lundi, juin 12, 2006

Coupe du monde : une autre manière de taquiner le « cuir »

Pour peu que vous portiez de l'intérêt à la mythologie grecque, Artémis doit certainement vous être familière. Si dans le cas contraire, je vous dis de quoi elle retourne, immédiatement. Il s'agit en fait de la déesse de la virginité et de la chasteté. Si paradoxal que celui puisse être, c'est ce joli nom qui a été donné à l'immense maison close ouverte non loin du grand stade de la capitale allemande, Berlin. Et ce à l'occasion de la Coupe du monde de soccer.

Prosaïquement, ce bordel des temps modernes est une sorte de « centre d'achat » du sexe. Il est composé d'un imposant édifice de quatre étages et s'étend sur une surface de quelque 3000 m2. Selon les pronostics, 650 clients vont y défiler chaque jour pour une centaine de prostituées. Si ces dernières doivent s'acquitter d'un droit d'entrée de 50 euros, les consommateurs, eux, c'est 70.

Après quelques mois d'exploitation, cette entreprise d'un nouveau genre est on ne peut plus prospère. Elle est tellement rentable que déjà l'investissement de 6,4 millions d'euros est totalement remboursé, avant même le commencement de la Coupe du monde. Il faut dire que pour attirer la clientèle, on n'a pas lésiné sur les moyens : pendant plusieurs semaines, les Allemands ont été la cible d’une campagne de publicité pour le moins agressive.

Profitant d'une législation par trop permissive, - la prostitution est légale en Allemagne- les promoteurs du sexe s'en donnent à coeur joie. Ils ont investi tout le territoire avec une attention particulière pour les 12 villes où se disputent les matchs: des lupanars temporaires y sont montés, appelés par euphémisme des « cabines de prestation ». On a pensé à tout pour y assurer l'anonymat et le confort au client potentiel : préservatifs, douches et stationnements sont mis à sa disposition. Fidèles à eux-mêmes, les Allemands n'ont pas fait dans la demi-mesure. Ils sont tellement « efficaces » qu'ils peuvent se targuer d'être les premiers à avoir « taylorisé » le sexe, comme dans n'importe quelle unité manufacturière.

Sauf qu'il y a un hic, la « matière première » risque de manquer vu que la demande va exploser incessamment. Selon la police berlinoise, le nombre des prostituées dans une période normale ne dépasserait pas les 2000. Ce qui est déjà peu pour une agglomération comme Berlin, et a fortiori si elle va accueillir plusieurs millions de mordus de soccer. Il faut donc penser à en « importer » dans les pays moins lotis économiquement. Principalement l'Europe de l'Est et même l'Amérique latine. D'ailleurs, la presse allemande parle d’un besoin de 40 000 femmes. Pire, un rapport du Conseil de l'Europe a évoqué le chiffre encore plus vertigineux de 60 000.

Le plus étonnant, et certainement dans le souci de pallier à toute « pénurie », le gouvernement fédéral allemand s'y est mis aussi. Il est allé jusqu'à mettre sur le marché un prospectus de voyage destiné aux prostituées étrangères. Il y explique pêle-mêle les meilleures manières d'éviter les réseaux de proxénètes et de passeurs. Ce qui est en soi est très bonne chose. Mais en même temps, et c’est vraiment kafkaïen comme situation, il se permet, d’une part, le luxe de transgresser ses propres lois en conseillant aux intéressées de traverser la frontière là où il n'y a pas de douane et il exige, d’autre part, l’acquisition des papiers de séjour pour pouvoir exercer dans le pays de Goethe.

Reste que la seule possibilité de se les procurer est de contracter un mariage d'autant plus que, au vu de la loi de ce pays, tout mari a le droit de mettre sa femme sur le marché de la prostitution, sans rien risquer. Un vrai filon pour bon nombre d'hommes allemands qui vont chercher des épouses à l’étranger en leur promettant monts et merveilles. Mais une fois sur place, le cauchemar commence. Un phénomène que la Coupe du monde va certainement accentuer. Ce qui suppose des drames de toutes sortes, car beaucoup de ces femmes ne sont pas du tout au courant des desseins purement mercantiles de leurs princes charmants.

Sur ces entrefaites, on pourrait aisément imaginer que la situation des femmes en situation irrégulière est pire encore. Il faut savoir qu’elles sont complètement démunies par rapport à la loi. À tout moment, elles risquent l'expulsion immédiate pour cause de séjour illégal. En cas de traitement dégradants qu'elles subiraient, elles n'ont tout simplement aucun recours. Qui plus est, elles ont souvent affaire à des réseaux de proxénètes extrêmement puissants, extrêmement bien structurés. Dans ce cas précis, qu’on se le dise une fois pour toute, il s'agit ni plus ni moins que d'une traite humaine dans un État qui se permet de faire la leçon aux autres pays. La Chine entre autre.

Mais que vous voulez, la prostitution engrange des sommes absolument fabuleuses. On ne parle plus là en terme de millions, mais de milliards de dollars. Le gouvernement allemand, pragmatique à l’extrême, n’a tout simplement pas fait la fine bouche devant une telle manne. Mais au passage, il a piétiné allègrement la dignité humaine.

Et qu'en est-il de l'attitude de la fédération internationale de soccer ? Pressée par le Conseil de l'Europe de s'expliquer, Joseph Blatter son président, a affirmé, dans un communiqué publié le 14 avril dernier, que « la question de la prostitution et du commerce des femmes n'est pas du ressort d'une fédération sportive internationale ».

Seules les organisations de femmes, en Allemagne même et un peu partout dans le monde, se sont insurgées contre cette situation intolérable. La célèbre avocate et le porte-parole de la cause féministe en France, Gisèle Halimi, a pris sa plume pour adresser une lettre de protestation à la chancelière allemande, Angela Merkel. Quant aux États, seule la Suède a tenu à protester officiellement. Des voix y ont même appelé l'équipe nationale à boycotter ce Mondial et à retourner illico presto au bercail. Mais comme vous pouvez l’imaginer, toutes ces initiatives sont restées lettre morte.

Au total, si à ce jour le vainqueur de cette Coupe du monde nous est complètement inconnu, les perdantes on les connaît déjà : ce sont les femmes, toutes les femmes.

lundi, mai 22, 2006

STM: chauffeurs nerveux et trop près de leurs freins

Chronique:

Si le syndicat des employés d'entretien de la Société de transport de Montréal (STM) a tout à fait raison d'estimer, dernièrement, que l'état actuel de la flotte d'autobus est en piteux état, moi, j'ai des griefs d'un autre ordre.

Ce qui m'énerve au plus haut point avec les bus montréalais, ce sont les coups de freins intempestifs. C'est une coutume presque quotidienne. Il n'est pas rare que le bus roule tranquillement et, tout d'un coup, on est terriblement et brutalement secoué, si on n'est pas bousculé par d'autres passagers. Plusieurs fois, j'ai vu des personnes âgées et même des jeunes et des enfants se faire projeter devant et même tomber jusqu'à rouler par terre. Heureusement, jusqu'à ce jour, je n'en ai vu aucun se faire blesser ou avoir une fracture. Mais c'est juste une question de temps, si rien n’est fait.

À chacun de vos trajets, il faut donc être de très bonne condition physique et surtout avoir une présence d'esprit constante. Je ne vous conseille nullement de rêvasser ou de partir ailleurs. Car le bus n’est pas le lieu idéal. Si vous êtes debout, il suffit de manquer d'attention, fût-ce un moment, pour que vous vous preniez sur le visage l'une des barres de sécurité plantées en plein milieu du bus, et même que vous tombiez sur les chaises. Et là les risques peuvent être autrement plus dangereux.

Et ce qui est bizarre, c'est que les chauffeurs n'en ont vraiment cure. Dans la majorité des cas, et cela m'a vraiment étonné, ils restent de marbre sans que cela leur fasse ni chaud ni froid. Peut-être qu'on leur a dit d'avoir une telle attitude insensible. Mais à y réfléchir de près, on se dit que ce n'est nullement normal. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans cette histoire. La moindre des choses, et c'est humain avant que ce soit professionnel, c'est de s'enquérir de la situation. En fait, on pourra toujours attendre.

Il n'y a pas que cela qui m'a surpris. On est souvent accueilli par des chauffeurs irascibles avec des mines patibulaires. On dirait qu’ils sont obligés de faire un tel travail. Il faut donc vite montrer sa carte et s’engouffrer dans le bus en rasant le mur, on ne sait jamais. Pire, chez certains l'impolitesse est de rigueur. Plusieurs fois, et j'en ai fait malheureusement l'expérience. En leur disant « bonjour » ou « au revoir », je n'ai eu droit en guise de réponse qu'un silence de tombe. De « guerre lasse », personnellement, je n'ose plus dire quoi que ce soit.

Pire, si vous leur demandez un quelconque renseignement, là aussi, si vous ne tombez pas sur quelqu'un qui a eu pitié de vous, il ne faut pas trop se bercer d'illusions. Car à tous les coups vous risquez d'avoir en guise de réponse un, « j' sais pô» sec et net. Alors qu'ils sont censés connaître la ville où ils travaillent, ou du moins avoir une carte pour aider tous ceux qui cherchent à avoir tel ou tel renseignement.

On se demande presque sur quels critères la STM embauche ses chauffeurs. Il faut reconnaître qu'il y a là un malaise. Dans tous les pays du monde, il faut un certain nombre de conditions : la disponibilité, un sang froid à toute épreuve, beaucoup de patience... Car lorsqu’on est constamment en contact avec le public, j’avoue que ce n’est pas toujours évident. Mais une chose est sure, ces qualités font horriblement défaut chez une bonne partie des chauffeurs de la STM.

Heureusement qu’il y en a certains ou plutôt certaines- c’est souvent des femmes- qui sauvent l’honneur. Sinon, j’aurais personellement préféré marcher que de prendre des bus où j'aurais certainement un mal de crâne- à force d'être balloté- en plus de ne pas y être spécialement le bievenu.
Lahsen Oulhadj

vendredi, mai 12, 2006

Violences politiques de Philippe Braud

Si le thème de la violence vous interppelle -on se demande comment cela ne serait pas le cas- et vous cherchez vainement des réponses à vos interrogations, Violences politiques de Philippe Braud peut vous être d’un grand secours.

Dans cet essai publié chez Seuil, Ph. Braud, professeur à science po de Paris, nous a gratifié de la somme, extrêmement synthétisée au demeurant, de ses recherches dans le domaine.

Après avoir exposé l’essentiel des travaux classiques en guise d’une grande introduction fort utile, le thème des violences a été décortiqué sous toutes les facettes et dans toutes les postures.

À quel moment la violence physique est probable ? Comment peut-on expliquer la violence ? Quelles sont ses propres logiques ?... C’est à toutes ses questions et à tant d’autres que vous allez trouver des réponses plus que convaincantes.

La violence symbolique aussi n’est pas non plus omise. L’auteur la met au même niveau que la violence physique. Le chapitre qui lui est consacré est de loin mon préféré. Un vrai bonheur.

Car personne n’est à l’abri de cette violence dont peut être conscient, mais pas toujours. En tous les cas pas tous les gens ont la capacité de la saisir. Car insidieuse et difficillement décelabe.
Lahsen Oulhadj