vendredi, décembre 15, 2006

L’amazighité dans l’audiovisuel : une nécessité absolument impérieuse

S’il vous est arrivé, dernièrement, de jeter un coup d’œil sur les chaînes de télévision publiques marocaines, vous aurez certainement remarqué leur couverture du 5e festival du cinéma de Marrakech. Ce qui est tout à fait normal diriez-vous. Elles effectuent leur mission principale : l’information du public. Reste que d’emblée mon impression personnelle est qu’elles ont poussé le mimétisme aveugle, franchement pataud, des chaînes françaises à un point tel qu’elles en sont ridicules. Excusez mon indélicatesse, mais je n’ai pas pu m’empêcher d’en rire. Qu’elles se distinguent un peu ! Qu’elles fassent un peu dans l’originalité !

Cependant là où c’est moins drôle, c’est lorsqu’on aborde le coût d’un tel festival et tout le faste clinquant qui l’entoure. Réunir le gratin du show biz mondial dans la capitale des Almoravides, ne se fait pas gratuitement. Il faut y mettre le prix fort. C’est à donner le tournis au plus sage des hommes. Car nous ne sommes plus dans des milliers mais facilement dans des millions de dollars US. Ce qui n’est pas rien, surtout pour un pays qui stagne désespérément et honteusement en bas de l’échelle de tous les classements mondiaux en terme de développement économique et social.

Mais une question, lancinante au demeurant, restera probablement pour toujours sans réponse : où trouve-t-on de telles sommes astronomiques alors que le prétexte du manque de moyens financiers est systématiquement brandi pour entraver toute accession de l’amazighité aux médias ? Reconnaissez que c’est quand même sidérant. Lorsqu’il s’agit de l’ouverture sur l’étranger, on met le paquet avec un zèle absolument extraordinaire. Mais une fois qu’il est question de l’amazighité, c’est la crispation, si ce n’est carrément de l’énervement. Au Maroc, malheureusement, et il faut se rendre à l’évidence, malgré les discours mielleux, le tristement célèbre principe de « tout sauf l’amazighité » reste encore et toujours malheureusement de mise. Jusqu’à quand ? Nul ne le sait.

En rapport avec le même sujet, un papier dégoté par le plus grand des hasards sur Internet a retenu particulièrement mon attention. Au-delà, et vous en conviendrez, de son titre pour le moins scandaleux - une chaîne amazighophone, pour ou contre ? -, ce sont les propos cités d’un certain Jamaâ Goulahsen que je trouve très inquiétants. Ce n’est pas n’importe qui ce monsieur. C’est lui en effet qui chapeaute le bulletin d’information amazigh qui va être lancé incessamment par 2M – si tout va bien. Que dit-il en substance ? Qu’une chaîne amazighe peut toujours attendre. Rien que cela. La priorité, selon lui, doit être exclusivement accordée aux chaînes généralistes arabes marocaines. Son argument, un peu suranné tellement qu’il revient souvent : les programmes pour une future chaîne amazighe risquent de manquer. Et là, je dois lui savoir gré de ne pas évoquer l’autre argument tout autant ridicule, si ce n’est plus : la mauvaise qualité qu’auraient les émissions amazighes.

À franchement parler, j’avoue que M. Goulahcen a mille fois raisons mais juste dans le cas des médias marocains. Qu’il ne s’en formalise pas, mais ils sont encore au stade de la préhistoire tellement qu’ils sont dépendants de la production étrangère. Autrement dit, ils ne sont pas le modèle à suivre. Dans tous les pays du monde où l’on a un minimum de fierté nationale et où le professionnalisme est de rigueur, la production locale est encouragée, mises en avant. Des quotas ont même été institués. Il faut impérativement les respecter au risque d’être pénalisé. Des sociétés de production du cru, rivalisant d’ingéniosité, sont créées pour justement apporter de la matière aux chaînes nationales et privées de leurs pays. Il faut bien dire ce qu’il y a : c’est une situation de laquelle le Maroc est à des années lumières. À titre de rappel, il faut savoir que même pour le doublage en arabe des dessins animés, il fait appel au savoir-faire moyen-oriental. Et ce, malgré les milliards dilapidés dans sa politique d’arabisation démagogique et criminelle à maints égards. Surtout dans le cas de l’amazighité.

N’en déplaise à M. Goulahcen, la création d’une chaîne de télévision et de radio amazighes et même plusieurs – pourquoi pas ? - est une urgence absolue. Ce ne doit même plus être l’objet d’un quelconque débat. Car elles vont permettre enfin au Maroc d’avoir, pour la première fois de son histoire, une réelle production audiovisuelle propre grâce encore une fois à l’amazighité, sa véritable identité. D’autant plus qu’il n’y aura plus de risque qu’il fasse appel à la solution de facilité : l’importation à coups de devises sonnantes et trébuchantes de navets arabes et latino-américains, doublés à la va vite par les Jordaniens et autres Libanais.

Dans la foulée, ce qui est tout à fait naturel et réellement souhaitable, des sociétés privées amazighes (d’émissions de variétés, de téléfilms, de doublage, de documentaires...) vont voir le jour. On aura alors une véritable industrie télévisuelle. Avec toutes les nouvelles perspectives d’expression et d’emploi qu’elle offrirait pour une jeunesse amazighe bourrée de talent, mais qui, jusqu’à présent, végète indéfiniment et désespérément dans le chômage et l’exclusion. Mais apparemment tout cela M. Goulahcen n’en a cure. À moins qu’il l’ignore... si on lui accorde bien évidemment le bénéfice du doute.

dimanche, novembre 26, 2006

Une pluie de chaînes arabes sur le " Maghreb arabe"

Certains médias arabo-marocains ont carrément sauté de joie en apprenant que la télévision libanaise LBC lance sa chaîne destinée au " Maghreb arabe ". Ils en feront probablement pareil lorsqu’ils sauront que la société émiratie Dabi, elle aussi, va faire de même, incessamment. Pour leur grand bonheur assurément, la fameuse Al-Jazira, connue par son chauvinisme arabe exacerbé et sa promotion de l’islamisme le plus radical, a déjà lancé en grande pompe son propre journal quotidien destiné encore et toujours au même " Maghreb arabe ". Toute cette effervescence télévisuelle orientale, très inquiétante au demeurant, m’a inspiré ces quelques petites et modestes remarques.

Primo, vous n’êtes pas sans savoir que cette appellation du " Maghreb arabe ", banalisée par les médias arabes, est on ne peut plus coloniale, impérialiste, raciste, ethniciste, excluante, insultante... Mais personne n’en a cure. Il ne faut surtout pas s’attendre que l’on arrête de s’en fait l’écho. Au contraire, on continue avec un plaisir non dissimulé à la répéter sur tous les tons. Mais il y a un hic. Le mot Maghreb est déjà arabe que l’on sache, n’est-ce pas ? Pourquoi donc le qualifier encore d’arabe ? Cette insistance, pathétique du reste, est révélatrice. Elle a le mérite de montrer au grand jour qu’il y a un problème. Un gros malaise même. En effet, l’Afrique du Nord n’est pas arabe. Elle ne l’a jamais été. Mais il y a un risque important qu’elle le devienne. Pour mener à bien ce " noble objectif civilisateur" dans le far west amazigh, les monarchies pétrodollarisées du Golfe- où paradoxalement les Arabes deviennent de plus en plus dangereusement une minorité- ne lésinent jamais sur les moyens. Il suffit juste de lever le petit doigt et vous serez noyé sous des tonnes de billes verts, sans condition, illico presto.

Secundo, il ne faut pas en fin de compte reprocher aux Moyen-orientaux de qualifier notre région de " Maghreb arabe " et même nous intégrer bien malgré nous à leur nation et autre patrie arabes. Il faut savoir que tout ce que nous avons comme élite autoproclamée n’a des yeux que pour l’arabisme et ses avatars. N’en parlons même pas des dirigeants. Ils ne ratent jamais aucune occasion pour nous rappeler que nous sommes au " Maghreb arabe ", c’est-à-dire chez eux. Qui plus est, ils n’arrêtent pas de souhaiter de voir son union se concrétiser sous la bannière de l’empire virtuel arabe (l’empire français qui l’a réalisée était, lui, bel et bien une réalité). Ce à quoi le chef des terroristes du Polisario, soutenu à bras-le-corps, rageusement et désespérément par Bouteflika et ses généraux sanguinaires, répond en écho. Sauf qu’il faut satisfaire sa plus grande lubie qu’il caresse depuis plusieurs décennies déjà : son intronisation solennelle à la tête de son ex-future république arabe très démocratique du Sahara occidental. Sinon, il n’y aurait ni union ni rien du tout. Reconnaissez quand même que c’est terriblement drôle !

Cela étant dit, quelle serait donc, si on revient à nos moutons, l’utilité des chaînes " publiques " marocaines devant raz de marée de médias arabes ? Il faut savoir qu’une grande partie de leurs programmes sont importés à coup de millions de dollars US du Moyen-Orient. Poursuivront-elles encore et toujours cette même politique fondamentalement absurde ? Continueront-elles à faire des Marocains des zombies juste bons à consommer les navets arabes ? Nul ne le sait. Mais une chose est sûre : malgré la créativité audiovisuelle dont l’amazighité a toujours fait preuve, les responsables des " médias publics " marocains ne veulent en aucun en entendre parler. Et tous les prétextes sont bons justifier cette aberration on ne peut plus raciste. Même les plus risibles et les plus loufoques.

Et comme si cela ne suffisait pas, Tel Quel n’a pas résisté au plaisir d’entrer dans la mêlée. Et ce, pour jouer sa propre partition faite de discrédit et de désinformation. Selon ce très respectable et non moins déroutant hebdomadaire, les défenseurs de l’amazighité à la télévision ne sont rien de moins que des aigris en mal de publicité. Rien que cela. Présentée presque comme un scoop, la raison de leur dernier tohu-bohu presque déplacé est dû au refus de leurs projets télévisuels. Sidérant, n’est-ce pas ? En fait, pas tant que cela. Après sa logorhée délirieille aux accents "attajdidistes " fustigeant, à la limite de l’obscénité, encore et toujours ce serpent ennuyeux de "l’extrémisme amazigh " (le vrai terrorisme arabiste avec ses effroyables dégâts humains et matériels, nul n’a encore pensé à le dénoncer), publiée dernièrement dans la version arabe du même canard, il ne faut pas s’attendre à mieux.

Avant de reprocher aux autres d’être atteints de schizophrénie, il serait peut-être judicieux de commencer une petite cure pour en guérir soi-même. N’est-ce pas messieurs les responsables de Tel Quel ?

mercredi, novembre 15, 2006

Hommage à Al-Jabiri : l’UNESCO est piégée

L’UNESCO s’apprête à honorer Mohamed Abd Al-Jabiri, l’un des théoriciens les plus connus de la tristement célèbre idéologie baâthiste. Ce qui a scandalisé plus d’un. Surtout les Amazighs qui n’ont pas hésité à le faire savoir. En lançant une pétition. Pour en apprendre plus, nous avons contacté l’un de ses initiateurs, le militant amazigh bien connu, Ali Khadaoui.

Est-ce que vous pouvez vous présenter en quelques lignes ?

Je m'appelle Ali Khadaoui, natif d'Ajdir (à l'Est de Khénifra) au Moyen-Atlas, vers 1953, sous une tente traditionnelle. Inspecteur principal de l'Enseignement secondaire à la retraite; poète en français et amazigh, peintre et anthropologue, spécialiste de la question amazighe. Conférencier sur la même question. Militant de la cause amazighe depuis plus de vingt ans. Ancien membre du Conseil Fédéral du Congrès mondial amazigh (1999-2002) et du Bureau national de l'AMREC depuis 1996 (Association marocaine de recherche et d'échanges culturels) : j'y ai démissionné en juillet 2006 après 15 ans d'intenses activités associatives pour divergences de vue quant à la stratégie à suivre pour amener le pouvoir à reconnaître pleinement l'amazighité du Maroc.

Vous avez été aussi membre de l’Institut royal de la culture amazighe (IRCAM) ...

J’ai été un ex-membre du Conseil d'Administration de l'IRCAM, duquel j'ai démissionné également avec six autres membres en avril 2005 pour protester contre l'absence de volonté politique réelle du gouvernement à prendre en charge l'amazighité dans toutes ses dimensions. Notre démission avait un double objectif : d’une part, montrer au Pouvoir qu'il existait encore dans ce pays des Amazighs qu'on ne peut pas acheter ; d’autre part, introduire une rupture épistémologique dans le discours du Mouvement amazigh après la crise provoquée par la création de l'IRCAM (la cooptation de la majorité des grands militants par le Pouvoir a fini par désorganiser tout le mouvement amazigh), afin que ce dernier puisse repartir sur des bases plus solides qu'avant. En tout cas, c'est ce que nous croyons et nous faisons tout pour y arriver.

Pensez-vous que l'UNESCO ne connaît pas assez Al-Jabiri pour l'honorer ou est-ce une provocation ?

Nous pensons que l'UNESCO a été induite en erreur par le lobby arabe très influent au sein de cette organisation, surtout le lobby andalou marocain. Je pense également qu'il s'agit d'une opération politicienne (l'autre candidate à l'hommage est une juive allemande) qui s'inscrit dans les efforts que certains déploient pour rapprocher les Israéliens et les Arabes. Dans ce cas, l'UNESCO a été piégée.

Pensez-vous que l'UNESCO va vous entendre ?

Si nous avions disposé de plus de temps et de moyens (surtout humains), l'UNESCO nous aurait sûrement entendu car notre cause est on ne peut plus juste, et M. Al-Jabiri est on ne peut plus raciste du point de vue des principes des instances internationales elles-mêmes.

Al-Jabiri est un anti-amazigh primaire même s'il est amazigh lui-même, que pouvez-vous nous dire sur ce genre de personnes qui sont malheureusement très nombreux ?

M. Al-Jabiri n'est pas amazigh même s'il dit avoir vécu à Figuig et parlé le tamazight jusqu'à l'âge de 12 ans. M. Al-Jabiri se définit comme étant un chérif descendant des "Al-Jaber du Koweit" ; de plus, être amazigh aujourd'hui relève de la conscience qu'historiquement, anthropologiquement et génétiquement, l'Afrique du Nord est amazighe. Eu égard à ces vérités, l’étude de la colonisation peut nous éclairer à bien des égards. Et comme dans toute situation coloniale, les Amazighs anti-amazighs relèvent de ce que Paul Nizan appelait déjà "le complexe du colonisé".

Réalisé par Lahsen Oulhadj