dimanche, mars 18, 2007

RTM : une émission sur Izenzaren ou un hymne à Nass El Ghiwane

Enfin, la télévision marocaine a décidé de lever le boycott sur le groupe mythique Izenzaren. Après une immense carrière de plus 35 ans. Rendez-vous compte ! Mais il vaut mieux tard que jamais ! C’est l’émission " tillas " ( obscurités), pardon " tifawin " ( lumières) qui a eu l’insigne privilège de présenter pour la première ces Beatles amazighs. Je dis " tillas " à dessein bien évidemment. Car comme on s’y attendait ça a été un ratage complet, un vrai bide, une véritable connerie. Comme toujours d’ailleurs. Le reportage -si on peut cela cette chose immonde un reportage -, est une insulte à Izenzaren même et au-delà au peuple amazigh. D’ailleurs, il y en a eu plusieurs et nous allons vous parler de quelques-unes plus tard. Dans n’importe quelle école de journalisme, un tel travail de bricoleurs (et là nous sommes encore gentils) aurait certainement et automatiquement un gros " achefenj " ( zéro), comme dirait ma petite maman.

La première des insultes : dès le début du dit " reportage ", nous avons la nette impression que ce n’est plus Izenzaren dont il était question, mais plutôt Nass El Ghiwane. Oui, oui, à ce point. On parle tellement de ces derniers, en bien évidemment, que je me demande pourquoi évoquer Izenzaren. On nous sort même, et c’est vraiment le toupet, des images de je ne sais quel quartier de Casablanca. Comme si ce groupe mythique n’est plus du Souss, mais quelque part dans le Chaouia. Reste que l’idée maîtresse dans cet amas d’images sans queue ni tête est ainsi : Izenzaren ne sont qu’une pâle imitation de Nass El Ghiwane. Rien que cela ! Il s’en fallait de peu pour affirmer que sans eux il n’y aurait même plus d’êtres humains dans le Souss et, pendant qu’on y est, même sur terre. Remarquez, on n’en était vraiment pas loin. Tellement on a loué sans mesure ce groupe et sa musique. Décidément… Mais à titre personnel, et n’en déplaise à certains, comment écouter Nass El Ghiwane après avoir écouté Izenzaren ? Il n’y pas photo, ces derniers sont de loin les meilleurs. Car uniques, incroyablement doués, terriblement talentueux.

La deuxième : ce sont les deux péquenots locaux qui n’arrêtaient pas de monopoliser la parole avec leur arabe pré-islamique et leur accent d’Idaw Addi. Et ce pour raconter des énormités plus grosses qu’eux-mêmes. De parfaites têtes à claques. Franchement, en quoi Izenzaren sont des soufis ? Pendant qu’on y est, comparons Iggout avec Abdeslam Yassine et Aziz Chamkh à Moulay " je ne sais plus quoi " El Mchichi. Soyons pour une fois objectifs, en quoi Izenzaren peuvent être comparés à Nass El Ghiwan ? Ils diffèrent sur tout, ils n’ont absolument rien de commun : ni la langue, ni les paroles, ni les thèmes abordés, ni même les rythmes employés… En quoi Iggout, un multi-instrumentiste génial, un génie de la musique et une voix hors pair, peut être comparé à Larbi Batma, qui n’est qu’un simple percussionniste avec une voix qui n’a rien d’extraordinaire ? Mais c’est vraiment ahurissant de dire de telles débilités et de les soutenir. Fièrement. Avec arrogance. Sans avoir froid aux yeux. C’est ce que malheureusement nos deux bavards, et tous ceux dans leur sillage, ont fait avec une jouissance plus que visible. Quant à la présentatrice, elle était très heureuse, elle était aux anges. Totalement. Entièrement. Car elle a eu la confirmation de ces petits a priori et ces préjugés d’un autre âge : si ce n’était pas leurs maîtres arabes, les Amazighs ne seront que des sous-hommes, des sauvages et des barbares incapables de parler et à plus forte raison chanter.

La troisième : à aucun moment, il n’a été pensé faire intervenir les vrais acteurs de la saga d’Izenzaren, dépositaires de la culture musicale du Souss ( Ahwach, rways et les premiers groupes modernes dans la région : Tabghaynuzt, Imurigen, Laqdam…). Ceux qui ont été à l’origine de ce mouvement musical absolument phénoménal. Nous avons entendu beaucoup de monde, sauf eux. Parce qu’on ne leur a même pas donné l’occasion. Parce que leur point de vue n’intéresse personne. Et si par hasard on donne la parole à quelques-uns pour s’exprimer, c’est pour leur intimer l’ordre, immédiatement, de confirmer les sornettes dites et redites. Dans un flot de paroles confuses à vous causer une syncope. Mais le plus insupportable dans cette histoire, c’est la violation de l’intimité de notre grand artiste Iggout Abdlhadi. Le fait de débâcher effrontément sa voiture et montrer, crûment, honteusement, son modeste domicile est tout simplement insupportable. Parce que ça ne se fait pas. Parce qu’il y a quelque chose de particulièrement malsain et d’injurieux dans ses images. Lui a-t-on demandé son autorisation ? Au vu de ses propos, tout indique que non. En fait, le reportage, au-delà de sa médiocrité et la médiocrité de ceux qui l’ont préparé, est fait non pas pour éclairer, mais pour calomnier la légende vivante de la musique amazighe, Inzenzaren. Et on ose dire que " Tifawin " est faite pour montrer l’amazighité sous un meilleur jour ? N’importe quoi !

On ne le dira jamais assez, tout cela est notre faute. Je veux parler bien évidemment des Amazighs. À nous de prendre nos caméras et de faire nos propres documentaires, et en tamazight, sur nos grands artistes. Il ne faut pas s’attendre à ce que de parfaits étrangers amazighophobes fassent notre travail à notre place. À nous de nous prendre en charge. Sinon, on aura toujours des navets de ce genre où on se fait copieusement rabaisser, mépriser, dénigrer. Retroussons les manches, sans plus attendre … !

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