mardi, mars 06, 2007

Omar Idtnayn : « Le film amazigh a un avenir prometteur... »

Le cinéma amazigh, avec une production incroyablement importante, est devenu en un laps de temps plus qu’incontournable. C’est même devenu un véritable phénomène de société tellement il est l’objet d’un engouement qui ne se dément jamais. Quelques études lui ont été consacrées dans quelques universités nord américaines, mais peu a été fait par les intéressés eux-mêmes, à savoir les Amazighs. Omar Idtnayn a été le premier à se lancer en publiant dernièrement un livre à ce sujet. Dont le titre est À propos du film amazigh : écrits et opinions. Nous l’avons contacté pour répondre à quelques-unes de nos interrogations.


Peu de gens vous connaissent, est-ce que vous pouvez vous présenter ?

Je suis né dans la ville de Masst en 1977. J’ai complété mes études secondaires à Agadir. Je me suis inscrit par la suite à l’université où je ne suis resté malheureusement qu’une seule année. J’ai fait du travail associatif très tôt. Mais ce n’est qu’en 1997 à Agadir que je me suis intéressé de très près aux associations amazighes. C’est alors que je suis devenu membre d’Afrak, une association très active chez moi à Masst. À Rabat où je me suis installé, je suis devenu adhérent de la fameuse association marocaine de recherche et d’échange culturels ( AMREC).

Pourquoi avez-vous écrit un livre sur le cinéma amazigh ?

L’idée d’une publication sur le cinéma amazigh n’est pas le fruit du hasard. En fait, j’ai été toujours proche de ce milieu. Un intérêt qui remonte à mes années d’études au lycée. Plus tard, j’ai écrit nombre d’articles critiques que j’ai publiés par la suite dans la presse nationale. J’ai même été à l’origine d’un ciné-club au sein de l’association Afrak, qui se penche régulièrement sur les questions du 7e art et de l’audiovisuel d’une manière générale. Mon livre vient donc à point nommé en essayant de remplir, modestement, un vide criant concernant le travail critique sur le très jeune cinéma amazigh. Je dis jeune parce qu’il n’a en fait que 16 ans, à savoir depuis la sortie du film de « Tamghart ww urgh » en 1991, dont le réalisateur n’est autre qu’ El-Houssayn Bizgaren.

Mais qu’est-ce qui vous a motivé le plus pour aller de l’avant ?

La raisons qui m’a poussé le plus pour publier ce livre est le désintérêt total manifesté par les critiques marocains vis-à-vis de ce cinéma, qui, à ce jour, a à son actif un nombre phénoménal de titres. Et ce en un temps record. Tous les articles que j’ai déjà publiés à ce propos dans la presse ont fini par me convaincre d’aller de l’avant. Et ce pour sortir cette expérience cinématographique originale de l’exclusion et du mépris que lui vouent certains. D’ailleurs, j’ai remarqué dernièrement que beaucoup de films amazighs sont déjà introuvables sur le marché alors que la bibliothèque nationale, ce qui est quand même son rôle, n’a fait pas le moindre effort pour réaliser même une liste approximative de cette production cinématographique et à plus forte raison en garder des copies pour des objectifs de recherche.

Quels sont les sujets que vous avez évoqués dans votre livre ?

Le livre se compose de deux grandes parties. Si dans la première j’ai analysé quelques exemples de films de réalisateurs différents, dans la deuxième je me suis penché plutôt sur les thèmes abordés dans ces films : l’émigration, les tabous de la société...

D’après vous, quelles sont les raisons du succès du cinéma amazigh ?

Les succès relatifs du film amazigh peut s’expliquer pour des raisons objectives : la frustration du public amazigh à cause de l’exclusion totale dont il a été l’objet par les médias publics. Ainsi, le film amazigh a été une sorte d’exutoire et un espace qui a permis, enfin, de se voir et d’être vu. D’autant plus que la démocratisation de l’accès à la vidéo, à la fin des années 80 et le début des années 90, a été une bénédiction pour une grande partie de la population incapable de comprendre ce qui se dit dans les télévisions nationales. Il y a également des raisons subjectives qu’il ne faut pas oublier. En fait, elles sont tellement nombreuses qu’elle serait vain de toutes les citer, mais on va juste se contenter d’en évoquer une : l’homme amazigh avait, pour la première fois de son histoire, le sentiment d’être proche de ces films que ce soit au niveau de la langue, du contenu et même de l’espace.

Quels sont encore les défauts de ce cinéma ?

Il souffre toujours de nombre d’imperfections sur plusieurs niveaux : l’essentiel de la production se fait encore en vidéo, ce qui est vraiment dommage ; les décors restent toujours rustiques et les personnages sont pour le moins niais, ce qui a pour résultat de provoquer et maintenir un tas de préjugés sur l’homme amazigh ; la primauté de l’amateurisme loin de tout professionnalisme ; le traitement des mêmes sujets ennuyeux sans faire aucun effort d’aller explorer d’autres horizons ; les conditions de travail du personnel sont loin de répondre aux normes légales et professionnelles, on travaille avec la même équipe sur plusieurs productions avec des contrats pas toujours clairs ; le soucis du gain rapide au détriment des exigences artistiques, esthétiques et civilisationnelles... Toutes ces raisons ont fait que l’engouement du public risque, à terme, de diminuer si rien n’est fait.

Comment peut-on faire pour atteindre le niveau international ?

On peut y arriver si nous avons des œuvres qui répondent aux exigences de qualité professionnelle et artistique mondialement reconnues. J’en veux pour preuve, le film de « Sat taddangiwin » de Abdellah Dari, qui a raflé deux importants prix au festival de la radio et de la télévision du Caire. En tous les cas, à mon point de vue, l’avenir du cinéma amazigh est très prometteur. Surtout avec l’avènement d’une nouvelle génération de jeunes cinéastes pourvus de formations dans le domaine et ayant de nouvelles idées qu’ils s’impatientent d’appliquer.

Ne serait-il pas intéressant de créer une école de cinéma à Agadir ou Tiznit pour accompagner cet emballement pour le cinéma ?

Je pense que ce serait une très bonne idée de créer une école de cinéma dans le Souss. Car cela va permettre d’aller encore plus loin. Surtout que la région possède tous les atouts à même de permettre le développement d’une véritable industrie cinématographique : des décors merveilleux, des talents nombreux et un marché important. Je pense que la construction d’un complexe de salles de cinéma à Agadir n’est que la conséquence logique de toute cette effervescence créatrice.

Comment expliquez-vous la persistance du boycott des médias publics marocains de la productions amazighe ?

Il ne faut pas avoir peur de dire que la qualité est loin d’être une caractéristique de la production nationale et pas seulement amazighe. Je suis convaincu que seule la qualité ouvre toutes les portes. Pour preuve, le film de Hemmou Ou Namir de Fatim Boubekdi qui a été programmé par 2M. Parce qu’il a eu un succès fantastique auprès du public qu’il soit amazighophone ou pas. En fait, pas que cela, c’est aussi et surtout un film extrêmement bien fait.

La commission d’aide à la production cinématographique a accordé la bagatelle de plus de 11 millions de dirhams au film arabe alors qu’elle n’a donné qu’un petit million et des poussières à un seul et unique film amazigh, qu’en pensez-vous ?

Je ne pense pas que la dite commission a exclu le tamazight. En fait, il faut voir les choses autrement, à savoir que le darija s’est imposé. Malheureusement dans la production amazighe, nous avons encore des faiblesses qu’il faut absolument corriger. Le scénario par exemple. Et justement l’IRCAM a vu juste en organisant en partenariat avec le ministère de la communication des sessions de formation au profit des scénaristes amazighs. Je suis intimement convaincu que le film amazigh a toutes ses chances à condition bien évidemment de proposer des dossiers bien ficelés. Ça va venir certainement !

Le piratage n’est-il pas une épée de Damoclès au-dessus du cinéma amazigh ?

En effet, le film amazigh est victime du piratage à grande échelle. Dans l’absence totale de tout soutien public, sa seule ressource reste la commercialisation sous forme de DVD. D’où les menaces terribles qui pèsent sur lui. Malgré les efforts des autorités pour en finir avec ces pratiques frauduleuses, la situation est toujours la même malheureusement. À mon sens, il faut que les producteurs se mettent au 35 mm pour assurer d’autres ressources en projetant leurs films dans les salles obscures.

Que pensez-vous du marché accordé à Nabil Ayyouch par le minsitre de la communication ?

Cette affaire a provoqué une levée de bouclier de beaucoup de professionnels du cinéma à cause de l’absence de tout appel d’offre. Surtout que la somme en jeu est on ne peut plus importante. Il s’agit en fait de plus d’un milliard de centimes. Mais ce qui m’intéresse personnellement, c’est le niveau technique des films produits jusqu’à maintenant. J’ai remarqué qu’il y a eu nombre de maladresses au niveau du tifinagh dans le générique par exemple. Ajoutons à cela que la qualité n’est pas toujours au rendez-vous.

dimanche, mars 04, 2007

H. Id Belkacem : un militant modèle

Qui ne connaît pas Hassan Id Belkacem ? Tous les Amazighs qui se respectent peuvent répondre par l’affirmative. Il a été le fondateur de la plus grande organisation amazighe, Tamaynut. En 1978 déjà. A un moment où peu de ses contempteurs peuvent se dire amazigh et à plus forte raison le revendiquer. Il a été le premier à internationaliser la question amazighe. Et le premier à parler le tamazight au sein de l’ONU. Il a été également l’un des rares avocats à défendre feu Ali Azaykou lors du fameux procès de 1982. En raison de son engagement, il a subi des menaces de toutes sortes. Il a même été emprisonné. Tout cela parce qu’il croit dans la cause amazighe. Malgré des années harassantes de militantisme, Dda Hassan pour ceux qui le connaissent personnellement, est toujours là. Il en faudra beaucoup pour qu’il renonce. Alors que beaucoup de nouveaux militants, au bout de quelques mois de combat, sont devenus déjà des blasés. Oui, c’est un exemple à suivre. C’est un modèle de la trempe de tous les autres grands militants amazighs. Car lorsqu’il s’agit de défendre l’amazighité, il répond toujours présent. Avec tous les inconvénients que cela occasionne à sa petite famille. D’ailleurs, c’est ce qu’il a fait dernièrement. En allant défendre l’amazighité dans le temple du fascisme arabiste, Al Jazira. Il était là, toujours fidèle à lui-même. Il a défendu sa cause bec et ongle. Il a même parlé le tamazight qu’on n’entend même pas dans les médias marocains dont nous sommes injustement, éternellement exclus. Oui, Dda Hassan a montré aux Arabes que le peuple amazigh ne va pas plier de sitôt. Il a démontré à son contradicteur, un " docteur " diplômé ès science politique –arabe bien sûr-, que son nationalisme arabe relève du nazisme le plus mortifère. En avocat de l’humanisme, il a fait une leçon mémorable à son vis-à-vis. Nous ne pouvons que le remercier pour tous ses efforts dans la défense de l’amazighité et des valeurs démocratiques qu’elle sous-entend. Longue vie donc vie à ce grand homme que les Amazighs, ceux qui n’ont pas la mémoire courte bien évidemment, n’oublieront jamais.

vendredi, mars 02, 2007

Mohamed Dammou : le père de l'orchestre symphonique amazigh

Il ne se peut pas que vous n’ayez vu ou écouté, même une seule fois, dans les médias ou ailleurs l’orchestre symphonique amazigh. Composé d’une cinquantaine d’instrumentistes, tous des violonistes émérites, des "lotaristes " confirmés et des percussionnistes chevronnés, il en a impressionné plus d’un. Bien plus, ses prestations pour le moins originales ont été d’un brio magistral et d’une perfection accomplie. Même les indécrottables récalcitrants à toute innovation dans la musique des rways ont été séduits. C’est vous dire…

Qui a été à l’origine de cette idée pour le moins géniale ? Comme toujours lorsqu’il s’agit de créativité et d’inventivité dans l’amazighité, elle est du cru d’un seul et unique homme : Mohamed Dammou, un sémillant artiste qui n’est pas vraiment un inconnu du grand public. Et pour cause : il est leader du groupe du même nom et, qui plus est, ex-membre d’Izmaz, un groupe non moins mythique qui a marqué nombre de mélomanes de ma génération. Autant dire, un grand mordu devant l’Éternel des chants et des rythmes du Souss et un vieux routier du milieu artistique amazigh casablancais.

Rencontré par le plus grand des hasards chez un ami parisien, il a tenu à préciser, affable et avenant, que son projet n’est pas le résultat d’un simple coup de tête. Oh que non ! Ne faisant jamais les choses dans la précipitation, il a laissé l’idée mûrir avant de la concrétiser. Le plus simplement du monde. " Il ne faut jamais aller plus vite que la musique. En fait, ça m’a pris quatre ans de réflexion avant que tout aboutisse. J’ai eu tout le temps d’analyser le projet sous tous les angles ", avoue-t-il avec son charmant accent typique d’Achtouken des hauteurs.

Au-delà de l’aspect artistique, ce qui l’a motivé le plus c’est le côté humaniste et social de l’entreprise. " Il faut savoir, ajoute-t-il le geste toujours très mesuré, que nos musiciens, malgré leur immense talent, végètent indéfiniment presque tous dans la misère et l’exclusion, je me suis dit pourquoi ne pas les rassembler et faire quelque chose de positif et de bénéfique. Étant donné qu’ils sont nombreux, j’ai pensé sur-le-champ à l’idée de monter un orchestre symphonique amazigh. "

C’est un véritable défi que cet artiste à tous crins, qui a toujours fait la musique en dilettante- il est commerçant de profession -, avait la ferme intention de surmonter. Coûte que coûte. Que dire, une véritable gageur qui aurait taillé les croupières, illico presto, au plus décidé des hommes. Mais c’est peu le connaître. Il n’est pas du genre à se laisser décourager au moindre pépin. Bien au contraire, c’est quelqu’un qui croit toujours fermement dans ce qu’il entreprend. " À partir du moment où j’ai une idée de projet, il ne faut pas trop parier que je vais tourner casque, car je suis intimement et intuitivement convaincu qu’il va marcher ", avoue-t-il le regard très confiant.

" En tous les cas, j’ai toujours fonctionné ainsi dans les affaires où le risque est autrement plus important. Pourquoi ne pas faire de même dans la musique? ", s’interroge-t-il. Sans jamais avoir fait des études de marketing, il a toujours su, de son propre aveu et tout en restant modeste, anticiper comme pas un sur les besoins et les désirs de sa clientèle. Ce n’est pas pour rien qu’il est un homme d’affaire très à l’aise financièrement. Dans le cas de la musique, il applique exactement le même principe. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ça lui réussit plutôt bien.

Succès

Profitant d’un passage à la radio régionale d’Agadir, il lance un appel à tous les rways en vue de le contacter. Le bouche à oreille ayant bien évidemment fait le reste. En quelques semaines, l’orchestre est mis sur pied. Reste que cela coûte de l’argent, beaucoup d’argent. Il faut savoir que pratiquement tous les musiciens se trouvent dans le Souss. Payer leurs indemnités, assurer leur déplacement et leur séjour à Casablanca peut facilement monter à plusieurs milliers de dirhams. Autant dire que la facture est vraiment salée. " Rien que pour le voyage je suis obligé de louer tout un bus, je vous laisse donc imaginer le reste ", nous apprend-il avec son sourire qui ne le quitte presque jamais. Mais tout cela il n’en a cure, il faut aller de l’avant. Sans trop se poser de questions.

S’il n’a aucune difficulté à démarrer, un seul souci existe : il faut savoir bien gérer tout ce beau monde. Car "il y a, fait-il observer en homme orchestre versé dans la connaissance de l’âme humaine, énormément de jalousies, de dissensions, de rancunes, parfois très anciennes, entre tous ces musiciens ". Il a donc été impérieux d’instituer un code d’honneur qu’il faut impérativement et rigoureusement respecter. " Tout contrevenant est immédiatement mis au rancart sans possibilité de pardon, et je peux vous assurer que ça fonctionne très bien. À partir de là, il faut juste les habituer à quelques petits détails, mais ô combien importants ! Se mettre debout d’un seul coup pour saluer le public à titre d’exemple. Sinon, musicalement parlant, ils sont déjà on ne peut mieux parfaits, il n’y a absolument rien à leur apprendre ", explique-t-il non sans être fier de son bébé.

Une fois lancé, l’orchestre symphonique amazigh est devenu un succes story musical. Même les médias marocains, d’habitude extrêmement allergiques à tout ce qui est amazigh, s’en sont passionnés. D’ailleurs, il a été programmé plusieurs fois dans les deux chaînes publiques TVM et 2M et, une fois n’est pas coutume, à des heures de grande écoute. Quant aux festivals, c’est un véritable engouement auquel nous avons assisté. Tout le monde se l’arrachait. Jugeons-en : en un laps de temps, il s’est produit au festival des musiques sacrées de Fès, celui des rways, Timitar, Tata, Tahala… L’étranger n’est pas en reste. L’OSA a assuré plusieurs présentations un peu partout dans le monde : au Qatar, en Russie, en Chine… Pour ceux qui ne l’ont pas encore eu l’occasion de le voir, qu’ils soient rassurés, un DVD enregistré dans des conditions techniques optimales et un décor naturel féerique d’Ait Baha dans les environs d’Achtouken sera disponible incessamment sur le marché.

Une vie vouée à la musique

Dammou n’est pas né de la dernière couvée. Musicalement s’entend. Tout jeune déjà, il était un as du "naqqus ". Il assurait tellement que les femmes faisaient systématiquement appel à ses services. Il n’hésitait d’ailleurs pas à sécher les cours religieux dispensés par le fqih du village pour aller mettre du feu -c’est le cas de le dire- à leurs "spectacles de musique absolument mémorables ", selon sa propre expression. Par ailleurs, et comme tout Achtouk qui se respecte, ce serait une incongruité qu’il ne fasse pas ses classes dans de l’école on ne peut formatrice d’ajmak, cette célèbre tradition poético-chorégraphique propre à sa région d’origine.

À l’en croire, des années durant, il y a usé ses " fonds de babouches ". Comme tant d’autres grands artistes avant lui et non des moindres : El-Houssayn Janti, Said et Brahim Achtouk, Boubakr Anchad, El-Houssayn Bihtti… pour ne citer que les plus connus. D’autant plus que sa famille est très portée sur la poésie. Ses parents lui composaient carrément des poèmes qu’il a d’ailleurs interprétés par la suite dans ses albums. À la maison, il ne dérangeait aucunement en grattant à longueur de journée son "lotar " de fabrication personnelle. Ce qui est rare dans les mœurs des familles de la région connues plutôt pour leur rigorisme moral pas toujours de bon aloi.

Débarqué à l’âge de 16 ans à Rabat, il peut s’offrir les cassettes des stars amazighes de l’époque. Car, enfin, il a un peu d’argent qu’il gagne de son travail dans un commerce. " Je me rappelle à cette époque-là je regardais de longues heures les photos des artistes sur des jaquettes tellement j’étais fasciné par eux", s’épanche-t-il un peu nostalgique. Au bout de deux ans, il part à Casablanca où il va exercer la même activité. Mais le déclic ne viendra qu’à l’écoute des deux groupes phares de la scène amazighe pendant les années 70 : Izenzaren et Ousman. Le plus logiquement du monde, depuis ce jour-là, l’idée de former une troupe musicale n’a de cesse de lui trotter dans la tête. Il faut attendre juste son moment et surtout compter sur le hasard.

Dans l’intervalle, il pratiquait continuellement la musique entre amis. Pour passer le temps et se rappeler le Souss natal. Mais ce n’est que lors de la fête du trône de 1978, organisée par la Chambre du commerce de Casablanca, qu’il a eu son baptême du feu. Un peu malgré lui, car il a été carrément obligé par l’un de ses amis à monter sur scène devant au moins 800 personnes. Interprétant l’une des chansons de rrays Bihtti, et devant son succès auprès de l’assistance, l’un des membres du groupe qui l’aidait, dans un accès de jalousie certainement et faisant litière de tout respect, n’a pas hésité à lui arracher violemment le "lotar " des mains. Au grand dam du nombreux public qui a exigé ni plus ni moins qu’il continue de chanter.

Et comme une " bonne nouvelle " n’arrive jamais seule, vient alors, un peu plus tard ce jour-là, l’événement qui va changer radicalement sa vie. En fait, il a eu, enfin, rendez-vous avec son propre destin. Un groupe musical inconnu jusqu’alors, présenté comme Izenzaren probablement pour attirer le plus de monde, est monté sur scène. " Mais il était très faible, il lui fallait impérativement du soutien. C’est là que j’ai pensé proposer mes services à ses membres. Ce qui fut fait ", se rappelle Dammou un tantinet nostalgique. En fait, la troupe en question n’est autre que le fameux Izmaz dont faisait partie le très talentueux poète Ali Chouhad. Et c’est une grande aventure musicale qui commence et qui ne s’arrêtera que dix ans plus tard. Avec des succès dont on se rappellerait probablement pour toujours : wa lhênna tghmit afus, ay Agadir, titt inu tgit akw làin, ikunt is ghid illa zzin... Que de merveilleux souvenirs !
Si vous voulez voir à quoi cela ressemble, vous pouvez visionner cette video :