vendredi, février 02, 2007

Médias marocains : toujours deux poids "cinquante" mesures

J'ai jeté un coup d'œil furtif sur la une du journal d'Assabah de ce lundi 29 janvier 2007. Le titre d'un article a retenu particulièrement mon attention. Car il est plus qu'accrocheur. Oui, oui, il arrive quelque fois que les journalistes marocains réussissent leur titraille. Curieux que je suis, j'ai donc voulu en savoir davantage. Je ne vous dis pas ma surprise lorsque j'ai lu que les indéboulonnables responsables de 2M ont été « sanctionnés ». Oui, croyez-moi sur parole. Ils ont été « sanctionnés ». Rassurez-vous tout de suite, chers lecteurs, cela n'a absolument rien à voir avoir avec le sujet dont je vous entretiens souvent, l'amazighité. Que vous vous le mettiez tout de suite dans la tête : ce n'est pas demain la veille que des personnalités haut placées dans l'organigramme de 2M et consorts vont tomber pour cause de leur antiamaizghisme légendaire. Il ne faut pas non plus trop rêver et gober bêatement les boniments que vous entendez à souhait ici et là. Il y a loin de la coupe aux lèvres.
De quoi il est exactement question dans le dit papier ? Chose très surprenante, car rarissime dans les mœurs marocaines. Voilà, le ministre de la com ( c'est un poste qui n'existe dans aucune démocratie au monde) et le président des télévisions marocaines (je vous fais l'économie de leurs noms car je pense que vous les connaissez déjà) sont entrés, tous les deux, dans une colère noire. Parce que les deux chaînes marocaines -qui ne sont nationales que pour ceux que vous connaissez- n'ont pas couvert je ne sais quel festival de chanson arabe au Qatar. Je vous vois déjà sourire. Crouler même de rire. Je vous comprends tout à fait, car je suis passé dans les mêmes phases. Intelligents que vous êtes, je suis sûr et certain que vous avez tous pigé. Mais cela n'empêche pas de vous dire, même si je fais un abus de langage, la morale de l'histoire: lorsqu'il s'agit de la culture arabe, nos deux responsables médiatiques ne rigolent plus. Ils peuvent même être très méchants. Vous ne savez pas pourquoi ? En fait, c'est très simple, il s'agit de leur propre culture. Et à ce titre, elle mérite toutes les ires possibles et imaginables. Quid de l'amazighité ? Qu'elle aille donc au diable vauvert !
Toujours dans le cadre des médias, il y a quelques jours, j'ai regardé un peu 2M. Je vois déjà certains me pointer du doigt en disant dans leur for intérieur : « quelle honte ! » . Mais qu'ils n'aillent pas vite en besogne ! Je m'explique : je regarde cette chaîne à trois heures du matin. Pour les non avertis, c'est à cet horaire tardif que l'on nous passe généralement la musique amazighe. Si dans le cas où l'on veuille bien la programmer. Les responsables de cette téloche horriblement moche doivent certainement penser que les Amazighs ne dorment pas la nuit. C'est vrai que nous sommes tous de la « race » des chauves-souris. Choqués ? Allez, trouvez moi une autre explication ! Chiche ! Quant à moi, c'est juste que je suis antipodes. Donc décalage horaire expliquant cela. Sinon, plutôt « dormir » que de rester comme un zombie pour être pilonné toute la nuit avec les âneries débilissimes de 2M. Non, non, je ne suis pas quand même fou à ce point.
Cependant, ce jour-là, manque de bol, au lieu de la musique amazighe , j'ai eu droit à un speech d'un animateur presque chauve dont je serais incapable de vous dire le nom. Le sourire qui va d'une oreille et à l'autre, il m'annonce- car je suis sûr que je suis le seul à le regarder-, très fier et tout content, dans un arabe presque châtié qu'il a invité je ne sais quel obscur chanteur… libanais. Un chanteur…. libanais. Wak wak. ! Non pas qu'il en ait fini avec tout ce que le Maroc comme chanteurs pour penser à des étrangers. Je n'ai jamais vu par exemple Izenzaren, Walid Mimoun, AZA, Mellal…sur 2M. A moins que notre animateur très inspiré ne les connaisse pas. Ce qui ne serait vraiment pas étonnant. Pour ne plus supporter le supplice qu'il m'impose, je n'ai pas cherché midi à quatorze heures, je l'ai donc zappé. Impitoyablement. Illico presto. Pour regarder je ne sais plus que film américain.
Mais le coeur n'y est plus, le pourquoi et le comment du Libanais m'a vraiment secoué ? J'ai trouvé ce choix on ne peut plus absurde. Car nous avons au Maroc, walhamdoulillah comme dirait l'autre, des gens qui vont vous imiter je ne sais qui. ہ des prix défiant toute concurrence. Abreuvés jusqu'à la nausée de séries arabes à l'eau de rose, des décennies durant, les Marocains et surtout les Marocaines sont devenus des perroquets passés maîtres de l'imitation de tous les dialectes du Moyen-Orient. A tel point qu'ils ne savent plus ce qu'ils sont. Vous êtes certainement au courant de l'armada de chanteuses marocaines au Moyen-Orient qui y vendent leurs « services » moyennant des dinars sonnants et trébuchants. Certaines pour plusieurs années d'affilée. Comme si là-bas, ils ont un déficit chronique de femmes. Mais là c'est un autre sujet. Passons ! En tant que soussi qui se respecte, j'ai vu le problème de notre Libanais sur un autre angle. Financier celui-là. Je me suis dit qu'inviter un tel chanteur -je ne saurais vous dire s'il est réellement un véritable artiste- d'un pays aussi lointain doit coûter la peau des fesses. La liste des frais est très très très longue : le billet d'avion aller et retour, la suite à l'hôtel 5 étoiles, l'argent de poche, le cachet de son spectacle…
Armé de ma seule et unique calculatrice, j'ai trouvé que la facture peut facilement friser au bas mot les 100.000 dirhams. Vous vous rendez compte ! Plus « amère » (à force d'être salée) que cela, tu meurs. Dans ce cas, le ministre de la com et le président des télévisions marocaines ont des moyens à en revendre. Mais lorsqu'il s'agit de l'amazighité, tout d'un coup, comme par enchantement, ils n'ont plus un seul « arryal » dans leur bas de laine. Deux poids, deux mesures. Plus que cela. En fait, ils ne veulent pas de l'amazighité. Voilà ce que certains se refusent de voir. Avec beaucoup d'entêtement. Parce que ce n'est pas leur culture. C'est aussi simple que cela. La leur, ils s'en occupent à merveille. Ils sont même prêts à y mettre le prix fort. En utilisant allègrement l'argent du contribuable marocain qui est majoritairement amazigh. Est-ce qu'ils le savent ? Sans doute. Mais ils n'en ont cure. Et comme le dit si bien le fameux adage bien de chez nous : que celui qui n'est pas content aille boire toute la mer avec une cuillère. Ce que je ferais bien volontiers, mais il y a un hic. Là où j'habite il n'y en as pas. Il y a juste un fleuve, qui est, à cette période de l'année, complètement gelé. Que faire ? Bénis soient les Américains qui nous ont inventés Internet, une petite connexion sur le site www.imurig.net me ferait le plus grand bien. Allez, tifawin fulkinin à tous !

vendredi, janvier 05, 2007

Oudaden : les éternels rois de la pop amazighe

C’est au moment où l’on pense qu’Oudaden sont finis, qu’ils nous surprennent avec du nouveau. Il y a quelques années c’était Dif llah a tarwa n tmazirt inu, un album qui a eu un succès phénoménal. Il n’y a même pas une semaine, c’est rebelotte. Ces vieux baroudeurs de la chanson amazighe récidivent avec un opus d’une extrême fraîcheur et d’une jeunesse surprenante.

Baroudeurs dites-vous ? Eh oui ! Il faut savoir, mine de rien, qu’ils ont au compteur plus de 25 ans de carrière. Une longévité pour le moins exceptionnelle faite de beaucoup de succès et rarement de ratés. Un vrai succes story musical que le parcours des ces enfants terribles du quartier populaire de Benseragaou.
Ce nouvel album comporte 7 titres (a kun ig Rebbi d lqqlum ay aghalim, awa hann ddunit, nsaqqsa, aH a titrit, nsaqqsa iZri, i Rebbi a lànber, , igider, bark allah ay ajdaà, ad ur tallat ay ul inu). Que du pur Oudaden, c’est-à-dire ce style bien connu, qui les a toujours caractérisés et dont ils sont les initiateurs, le tawdadant. Un style fait de paroles légères, de rythmes tout aussi légers et même endiablés par moment. Tous les mordus de la danse vont une fois de plus être servis. Abondamment. À profusion.
Malgré sa très longue carrière, El Foua Abdellah, chanteur du groupe et " benjoiste " hors pair, n’a rien perdu de sa verve et de son immense talent. Cet homme a quelque chose de fondamentalement inoyxdable, indémodable. Que dire, éternel ! Sa prestation dans ce nouvel album est pour le moins parfaite. En un mot, il est toujours aussi majestueux. D’ailleurs beaucoup ont essayé de l’imiter, mais en vain. Il faut dire qu’Oudaden ont ouvert la porte à une myriade de formations, mais, dans la majorité des cas, elles n’ont pas fait long feu. Sauf quelques-unes, qui n’ont jamais pu les détrôner. Même si elles ont essayé.

Ma rencontre avec ces musiciens agadirois ( dans ce mot il y a rois) pur sucre remonte à ma plus tendre enfance. Et depuis, c’est une longue et grande histoire d’amour. J’ai écouté presque tous leurs albums. Dont je peux deviner toutes les chansons juste par les petites notes du début. Grâce à leurs reprises, j’ai découvert tant et tant de nos anciens artistes.

Écoutez- les lorsqu’ils chantent Haj Belaid ou Said Achtouk ! Leurs interprétations sont parfois plus vraies que natures, terriblement magnifiques. Que dire, sublimes. D’ailleurs j’en ai gardé un souvenir. Indélébile. Inoubliable. Encore très jeune, en plein milieu d’Agadir, pendant je ne sais plus quelle fête nationale, une bonne partie de l’assistance a carrément pleuré lorsqu’Oudaden ont chanté atbir umlil de Haj Belhaid. C’est vous dire…

Que ces chevaliers de la chanson amazighe, comme ils aiment bien se faire appeler, continuent à nous donner le plus longtemps possible de la joie ! Ce qui ne peut se faire qu’en achetant leur album chez le disquaire le plus proche. A ce jour, on ne connaît pas encore meilleure manière de les remercier et de les encourager à continuer. Espérons que je serais écouté !

mercredi, janvier 03, 2007

Pendaison de Saddam : grossière erreur de timing

Je ne regretterais jamais la mort d’un homme aussi brutal, aussi sanguinaire, aussi inhumain que le défunt dictateur irakien, Saddam Hussein. Je suis farouchement contre la peine capitale, mais au vu de tous les horribles crimes horribles qu’il avait commis, dans son cas je suis plus qu’indécis. Car ses victimes se comptent par millions. En plus de son propre pays qu’il a mis à genou et l’avenir de tous ses compatriotes qu’il avait compromis. Peut-être pour toujours. À franchement parler, il mérite amplement d’être pendu. Pas une fois, mais plusieurs. Sauf qu’il y a un élément à ne jamais négliger. C’est la date de sa mise à mort. Tellement que c’est symbolique. Pour moi, la pendaison de Saddam samedi dernier a été un choix pour le moins déplacé. Que dire ! Une bourde monumentale. Et ce n’est pas les raisons qui manquent.
D’abord, parce que c’est la fête du mouton chez plus d’un milliard et trois cents millions de musulmans. Selon la tradition coranique, cette pratique est célébrée en souvenir du prophète Abraham. Pour le mettre à l’épreuve et tester sa foi, Dieu lui a recommandé de sacrifier son fils unique. Ce qu’il s’apprêtait naturellement à faire. Sans protester. Mais in extremis, il en a été empêché. Au lieu du fils, il faut égorger le mouton. Désormais, il en sera ainsi. C’est facilement constatable, il y a là, bien patente, l’idée de la miséricorde, de la clémence et même du pardon. D’ailleurs, ce jour-là chez tous les musulmans, pratiquants ou pas, il en est ainsi. Si l’on avait un quelconque conflit avec un voisin, un ami, un frère... c’est le moment idéal de le régler et de se réconcilier. Bref, de faire la paix et d’envisager l’avenir sur de nouvelles bases.

Ensuite, la mort de l’ex-raïs coïncide également avec un autre cérémoniel musulman, qui est tout aussi important. Je suis sûr qu’à un moment ou un autre, vous avez certainement aperçu ou entendu, au travers des médias, qu’en ce moment c’est le pèlerinage à la Mecque, le 5e pilier de l’Islam. Environ trois millions de pèlerins originaires des cinq continents sont réunis en Arabie Saoudite. Et ce pour accomplir cette obligation religieuse. C’est le jour le plus intense, le plus important du rite qu’on décide d’en finir avec Saddam. " Ceux qui ont pris la décision de le pendre ne se rappellent-ils pas le moment de l’arrivée des pèlerins à Minan ? ", se demande, dépité, un éditorialiste bien connu du Golfe persique.

Enfin, il faut savoir qu’on est pendant le mois de " dou-elhijja ". Selon le calendrier lunaire musulman, il fait partie des quatre mois les plus sacrés de l’année. Qu’on appelle d’ailleurs " al-hurum ". Il s’agit d’une tradition authentiquement arabe, reprise et sacralisée par l’Islam à son avènement. Elle y est totalement interdit de faire la guerre. Même à un ennemi, sauf dans le cas où il aurait été le premier à attaquer. Et encore ! En d’autres termes, toute effusion de sang y est fondamentalement prohibée. À l’époque préislamique, celui qui viole cette convention sociale, est cloué au pilori. Son honneur est définitivement entaché. Pire, la communauté tout entière le rejette. Pour toujours. Pendant la période islamique, c’est en terme de péché qu’on parle. Gare à celui qui la transgresse. La malédiction divine le poursuivra ad vitam aeternam. Sans possibilité de rachat.

Est-ce que les Irakiens qui ont décidé précipitamment de mener Saddam au gibet sont au courant de tout cela ? Certainement. Parce qu’ils sont arabes et musulmans. C’est d’ailleurs pour cette raison que beaucoup de gens, même les pires ennemis du dictateur, ont vu dans la date de sa pendaison une provocation pure et simple. " On aurait pu quand même attendre quelques jours... ", est un leitmotiv qui revient souvent dans les forums de discussion arabes et musulmans. Un sondage réalisé par le site Internet de la chaîne qatarie Al-Jazira va dans le même sens. Si ce n’est plus. 92.6 % des participants ont été littéralement scandalisés par la date choisie pour la mort de l’ex-homme fort de l’Irak. Ils l’ont vécue comme une humiliation. Une autre de plus. Que les médias amplifie douloureusement.