est lui qui s’occupe de la batterie et la percussion (congasse, bendir, jumbi ). Et enfin, Driss Mallal qui joue de la guitare. Signalons la participation exceptionnelle de ma petite sœur Saida en tant que choriste.

Est-ce que vous avez un message au public ?

Mon message au public est de chercher la bonne musique et la bonne parole. Les goûts que le commerce et les médias du gouvernement encouragent sont très dangereux pour notre culture et pour les générations à venir. Le chanteur amazigh a beaucoup besoin des encouragements des siens. Il ne faut pas le critiquer pour le détruire en laissant le champ libre aux pires modeler notre esprit et notre goût. Au lieu de pirater, il faut faire l’effort d’acheter, car, comme vous le savez tous, les portes des médias et les prix de grands festivals sont interdits aux vrais chanteurs amazighs. Leur seul espoir c’est donc vous, cher public. Votre soutien est un trésor pour tous nos artistes.

dimanche, juillet 15, 2007

Shirin Ebadi : la femme de tous les combats

Que sait-on réellement de l’Iran pourvu pourtant d’une histoire et une civilisation plusieurs fois millénaires ? A part ce qu’on entend, régulièrement, dans les médias internationaux comme la fameuse " fatwa " de Khoumeini contre Salman Rushdie, les sorties intempestives de son actuel président Ahmednijad contre les voisins et l’arme nucléaire dont il veut à tout prix avoir la possession, il faut bien se rendre à l’évidence : on n’en connaît, hélas !, que peu de choses. Surtout sur le plan intérieur.

D’où l’intérêt de lire Iran Awakening, le livre- co-écrit avec la journaliste américano-iranienne Azadeh Moaveni- de la dernière lauréate iranienne du prix Nobel de la paix et l’inconditionnelle pasionnaria des droits de l’homme, l’avocate Shirin Ebadi. Pour la première fois, nous avons à notre portée un ouvrage qui porte un regard crû de quelqu’un qui a vécu, dans sa chair et dans son âme, parfois très douloureusement, les bouleversements majeurs qu’a connus ce pays ces dernières décennies.

Juriste brillante- elle était juge avant d’être rétrogradée par les Islamistes arrivés au pouvoir en 1979 parce que simplement c’est une femme -, elle nous raconte, avec moult détails, son enfance et sa jeunesse à Téhéran, ses études de droit, ses multiples combats- elle est devenue avocate entre-temps- contre toutes les injustices qui frappent les hommes, les femmes et les enfants de son pays. Et ce en bravant, avec un courage extraordinaire et une énergie exceptionnelle, les intimidations de l’un des régimes les plus autoritaires de la planète, la prison et même les tentatives d’assassinat.

Tout au long du récit, on sent une femme d’exception, extrêmement patriote, qui ne souhaite que du bien pour son pays, une mère dévouée qui a tout fait pour que ces deux filles aient une vie meilleure, une épouse exemplaire qui n’a jamais failli à ses devoirs... Avec en toile de fond, les événements majeurs qui ont secoué son pays : la chute en 1953 du très populaire Premier ministre Mohamed Mossadegh ; l’institution de la monarchie absolue du Shah à l’aide, précisons-le, de la CIA et les Anglais ; la révolution islamique de 1979 de Khomeini ; la terrible guerre Iran-Irak...

Mais le plus incroyable dans tout cela, c’est qu’on découvre, tout ébaubi, un pays qui vit une révolution silencieuse… au féminin. Et oui ! Et c’est vraiment l’un des contrastes de la révolution islamique de Khoumeini, qui a imposé une chape de plomb à tout un immense pays. Quoi qu’on puisse dire, de l’aveu même de Mme Eibadi, celle-ci a permis la scolarisation massive de la gent féminine si bien que, actuellement, la majorité des étudiants dans les universités iraniennes sont des filles. Qui sait, c’est peut-être l’un des signes avant-coureurs d’un changement -dans le bon sens du terme cette fois-ci- pour ce grand peuple iranien avide de liberté et de démocratie !
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