jeudi, mai 03, 2007

Bouteflika ou l’hypocrisie à l’état pur

Comme vous le savez tous probablement, l’Algérie est très « neutre » concernant le problème pour le moins absurde du Sahara occidental. C’est du moins ce qu’elle répète à qui veut l’entendre. À chaque fois qu’elle en a l’occasion. Et ce pour tromper plus qu’autre chose. Car les faits montrent une tout autre réalité. Complètement différente. C’est à en perdre le nord « et le sud aussi ». J’ai beau cherché une explication convaincante, je n’en ai trouvé malheureusement qu’une : le mot « neutre » a certainement une toute autre acception du côté d’Alger. Et ce n’est pas hélas les preuves qui manquent. Il y en a à la pelle.

Le président Bouteflika a donné, il y a quelques semaines, une interview au journal espagnol El Pais. Rien de plus normal dites-vous ? C’est un chef d’État qui doit faire les mains et les pieds pour la défense des intérêts suprêmes de son pays. Il faut plutôt s’en féliciter surtout qu’elle coïncidait avec la visite officielle du roi d’Espagne à Alger. Toutefois, au lieu de cela, l’essentiel de son propos a porté sur la question du Sahara occidental et bien naturellement sur son voisin de l’Ouest, le Maroc. Il faut dire que c’est une terrible obsession pour les officiels algériens. Pour preuve, pratiquement tous les dirigeants du monde qui débarquent à Alger, se font carrément harceler avec ce différend sur le Sahara… en les amadouant avec les armes stratégiques algériennes : le gaz et le pétrole. Et parfois, ces mêmes officiels algériens ne s’embarrassent même plus de subtilités diplomatiques pour les faire carrément… chanter. C’est vous dire à quel point on peut aller. Le Sahara occidental mérite tous les sacrifices pourrait-on dire.

Qu’a dit le président algérien de bien consistant dans son interview ? On ne peut qu’être soulagé et heureux de le voir affirmer, solennellement, que l’Algérie ne ferait jamais la guerre au Maroc pour cause du Sahara. Sous-développés que ces deux pays sont, il faut dire ce n’est pas ce dont ils ont besoin le plus. Mais notre joie ne dure pas longtemps. Car un peu plus loin, et malgré son âge et même sa maladie, on découvre un autre Bouteflkia, plus va-t-en guerre, plus belliqueux, plus haineux… D’autant que l’Algérie va probablement dépenser pour son armement le chiffre incroyable de 15 milliards de dollars US. On se croirait revenu réellement aux années 70 du siècle passé, marquée par la guerre froide.

En fait, Bouteflika menace ni plus ni moins que de lancer le Polisario, son Polisario sur le Maroc, le pays de sa naissance et de toute sa scolarité, si aucune solution, la sienne bien évidemment, n’est pas trouvée au conflit du Sahara occidental. En fait, l’Algérie a n’importe quel moment peut déclarer la guerre au Maroc par Polisario interposé. D’ailleurs, il a déjà fait, qu’est-ce qu’elle en empêcherait ? Donc dire que l’Algérie ne ferait pas la guerre à cause du Sahara est une pure mystification. Un mensonge des plus éhontés. Il faut peut-être un jour que Bouteflika assume ouvertement et clairement ses soutiens tous azimuts au Polisario. Mais on pourra toujours attendre…

On n’a pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que M. Bouteflika se contredit allègrement. Intelligent qu’il est, il en est certainement conscient. Mais il n’en a cure. Tant qu’il va embêter le voisin, toutes les contorsions verbales sont possibles. Et toutes les manœuvres aussi. On n’a qu’à voir comment ses diplomates se démènent comme des fous enragés pour défendre les terroristes du Polisario. S’ils faisaient autant d’efforts pour leurs concitoyens, ils seraient les plus heureux au monde. Mais malheureusement, on n’a jamais les dirigeants que l’on mérite.

Qu’est-ce que tout cela veut dire ? Que l’Algérie qui a souffert et qui souffre encore du terrorisme ne trouve aucun inconvénient de le nourir et même de l’encourager chez le voisin. Au lieu de parler de coopération et de développement économiques, les dirigeants arabes n’ont aucune pudeur à appeler, dans les médias internationaux en plus, aux guerres et à l’effusion de sang. Que, par la suite, les Arabes aient la réputation de sanguinaires devant l’Éternel n’est absolument pas usurpée. La preuve, même leurs présidents, censés leur donner le bon l’exemple de pondération et de retenue, sont les premiers à leur montrer le chemin de la destruction et la désolation.

Il est donc plus que patent que le mot « neutre », comme nous l’avons constaté, signifie bien autre chose chez Bouteflika et ses amis : tout faire pour faire perdurer un conflit absurde quitte à utiliser les armes et à semer la mort. Une situation qui coûte cher en termes d’argent. On aurait bien aimé qu’il serve à développer l’Algérie, un pays immensément riche, dont une grande partie de la population, hélas !, vit dans une misère noire. Quant aux milliers de réfugiés sahraouis, que l’on exhibe comme du bétail à tous ceux qui veulent les voir, qu’ils continuent à moisir dans des camps de Tindouf, l’une des régions les plus inhospitalières au monde. Et ce juste pour donner à certains l’impression d’être importants. Que des mégalomanes arabo-baâthistes vraiment... inhumains !

dimanche, avril 08, 2007

La famille Mallal "s'expose"

Les artistes plasticiens Mallal Mohamed, Driss et Fatima organisent leur exposition annuelle à la Kasbah de Taourirte dans les environs de la ville de Ouarzazate. Et ce du 6 jusqu’au 16 avril 2007. Si vous êtes originaire du coin ou de passage dans la région, il faut vous hâter pour leur rendre visite. Il leur fera grandement plaisir de vous accueillir comme il se doit, et vous montrer leurs dernières œuvres.


dimanche, mars 25, 2007

Iggout, le roi du sens et du banjo

Beaucoup gens peuvent soutenir, indiscutablement, sans la moindre hésitation, qu’Iggout Abdelhadi est réellement un enfant terrible du Souss. L’un des plus terribles de sa génération… Comme cette région, désespérément et rageusement, amazighe -c’est-à-dire libre et fière- sait en enfanter. Épisodiquement. Régulièrement. Vous avez probablement en mémoire feu Mohamed Khaïr-Eddine. Ce baroque-ciseleur-avant-gardiste pour le moins unique. Ce guérillero gaulophile, descendu tout droit de son « maquis » inexpugnable de Tafraout, a fait, pendant des décennies, la gloire de la poésie française. Il en a même chamboulé les dogmes… dans un big-bang créateur qui en a réjoui, jusqu’au nirvana, plus d’un. Iggout est de la trempe de cet immense homme. À juste titre. Légitimement. Mais dans son domaine. La musique. Ce fils prodige-virtuose de Dcheira a fait et fait toujours- même si c’est rarement malheureusement- la joie de tous les mélomanes férus des sons sortis des tréfonds douloureux d’un peuple irréductiblement insoumis, les Amazighs.
C’est un génie de la musique, une légende vivante, une icône connue et reconnue. Il a d’ailleurs, dans une rigueur implacable, créé son propre style musical, le « tazenzart ». Les succès les plus retentissants du groupe mythique Izenzaren porteront, éternellement, sa marque et sa flamme. Ad vitam aeternam. Or, et c’est vraiment étonnant, ce multi-instrumentiste autodidacte, incroyablement doué, difficilement imitable, « impossiblement » classable, n’a jamais mis les pieds dans aucune école de musique. Et pourtant tous les instruments à corde n’ont plus aucun secret pour lui. Depuis belle lurette. Grâce à son unique et seul talent. Et à sa rage de tout maîtriser. Coûte que coûte. Tout y passe, la guitare, le violon et surtout le banjo. Cet instrument de la douleur- et de la joie aussi- par excellence. Et pour cause. Ce sont les esclaves africains qui l’ont trimbalé dans le Nouveau Monde dans leur exodus cruellement forcé. En effet, c’est quelque part un instrument amazigh, parce que historiquement africain. Reste qu’Iggout en est, sans trop se perdre dans les méandres du détail , un indiscutable maître, pour ne pas employer un qualificatif propre aux universitaires, une véritable sommité.

Ses compositions sont extrêmement bien élaborées. Je dirais même très sophistiquées. En fait, elles sont tellement complexes que peu de gens peuvent l’imiter. Sauf quelques très rares initiés. Et encore ! Lors de ses spectacles, il y a toujours là, entassée, une pile de banjos de toutes sortes. Il y en a à quatre cordes, à six cordes… En fait, chaque chanson est jouée avec un type différent de banjo. En bandoulière, majestueusement au milieu de la scène, il le manie comme pas un. Dans une frénésie à vous couper le souffle. Dans une fusion-confusion exulto-extato-jubilatoire indéfinissable. L’un et l’autre finissent presque par se confondre. Pour ne plus être qu’un. Dans une ambiance qui vous transbahute, malgré vous, hors du temps. Le nôtre. Et vous transporte dans un autre temps fondamentalement musical. Aussi anciennes que soient ses odes et autres ballades, aussitôt qu’elles effleurent nos oreilles, on dirait que c’est la première fois. Elles ne vieillissent presque jamais. Elles sont statiques, inoxydables, intemporelles. En d’autres termes, elles sont éternellement jeunes. De cette jeunesse propre aux grandes œuvres de l’humanité.
Et que dire des paroles ? Interprétées avec sa voix sublime, elles suggèrent- et ne disent pas- un nombre infini de sens ! Plus que cela, ils sont « sens ». Car elles charrient toute la geste amazighe qui remonte à la nuit des temps. Elles sont telles des flèches qui taquinent, dans un désintéressement permanent, les plus réfractaires au questionnement. Avec leur côté hermétique. Pour les éprouver, il faut carrément une démarche intellectuelle, réfléchie, philosophique même. Autrement dit, il faut ni plus ni moins qu’être versé dans l’heméneutique amazighe. Car pas n’importe quel auditeur lambda peut en percevoir les signes et les messages. Et c’est le moins qu’on puisse dire. Ce qui est finalement tout à fait normal. Il faut savoir que c’est Mohamed Hanafi, un grand versificateur mais ô combien discret, voire même timide, qui en est, le plus souvent, l’auteur. Un homme de l’ombre, artisan surdoué du verbe, tailleur génial du vers et épanneleur tatillon de la rime, qui a toujours brillé par son anonymat. Le plus total. Comme si la poésie, la bonne poésie, ne s’accommodait pas avec la célébrité et la renommée.

Que vous soyez rassuré, Iggout ne rebute absolument pas. La preuve, à chacune de ses présentations, ce sont des milliers d’irréductibles aficionados qui se déplacent. Une fois sur scène, c’est un délire général. Une communion magique s’installe entre lui et la marée humaine, qui lui tient toujours lieu de public. Une chimie permanente, comme diraient certains, s’opère entre les deux. Les débordements sont vite arrivés. Heureusement jusqu’à ce jour, aucun dégât n’est à regretter. Mais il n’est pas rare qu’un fan très déterminé arrive par je ne sais quel subterfuge à le rejoindre. Sur scène. Pour l’embrasser, chaleureusement, rageusement, comme on le ferait pour un grand maître. Et même pour prendre une photo ou lui offrir de l’argent. Chose qu’il refuse systématiquement. C’est normal, il est l’un des rares artistes, si ce n’est le seul, à avoir une haute idée de la musique, de sa musique. D’autant plus que le côté solitaire, marginal, nomade, anticonformiste, bohémien, fier, indomptable même du personnage lui donne carrément un halo de mystère. On est carrément dans ce qui a de plus profond dans l’humain : le sacré. Iggout, par sa personnalité pour le moins frondeuse, par sa musique originale, par sa poésie impénétrable, à réussi à secouer, crûment, violemment, les arcanes de l’âme amazighe et même à en saisir le sens. Un sens qui ne s’accommode jamais, comme vous êtes censé le savoir, avec la capitulation et le renoncement. Longue vie à toi l’artiste!