Elle s’est illustrée dernièrement par un coup de gueule mémorable dont le ministre de la communication marocain a fait les frais. Avec une rare franchise, elle l’a mis, lui, et son gouvernement face à leurs propres contradictions. Même si Fatima Alahyan – c’est son nom- est encore jeune, il ne faut surtout pas la sous-estimer. Car elle est on ne peut plus consciente de la situation déplorable faite aux siens, les Amazighs. En fait, c’est une vraie graine de militante qui à cœur de rendre justice à son peuple. Pour en savoir davantage sur elle, nous l’avons sollicitée pour une interview. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle a énormément de choses consistantes à dire. Jugez-en !
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je m'appelle Alahyan Fatima. Je suis âgée de 21 ans et j'étudie l'Histoire à Rennes, ma ville natale. Comme mon nom de famille l’indique, je suis bien évidemment amazighe, originaire d’Assif n Dadès, région de Ouarzazate.
Racontez-nous votre prise de conscience amazighe ? Comment s'est-elle faite surtout que vous n'êtes pas née au Maroc ? Ça ne devait pas être très simple ?
La prise de conscience s'est faite naturellement et progressivement depuis mon enfance. De nature curieuse, les interrogations concernant ma langue maternelle que je ne parlais que très peu quand ce n'était pas en cachette, ma culture qui n'était vraiment pas celle des Amazighs, sur l'arabité dans laquelle je baignais, sur mon identité dans son ensemble, se sont avérées nombreuses et agaçantes. En lisant, je me suis aperçue que j'ai été en grande partie arabisée. Avec autant de questions sans réponses, la remise en cause de mes convictions passées ne pouvait être qu'inévitable. Ce qui n'est pas simple, c'est de reconnaître qu'on a vécu dans le mensonge.
Comment se fait-il que vous parliez votre langue en cachette ?
Mon entourage était majoritairement arabe. J'avais l'impression de me voir imposer un diktat : celui de l'acceptation de parler arabe ou de quitter le cercle amical. J'avais honte, je l'admets, de parler en tamazight, considéré comme un patois local par beaucoup de mes proches. Au point où je parlais moi-même le darija. À la maison, c’était le français, pour la plupart du temps et un peu de tamazight avec mes parents. Je pratiquais donc ma langue maternelle truffée de mots de darija, en cachette, avec mes quelques amies d'origine amazighe. Et aujourd'hui encore, malgré mes efforts, je n'arrive toujours pas à me débarrasser des termes arabes et français lorsque je m'exprime en tamazight.
Et comment se fait-il que vous baigniez dans l'arabité alors que vous viviez en France ?
Racontez-nous votre prise de conscience amazighe ? Comment s'est-elle faite surtout que vous n'êtes pas née au Maroc ? Ça ne devait pas être très simple ?
La prise de conscience s'est faite naturellement et progressivement depuis mon enfance. De nature curieuse, les interrogations concernant ma langue maternelle que je ne parlais que très peu quand ce n'était pas en cachette, ma culture qui n'était vraiment pas celle des Amazighs, sur l'arabité dans laquelle je baignais, sur mon identité dans son ensemble, se sont avérées nombreuses et agaçantes. En lisant, je me suis aperçue que j'ai été en grande partie arabisée. Avec autant de questions sans réponses, la remise en cause de mes convictions passées ne pouvait être qu'inévitable. Ce qui n'est pas simple, c'est de reconnaître qu'on a vécu dans le mensonge.
Comment se fait-il que vous parliez votre langue en cachette ?
Mon entourage était majoritairement arabe. J'avais l'impression de me voir imposer un diktat : celui de l'acceptation de parler arabe ou de quitter le cercle amical. J'avais honte, je l'admets, de parler en tamazight, considéré comme un patois local par beaucoup de mes proches. Au point où je parlais moi-même le darija. À la maison, c’était le français, pour la plupart du temps et un peu de tamazight avec mes parents. Je pratiquais donc ma langue maternelle truffée de mots de darija, en cachette, avec mes quelques amies d'origine amazighe. Et aujourd'hui encore, malgré mes efforts, je n'arrive toujours pas à me débarrasser des termes arabes et français lorsque je m'exprime en tamazight.
Et comment se fait-il que vous baigniez dans l'arabité alors que vous viviez en France ?
Je vis en France mais les Arabes y sont aussi ! On est toujours rattrapé par leur manie d'imposer l'arabité à tous et à tout prix. Il y a également les médias arabophones et panarabistes qui exercent leur influence et leur propagande via les chaînes satellitaires. Faisant partie de la communauté des " RME ", il y a cet autre exemple de l'apprentissage de la langue arabe dans les établissements scolaires. Le Makhzen, avec la bénédiction du gouvernement français, arabise les Amazighs même à l’étranger, dès l'enfance en envoyant des émissaires pour leur faire apprendre l'arabe. Comme s'il avait peur que la communauté amazighe de France soit libre... Que de facteurs qui sont à prendre en compte pour une compréhension globale du phénomène d'arabisation dans le monde, un phénomène qui n'a malheureusement pas de frontières...
Mais vous partiez quand même pendant les grandes vacances à Assif n Dadès...
Mais vous partiez quand même pendant les grandes vacances à Assif n Dadès...
En effet, j'y vais chaque été et heureusement ! Ces dernières années, je suis restée observatrice dans ma région, Dadès, et surtout dans mon village, Ait Youl. En plus d'aller voir ma famille et me ressourcer, je me suis mise à faire, de manière naturelle, un " travail comparatif " sur la vie des Amazighs dans mon village et celle de ma ville, Rennes, qui abrite beaucoup d'Amazighs originaires de la région. J'ai réalisé l'énorme écart qui nous séparait. Je m'interrogeais continuellement sur les raisons du déni de notre culture et ses valeurs. Me déplacer pour immerger dans l'amazighité ne pouvait que me ravir. C'est un refuge pour les Amazighs qui manquent de repères. Comme moi d’ailleurs. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’on sait qui l'on est, parce qu’on sait tout simplement d’où l’on vient.
C'est donc votre révolte vis-à-vis du sort réservé à la culture amazighe qui a fait que vous avez eu un échange épistolaire aigre-doux, via Internet, avec le ministre de la communication marocain, parlez-nous de cet événement qui a défrayé, dernièrement, la chronique...
C'est donc votre révolte vis-à-vis du sort réservé à la culture amazighe qui a fait que vous avez eu un échange épistolaire aigre-doux, via Internet, avec le ministre de la communication marocain, parlez-nous de cet événement qui a défrayé, dernièrement, la chronique...
J'ai écrit au ministre arabe de la Communication, Nabil Benabdellah. Car je ne supportais plus que ma culture soit instrumentalisée et salie par les panarabistes déchaînés. Je trouve vraiment humiliant de voir toutes ces images où les Amazighs chantent et dansent et où ces " médias " dissimulent le mal être de tout un peuple, celui de ne pas exister officiellement, celui de ne pas vivre dignement. Je voulais lui montrer qu'il existe encore des Amazighs qui ne gobent plus ses discours hypocrites où il fait l'apologie de l'Amazigh. Alors que les faits démontrent le contraire. Ils confirment bien que ce ministre n'est que le porte-parole du Makhzen anti-amazigh et un raciste... L'exploitation médiatique des Amazighs, en l’occurrence la folklorisation de l'amazighité, est visible sur toutes les chaînes panarabistes marocaines. On se demande alors si la future nouvelle chaîne amazighophone que M. Benabdallah a promis continuera sur le même chemin que la TVM et 2M ?
Mais c'est tout un système qui est allergique au fait amazigh, vous ne pensez pas que vous accablez M. Benabdellah de tous les maux alors que ça ne fait pas longtemps qu'il est au gouvernement ?
Effectivement et je l'ai écrit, c'est tout le système que je remets en cause. Le Makhzen a toujours méprisé les Amazighs et ne s'est apparemment toujours pas soigné. Je me suis adressée à M. Benabdallah pour lui faire part de mon indignation face à sa politique de communication (depuis qu'il est au gouvernement) concernant la médiatisation de l'amazighité. Lorsqu’on est à la tête d'un tel ministère et qu'on prêche la bonne parole dans tous les discours, en l'occurrence, les valeurs démocratiques, la diversité, etc., la moindre des choses est de retrousser ses manches et de commencer à combattre les discriminations dont est victime " la composante amazighe " dans l'audiovisuel marocain et non pas nous rabâcher toujours les mêmes discours de l'illusoire bonne volonté. Le ministre ne cesse de souligner " la nécessité de respecter les engagements " pris avec l'IRCAM. Pourtant, sept chercheurs s’y sont retirés en 2005 et d’autres sont obligés de ruer dans les brancards. Même si l'apparition de quelques films amazighs nous donnent un peu d'espoir, l'amazighité continue d'être folklorisée, rabaissée et méprisée. Pourtant, c’est à l'aube de 2007, à la fin de son mandat, que la chaîne amazighophone verra (peut-être ) le jour. En fait, il n'y a pas de volonté politique d'intégrer l’amazighité dans les médias et M. Benabdallah n'éprouve aucun " attachement de principe profond à la composante amazigh de notre peuple ". Qu'il sache que les Amazighs danseront et chanteront vraiment quand ils seront d'abord reconnus officiellement et quand les deux chaînes la TVM et 2M ainsi que l'éventuelle future chaîne amazighophone montreront la vraie vie des Amazighs, celle de la frustration, de la misère, de l’exclusion et de l’humiliation. Pour preuve, vous n’avez qu’à voir avec quelle légèreté le dernier drame d'Anfgou a été traité.
Justement en parlant d'Anfgou, la problématique amazighe n'est pas seulement linguistique et culturelle, elle est aussi en grande partie sociale et politique...
Mais c'est tout un système qui est allergique au fait amazigh, vous ne pensez pas que vous accablez M. Benabdellah de tous les maux alors que ça ne fait pas longtemps qu'il est au gouvernement ?
Effectivement et je l'ai écrit, c'est tout le système que je remets en cause. Le Makhzen a toujours méprisé les Amazighs et ne s'est apparemment toujours pas soigné. Je me suis adressée à M. Benabdallah pour lui faire part de mon indignation face à sa politique de communication (depuis qu'il est au gouvernement) concernant la médiatisation de l'amazighité. Lorsqu’on est à la tête d'un tel ministère et qu'on prêche la bonne parole dans tous les discours, en l'occurrence, les valeurs démocratiques, la diversité, etc., la moindre des choses est de retrousser ses manches et de commencer à combattre les discriminations dont est victime " la composante amazighe " dans l'audiovisuel marocain et non pas nous rabâcher toujours les mêmes discours de l'illusoire bonne volonté. Le ministre ne cesse de souligner " la nécessité de respecter les engagements " pris avec l'IRCAM. Pourtant, sept chercheurs s’y sont retirés en 2005 et d’autres sont obligés de ruer dans les brancards. Même si l'apparition de quelques films amazighs nous donnent un peu d'espoir, l'amazighité continue d'être folklorisée, rabaissée et méprisée. Pourtant, c’est à l'aube de 2007, à la fin de son mandat, que la chaîne amazighophone verra (peut-être ) le jour. En fait, il n'y a pas de volonté politique d'intégrer l’amazighité dans les médias et M. Benabdallah n'éprouve aucun " attachement de principe profond à la composante amazigh de notre peuple ". Qu'il sache que les Amazighs danseront et chanteront vraiment quand ils seront d'abord reconnus officiellement et quand les deux chaînes la TVM et 2M ainsi que l'éventuelle future chaîne amazighophone montreront la vraie vie des Amazighs, celle de la frustration, de la misère, de l’exclusion et de l’humiliation. Pour preuve, vous n’avez qu’à voir avec quelle légèreté le dernier drame d'Anfgou a été traité.
Justement en parlant d'Anfgou, la problématique amazighe n'est pas seulement linguistique et culturelle, elle est aussi en grande partie sociale et politique...
Tout à fait. Les Amazighs s’ils se battent pour leur dignité, ce n'est pas seulement pour que le Makhzen reconnaisse leur culture et leur langue. C’est bien trop réducteur ! On doit bien savoir que la problématique amazighe doit être traitée sous tous les angles, aussi bien socio-économique, linguistique que culturel et politique. Tout simplement parce que le peuple amazigh est marginalisé sur tous les plans. On ne prive pas seulement l'Amazigh de parler sa langue et pratiquer sa culture, on le prive aussi de travailler, on l'incite à quitter le pays (à " brûler " ), on le réduit à un sous-homme à qui il est interdit de demander ses droits les plus élémentaires. Dont bénéficient pourtant les autres Marocains, à savoir l'eau, l'électricité, le réseau téléphonique, les transports, les bourses scolaires, etc. L'Amazigh souffre terriblement pendant que les discours et les slogans politiques le valorisent, notamment à l'approche des échéances électorales...
N’y a-t-il pas une contradiction flagrante dans les actions du Makhzen, d’un côté, il politise à outrance l’Islam et l’arabité et, de l’autre côté, il empêche par tous les moyens répressifs l’avènement d’une structure politique amazighe (le cas du PDAM à titre d’exemple) ?
Qu’on se le dise une fois pour toute, le Makhzen n'a aucune volonté de réhabiliter le tamazight. Nous sommes contraints de faire appel à l'ONU pour faire valoir nos droits, de chercher des aides financières extérieures pour secourir et soigner nos pauvres d'Anfgou, d'aller jouer nous-mêmes les journalistes pour montrer au monde la misère dans laquelle vivent les Amazighs. Nous ne sommes pas dupes : il n'y a pas d' " attachement à la composante amazighe " comme M. Benabdallah aime bien nous désigner. Les quelques efforts qui ont été accomplis (grâce à nos militants et à personne d'autre) ont fini par être rejeté par les Amazighs. Car on continue à faire peu de cas de leur culture. Une situation qu’ils vivent comme une insulte permanente à leur dignité et à leur honneur. En fait, on folklorise à tout va mais hors de question de politiser l'amazighité de tous ces gens, qui ne deviennent visibles que lorsqu’ils dansent ou ils chantent. Nous devons dénoncer l'instrumentalisation de la religion par le Makhzen. Ces hommes politiques se fichent du Salut de Dieu ! Nous ne sommes pas arabes et nous ne le serons jamais : nous sommes amazighs. Et il faut le crier haut et fort pour contrecarrer la volonté de ce Makhzen arabiste de faire de nous des hommes que nous ne sommes pas, que nous ne voulons pas être. Peut-être qu'un jour il comprendra...
2 commentaires:
ouh la la, quel énorme complexe chez la petite, alors comme ca elle avait honte de parler amazigh dans son patelin?? je suis amazigh et chez nous personne n a honte de son identité et personne ne se sent persécuté par quiconque, si elle avait honte c est tout simplement qu elle a un problème identitaire propre faut pas chercher des excuses ailleurs
on est en Mars 2015! et je partage l'avis de cette jeune femme amazighe , à laquelle je rend grand hommage, j'éspére qu'elle continue sa voie avec succés,
Bravo à elle ainsi qu'aux autres amazighs-de part le monde- qui défendent leur langue et leur culture contre l'éxtinction programée,de sa terre natale et ancéstrale.
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