dimanche, novembre 26, 2006

Une pluie de chaînes arabes sur le " Maghreb arabe"

Certains médias arabo-marocains ont carrément sauté de joie en apprenant que la télévision libanaise LBC lance sa chaîne destinée au " Maghreb arabe ". Ils en feront probablement pareil lorsqu’ils sauront que la société émiratie Dabi, elle aussi, va faire de même, incessamment. Pour leur grand bonheur assurément, la fameuse Al-Jazira, connue par son chauvinisme arabe exacerbé et sa promotion de l’islamisme le plus radical, a déjà lancé en grande pompe son propre journal quotidien destiné encore et toujours au même " Maghreb arabe ". Toute cette effervescence télévisuelle orientale, très inquiétante au demeurant, m’a inspiré ces quelques petites et modestes remarques.

Primo, vous n’êtes pas sans savoir que cette appellation du " Maghreb arabe ", banalisée par les médias arabes, est on ne peut plus coloniale, impérialiste, raciste, ethniciste, excluante, insultante... Mais personne n’en a cure. Il ne faut surtout pas s’attendre que l’on arrête de s’en fait l’écho. Au contraire, on continue avec un plaisir non dissimulé à la répéter sur tous les tons. Mais il y a un hic. Le mot Maghreb est déjà arabe que l’on sache, n’est-ce pas ? Pourquoi donc le qualifier encore d’arabe ? Cette insistance, pathétique du reste, est révélatrice. Elle a le mérite de montrer au grand jour qu’il y a un problème. Un gros malaise même. En effet, l’Afrique du Nord n’est pas arabe. Elle ne l’a jamais été. Mais il y a un risque important qu’elle le devienne. Pour mener à bien ce " noble objectif civilisateur" dans le far west amazigh, les monarchies pétrodollarisées du Golfe- où paradoxalement les Arabes deviennent de plus en plus dangereusement une minorité- ne lésinent jamais sur les moyens. Il suffit juste de lever le petit doigt et vous serez noyé sous des tonnes de billes verts, sans condition, illico presto.

Secundo, il ne faut pas en fin de compte reprocher aux Moyen-orientaux de qualifier notre région de " Maghreb arabe " et même nous intégrer bien malgré nous à leur nation et autre patrie arabes. Il faut savoir que tout ce que nous avons comme élite autoproclamée n’a des yeux que pour l’arabisme et ses avatars. N’en parlons même pas des dirigeants. Ils ne ratent jamais aucune occasion pour nous rappeler que nous sommes au " Maghreb arabe ", c’est-à-dire chez eux. Qui plus est, ils n’arrêtent pas de souhaiter de voir son union se concrétiser sous la bannière de l’empire virtuel arabe (l’empire français qui l’a réalisée était, lui, bel et bien une réalité). Ce à quoi le chef des terroristes du Polisario, soutenu à bras-le-corps, rageusement et désespérément par Bouteflika et ses généraux sanguinaires, répond en écho. Sauf qu’il faut satisfaire sa plus grande lubie qu’il caresse depuis plusieurs décennies déjà : son intronisation solennelle à la tête de son ex-future république arabe très démocratique du Sahara occidental. Sinon, il n’y aurait ni union ni rien du tout. Reconnaissez quand même que c’est terriblement drôle !

Cela étant dit, quelle serait donc, si on revient à nos moutons, l’utilité des chaînes " publiques " marocaines devant raz de marée de médias arabes ? Il faut savoir qu’une grande partie de leurs programmes sont importés à coup de millions de dollars US du Moyen-Orient. Poursuivront-elles encore et toujours cette même politique fondamentalement absurde ? Continueront-elles à faire des Marocains des zombies juste bons à consommer les navets arabes ? Nul ne le sait. Mais une chose est sûre : malgré la créativité audiovisuelle dont l’amazighité a toujours fait preuve, les responsables des " médias publics " marocains ne veulent en aucun en entendre parler. Et tous les prétextes sont bons justifier cette aberration on ne peut plus raciste. Même les plus risibles et les plus loufoques.

Et comme si cela ne suffisait pas, Tel Quel n’a pas résisté au plaisir d’entrer dans la mêlée. Et ce, pour jouer sa propre partition faite de discrédit et de désinformation. Selon ce très respectable et non moins déroutant hebdomadaire, les défenseurs de l’amazighité à la télévision ne sont rien de moins que des aigris en mal de publicité. Rien que cela. Présentée presque comme un scoop, la raison de leur dernier tohu-bohu presque déplacé est dû au refus de leurs projets télévisuels. Sidérant, n’est-ce pas ? En fait, pas tant que cela. Après sa logorhée délirieille aux accents "attajdidistes " fustigeant, à la limite de l’obscénité, encore et toujours ce serpent ennuyeux de "l’extrémisme amazigh " (le vrai terrorisme arabiste avec ses effroyables dégâts humains et matériels, nul n’a encore pensé à le dénoncer), publiée dernièrement dans la version arabe du même canard, il ne faut pas s’attendre à mieux.

Avant de reprocher aux autres d’être atteints de schizophrénie, il serait peut-être judicieux de commencer une petite cure pour en guérir soi-même. N’est-ce pas messieurs les responsables de Tel Quel ?

mercredi, novembre 15, 2006

Hommage à Al-Jabiri : l’UNESCO est piégée

L’UNESCO s’apprête à honorer Mohamed Abd Al-Jabiri, l’un des théoriciens les plus connus de la tristement célèbre idéologie baâthiste. Ce qui a scandalisé plus d’un. Surtout les Amazighs qui n’ont pas hésité à le faire savoir. En lançant une pétition. Pour en apprendre plus, nous avons contacté l’un de ses initiateurs, le militant amazigh bien connu, Ali Khadaoui.

Est-ce que vous pouvez vous présenter en quelques lignes ?

Je m'appelle Ali Khadaoui, natif d'Ajdir (à l'Est de Khénifra) au Moyen-Atlas, vers 1953, sous une tente traditionnelle. Inspecteur principal de l'Enseignement secondaire à la retraite; poète en français et amazigh, peintre et anthropologue, spécialiste de la question amazighe. Conférencier sur la même question. Militant de la cause amazighe depuis plus de vingt ans. Ancien membre du Conseil Fédéral du Congrès mondial amazigh (1999-2002) et du Bureau national de l'AMREC depuis 1996 (Association marocaine de recherche et d'échanges culturels) : j'y ai démissionné en juillet 2006 après 15 ans d'intenses activités associatives pour divergences de vue quant à la stratégie à suivre pour amener le pouvoir à reconnaître pleinement l'amazighité du Maroc.

Vous avez été aussi membre de l’Institut royal de la culture amazighe (IRCAM) ...

J’ai été un ex-membre du Conseil d'Administration de l'IRCAM, duquel j'ai démissionné également avec six autres membres en avril 2005 pour protester contre l'absence de volonté politique réelle du gouvernement à prendre en charge l'amazighité dans toutes ses dimensions. Notre démission avait un double objectif : d’une part, montrer au Pouvoir qu'il existait encore dans ce pays des Amazighs qu'on ne peut pas acheter ; d’autre part, introduire une rupture épistémologique dans le discours du Mouvement amazigh après la crise provoquée par la création de l'IRCAM (la cooptation de la majorité des grands militants par le Pouvoir a fini par désorganiser tout le mouvement amazigh), afin que ce dernier puisse repartir sur des bases plus solides qu'avant. En tout cas, c'est ce que nous croyons et nous faisons tout pour y arriver.

Pensez-vous que l'UNESCO ne connaît pas assez Al-Jabiri pour l'honorer ou est-ce une provocation ?

Nous pensons que l'UNESCO a été induite en erreur par le lobby arabe très influent au sein de cette organisation, surtout le lobby andalou marocain. Je pense également qu'il s'agit d'une opération politicienne (l'autre candidate à l'hommage est une juive allemande) qui s'inscrit dans les efforts que certains déploient pour rapprocher les Israéliens et les Arabes. Dans ce cas, l'UNESCO a été piégée.

Pensez-vous que l'UNESCO va vous entendre ?

Si nous avions disposé de plus de temps et de moyens (surtout humains), l'UNESCO nous aurait sûrement entendu car notre cause est on ne peut plus juste, et M. Al-Jabiri est on ne peut plus raciste du point de vue des principes des instances internationales elles-mêmes.

Al-Jabiri est un anti-amazigh primaire même s'il est amazigh lui-même, que pouvez-vous nous dire sur ce genre de personnes qui sont malheureusement très nombreux ?

M. Al-Jabiri n'est pas amazigh même s'il dit avoir vécu à Figuig et parlé le tamazight jusqu'à l'âge de 12 ans. M. Al-Jabiri se définit comme étant un chérif descendant des "Al-Jaber du Koweit" ; de plus, être amazigh aujourd'hui relève de la conscience qu'historiquement, anthropologiquement et génétiquement, l'Afrique du Nord est amazighe. Eu égard à ces vérités, l’étude de la colonisation peut nous éclairer à bien des égards. Et comme dans toute situation coloniale, les Amazighs anti-amazighs relèvent de ce que Paul Nizan appelait déjà "le complexe du colonisé".

Réalisé par Lahsen Oulhadj

dimanche, novembre 12, 2006

Maroc : enfin une ONG amazighe des droits humains

25 ans, enseignant, Said Ezzaoui est un fervent militant qui n’a de cesse de lutter pour les droits du peuple amazigh. Il a été membre des plus grandes organisations amazighes avant de décider avec ses amis- tout aussi actifs- qu’il est temps de mettre sur pied une ONG amazighe des droits humains. Il faut dire qu’elle en manquait terriblement. Ce qui fut concrétisé en peu de temps. Et c’est en tant que son coordinateur général que nous l’avons contacté pour répondre à quelques-unes de nos interrogations. À lire impérativement !


Pourquoi une Ligue amazighe des droits humains ( LADH) ?
Nous sommes un groupe de jeunes militants, pratiquement tous issus du mouvement culturel amazigh (MCA), qui étaient conscients, depuis longtemps, de la nécessité de créer une structure organisationnelle à même de défendre le peuple amazigh non seulement au Maroc, mais dans l'ensemble des pays du Tamazgha. Ainsi, le plus logiquement du monde, la Ligue amazighe des droits humains (LADH) a vu le jour dans le courant de mois juillet dernier. Les raisons sont les suivantes : les violations continues des droits du peuple amazigh (droits culturels, droits linguistiques, droits économiques, droit à la vie et à l'existence...) ; le mutisme total de toutes les associations et autres organisations des droits de l’homme- d’obédience arabiste- œuvrant au Maroc par rapport à la situation inique que vivent les Amazighs ; la participation dans la dynamique internationale du mouvement des droits de l'homme. Ce qui passe, à mon avis, par le biais de deux modes d’emploi : intégrer, d’une part, les revendications amazighes dans le processus mondial de défense des droits humains et, d’autre part, les faire connaître le plus possible aux organisations internationales comme l’ONU…

Pour quelle raison vous dites que les ONG des droits de l’homme sont d’obédience arabiste ?

Nous, membres de la Ligue amazighe des droits humains, ne nions en aucun cas le rôle historique important de ces organisations dans la défense et l’amélioration des droits de l’homme au Maroc. Mais nous nous sommes rendu compte qu’elles font totalement litière des droits culturels, linguistique et historique du peuple amazigh. Leur vision de la défense des droits de l’homme est théoriquement globale et n’exclue personne, mais dans la réalité, c’est tout autre chose. Et ce, pour des raisons idéologiques plus qu’évidentes. Nous n’oublierons jamais l’attitude scandaleuse de Abderrahman Ben Amrou, l’ex-président de l’Association marocaine des droits de l’homme ( AMDH) et l’un des ténors du parti de l’Avant-garde socialiste lors du congrès de la Confédération internationale des droits de l’homme (FIDH) tenu à Casablanca en janvier 2001. Il avait refusé catégoriquement de soutenir une proposition appelant le régime marocain à officialiser la langue amazighe. Pire encore, lors des Congrès de ses ONG marocaines, nous savons également que bon nombre de nos militants amazighs y sont souvent l’objet de pressions tous azimuts et d’intimidations diffuses. En fait, ces ONG restent encore et toujours tributaires des courants arabo-baâthistes, qui dominent toutes leurs structures et tous leurs appareils exécutifs. À telle enseigne qu’il est parfois très difficile de les distinguer de tous ces partis arabo-islamistes présents sur l’échiquier politique marocain. Des partis qui ne ratent jamais aucune occasion de s’enorgueillir d’être très dépendants du Moyen-Orient. Vous pouvez en juger vous-même. Lisez juste leurs communiqués pour savoir à quel point, pour ces organisations, seuls les problèmes arabes ou des Arabes sont dignes d’être évoqués !

Peut-on dire que ce sont donc des ONG pour la défense des droits de l’homme " arabe " ?

Malheureusement oui. Ces organisations n’ont jamais démontré qu’elles défendent les droits du peuple amazigh. C’est un sujet qui ne les intéresse guère. Contrairement au problèmes des Arabes et du Moyen-Orient. D’ailleurs, elles ne parlent que de cela. Dans ces conditions, on ne pouvait indéfiniment rester les bras croisés et les attendre qu’elles changent d’attitude. Nous devions agir et nous prendre nous-mêmes en charge. Nous avons donc pensé créer notre propre organisation qui aura pour tâche principale la défense des droits du peuple amazigh non seulement au Maroc, mais dans tout le Tamazgha.

Ne pensez-vous pas qu’une telle organisation devait exister depuis longtemps déjà, vu la multitude d’injustices dont est victime le peuple amazigh ?

En effet, il fallait que les militants amazighs créent une organisation des droits de l’homme propre à eux depuis longtemps. Puisque les violations des droits du peuple amazigh ne datent pas d’aujourd’hui. Si ce n’était pas fait, c’est pour ces raisons. Une bonne majorité d’entre eux ont plutôt opté pour le travail associatif qui, comme vous le savez, a toujours oeuvré d’une manière concomitante sur trois domaines : le culturel, le politique et les droits de l’homme. En parallèle, une partie de nos militants a plutôt tablé sur un changement à venir des organisations existantes au Maroc par rapport à la question de l’amazighité. Comment ? Par l’entrisme au début et en y créant des groupes de pression, par la suite, afin de les amener à s’intéresser à la situation désastreuse du peuple amazigh. Mais en vain. Nos espoirs ont été déçus, car elles sont toujours restées crispées et insensibles par rapport à tout ce qui a trait à l’amazighité. Nous n’avions plus le choix. Il nous fallait notre propre organisation. Nous avons attendu que les conditions soient réunies pour passer à l’ " acte ". Ce qui fut fait. La LADH a vu effectivement le jour. Et ce pour défendre les droits de l’homme dans leur globalité, tels qu’ils sont définis par tous les traités internationaux.

Et l'administration marocaine, ne s'est-elle pas opposée à votre projet ?

Cela fera bientôt trois mois que notre organisation est née, et à ce jour nous n’avons aucun problème avec les autorités. Il faut dire que nous avons fait les choses dans les règles. Nous avons préparé minutieusement notre dossier en respectant scrupuleusement les exigences de la loi. Nous avons reçu en conséquence notre récépissé provisoire. Sans aucun problème.

Vous habitez dans l'arrière-pays du Souss ( Bouizakarn, Taghjjijt et Timoulay…), n'est-il pas difficile de travailler dans de telles conditions ? Ne serait-elle pas mieux que vous soyez dans une grande ville comme Agadir par exemple ?

Il est vrai que les fondateurs de la Ligue amazigh sont loin des grands centres urbains du Souss, mais sachez que cette situation a du bon. Car là nous sommes des témoins directs des terribles souffrances de nos populations rurales complètement exclues. Je suis d’avis que les conditions de notre combat seraient probablement meilleures dans les villes, mais l’évolution technologique impressionnante des moyens de communication et leur accessibilité ont fait que les distances se sont grandement rétrécies. Je tiens quand même à faire une mise au point : notre combat est celui de tout un peuple. Il ne doit en aucun cas être monopolisé par nos seules élites citadines. C’est l’affaire de tous les Amazighs, sans exception aucune.

Quelles sont les réactions des autres organisations marocaines des droits humains par rapport à l’avènement de la LADH ?

La création d’organisations telles que la nôtre est un droit que protègent tous les traités et toutes les conventions internationales des droits de l’homme. Si ces organisations y croient réellement et s’y inspirent, normalement, elles sont obligées de nous respecter et même de nous encourager. Mais jusqu’à présent, nous n’avons aucune réaction, ni positive ni négative. Par ailleurs, beaucoup de militants amazighs au Maroc, dans les pays du Tamazgha et dans la diaspora se sont manifestés pour nous souhaiter leur soutien le plus ferme.

Pouvez-nous faire un bref topo sur l’essentiel de vos actions jusqu’à aujourd’hui ?

Malgré le jeune âge de notre organisation, elle a pu quand même suivre avec une attention particulière toutes les violations des droits du peuple amazigh que ce soit au Maroc ou dans tout le Tamazgha. Ces cas ont été signalés aux responsables gouvernementaux et ont fait également l’objet de communiqués de dénonciation, diffusés via la presse nationale et internationale. On peut en citer : l’interdiction des prénoms amazighs, l’expropriation de notre peuple de ses terres ancestrales et de ses richesses naturelles, l’empêchement scandaleux de la troupe libyenne, Ussan, de participer au festival de Tanger, la lâche tentative d’assassinat dont a été victime Dda Hmad Adgherni… Pour rehausser le niveau de ses militants, la LADH a organisé plusieurs ateliers de formation dans le domaine des droits de l’homme. Dans le courant du mois de novembre 2006, sera organisé son premier conseil national, qui est la plus importante structure en son sein après le congrès national. Il sera l’occasion pour que les membres du bureau exécutif et les coordinateurs régionaux ( 10 comités régionaux ont vu le jour dernièrement ) pour discuter et étudier les derniers développements de la situation de droits de l’homme au Maroc, la situation du peuple amazigh, les stratégies à venir de la LADH…

Quels sont les projets que vous vous êtes fixés ?

Ce n’est pas cela qui nous manque vraiment. Même si la liste est longue on peut les résumer ainsi : organiser des journées d’études et ateliers sur la situation des droits de l’homme en général, et du peuple amazigh en particulier ; préparer des rapports réguliers sur les violations flagrantes des droits de l’homme ; fonder un centre médiatique spécialisé dans la question des droits de l’homme ; mettre sur pied des rencontres avec d’autres organisations nationales et internationales qui œuvrent dans le même domaine…

Vous parlez souvent du peuple amazigh, quel sens lui donnez-vous ?

En tant que marocains, nous appartenons géographiquement et politiquement à un pays, le Maroc. Le peuple qui habite ce pays et tout le Tamazgha est amazigh par excellence. D’ailleurs, toutes les sciences ( sciences humaines, archéologie, Histoire, anthropologie…) le prouvent et le démontrent. Or au cours de l’Histoire, les royaumes amazighs ont vécu des périodes de déclin qui ont vu la venue de bon nombre de peuples ( Phéniciens, Roumains, Byzantins, Vandales, Arabes, Français…) à des fins coloniales ou pour trouver refuge chez nous. Ces groupements humains, aussi forts qu’ils pouvaient être, n’ont jamais pu imposer aux Amazighs leur culture ou leur manière de vivre. De tout temps, notre peuple a préservé farouchement ses spécificités identitaires et culturelles.

Et le peuple arabe ?

Dire qu’il y a un peuple arabe en Afrique du Nord est complètement non fondé et ne résiste pas devant les preuves de la science et de l’Histoire. Le peuple arabe existe bien évidemment, mais chez lui, en Arabie, alors que l’Afrique du Nord est la terre du peuple amazigh. Quant au fait que le Maroc est totalement islamisé, là aussi c’est un mythe plus qu’autre chose. Un mythe que les barbus et les tenants d’un État religieux savent maintenir à dessein. Notre pays a toujours connu une pluralité confessionnelle. Il y a effectivement des religions qui ont disparu, mais leurs influences est toujours aussi vivaces. En tous les cas, et c’est mon point de vue, la religion est changeante. On ne peut donc la considérer comme un paramètre stable définissant l’identité de tout un peuple. Par ailleurs, je m’étonne toujours de ceux qui parlent, à souhait, du peuple arabe, turc, perse, mais se refusent à évoquer les Amazighs, comme un peuple à part entière avec son Histoire, son identité et sa culture. Ceux qui nous considèrent comme des Arabes et intègrent notre Tamazgha à leur monde arabe montrent, de ce fait, au grand jour leur vraie nature de colonialistes et d’impérialistes.

Réalisé par Lahsen Oulhadj

dimanche, novembre 05, 2006

Égypte : vers une république monarchique !

République monarchique dites-vous ? Je suis intimement convaincu que vous ne trouverez jamais rien de poétique à cet assemblage pour le moins insolite. S’il ne vous choque pas, il doit tout au moins vous surprendre. Et pour cause. En principe, et nous le savons que trop bien, les systèmes républicains ne sont jamais dynastiques. Mais il en va tout autrement pour certains dictateurs. Après avoir passé toute leur vie au pouvoir, ils veulent en quelque sorte s’y éterniser, symboliquement. Comment ? En prenant toutes sortes de soins pour le léguer à leur chère progéniture après leur décès.

Après la Corée du Nord, la Syrie, le Congo Kinshasa, le Togo, il appert que l’Égypte, ce grand pays dépositaire d’une civilisation prestigieuse plusieurs fois millénaires, caresse de plus en plus le projet de rejoindre le club très fermé des républiques dynastiques. Il faut dire que le régime baâthiste syrien – qui n’est ni géographiquement ni culturellement loin - y est probablement pour quelque chose.

En effet, la Syrie a été le premier à donner le la en instituant ce nouveau système politique ô combien inédit ! Au grand dam de tous les démocrates du Moyen-Orient et même d’ailleurs. Saddam aussi allait probablement suivre, mais l’intervention anglo-américaine à mis un coup d’arrêt brutal à son rêve. Le très fantasque et non moins excentrique Kaddafi n’est pas en reste. Il n’a pas non plus résisté, semble-t-il, à cette nouvelle mode. À bien suivre l’actualité libyenne, tout indique qu’il est en train, lui aussi, de préparer progressivement l’un de ses rejetons à la fonction suprême. Tout un programme prometteur !

Qu’on se le dise en toute franchise, hormis un ou deux pays dans le monde, cette bizarrerie politique a fini par devenir l’apanage des régimes autoritaires arabes anciennement progressistes. Ce qui constitue un véritable pied de nez à l’Histoire lorsqu’on sait qu’ils sont arrivés (en Égypte et en Libye plus particulièrement) au pouvoir à la faveur de coups d’État contre leurs propres monarchies, jugées à ce moment-là rétrogrades, réactionnaires et, comble des infamies, inféodées à l’Occident "impérialiste ".

Pire, pendant des décennies, ils ne se sont pas embarrassés, vu les moyens financiers importants en leur possession, de chercher des poux aux autres monarchies voisines. Ils sont même allés très loin, trop loin en n’hésitant pas à comploter contre elles. Afin de les chasser du pouvoir, ils ont financé et même hébergé, dans certains cas, toutes sortes de mouvements pseudo-révolutionnaires d’obédience stalinienne. Mais en vain. Car ces monarchies sont toujours là et se sont même avérées, au fil du temps, plus stables, moins chaotiques et pour certaines économiquement viables, si ce n’est carrément très prospères.

Exemple syrien

Si paradoxal que celui puisse être, lors de l’accession tragicomique de Bachar au pouvoir en Syrie, le président égyptien Moubarak – appelé ironiquement par ses multiples contempteurs le Pharaon d’Égypte- a été peu amène avec ses confrères arabes qui penseraient céder le pouvoir à leurs enfants. Mais depuis, elle a viré sa cuti, radicalement. Et c’est le moins qu’on puisse dire. Car le vieux raïs a fini par trouver du bon à cette invention typiquement tiers-mondiste, promise à un beau succès au Proche et au Moyen-Orient.

Même si dans certains milieux politico-intellectuels égyptiens, c’est plutôt la Première Dame, Suzanne Moubarak, que l’on croit très influente et même très puissante, qui est la principale instigatrice d’un tel projet politique pour le moins loufoque. Tellement qu’il choque plus d’un. Aux premiers desquels, les premiers concernés, les Égyptiens eux-mêmes.

Après une présidence qui va être probablement à vie, vu son âge très avancé-78 ans- et sa santé pour le moins vacillante, Housni Moubarak, même s’il n’a de cesse de le nier, nourrit le secret dessein – certes non encore assumé publiquement- de voir son cadet Gamal lui succéder. D’autant que le vide crée et savamment entretenu autour de lui, pendant des années de son règne, arrange bien ses calculs- il n’a pas de vice-président par exemple. En fait, aucune autre alternative n’est possible. L’on se trouve donc devant une seule et unique solution : celle de la succession du fiston ou le chaos – ou le déluge. Il faut dire qu’il y a des signes avant-coureurs qui ne trompent pas. Ce qui donne libre cours à toutes sortes de spéculations de plus en plus fondées.

En effet, depuis 2000, après la mise à l’écart de son grand frère, Alaa, impliqué dans une série de scandales de corruption qui ont défrayé la chronique, Gamal est propulsé subitement au devant de la scène. En prenant bien sûr le soin de ne pas refaire le scénario à la syrienne, qui a fait rire le monde entier tellement que c’était ridiculissime. À titre de rappel, Bachar, inconnu jusqu’alors y compris de ses propres compatriotes, s’est vu installer au pouvoir, au pied levé, peut-être même contre son gré. Car il n’a jamais été question qu’il succède à son paternel. C’était plutôt son aîné mort tragiquement et brutalement dans un accident de circulation que l’on préparait, depuis belle lurette, à la fonction suprême.

En sus, l’Égypte n’est pas la Syrie. Il faut donc absolument un semblant de légitimité à celui que l’on veut introniser. Il est donc impérieux de s’atteler à élaborer une stratégie implacable, qui ne souffre d’aucune faille. Pour que tout se passe dans les meilleures conditions possibles. Ce que l’on n’a pas tardé à faire et même à la mettre en branle, tambour battant. En dépit d’une suite de dénégations officielles -qui ne convainquent personne du reste-, on ne peut que constater que Gamal prend de plus en plus ses marques, sous l’œil bienveillant et affectueux du président, plus que jamais en patriarche attendant, l’esprit tranquille, la fin de ses jours.

Pour peaufiner sa stature d’homme d’État, on use et on abuse de tous les procédés politico-médiatiques. Ainsi, du jour au lendemain, Gamal est devenu, comme par enchantement, plus que présent sur tous les fronts et surtout dans le parti de son géniteur, le Parti national démocratique (PND). En un de temps record et d’une manière fulgurante, - en poussant ses pions dans toutes les directions et en écrasant au passage et sans ménagement tous les caciques du régime qui lui sont opposés- l’héritier putatif y a gravi tous les échelons pour en devenir un véritable ponte. Et pas n’importe lequel ! Il préside aux destinées de son puissant comité politique. Celui-là même qui décide du cours à donner aux orientations politico-économiques futures du parti et même du gouvernement. C’est vous dire…

Qui plus est, on le voit de plus en plus mordre sur les plates-bandes du président, ce qui ne serait certainement possible sans le feu vert de celui-ci. Désormais, il peut évoquer librement des sujets extrêmement sensibles, qui jusqu’à récemment sont du ressort unique et exclusif du chef de l’État. Ses propos dernièrement sur la nécessité pour l’Égypte de se doter d’une véritable technologie nucléaire, pour être, selon lui, moins dépendante de l’électricité hydraulique, n’ont pas passé inaperçus ; ses interventions sur la question palestinienne non plus ; de même que ses critiques acerbes du projet américain du Grand Moyen-Orient...

Lors du dernier congrès du PND, les allusions à la future intronisation de l’héritier présomptif ont fusé de toutes parts. Ce qui est tout à fait normal lorsqu’on sait le manque flagrant de toute démocratie au sein de ce parti. Il faut juste enregistrer les volontés de son président et on se tait. Telle est sa mission. Il est donc normal que l’on prépare de plus en plus l’opinion publique à une éventuelle le fils au " trône " à moins que ce soit juste des ballons d’essai. Et ce n’était pas Houssam Badraoui, l’un des membres influents du PND, qui le démentirait. " Il est de notre droit de choisir l’homme le plus à même de diriger notre parti, a-t-il affirmé en parlant de Gamal. Et à lui seul de refuser ou d’accepter. À mon sens, il ne s’agit en aucun cas d’une succession. "

Résignation

Dans une déclaration à la presse, Mohamed Habib, le bras droit du guide général de la puissante association des frères musulmans, considérée à juste titre comme l’opposition la plus structurée et la plus organisée au régime de Housni Moubarak, a affirmé que les préparatifs que le fils prenne la relève du père sont très avancés. " Aucune force, a-t-il expliqué, un peu désabusé et carrément fataliste, ne peut arrêter ce processus à moins qu’il y ait un très grand mouvement populaire. Et rien ne nous garantit qu’il y en aura un à l’avenir. "

Si du côté des puissants frères musulmans, on a adopté le profil bas, ce n’est pas le cas pour le mouvement " Kifaya " ( ça suffit en arabe), qui n’a de cesse depuis 2004 de protester et même d’organiser des manifestations un peu partout sur le territoire national. Contestataire jusqu’au bout des ongles et rassemblant des hommes et des femmes de toutes les tendances politiques présentes dans le pays des Pharaons (les Islamistes, les communistes, les socialistes révolutionnaires, les nassériens...), il a formulé plusieurs revendications que l’on peut résumer en deux points -même s’il a mis, comme on peut le constater, la barre trop haut : le départ de Housni Moubarak du pouvoir et la réalisation de réformes en profondeur pour sortir, enfin, la société égyptienne de son sous-développement chronique.

Malgré quelques coups d’éclat qui lui ont fait gagner la sympathie de la presse internationale, " Kifaya " peine à rassembler au-delà des personnes qui lui sont déjà acquises. Souvent des intellectuels, des journalistes, des avocats... Alors que l’écrasante majorité du peuple est totalement indifférente. Pour beaucoup cette situation est due au règne de Housni Moubarak, marqué par l’état d’urgence auquel il ne veut jamais mettre un terme. Ce qui a pour incidence directe la dépolitisation totale des Égyptiens. Un phénomène que l’on peut facilement constater pas uniquement en Égypte, mais dans tous les pays arabes. Il faut dire qu’une telle situation arrange bien leurs régimes connus pour leurs mœurs antidémocratiques.

De plus, la conjoncture socio-économique est tellement difficile que les citoyens ne pensent plus qu’à joindre les deux bouts et à manger à leur faim. C’est connu, lorsqu’on a le ventre creux, on ne s’intéresse plus à rien. " D’où un désengagement général des Égyptiens et leur attitude passive et fataliste ", a expliqué au journal le Monde, Rifâat Al-Said, le chef de l’un des partis de l’opposition.

Quoi que fassent les opposants au régime de Housni Moubarak, il est bien évident qu’ils ne pèsent pas vraiment lourds devant sa puissance. Le spectre, pire le cauchemar, de voir le fils accéder à la fonction suprême se concrétisera à coup sûr. À moins d’un événement inattendu qui vient chambouler le tout. En attendant, la démocratie, la vraie, sera jetée encore une fois aux calendes grecques. Pour le grand désespoir de tous les démocrates égyptiens, qui souhaitent un tout autre destin à leur pays.

Seul ombre au tableau, la position de l’armée. Est-elle d’accord ou non ? Pour le New York Times, la question est loin d’être tranchée. Car contrairement à son père, Gamal n’a jamais fait partie de la Grande Muette. Et si jamais, il accède au pouvoir, ce serait une première. Et pour cause. Depuis 1952, tous les présidents qui se sont succédé au pouvoir en Égypte viennent justement de l’institution militaire. Wait and see !

Adoubement de l’Oncle Sam
À la fin de mai 2006, lors d’une visite officiellement " privée " à Washington, Gamal a eu plusieurs entretiens avec plusieurs personnalités importantes dans l’administration américaine. Au premier desquelles le président Georges Bush, le vice-président Dick Cheney et le conseiller pour la sécurité nationale Steve Hadely. Est-elle pour tâter le pouls des officiels américains ? Est-elle un pas de plus dans la confirmation de la succession de son père ?

Toujours est-il que l’on a accueilli avec la dignité qui sied à son rang. Reste que l’impression des Américains a été largement exprimée, d’une manière on ne peut plus claire, par Robert Zulick, l’ex-secrétaire d’État adjoint auprès de Condoleeza Rice. Jugeons-en ! " C’est une personnalité exceptionnelle, a-t-il dit devant un parterre de journalistes, qui est à la tête d’un courant réformateur et qui participe activement au processus des réformes en Égypte, contrairement aux autres membres traditionnels du parti national démocratique ".

En d’autres termes, on ne pense que du bien de Gamal. Certains n’ont pas hésité à interpréter ses propos sibyllins comme une bénédiction à peine voilée. Il faut dire que l’échec en Irak a fini par échauder les Américains qui ne peuvent pas se permettre de déstabiliser l’Égypte avec leurs histoires de démocratisation. Un pays qui est l’un de leurs alliés le plus sûr, le plus stratégique et qui reçoit le plus d’aide de leur part au Proche-Orient, après bien évidemment Israël. Tant que le dauphin protégera leurs intérêts, il est fort probable qu’ils s’en accommoderont très bien. L’on assistera alors au retour au pragmatisme politique qui a toujours caractérisé la politique étrangère américaine envers les pays arabes. Après la parenthèse malheureuse de démocratisation à la hussarde en Irak de Bush et de son équipe de faucons et autres colombes, on revient donc à plus de réalisme. C’est du moins ce qu’on peut en conclure.

Mais il y a hic. Une Égypte monarchique risque de faire boule de neige. Les autres pays arabes, qui n’attendent que cela, vont tous suivre vu la place importante de ce pays, considéré dans l’imaginaire arabe, à tort ou à raison, comme un modèle à suivre. Ainsi, la liberté, l’alternance politique, la bonne gouvernance et la démocratie au Proche et au Moyen-Orient continueront à faire antichambre. Peut-être pour toujours pour le grand bonheur de tous les extrrémismes, qui trouveront là un terreau fertile pour prospérer encore et encore.