samedi, novembre 08, 2008

Sifaw : le plus jeune clandestin amazigh au monde

Interdire les prénoms amazighs est un exercice des plus faciles. Un sport national même. Surtout du côté du Maroc. Malgré tout le bruit fait autour cette question, le Makhzen s’accroche contre toute logique à son attitude condamnable. Il est têtu, n’est-ce pas ? Il est même devenu, choses étonnante, un virtuose en tamazight et s’évertue à expliquer le sens de tel ou tel prénom à la seule aune de sa propre culture : l’arabité. Pour bien évidemment les condamner à ce qu’il sait faire le mieux… l’illégalité.

D’ailleurs, sa dernière trouvaille pour le moins kafkaïenne est la suivante : le prénom Ayour, qui désigne la lune en tamazight, n’est plus ni moins, d’après lui, qu’une obscénité. Ne me posez pas la question du comment et du pourquoi. Je n’en sais absolument rien. Toujours est-il qu’il est frappé d’interdiction. Soit. Mais que propose-t-il alors à la place pour désigner la lune en tamazight ? Bien évidemment rien. En fait, il n’a que faire de tamazight, son but ultime étant de justifier bêtement le bannissement de ce prénom. Et balayer d’un revers de la main les nombreuses accusations d’amazighophobie, totalement justifiées, qui lui sont régulièrement adressées.

Et comme la bêtise est toujours le propre des dictatures- le régime marocain ne déroge pas naturellement à la règle-, à Meknès, un père de famille a choisi Sifaw pour son enfant. Même s’il ne s’agit pas d’Ayour, il a été… interdit.. Mais là on va se départir des lectures classiques que l’on fait régulièrement à ce genre de cas. Alors osons ! Si l’on suppose que le petit Sifaw est né ailleurs. En Europe ou en Amérique par exemple. Même si de l’ordre de l’impossible, supposons là aussi que les autorités de l’un des pays de sa résidence lui ont interdit de porter son prénom. La seule explication qu’on pourrait trouver est le racisme anti-immigré. L’on n’ira pas très loin.

Mais le problème, c’est que le petit Sifaw vit au Maroc. Le pays de ses ancêtres amazighs depuis la nuit des temps. Et à chaque fois que les autochtones, peu importe où ils sont, sont interdits de pratiquer leur culture comme ils l’entendent, il ne s’agit plus que du racisme. Si c’était encore cela, on aurait rien dit. Mais de pire. Du terrorisme identitaire avec son pendant assimilationniste. Ces concepts ne vous rappellent-t-ils pas quelque chose ? Si ce n’est pas le cas, il suffit de prendre n’importe quel livre de rhétorique coloniale et vous aurez la réponse la plus complète et la plus exhaustive qui soit.

En fait, l’interdiction des prénoms et les destructions systématiques du patrimoine symbolique et matériel amazighs ne peuvent relever que d’un seul et unique phénomène, le terrible binôme bien connu : le colonialisme et l’impérialisme. Comme toujours, malgré l’évidence de la chose, certains vont soutenir mordicus le contraire. Ils s’en étonneraient même les bouches grandes ouvertes. C’est leur droit, mais connaissent-ils beaucoup d’Arabes qui ont un problème de ce genre au Maroc ? Ils chercheront, mais… ils ne trouveront jamais personne. Et c’est là que le bât blesse.

Mais pourquoi une telle situation ? Parce que les Arabes sont les maîtres dans le pays, et les Amazighs, leurs… esclaves. Et quand le maître décide, il faut que le serf obtempère immédiatement. C’est aussi simple que cela. Si à ce stade, vous êtes encore sceptique, regardez juste la liste de prénoms autorisée par le Makhzen pour en avoir le cœur net. La majorité des prénoms sont arabes et moyen orientaux (iraniens, coptes…). Juste quelques-uns sont amazighs. Pour donner le change bien naturellement.

Disons pour conclure qu’il ne faut surtout plus jouer aux vierges effarouchées lorsque certains amazighs affirment, haut et fort, qu’ils sont bel et bien colonisés. Car vous aurez l’air d’un grand ridicule devant l’Éternel. En fait, les agissements foncièrement anti-amazighs, donc forcément discriminatoires et racistes, du régime de Rabat donnent amplement raison aux tenants de la colonisation arabe. Qu’il se ressaisisse donc avant qu’il ne soit trop tard !

dimanche, novembre 02, 2008

Amarg Fusion sur scène

Amarg Fusion n'est plus à présenter. C'est l'un des meilleurs groupes de la scène musicale amazighe. Pour le voir et même le revoir, vous n'avez qu'à cliquer sur ce lien. Bon spectacle.

http://www.dailymotion.com/video/k4CpHG55ovI8bx40hc

dimanche, octobre 19, 2008

Toronto : beaucoup de fun aux mercredis francofun !

La lumière est tamisée à souhait donnant au lieu un halo de sérénité, un brin de complicité et autant de convivialité. C’est normal, nous sommes dans un pub torontois- le Bedford Academy pour être plus précis- où se tiennent, chaque semaine, les fameuses réunions des mercredis francofun. Même si d’emblée la variété ethnique des habitués, au demeurant très révélatrice de la réalité de la francophonie d’aujourd’hui, risque d’intimider un tant soit peu, il ne faut surtout pas trop s’en faire, car le courant passe. Illico presto. À fond de train. À franchement parler, et sans vouloir tremper dans l’hyperbole béate, on est carrément chez soi. Et c’est peu dire.

En effet, l’audience est systématiquement avenante, fort accueillante même. Sans trop de salamalecs et sans trop de manières non plus, vous êtes aisément et dare-dare adoptée. Désormais, il faut vous considérer comme un membre à part entière du « clan » francofun de Toronto. Et c’est vraiment le cas de le dire. En effet, on est vite mis en confiance au milieu de cette poignée de beau monde.

Même si, me chuchote-on dans l’oreille, l’affluence est habituellement plus importante. C’est probablement en raison du froid qui frappe à nos portes, pensais-je, sans vouloir à l’instant même m’en enquérir davantage. Car, chemin faisant, j’ai appris que les réunions ont lieu habituellement sur la terrasse autrement plus spacieuse. C’est vous dire…

Diversité

En plus du bariolage ethnique et national des gens présents, toutes les catégories d’âge sont là. Un vrai melting-pot générationnel aux divers accents francofun, comme dirait l’autre. Autant dire, un vrai délice pour les inconditionnels de l’altérité et autres passionnés de la pluralité.

Abordant Danielle, une pétillante brunette d’origine montréalaise, qui se trouve être ma voisine de table, j’ai voulu en savoir sur les raisons qui poussent les gens à venir ici. « Je viens ici depuis l’automne dernier, me dit-elle un peu expansive, tout en arborant en toute spontanéité un sourire blanc immaculé, pour rencontrer des gens et se faire des amitiés. D’autant plus que, ici, l’ambiance est fort agréable et très chaleureuse

Quant à Roger, cheveux coupés ras, anglophone de Winnipeg de quarante-deux printemps- même s’il ne les fait pas-, il vient ici depuis plusieurs mois. « C’est pour perfectionner mon français, surtout que dans mon milieu professionnel, c’est important de bien le maîtriser», explique-t-il avec un accent trahissant immanquablement les intonations de sa langue maternelle.

Pour le jeune Marco, un Maroco-québécois bien dans sa peau et dans ses bottes, c’est carrément un féru des mercredis francofun depuis presque une année. « Car il y a ici, souligne-t-elle avec beaucoup d’aplomb et dans un français on ne peut plus châtié, une combinaison de Québécois, de Français, de Marocains, etc. Autant dire qu’il y a énormément de possibilités pour faire de nouvelles connaissances et mêmes des amitiés durables. D’ailleurs, j’ai rencontré bon nombre de mes amis ici même.»

En fait, même si les réponses des uns et des autres sont plus que nuancées, la raison qui revient le plus souvent est la volonté d’être ensemble et de passer un bon moment. D’où la présence constante et continue d’un grand nombre. Pour rien au monde, ces irréductibles ne rateraient leur rendez-vous hebdomadaire. En d’autres termes, qui y goûte une fois, en redemande.

Communion

Mais qui a été à l’origine de ces mercredis francofun ? C’est Jacques Charette. Un grand châtain, québécois pur laine comme il aime bien à se qualifier, venu à Toronto il y a plus d’une décennie et demi. Et ce, pour se lancer dans les affaires. « Lorsque j’ai débarqué ici, il n’y avait aucune activité francofun, je me suis dit pourquoi ne pas remédier à cette situation. J’ai alors pensé à mettre en place les mercredis francofun. Et ce, pour permettre, une fois par semaine, à tous les francophones et les francophiles de se réunir», se rappelle-t-il non sans une légère pointe de nostalgie dans le regard.

Il faut impérativement reconnaître que son idée est pour le moins géniale. Car, malgré les vicissitudes de la fortune, les mercredis francofun du haut de leurs seize ans sont toujours là. Quel peut bien être le secret de cette longévité ? En fait, il ne faut pas aller chercher trop loin, il tient juste à un mot : la simplicité. Exit toute forme de formalisme, tel est presque leur devise. Dans le sens où il n’y a aucune démarche à faire. Il faut juste se présenter au pub Bedford Academy et le tour est joué.

« Entre 18 heures et minuit, tous les mercredis bien naturellement, les gens arrivent d’une façon informelle. En fait, on a tenu à créer une ambiance la plus naturelle possible à même de permettre les rencontres entre tous les francophones de toutes les origines. Le but ultime étant de se socialiser en… français », ajoute, flegmatique, Jacques Charette.

Pour ceux qui ne connaissent pas vraiment les mercredis francofun, rassurez-vous, ils ne sont pas un club fermé. Loin s’en faut. Ils sont ouverts à tout le monde, mais il faut impérativement faire l’effort de s’exprimer en français. « Dans le cas contraire, les mercredis francofun perdraient leur raison d’être », souligne à juste titre le « maître de céans », Jacques Charette. Pour les francophiles qui ne le maîtrisent pas parfaitement bien, ce serait d’ailleurs l’occasion ou jamais de venir l’améliorer ou même le perfectionner. Mais il ne faut pas se bercer d’illusions et croire que c’est une école. Car ce n’est pas cela le but et encore moins la finalité.

Par ailleurs, les mercredis francofun ont-ils été réellement utiles ? Assurément et à plus d’un titre. Sinon, pourquoi continuer ? Ce qui est une question logique, diriez-vous. En effet, ils répondent à plus d’un besoin de la communauté francophone. En plus des amitiés durables qui s’y sont crées, des couples s’y sont même formés. Rien que cela. « Ce qui est une très bonne chose. Autrement dit, notre travail a au moins servi à quelque chose », selon l’expression même du fondateur, Jacques Charette, tout fier du bilan- s’il doit y en avoir un- de son long travail.

D’ailleurs, ce qui lui fait le plus plaisir, ce sont ces petits mots de reconnaissance qu’il reçoit ici et là. Ce qui a particulièrement le mérite de l’encourager à aller de l’avant, même s’il a pensé, à plusieurs reprises, à passer la main. En tous les cas, pour que l’entreprise perdure, il faut bien évidemment une continuité. Et lui, il est le garant de cette continuité, il en est même la personnification. Pourvu que son engagement dure le plus longtemps possible. Pour le plus grand bonheur de la communauté francophone et des mordus de la langue de Molière.