vendredi, août 11, 2006

Proche-Orient : guerre d’images et images de guerre

" La guerre du Vietnam était une guerre très médiatisée, les images de télévision y ont même joué un rôle essentiel dans la défaite américaine ", expliquait dans l’un de ses entretiens le sociologue français et grand spécialiste de la communication, Dominique Wolton. C’est vous dire leur importance déterminante, prépondérante, majeure dans toute confrontation armée.

Le même scénario à la vietnamienne n’est-il pas en train de se répéter dans cet énième conflit arabo-israélien, qui a lieu cette fois-ci au Liban ? Indubitablement. On peut même affirmer qu’Israël est d’ores et déjà battu à plate couture sur cet autre front non moins décisif, l’image. Non point qu’il n’en mesure pas toute l’importance, il en est plus que conscient.

D’ailleurs, au tout début de ses bombardements, la première des choses que l’État hébreux a faites, c’est de pilonner le siège de la chaîne du Hezbollah, Al-Manar, si bien que tous ses relais ont été complètement détruits. Les Israéliens ont même réussi à la pirater, pendant quelques minutes, lors de l’un de ses multiples journaux télévisés.

Malgré tout cela, et si étonnant que cela puisse être, Al-Manar continue toujours de narguer Israël, et inonde par le fait même ses téléspectateurs de son flot d’image de massacres et de destruction perpétrée au Liban. Impossible de déterminer son emplacement. Il faut bien dire que son importance pour le Hezbollah est vital. C’est par son biais que ce mouvement existe, communique et combat en même temps.

À supposer même qu’Al-Manar- cette station est déjà interdite dans plusieurs parties du monde- est dans l’impossibilité d’émettre, cela n’aurait changé en rien au cours des choses. Car la multitude de chaînes d’information en continu des pays voisins diffusent, en direct, à qui mieux mieux les dégâts de la guerre.

On connaît bien évidement la fameuse Al-Jazira, mais il y en a d’autres moins connues, mais terriblement efficaces. Al-Alam, la chaîne arabophone du régime iranien, Al-Arabiya, qui émet des Émirats arabes Unis mais qui est financé par les Saoudiens, Abu Dhabi... Sans oublier les dizaines et les dizaines de chaînes généralistes libanaises et arabes – qui se sont muées exceptionnellement en chaînes d’information -, qui présentent en continu, elles aussi, sans aucune censure, la folie meurtrière, la désolation et le carnage provoqués par la guerre.

À longueur de journée, le téléspectateur arabe et musulman y est abreuvé, presque jusqu’au dégoût, d’images d’enfants déchiquetés, de corps en lambeaux, de femmes éplorées, d’immeubles éventrés, de routes méconnaissables... En fait, que des visions pour le moins apocalyptiques.

Ce qui, comme vous pouvez bien l’imaginer, a comme conséquence logique la montée en flèche de l’hostilité des peuples et même de certains gouvernements de la région envers l’État hébreux. L’onde de choc est partie loin, très loin, jusqu’en Indonésie à titre d’exemple. Plusieurs dizaines de jihadises zélés se sont dits prêts à aller combattre aux côtés des forces du Hezbollah. C’est plus que sûr, le terrorisme aura de très beaux jours devant lui !

Quid des citoyens israéliens ? Sont-il informés des énormes dégâts commis en leur nom ? Ils sont certes surinformés de la pluie de katiouchas du Hezbollah et le déplacement de leurs compatriotes qui s’est ensuivi vers le sud du pays. En revanche, à la guerre comme à la guerre, le gouvernement d’Ehud Olmert a imposé un véritable black out sur ce qui se passe au Liban. C’est du moins ce qu’affirme un éditorialiste de " Haaretz ", Gideon Levy.

" La dévastation que nous semons aujourd’hui au Liban, dit-il désabusé, ne touche personne ici et, pour l’essentiel, n’est même pas montrée aux Israéliens. Ceux qui veulent savoir à quoi ressemble Tyr ces jours-ci doivent se tourner vers les chaînes étrangères : la BBC nous rapporte des images effrayantes, des images que nous ne voyons pas ici. Comment pouvons-nous ne pas être choqués par la souffrance que nous infligeons aux autres même quand, chez nous, le nord soufre aussi ? "

Espérons quand même que la voix de la sagesse va l’emporter dans ce Proche-Orient, qui n’arrête pas de ressusciter ses vieux démons, et que les belligérants vont arrêter, enfin, l'effusion de sang. Encore faut-il être deux : " soi-même et le voisin d’en face. " Ce qui n’est pas toujours évident vu les haines ataviques que se vouent les uns aux autres. C’est tout simplement désespérant !


lundi, août 07, 2006

Kaddafi accuse des chanteurs amazighs d'apostasie

Les autorités libyennes ont interdit à la troupe amazighe Ussan, invitée officiellement pour participer au festival de Tanger dont le programme a commencé hier jeudi.

Les forces répressives libyennes, comme à l’accoutumée, ont fait d’incroyables efforts pour empêcher les jeunes musiciens de quitter la Libye et de se rendre au Rif.

Les noms des membres d’Ussan ont été signalés, comme de vulgaires criminels, à tous les points de sortie du territoire libyen. Ils ont même été accusés, tenez-vous bien, d’apostasie. Ce qui est passible de la peine de mort selon les lois en vigueur dans ce pays. Et cela dans le cas où les membres d’Ussan seraient traduits devant les fameux tribunaux du peuple.

" Le régime libyen a fiché tous ses musiciens et a intimé l’ordre à sa sinistre police et à ses douaniers zélés de leur interdire la sortie de la Libye pour les empêcher par tous les moyens de se rendre au Maroc", nous confie une source très proche d’Ussan.

La même source ajoute que : " le ministère de la culture dans le gouvernement du régime libyen a refusé catégoriquement d’agréer l’invitation faite à la troupe afin de lui permettre de participer au festival de Tanger. Par ailleurs, Ussan n’a absolument pas daigné demander les billets d’avion pour ses membres, comme c’est le cas pour les autres groupes musicaux libyens qui voyagent à l’étranger. Cette interdiction est une preuve, une fois de plus, que le régime libyen ne s’est pas encore départi de sa haine historique de tout ce qui est amazigh ".

La très engagée troupe d’Ussan est originaire de Zouara. Elle a d’ailleurs participé, d’une façon remarquée, au festival qui a eu lieu dernièrement aux îles Canaries. Tous les frais de ce voyage ont été supportés par les membres du groupe.

jeudi, août 03, 2006

Zidane: la récupération opportuniste

Que les Français- Chirac en tête- fassent tout pour récupérer Zidane et son image, personne ne peut le leur contester. C’est leur droit le plus absolu. Parce que Zidane est français, il est né et a toujours vécu en France. Parce qu’il mouille sa chemise depuis plus d’une décennie pour l’équipe de France de soccer.

Il est même le Français le plus connu, le plus célèbre de par le monde. Il a même surclassé les indéboulonnables Delon et autre abbé Pierre. Même si son nom et prénom n’en finissent pas d’interpeller plus d’un. Il faut reconnaître qu’ils n’ont rien de franchement gaulois.

Mais que des non-Français essayent, gauchement, de faire de même nous laisse sans voix. C’est le cas du très bouillant président algérien, Abdelaziz Bouteflika. Surfant sur la vague de l’extase footbalistique qui s’est emparé du monde lors de la finale de la Coupe du monde, il n’a pas hésité à adresser à Zidane un message on ne peut plus chaleureux l’invitant en Algérie et justifiant- c’est vraiment le comble- l’inadmissible coup de boule qu’il a assené à un joueur italien.

Le chef de l’État algérien a décidément la mémoire courte. Il faut dire qu’il manque de suite dans les idées. Bien plus, il s’est carrément fâché, et c’est peu dire, avec la logique et le bon sens. Et cela pour deux raisons.

Primo, quelques jours auparavant, avant son fameux message à Zidane, il a fait un discours fleuve, à l’emporte-pièce – c’est sa spécialité- pour justement vilipender avec des mots très durs les binationaux, à savoir tous les Algériens qui ont opté pour la double nationalité. Il les a accusés de " mépris envers leur pays d’origine " et de trancher en décrétant que " celui qui détient un passeport étranger ne peut avoir en même temps le passeport algérien. " Pire, et c’est vraiment sidérant, il n’a pas hésité à reprocher au même Zidane de dédaigner les couleurs nationales pour défendre le drapeau français.

Deuxio, et c’est un secret de polichinelle, Bouteflika a toujours pris en grippe les Kabyles et les Berbères, le peuple autochtone d’Afrique du Nord. Et justement Zidane est un Berbère. Mais qui s’en souvient encore ! Pour ceux qui ne le savent pas, ses parents sont originaires d’un village au fin fond de la Kabylie. Une région montagneuse, escarpée, connue par son irrédentisme berbère et son opposition parfois virulente aux desseins arabistes du régime algérien. Depuis des décennies, les Kabyles demandaient la reconnaissance de leurs spécificités culturelles, mais en vain. En guise de réponse, Bouteflika est parti en plein milieu de Kabylie pour affirmer, dans un geste de provocation manifeste, que tant qu’il est vivant le tamazight, la langue des Berbères, ne serait jamais officielle. Plus grave encore, lors des manifestations de colère de la jeunesse kabyle au printemps de 2001, la soldatesque de Bouteflika n’a pas hésité à réprimer dans le sang les cousins de Zidane. Résultat : 132 morts et plus de 5000 blessés dont une bonne partie est handicapée à vie.

Mais tout cela le président algérien n’en a cure. Le principal pour lui est de récupérer, même gauchement, cette figure de proue du sport, mondialement connue et reconnue, que représente Zidane. On oublie facilement que le peuple de ce même Zidane ( qui n’est pas le premier Berbère à faire le bonheur des bleus et des plus grands clubs français, car déjà pendant les années 30 et 50 il y avait Larbi Benbarek) continue à subir l’exclusion, l’oppression et parfois même la répression. Mais il suffit que l’un d’eux réussisse, le plus souvent à l’étranger, pour que les dirigeants nord africains- Bouteflika n’est pas le seul malheureusement- s’empressent de lui faire les yeux de Chimène. Mais personne n’est dupe. Surtout pas les Berbères !