dimanche, novembre 20, 2005

L’ONU : un bras d’honneur à la démocratie

La deuxième partie du Sommet mondial sur l’information a eu lieu le 16 et le 18 novembre dernier en Tunisie ! Si cela ne vous choque pas, c’est que certainement vous ne connaissez point ce pays, qui a brillé, et de quelle manière!, par être l’un des plus brocardés au monde relativement à la liberté d’expression et aux droits de l’homme.

On ne peut s’empêcher de s’interroger sur le responsable du choix de la Tunisie comme lieu d’organisation d’une telle rencontre. L’ONU, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, a encore raté le coche. D’aucuns considéraient que c’est une provocation de la part de l’organisation onusienne.

Ce n’est pas sans raison, et même si le mal est déjà fait, que M. Ambeyi Ligabo, rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression de la Commission des Nations Unies sur les droits de l'homme, a invité les autorités du pays hôte " à libérer sans conditions tous les prisonniers d’opinion et à favoriser le plein exercice du droit à la liberté d'opinion et d'expression dans le pays".

Cependant, le régime de Tunis ne l’entend pas de cette oreille. Un journaliste français, Christophe Boltanski, l’a appris à ses dépens le 11 novembre à Tunis. Il a été agressé lâchement en plein centre de la capitale tunisienne par des hommes, certainement des membres des services de sécurités - parce que c’est l’une des méthodes dont ils sont friands.

Quant aux militants tunisiens des droits de l’homme, ce genre d’agressions fait partie de leur lot quotidien, et même les membres de leurs familles ne sont pas épargnés. Le jour même, l’avocat Mokhtar Trifi et l’universitaire Sana Ben Achour, après avoir participé à un rassemblement de soutien à des figures de proue de la société civile tunisienne qui observaient une grève de la faim depuis le 18 octobre 2005, ont été roués de coups. La fille de Mokhtar Trifi, dont le seul crime est d’être la fille de son père, a eu le même sort deux jours après.

Autrement dit, le régime tunisien n’est absolument pas prêt à changer sa politique répressive. S’il continue ainsi c’est qu’il est sûr qu’il ne risque rien. La France " des droits de l’homme " le soutient à bras-le-corps, et cela fait dix-huit ans que cela dure. Il faut dire que ses intérêts dans son pays sont importants. Il ne faut en aucun cas les mettre en danger avec des histories " futiles " de démocratie, d’autant plus que les Américains sont l’affût pour lui couper l’herbe sous les pieds. Ben Ali et ses sbires vont encore sévir pour longtemps.
Lahsen Oulhadj

jeudi, novembre 03, 2005

Azekka : une ONG modèle

Lahsen Oulhadj
Bouleversante a été, pour moi, une photographie dégotée par le plus grand des hasards dans un petit site Internet. Elle a immortalisé, comme le précise sa légende, quelques écoliers démunis du sud marocain. Ils serraient très fort contre leurs petits corps chétifs leurs tout nouveaux cartables que l’on vient de leur offrir. Un peu comme s’ils avaient peur qu’on les leur arrache. De leurs regards se dégage cette souffrance indicible propre à l’enfance confortée précocement aux affres de la vie.

Qui sont les bons samaritains derrière ce geste humanitaire , ô combien précieux, envers ces bambins ? Trois françaises : Karine, Céline et Bénédicte, par le biais de leur association humanitaire, Azekka -demain en berbère-, qu’elles ont fondée à la suite d’ " un coup de foudre pour le sud marocain et ses gens ", selon les propres mots de la présidente Mlle Karine Aubry.

Férues de randonnées pédestres, elles ont eu tout le loisir de découvrir et d ’apprécier, lors d’un premier circuit, la beauté magique des paysages des régions de l’Atlas ; mais aussi de constater de visu l’envers du décor, à savoir l’état du dénuement total des populations locales. C’était là qu’elles ont eu le déclic. Il fallait agir et immédiatement. Sensibles à la misère humaine qu’elles sont, il ne peut pas en être autrement, pourrait-on dire. D’ailleurs, elles n’ont pas traîné en longueur pour mettre la main à la pâte.

Dans un premier temps, elles ont acheminé, personnellement, des dons de toutes sortes à chacun de leurs déplacements au Maroc. Conscientes des limites de leur démarche et dans un souci d’efficacité " nous avons décidé de créer Azekka ", souligne Mlle Karine. Chemin faisant, l’association s’est beaucoup agrandie et pour cause. D’une structure locale, elle s’internationalise de plus en plus. Les Azekkis, c’est ainsi que les membres sont joliment appelés, sont quelque 65 personnes, répartis entre la France, la Belgique et le Maroc.

Ne laissant rien au hasard et conscientes qu’il faut donner à leur petite ONG un nom judicieux et surtout qui parle aux bénéficiaires de leurs actions, elles n’ont pas hésité à lancer un appel mondial sur l’un des multiples forums réservés à la culture amazighe. Le choix s’est arrêté sur Azekka car, selon Mlle Karine, c’est " un nom berbère simple, afin d’être identifié par toutes les populations des régions concernées ".

le hic

Il ne suffit pas d’être animé par les bons sentiments pour que tout coule de source. Derrière toute action humanitaire, il y a beaucoup d’efforts à fournir en argent, en temps, en prospection, en récupération, etc. Certains pensent, à tort, que c’est simple. Oh que non ! Si les membres de l’association d’Azekka se décarcassent, à fond, à ramasser tous les dons, il faut par la suite les transporter aux bénéficiaires qui se trouvent non pas dans la ville ou la région voisine, mais à quelque trois mille kilomètres. Et c’est là que le bât blesse. D’aucuns seraient déjà tentés de baisser les bras avant même d’avoir commencé tellement les efforts à fournir sont titanesques.

Paradoxalement, dans le cas des Azekkis, c’est le contraire qui s’est passé. On dirait que toutes ces difficultés sont source de motivation qui les incite à pousser les feux. Vu que l’association n’a pas trop les moyens et ne peut se permettre d’envoyer les dons par le truchement du transport international, ce sont ses membres, en personne, qui s’en chargent avec tous les risques que cela comporte.

Ce n’est que dernièrement, comme nous le confie Mlle Karine, que l’on a fait appel aux voyageurs solidaires, via les forums de discussion et le site Internet de l’association ; ce sont " des Français ou des Belges qui partent au Maroc en nous faisant gentiment une petite place dans leur véhicule ou dans leur valise ". Pour que les envois arrivent à destination, les Azekkis sont capables de déployer des trésors d’ingéniosité qui ne peuvent nous laisser, et c’est le moins qu’on puisse dire, qu’admiratifs devant tant de dévouement.

Malgré son jeune âge, il serait fastidieux de citer la liste, déjà très longue, de toutes les réalisations d’Azekka : distributions de kits de cartables en 2004 et 2005 pour les enfants démunis d ’Idikl et d ’Aït Ali, fourniture d’une bibliothèque de plus 1200 livres, réalisation d’une étude de faisabilité d’un projet hydraulique à Aoulouz par un ingénieur dépêché de France spécialement pour cette tâche, dons de fauteuils roulants à des enfants handicapés de Skoura …

Quant aux projets, ce n’est absolument pas cela qui manque. Si le cœur vous en dit et désirez ajouter votre pierre à cet édifice humanitaire, il ne faut pas trop hésiter. En tous les cas, les Azekkis vous accueilleront toujours les bras ouverts !

Du baume dans les cœurs

" Partout où nous allons, nous sommes très bien accueillis. À Aït Ali et à Aoulouz, nous avons rencontré des gens qui étaient très ravis de notre visite, car ils vivent très isolés toute l’année ", se réjouit Mlle Karine. Ce que confirment les photographies mises en ligne sur le site de l’association où l’on voit des hommes, des femmes et des enfants, vivant dans des conditions parfois très pénibles, qui, tout sourire, sont on ne peut plus heureux que des gens venant de contrées très lointaines viennent leur apporter de l’aide.

La philosophie d’Azekka est originale. Les membres de l’association sont animés par la volonté de toujours respecter l’autre dans sa dignité en lui faisant comprendre que malgré sa pauvreté, il est riche par sa culture et par son humanité. " Dans nos échanges, ajoute Mlle Karine, nous essayons toujours de chercher la rencontre interculturelle et l’enrichissement mutuel. Nous n’arrivons jamais en héros providentiel qui peut résoudre tout avec un coup de baguette magique. De plus, nous avons un principe : nous n’aidons que ceux qui s’aident entre eux-mêmes et notre apport est un coup de pouce qui leur permet d’aller plus loin ".

Et les problèmes surgissent !

Azekka fait face à des tracasseries administratives pour le moins absurdes. Un exemple : il faut savoir, précise Mlle Karine, que " la douane nécessite une demande de franchise avec déplacement obligatoire des bénéficiaires jusqu’à Tanger ". Lorsqu’on connaît leur extrême pauvreté, autant dire que l’administration marocaine cherche à mettre fin à cette belle aventure humaine.

Nonobstant cette course d’obstacles, les Azekkis tiennent bon. Sauf que, à la fin, c’est tellement devenu décourageant qu’il faut impérativement agir. Il y a quelques jours, une pétition planétaire a été lancée pour dénoncer le comportement pour le moins intolérable des agents de la douane. Parmi les griefs : leur mauvaise foi en feignant ne pas recevoir de franchise, les demandes répétitives de pots-de-vin et autres bakchichs, l’intimidation et l’abus de pouvoir. Résultat : on bloque pendant des heures les convoyeurs, souvent, bénévoles. En d’autres termes, pour ceux qui la connaissent déjà, l’administration marocaine est fidèle à elle-même. En ce sens qu’elle réussit merveilleusement bien, comme à son accoutumée, à tailler des croupières à cette belle initiative qui permet de soulager un tant soi peu les souffrances des pauvres parmi les pauvres dont, et c’est une évidence, elle n’a cure. Désespérant !

vendredi, octobre 07, 2005

Le Québec: le racisme dans les ondes

Chronique:

Le grand écrivain, Albert Memmi, a noté dans son fameux livre Le racisme qu’il est très difficile de trouver un raciste qui assume ouvertement son attitude. Vous aurez toujours droit à cette phrase d’étonnement : moi raciste ? Jamais ! Mais cela n’empêche que le racisme existe et bel bien.

Autre monde, autre attitude. Au Québec, on assume son racisme en vous regardant droit dans les yeux. Pire, on le justifie même par la science. Plus grave encore, on ne s’embrasse même pas de le soutenir dans une émission de télévision à succès.

Si vous habitez au Québec, vous devez certainement savoir de qui il s’agit. Sinon, je vais vous le dire. Il s’agit d’ un psychiatre de profession qui répond au nom très académique de docteur Mailloux. Il a sa propre émission sur la station de radio CKAC où il anime depuis des années une tribune libre. Il y répond, en direct, aux questions psychologiques de ses nombreux auditeurs.

Lors de son passage dans Le monde en parle, une copie de la fameuse émission française et diffusée sur la télévision de Radio-Canada, ce docteur Mailloux a tenu des propos absolument choquants en expliquant le plus calmement du monde que les Noirs et les autochtones avaient un quotient intellectuel plus faible que la moyenne. Il s’est appuyé, semble-t-il, sur une étude américaine faite par des sociologues américains.

Cependant, ce que notre docteur ne sait pas. C’est que la biologie n’explique pas ce retard, si retard il y a. Le niveau social est déterminant dans la réussite scolaire. Ce que le grand sociologue français, Pierre Bourdieu, a démontré depuis des lustres avec son concept de capital culturel. Un fils de médecin, parce que ses parents sont cultivés, est toujours avantagé par rapport à un fils d’ouvrier. Ce qui est tout à fait normal.

Regardons la situation des Noirs et des autochtones en Amérique du Nord ! Si les premiers sont rejetés dans les périphéries des villes, parce que en bas de l’échelle sociale, les deuxièmes sont parqués dans des réserves où ils vivent dans des conditions extrêmement pénibles. Il est donc tout à fait normal que leurs enfants aient moins de chance de réussir leur scolarité. Parce que exclus, discriminés et défavorisés par le système social en vigueur.
Il est certain que si on offre les mêmes conditions de vie des petits blancs aux enfants des Noirs et des autochtones, ils auraient le même taux de réussite scolaire, et partant sociale. Je ne pense pas que cette situation a un quelconque lien avec la biologie comme docteur Mailloux essaye de l’insinuer, qui n’est d’ailleurs pas à son coup d’essai. Il a déjà tenu des propos nauséabonds contre les Sikhs en les traitant d’un communauté de bozo (idiots). Il s’est aussi illustré en s’insurgeant contre l’immigration qui vient du tiers-monde et des " pays arriérés " en appelant à favoriser les Européens de l’Ouest et les Scandinaves.

Là, il semble que le docteur Mailloux n’est pas très bien renseigné. Il ne sait pas que les Scandinaves ont les niveaux de vie les plus élevés au monde. Ils dépassent et de loin le Québec. Il faut qu’ils soient fous pour venir au Québec et endurer des conditions difficiles d'une nouvelle vie et surtout les propos d’un xénophobe, doublé d'un raciste notoire, comme lui.
Lahsen Oulhadj